The Adventures of Amina al-Sirafi, tome 1, de Shannon Chakraborty (2023)

The Adventures of Amina al-Sirafi (couverture)La légendaire pirate Amina al-Sirafi a disparu depuis dix ans. Dix ans de retirement avec sa fille, loin des dangers, des aventures et du surnaturel. Une décennie de calme relatif qui s’achève brusquement quand une femme vient lui demander de retrouver sa petite-fille kidnappée par un Chrétien venu d’Europe, avec des arguments sentimentaux et financiers qu’Amina ne peut refuser. Mais sa quête la mènera plus loin qu’un simple enlèvement.

Avec ce roman, j’ai aimé…

… lire en anglais. Je ne le fais pas assez souvent finalement alors que je me régale. Même si 500 pages est, je pense, la longueur maximale (parce que ça me demande vraiment beaucoup de temps), le vocabulaire était dans mes cordes (une fois à jour sur certains termes liés aux bateaux, seuls les termes arabes ont nécessité une recherche systématique) et je ne me suis pas lassée. L’écriture est très fluide, essentiellement tournée vers les personnages, mais offre également quelques descriptions très visuelles (comme celle de la cité d’Aden par exemple).

… la rencontre avec Amina. Voguer aux côtés d’une femme, qui est capitaine pirate et exploratrice, mère, amante, musulmane, quadragénaire, croyante mais « a sinner very much relying on the “Most Merciful” aspect of [her] Lord », rêvant d’horizons lointains. Elle est complexe, imparfaite, parfois partagée entre ces différentes facettes, mais, bien que chérissant sa fille, la maternité ne prend pas le dessus sur son identité et ses rêves. Et elle change des personnages que j’ai majoritairement croisés jusque-là…
Avec ses côtés, on part à la recherche de ses anciens camarades, sa famille de cœur, aux caractères aussi variés que sympathiques, ainsi que d’une figure du passé qu’Amina aurait aimé oublier.Un ressort classique, mais qui fonctionne bien, d’autant que j’étais très curieuse de ce personnage et de ce qu’il avait à offrir.

… l’univers qui nous entraîne dans l’Océan Indien, sur les côtes du Yémen et de la Somalie. L’une des nombreuses régions du monde dont je connais peu l’Histoire et qui est ici présentée dans une version alternative, teintée de fantastique. Un monde dans lequel les djinns, les esprits, les monstres immémoriaux et les légendes n’ont pas été chassés par la rationalité. Un univers fantastique dans lequel un peu de diversité peut être injectée.

… l’intrigue et la narration efficace. En sortant de sa retraite, Amina réveille le passé qui se dévoile peu à peu. Il y a un bon mélange d’aventures et de moments plus posés, l’immersion est facile et offre un excellent moment de divertissement. Ce tome peut se suffire à lui-même (avec une fin un peu ouverte certes), mais je n’exclue pas de lire la suite.

Finalement, un reproche global : j’aurais apprécié que le roman soit plus sombre, plus mature peut-être, plus à l’image d’un personnage comme Amina. Qu’il y ait plus de retournements de situations, de personnages troubles, que ces derniers ne soient pas aussi facilement attachants ou détestables en fonction de leur position dans l’histoire. Que le côté pirates – sans en faire nécessairement des personnages assoiffés de sang – soit davantage présent (peut-être que, quoi que dise l’histoire, quels que soient les mots utilisés par Amina, la soif d’exploration ressort davantage que la piraterie). Que l’histoire d’Asif – si longtemps évoquée à demi-mots – ne soit pas balayée aussi rapidement. Que la fin ne dégage pas un léger sentiment de facilité et de « finalement, il n’y avait pas vraiment de quoi s’en faire »…

Un récit dynamique et très plaisant à découvrir auquel manquait sans doute une touche d’ambivalence et de complexité.

« For this scribe has read a great many of these accounts and taken away another lesson: that to be a woman is to have your story misremembered. Discarded. Twisted. »

« But on the occasions that I did capture ships, met me tell you : I could judge the wealth of a passenger by their outrage. By their fury. Men and women who were more offended at the audacity of a poor local demanding a cut of the riches they built on our sea than by the possibility of losing their lives. How dare we? Did we not know that our place was to shut up and stay silent? To beg at the masjid if decades of ferrying them from place to place, diving for their pearls, and making their goods left us crippled. To hush our starving children when they travel past our reed huts draped in jewels and silks. To bite our tongues when the traveling scholars who owe their lives to our boats toss the food we’ve prepared them in the sea because they deem it unclean.
For the greatest crime of the poor in the eyes of the wealthy has always been to strike back. To fail to suffer in silence and instead disrupt their lives and their fantasies of a compassionate society that coincidentally set them on top. To say no. »

« “Part of you must be overjoyed to be a nakhuda again.”
Yes. However, it wasn’t until Nasteho said it that I really let myself accept that truth – guilt had kept me fram making the same connection. For how coult I enjoy being on the Marawati if it kept me from Marjana? Especially on a mission so dangerous? »

The Adventures of Amina al-Sirafi, Shannon Chakraborty. HarperVoyager, 2023. En anglais. 483 pages.

The Wonderful Wizard of Oz, de L. Frank Baum, illustré par MinaLima (1900)

Un an après The Jungle Book, j’ai plongé avec plaisir dans un nouveau classique illustré par le duo MinaLima : de là à en faire un nouveau rendez-vous annuel, il n’y a qu’un pas…
En attendant, cette lecture s’inscrit dans le RDV des fantastiques classiques qui conviait à plonger, en ce mois de rentrée des classes, dans la littérature jeunesse.

2023 09 Jeunesse

The Wonderful Wizard of Oz 1The Wonderful Wizard of Oz, ou Le magicien d’Oz, est un livre – et un film – dont je ne savais pas grand-chose : Dorothy transportée du Kansas à un pays merveilleux par une tornade, un épouvantail, un homme en fer-blanc, un lion peureux et une méchante sorcière quelque part.

Dès le début, j’ai été étonnée de trouver un anglais parfaitement compréhensible, simple, et non daté comme ça avait été légèrement le cas avec le texte de Kipling. Les mots coulaient avec fluidité, augmentant l’immersion dans l’univers d’Oz.

En dépit de la naïveté de la tonalité du récit et de l’aspect survolé des événements (ce qui est souvent le cas dans les contes et ne m’a donc pas dérangée), j’ai découvert cette histoire avec plaisir. C’est un voyage coloré dans un pays empli de magie qui contraste avec le Kansas grisâtre que Dorothy se languit pourtant de retrouver.

À travers les personnages de l’épouvantail qui veut un cerveau, du bûcheron de fer-blanc qui veut un cœur et du lion qui veut du courage, l’auteur parle de la confiance en soi qui est finalement la seule chose dont manquent les personnages, insécurité infondée qui sera corrigée par des subterfuges « effet placebo » qui rassureront les héros. Cela donne lieu à des discours un peu exagérés sans doute pour que le jeune public-cible du récit s’aperçoive que les personnages sont déjà parfaitement dotés en réflexions, en empathie ou en bravoure, mais le tout est néanmoins touchant et l’on se prend de sympathie pour ces protagonistes – finalement très humains – en proie au doute. À côté d’eux, Dorothy est plus invisible, plus fade et peut-être moins actrice dans le déroulement de l’histoire.
D’ailleurs, pour un roman censuré pour avoir eu l’effronterie de placer des femmes à des postes de pouvoir, j’aurais apprécié que les sorcières soient mises davantage en avant car leurs pouvoirs s’avèrent finalement très secondaires.

Encore une fois, les illustrations de MinaLima, immersives et colorées, sont un véritable atout. Tout en aérant le récit, elles donnent envie de tourner les pages pour découvrir quelles seront la prochaine scène illustrée ou la prochaine animation.

Une édition sublime pour un très joli texte, un concentré d’aventures et de magie qui appelle à la confiance en soi et en les autres, à l’amitié et à l’entraide.
Je prolongerai le voyage prochainement avec Wicked : la véritable histoire de la méchante sorcière de l’ouest de Gregory Maguire.

« The Scarecrow listened carefully, and said, ‘I cannot understand why you should wish to leave this beautiful country and go back to the dry, gray place you call Kansas.’
‘That is because you have no brains,’ answered the girl. ‘No matter how dreary and gray our homes are, we people of flesh and blood would rather live there than in any other country, be it ever so beautiful. There is no place like home.’
The Scarecrow sighed.
‘Of course I cannot understand it,’ he said. ‘If your heads were stuffed with straw, like mine, you would probably all live in the beautiful places, and then Kansas would have no people at all. It is fortunate for Kansas that you have brains. »

« ‘All the same,’ said the Scarecrow, ‘I shall ask for brains instead of a heart ; for a fool would not know what to do with a heart if he had one.’
‘I shall take the heart,’ returned the Tin Woodman, ‘for brains do not make one happy, and happiness is the best thing in the world.’ »

The Wonderful Wizard of Oz, Lyman Frank Baum, illustré par MinaLima. Harper Design, 2021 (1900 pour l’édition orginale). En anglais. 244 pages.

Stardust, de Neil Gaiman (1999)

Stardust (couverture)Neil Gaiman, dont j’ai à de multiples reprises salué le talent de conteur,  nous propose ici un véritable conte avec une promesse donnée à l’être aimé, une étoile tombée du ciel à récupérer, des princes héritiers sans scrupules, une sorcière à la jeunesse illusoire et un monde parallèle empli de créatures magiques et de bois menaçants.

Cette quête initiée par amour (par ce qu’un jeune cœur croit être l’amour) est donc marquée par la magie et l’étrangeté et nous transporte dans le monde merveilleux de Féérie. L’occasion de renouer avec la poésie de l’auteur et des ambiances envoûtantes (du marché magique organisé tous les neuf ans au bois malveillant en passant par le bateau volant). Mais comme tout conte qui se respecte (d’autant plus écrit par Neil Gaiman), l’histoire est parfois sombre, à base des meurtres, d’un trio de sorcières terrifiantes et de projets malveillants. Une atmosphère menaçante qui ne pouvait que me plaire, d’autant que celle-ci est judicieusement équilibrée de touches d’humour, ironie et petites piques plutôt réjouissantes. C’était donc un plaisir de découvrir la plume de Gaiman en anglais, un anglais travaillé et soutenu, qui a su faire naître de belles images dans mon esprit.

Si la plume est ce qui m’a le plus séduite, j’ai apprécié cette intrigue rondement menée qui donne envie d’enchaîner les chapitres. Les personnages sont quant à eux assez simples et, à l’image des personnages de contes, souvent marqués par un trait de caractère principal, mais plaisants à suivre. Même s’il ne faut pas s’attendre à une psychologie aux mille nuances, ils ne sont jamais fades pour autant. Et puis, entre des personnalités surprenantes et des métamorphoses, il ne faut pas se fier aux apparences dans cette histoire… Aurais-je aimé une plus grande présence des antagonistes ? Peut-être, mais leurs apparitions mesurées étaient peut-être ce qui leur conféraient le plus d’attrait, de mystère et de potentiel inquiétant.

Certes, ce n’est pas le meilleur roman de Neil Gaiman, pas le plus original, mais c’était néanmoins une lecture très plaisante. En outre, le fait de retrouver des choses déjà vues a sans doute aidé à l’immersion et à ne pas être freinée par ma lecture en anglais (l’une des raisons pour laquelle j’ai mis tant de temps à le lire tenant sans doute dans la crainte de rater des éléments importants et propres à un univers de fantasy nouveau).

Ainsi, j’ai beaucoup aimé ce voyage dans les terres de Féérie. C’est un petit roman qui n’a pas la richesse de Sandman ou American Gods, mais c’est finalement un bien joli conte.

« A question like ‘How big is Faerie ?’ does not admit of a simple answer. »

« How Many Miles to Babylon’, recited Tristran, to himself, as they walked through the grey wood.
‘Three score miles and ten.

Can I get there by candlelight?
There, and back again.
Yes, if your feet are nimble and light,
You can get there by candlelight.’ »

« ‘Still doesn’t explain… there isn’t anythin’ unusual in your family, is there?’
‘My sister, Louisa, can wiggle her ears.’ »

Stardust, Neil Gaiman. Headline Publishing Group, 2013 (1999 pour l’édition originale). En anglais. 196 pages.

The Jungle Book, de Rudyard Kipling, illustré par MinaLima (1894)

The Jungle Book (couverture)Pour commencer, je reconnais ma surprise en découvrant que The Jungle Book est en réalité un recueil de nouvelles et plus encore que trois seulement mettaient en scène Mowgli, Bagheera, Baloo et compagnie ! Parmi les sept autres, trois se déroulent également en Inde, mais au milieu, une nouvelle dénote particulièrement en racontant les aventures d’un phoque blanc à travers les océans.

J’appréhendais cette lecture en anglais (qui dormait dans la PAL depuis 2018) par crainte d’une langue désuète et trop compliquée à comprendre (car je suis évidemment plus familière de l’anglais actuel que de celui de la fin du XIXe siècle).
Cette appréhension s’est finalement révélée inutile car ma lecture a été très fluide. J’ai simplement découvert l’utilisation d’un tutoiement archaïque avec la panoplie « thou – thee – thy – thine » et de leur étrange conjugaison (« art – dost – wilt – didst – mayest – etc. »), mais on s’y habitue très vite. La nouvelle m’ayant posé le plus de difficulté était « The White Seal » du fait du vocabulaire marin (notamment avec toutes les espèces de poissons et d’oiseaux) assez spécifique. Cependant, ça restait globalement très compréhensible au-delà de quelques recherches de vocabulaire par curiosité.

J’ai pris plaisir à découvrir les personnages originaux du Livre de la jungle – tout en regrettant de ne pas les côtoyer plus longtemps –, d’autant que ceux-ci m’ont réservée quelques surprises par rapport à l’adaptation de Disney, à commencer par un Baloo plus sage et sérieux et le manque de prestige de Shere Khan – moqué, conspué, obligé de se livrer à des manigances pour retourner certains loups contre Mowgli (eh non, ce n’est pas une jolie fille qui détourne Mowgli des siens !). J’ai particulièrement aimé la nouvelle mettant en scène Kaa et le Bandar-log (le peuple des singes) : Kaa – bien plus amical que dans le dessin animé – apparaît avec une vraie prestance, une influence réellement hypnotisante, l’un des personnages majeurs de cette jungle sans côté rigolo, alors que les singes font presque de la peine dans leur désir d’être remarqués par les autres habitants de la jungle qui les méprisent et les rejettent. Mais, loin de l’image des singes éclairés, ceux de Kipling sont les trublions inquiétants et imprévisibles de la jungle, sans mémoire, sans but, sans parole.

Dans toutes les histoires d’animaux anthropomorphes, la violence est bien présente, les lois de la jungle ou les règles de la plage sont parfois impitoyables, et la vie et la mort et le sang s’entremêlent. Entre Shere Khan et Mowgli, « aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit » ; pour se faire entendre de ses pairs, Kotick, le phoque blanc, doit faire couler le sang pour prouver sa valeur ; entre Rikki-Tikki la mangouste et Nag et Nagaina les cobras, il ne peut y avoir de trêve. Et puis, il y a l’asservissement et les massacres perpétrés par les hommes…

Les deux dernières histoires mettent en scène des animaux domestiqués par les humains qui parfois trouvent une échappatoire pour une nuit : des éléphants qui vont danser sous la lune et des animaux utilisés dans les guerres des hommes (cheval, mule, buffles, éléphant, chameau) qui discutent de leur manière de combattre et de leurs peurs. Seule une jeune mule, pas encore habituée aux ordres à accomplir sans réfléchir (valables pour les animaux comme pour les hommes…), posera la seule question sensée : « “What I want to now”, said the young mule, who had been quiet for a long time– “what I want to know is, why we have to fight at all.” »

Le travail de MinaLima offre une superbe édition, avec des illustrations colorées et des éléments interactifs. Le tout embellit l’ouvrage et sert le texte sans prendre le dessus avec des éléments ludiques. (Désolée, pas de photo car mon exemplaire dort dans un carton !)
S’ils voulaient illustrer Le Second Livre de la Jungle – dont certaines nouvelles mettent à nouveau en scène Mowgli et compagnie –, je compléterai avec plaisir la collection ! En attendant, ma PAL a d’ores et déjà accueilli The Wonderful Wizard of Oz, également illustré par le duo aux doigts d’or.

Si j’ai eu une préférence pour les nouvelles autour de Mowgli (peut-être parce que c’est ce que j’attendais de ce livre et que les autres ont été une découverte inattendue), ces histoires d’apprentissage, bien plus cruelles que la version de Disney (sans surprise), se sont révélées très sympathiques et prenantes, entremêlant aventures et petites réflexions. J’ai apprécié leur conclusion sur la chanson d’un ou plusieurs personnages qui apporte une touche poétique à chaque nouvelle.
L’édition illustrée par MinaLima est un très bel objet-livre et un écrin de choix pour les découvrir !

Un dernier mot pour remercier Mathilde du blog Critiques d’une lectrice assidue qui m’a donné, sans le vouloir, l’impulsion qui me manquait à travers un échange sur la lecture en VO !

« The tiger’s roar filled the cave with thunder. Mother Wolf shook herself clear of the cubs and sprang forward, her eyes, like two green moons in the darkness, facing the blazing eyes of Shere Khan.
“And it is I, Raksha [the Demon], who answer. The man’s cub is mine, Lungri – mine to me! He shall not be killed. He shall live to run with the Pack and to hunt with the Pack; and in the end, look you, hunter of little naked cubs – frog-eater – fish-killer, he shall hunt thee! Now get hence, or by the Sambhur that I killed (I eat no starved cattle), back thou goest to thy mother, burned beast of the jungle, lamer than ever thou camest into the world! Go!” »

« One of the beauties of Jungle Law is that punishment settles all scores. There is no nagging afterward. »

« Waters of the Waingunga, the Man Pack have cast me out. I did them no harm, but they were afraid of me. Why?
Wolf Pack, ye have cast me out tout. The jungle is shut to me and the village gates are shut. Why?
As Mang [the Bat] flies between the beasts and the birds so fly I between the village and the jungle. Why? »

(Mowgli’s Song)

The Jungle Book, Rudyard Kipling, illustré par MinaLima. Harper Design, 2016 (1894 pour l’édition originale). En anglais. 251 pages.

Challenge Les 4 éléments – L’air : 
un animal disparu ou menacé de disparition (dodo, tigre, baleine, ours polaire…)

Apple and Rain, de Sarah Crossan (2014)

Apple and Rain (couverture)Pourquoi – pourquoi ? – ce livre a-t-il dormi dans ma PAL depuis deux ans et demi – comme me le rappelle impitoyablement le ticket de caisse de Waterstones glissé à l’intérieur – alors que mon amour pour l’œuvre de Sarah Crossan n’est plus à prouver ? Cette question, que je me pose pour plus de la moitié des livres de ladite PAL, n’aura jamais de réponse précise.

Apple and Rain, c’est l’histoire d’Apple (et de Rain, vous y croyez ?). Apple qui n’attend qu’une chose : le retour de sa mère partie onze ans plus tôt. Apple qui voit l’incroyable se produire. Apple qui rêve à un futur radieux, qui quitte une grand-mère trop stricte pour emménager chez cette belle et cool et unique maman. Apple qui déchante. Apple qui apprend. Apple qui écrit des poèmes grâce au meilleur des professeurs d’anglais.
(Et Rain, et Rain ?, me demanderez-vous. Rain, je vous laisse la découvrir par vous-même. (Et c’est là que je réalise que ça ne va pas être simple d’écrire une chronique sans en parler, mais je vais y arriver).

Avec ce livre, j’ai renoué avec deux plaisirs. Celui de relire un livre en anglais et celui de retrouver la plume de Sarah Crossan.

Pour le premier point, j’ai été ravie de constater la fluidité de ma lecture. J’ai cherché quelques mots, mais c’était rarement car ils bloquaient ma compréhension de l’histoire, plutôt parce qu’ils m’interpellaient, m’amusaient ou autre et que je voulais une traduction exacte. Entre Stranger Things regardée en VOSTFR, les Orphelins Baudelaire reregardée en VOST anglais, la suite du premier tome d’Harry Potter lu par des personnalités anglophones et ce livre, j’ai commencé à penser davantage en anglais qu’en français, ce qui est assez perturbant quand même. (Je raconte ma vie, mais je suis chez moi quand même…). Bref, c’était chouette.

Pour le second, il y a une petite différence avec mes précédentes lectures de cette autrice, c’est qu’il s’agit d’un livre en prose « classique ». Pas de vers libres ici. Pourtant, c’était aussi beau que ses autres romans. De plus, la poésie dispose malgré tout d’une place de choix.
Pendant qu’Apple se bat avec la vie, la poésie est au programme des cours d’anglais. Les poèmes suivent en filigrane le parcours d’Apple et les états d’esprit qui l’animent. Pour chaque « grande thématique », les élèves devront écrire un texte sur eux-mêmes, sur ce qui les effrayent, ce qu’ils aiment, etc., et Apple se découvrira un talent tout particulière et une harmonie avec les poètes·ses étudié·es.
(Rectification : je disais que je n’avais pas eu de problèmes pour ma lecture, mais il y a une toute petite exception : le chapitre sur les « nonsense poems » avec le Jabberwocky de Lewis Carroll – pour lequel on peut trouver des traductions sur internet – et un texte s’en inspirant écrit par Apple et Rain – pour lequel on ne peut pas trouver de traductions sur internet. Je confesse, j’ai essayé de comprendre et j’ai laissé tomber. Mon anglais n’est clairement pas au niveau de ce genre de jeux de langue.)

Que puis-je ajouter d’autre que je n’ai pas déjà dit dans mes autres chroniques ? Ce livre enfonce simplement le clou et confirme ce que je savais déjà : Sarah Crossan a vraiment ce talent sidérant pour écrire de belles histoires. Pas dans le sens cucul du terme. Simplement, ce sont des histoires tellement…. vibrantes.

J’ai adoré le goût doux-amer de ce roman qui raconte la déception, l’amertume, l’inquiétude. Qui raconte le désenchantement vis-à-vis d’une mère idéalisée ou d’une amie. Une histoire qui raconte comment les choses que l’on pouvait croire immortelles finissent.
Contrebalançant cette tristesse un peu aigre, il y a l’espoir. De rencontrer des personnes spéciales, uniques. De sortir grandie des épreuves, peut-être dotée d’une meilleure connaissance de soi et de ses talents. D’avoir gagné plus que ce qu’on a perdu. D’un futur plus apaisé.

Et puis, il y a ces personnages. Apple, Rain, Del… je n’avais pas envie de les quitter. Livre après livre, Sarah Crossan apparaît comme indubitablement douée pour peindre des duos (sœurs/frères/ami·es…) particulièrement lumineux et enthousiasmants. Je me fais avoir à chaque fois : immanquablement, je tombe sous le charme.
Si Rain est attendrissante (un chouïa inquiétante aussi parfois) et Del le genre de personnage que l’on ne peut qu’aimer spontanément, Apple est plus complexe, plus imparfaite. Ses décisions semblent parfois étranges ou hâtives, mais cela n’apparaît pas pour autant comme aberrant : elle a treize ans, elle est perdue, elle se trompe parfois, c’est inévitable. Ça ne fait que contribuer au réalisme du personnage.

Encore une fois, Sarah Crossan signe un magnifique bouquin, avec une histoire parfois solaire, parfois acide, qui donne envie de vivre encore un petit peu plus longtemps aux côtés d’Apple and Rain.

« And then I look at the flat paper bag and at Del and Rain picking their sweets. And I go from feeling happy to feeling like my heart is a stick of rock. Before now I didn’t even know I needed cheering up. I thought I was OK. I thought I was perfectly fine and that Rain was the one with the problem.
I load up my bag with cola bottles and realise Del was right – I’m a big sweet-and-sour fan.  »

Apple and Rain, Sarah Crossan. Bloomsbury, 2015 (2014 pour la première édition). En anglais. 328 pages.

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