La thématique du mois de septembre des classiques fantastiques était « Friendship Never Dies ». Quoique malheureusement pas tout à fait d’accord avec cette affirmation, j’étais enthousiaste à l’idée de participer à nouveau après mon absence du mois passé. Je vous propose donc deux livres pour le prix d’un (que l’on aurait aussi bien pu mettre dans une thématique autour de l’enfance).
***
Le Petit Nicolas et les copains, de René Goscinny, illustré par Jean-Jacques Sempé (1963)
J’ai bien dû lire Le Petit Nicolas quand j’étais enfant, mais je dois bien avouer que je n’en ai pas de souvenir (pas surprenant, mes lectures de l’année dernière sont déjà floues), j’ai donc eu cette idée de piocher pour une fois parmi les classiques de la littérature jeunesse (non pas que j’ai eu beaucoup de mérite, étant donné l’actualité, si je puis dire, autour de Sempé).
Et je dois dire que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce recueil de nouvelles, ensemble de seize courtes histoires mettant en scène la célèbre bande de copains. Les rigolades, les bêtises, mais aussi les bagarres et les jalousies… vite effacées, vite oubliées, elles ne brisent pas les liens qui unissent Nicolas, Eudes, Alceste, Clotaire et compagnie (des prénoms toujours dans ma mémoire étonnamment).
Certes, les portraits sont simples : Alceste mange absolument tout le temps, Eudes est fort, Geoffroy est riche, Agnan est le chouchou, etc. Ce n’est pas pour la profondeur psychologique qu’on lit ces histoires, néanmoins très sympathiques. Des histoires d’insouciantes, des tranches de vie capturées en quelques mots bien choisis et le trait fin de Sempé et une chute humoristique qui conclut à merveille chaque historiette.
Comme dans tout recueil, certaines nouvelles sont plus marquantes que d’autres, plus réussies, plus efficaces. Plus riches en niveau de lecture aussi. Pour ma part, je retiendrai surtout « Le chouette bol d’air » et sa critique acide en filigrane avec ce père de famille qui conclut l’histoire en disant au père du Petit Nicolas : « – Pourquoi n’achètes-tu pas une maison de campagne, comme moi ? a dit M. Bongrain. Bien sûr, personnellement, j’aurais pu m’en passer ; mais il ne faut pas être égoïste, mon vieux ! Pour la femme et le gosse, tu ne peux pas savoir le bien que ça leur fait, cette détente et ce bol d’air, tous les dimanches ! ». Sachant que le gosse a passé son temps à être puni pour oser grimper dans l’arbre et marcher sur la pelouse et que la femme a passé sa journée à faire la cuisine (en se battant avec la cuisinière) et le ménage… La belle vie de famille en somme !
Certes, le côté répétitif de la structure narrative pourrait induire une certaine lassitude, mais c’est si vite lu que cela n’a pas eu le temps de se produire avec moi. (Sinon, il suffit de poser le livre et de faire une petite pause.)
J’ai pris un très grand plaisir à découvrir ce livre : c’est drôle, intelligent, bien écrit en dépit du ton enfantin… je crois que je comprends pourquoi c’est un incontournable ! Au détour d’un rayonnage à la bibliothèque, il est possible que je me laisse tenter par d’autres opus de la série.
« Alors on a tous fait semblant de manger, sauf Alceste qui mangeait vraiment, parce qu’il avait apporté des tartines à la confiture de chez lui.
– Très bon, ce poulet ! a dit Joachim, en faisant « miam, miam ».
– Tu me passes un peu de tes tartines ? a demandé Maixent à Alceste.
– T’es pas un peu fou ? a répondu Alceste. Est-ce que je te demande du poulet, moi ?
Mais comme Alceste c’est un bon copain, il a fait semblant de donner une de ses tartines à Maixent. »
Le Petit Nicolas et les copains, René Goscinny, illustré par Jean-Jacques Sempé. Gallimard, coll. Folio Junior, 2017 (1963 pour l’édition originale). 149 pages.
***
Souvenirs d’enfance, tome 1, La gloire de mon père, de Marcel Pagnol (1957)
J’avais vu ce livre dans plusieurs listes thématiques sur l’amitié, mais il ne colle pas si bien au thème en réalité. Certes, elle n’en est pas totalement absente avec cette amitié entre deux hommes – le père de Marcel et l’oncle Jules – en dépit de leurs différences autour de la question religieuse en premier lieu, l’un étant anticlérical, l’autre catholique pratiquant. Mais je l’aurais plutôt classé avec les récits sur la famille.
C’était une lecture à première vue agréable qui nous transporte dans la France du début du XIXe siècle et l’enfance de l’auteur. Ça sent le thym, le romarin et la lavande. Ça sent l’insouciance de l’enfance avec, en même temps, ses vrais grands drames. Un temps quelque peu idyllique quand papa était un héros et que les vacances n’étaient qu’une suite de jeux et de bons repas, d’aventures, d’explorations et de bêtises.
J’ai aimé la rencontre avec certains personnages (même si la mère et la tante Rose sont évidemment là pour faire la cuisine, la couture et pouponner) et le tendre joyeux portrait des relations fraternelles et filiales racontées par Marcel Pagnol.
Je ne vais pas mentir que j’ai tout de même tiqué sur la cruauté envers les animaux. Entre Marcel et son frère Paul, ces adorables chérubins, qui torturent les insectes avec une impressionnante imagination et la chasse, j’avoue que j’ai grimacé. Il faut préciser que l’histoire autour de la chasse constitue la moitié du roman : c’est long, c’est beaucoup trop long surtout quand on n’aime pas ça. Les interminables préparations pour la chasse (fabriquer les munitions, tester les fusils, s’habiller…), les récits de chasse, la chasse elle-même, la fierté du massacre bien réussi… très peu pour moi. Je ne m’attendais pas à ce que la « gloire de son père » faisait écho à cela. Une surprise un peu amère.
Une lecture quelque peu mitigée donc. Certes, de ce livre se dégage une atmosphère insouciante plutôt sympathique, mais je trouve le tout assez oubliable. L’écriture est agréable mais simple et ordinaire (au-delà de quelques touches d’humour et de spontanéité), et je regrette la longue apologie de la chasse.
« Le petit Paul battit des mains, et moi j’éclatai de rire. Oui, il était tout fier de son exploit ; oui, il enverrait une épreuve à son père, et il montrerait l’autre à toute l’école, comme avait fait M. Arnaud.
J’avais surpris mon cher surhomme en flagrant délit d’humanité : je sentis que je l’en aimais davantage.
Alors, je chantai la farandole, et je me mis à danser au soleil… »
Souvenirs d’enfance, tome 1, La gloire de mon père, Marcel Pagnol. Editions de Fallois, coll. Fortunio, 2004 (1957 pour l’édition originale). 227 pages.