Stardust, de Neil Gaiman (1999)

Stardust (couverture)Neil Gaiman, dont j’ai à de multiples reprises salué le talent de conteur,  nous propose ici un véritable conte avec une promesse donnée à l’être aimé, une étoile tombée du ciel à récupérer, des princes héritiers sans scrupules, une sorcière à la jeunesse illusoire et un monde parallèle empli de créatures magiques et de bois menaçants.

Cette quête initiée par amour (par ce qu’un jeune cœur croit être l’amour) est donc marquée par la magie et l’étrangeté et nous transporte dans le monde merveilleux de Féérie. L’occasion de renouer avec la poésie de l’auteur et des ambiances envoûtantes (du marché magique organisé tous les neuf ans au bois malveillant en passant par le bateau volant). Mais comme tout conte qui se respecte (d’autant plus écrit par Neil Gaiman), l’histoire est parfois sombre, à base des meurtres, d’un trio de sorcières terrifiantes et de projets malveillants. Une atmosphère menaçante qui ne pouvait que me plaire, d’autant que celle-ci est judicieusement équilibrée de touches d’humour, ironie et petites piques plutôt réjouissantes. C’était donc un plaisir de découvrir la plume de Gaiman en anglais, un anglais travaillé et soutenu, qui a su faire naître de belles images dans mon esprit.

Si la plume est ce qui m’a le plus séduite, j’ai apprécié cette intrigue rondement menée qui donne envie d’enchaîner les chapitres. Les personnages sont quant à eux assez simples et, à l’image des personnages de contes, souvent marqués par un trait de caractère principal, mais plaisants à suivre. Même s’il ne faut pas s’attendre à une psychologie aux mille nuances, ils ne sont jamais fades pour autant. Et puis, entre des personnalités surprenantes et des métamorphoses, il ne faut pas se fier aux apparences dans cette histoire… Aurais-je aimé une plus grande présence des antagonistes ? Peut-être, mais leurs apparitions mesurées étaient peut-être ce qui leur conféraient le plus d’attrait, de mystère et de potentiel inquiétant.

Certes, ce n’est pas le meilleur roman de Neil Gaiman, pas le plus original, mais c’était néanmoins une lecture très plaisante. En outre, le fait de retrouver des choses déjà vues a sans doute aidé à l’immersion et à ne pas être freinée par ma lecture en anglais (l’une des raisons pour laquelle j’ai mis tant de temps à le lire tenant sans doute dans la crainte de rater des éléments importants et propres à un univers de fantasy nouveau).

Ainsi, j’ai beaucoup aimé ce voyage dans les terres de Féérie. C’est un petit roman qui n’a pas la richesse de Sandman ou American Gods, mais c’est finalement un bien joli conte.

« A question like ‘How big is Faerie ?’ does not admit of a simple answer. »

« How Many Miles to Babylon’, recited Tristran, to himself, as they walked through the grey wood.
‘Three score miles and ten.

Can I get there by candlelight?
There, and back again.
Yes, if your feet are nimble and light,
You can get there by candlelight.’ »

« ‘Still doesn’t explain… there isn’t anythin’ unusual in your family, is there?’
‘My sister, Louisa, can wiggle her ears.’ »

Stardust, Neil Gaiman. Headline Publishing Group, 2013 (1999 pour l’édition originale). En anglais. 196 pages.

The Jungle Book, de Rudyard Kipling, illustré par MinaLima (1894)

The Jungle Book (couverture)Pour commencer, je reconnais ma surprise en découvrant que The Jungle Book est en réalité un recueil de nouvelles et plus encore que trois seulement mettaient en scène Mowgli, Bagheera, Baloo et compagnie ! Parmi les sept autres, trois se déroulent également en Inde, mais au milieu, une nouvelle dénote particulièrement en racontant les aventures d’un phoque blanc à travers les océans.

J’appréhendais cette lecture en anglais (qui dormait dans la PAL depuis 2018) par crainte d’une langue désuète et trop compliquée à comprendre (car je suis évidemment plus familière de l’anglais actuel que de celui de la fin du XIXe siècle).
Cette appréhension s’est finalement révélée inutile car ma lecture a été très fluide. J’ai simplement découvert l’utilisation d’un tutoiement archaïque avec la panoplie « thou – thee – thy – thine » et de leur étrange conjugaison (« art – dost – wilt – didst – mayest – etc. »), mais on s’y habitue très vite. La nouvelle m’ayant posé le plus de difficulté était « The White Seal » du fait du vocabulaire marin (notamment avec toutes les espèces de poissons et d’oiseaux) assez spécifique. Cependant, ça restait globalement très compréhensible au-delà de quelques recherches de vocabulaire par curiosité.

J’ai pris plaisir à découvrir les personnages originaux du Livre de la jungle – tout en regrettant de ne pas les côtoyer plus longtemps –, d’autant que ceux-ci m’ont réservée quelques surprises par rapport à l’adaptation de Disney, à commencer par un Baloo plus sage et sérieux et le manque de prestige de Shere Khan – moqué, conspué, obligé de se livrer à des manigances pour retourner certains loups contre Mowgli (eh non, ce n’est pas une jolie fille qui détourne Mowgli des siens !). J’ai particulièrement aimé la nouvelle mettant en scène Kaa et le Bandar-log (le peuple des singes) : Kaa – bien plus amical que dans le dessin animé – apparaît avec une vraie prestance, une influence réellement hypnotisante, l’un des personnages majeurs de cette jungle sans côté rigolo, alors que les singes font presque de la peine dans leur désir d’être remarqués par les autres habitants de la jungle qui les méprisent et les rejettent. Mais, loin de l’image des singes éclairés, ceux de Kipling sont les trublions inquiétants et imprévisibles de la jungle, sans mémoire, sans but, sans parole.

Dans toutes les histoires d’animaux anthropomorphes, la violence est bien présente, les lois de la jungle ou les règles de la plage sont parfois impitoyables, et la vie et la mort et le sang s’entremêlent. Entre Shere Khan et Mowgli, « aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit » ; pour se faire entendre de ses pairs, Kotick, le phoque blanc, doit faire couler le sang pour prouver sa valeur ; entre Rikki-Tikki la mangouste et Nag et Nagaina les cobras, il ne peut y avoir de trêve. Et puis, il y a l’asservissement et les massacres perpétrés par les hommes…

Les deux dernières histoires mettent en scène des animaux domestiqués par les humains qui parfois trouvent une échappatoire pour une nuit : des éléphants qui vont danser sous la lune et des animaux utilisés dans les guerres des hommes (cheval, mule, buffles, éléphant, chameau) qui discutent de leur manière de combattre et de leurs peurs. Seule une jeune mule, pas encore habituée aux ordres à accomplir sans réfléchir (valables pour les animaux comme pour les hommes…), posera la seule question sensée : « “What I want to now”, said the young mule, who had been quiet for a long time– “what I want to know is, why we have to fight at all.” »

Le travail de MinaLima offre une superbe édition, avec des illustrations colorées et des éléments interactifs. Le tout embellit l’ouvrage et sert le texte sans prendre le dessus avec des éléments ludiques. (Désolée, pas de photo car mon exemplaire dort dans un carton !)
S’ils voulaient illustrer Le Second Livre de la Jungle – dont certaines nouvelles mettent à nouveau en scène Mowgli et compagnie –, je compléterai avec plaisir la collection ! En attendant, ma PAL a d’ores et déjà accueilli The Wonderful Wizard of Oz, également illustré par le duo aux doigts d’or.

Si j’ai eu une préférence pour les nouvelles autour de Mowgli (peut-être parce que c’est ce que j’attendais de ce livre et que les autres ont été une découverte inattendue), ces histoires d’apprentissage, bien plus cruelles que la version de Disney (sans surprise), se sont révélées très sympathiques et prenantes, entremêlant aventures et petites réflexions. J’ai apprécié leur conclusion sur la chanson d’un ou plusieurs personnages qui apporte une touche poétique à chaque nouvelle.
L’édition illustrée par MinaLima est un très bel objet-livre et un écrin de choix pour les découvrir !

Un dernier mot pour remercier Mathilde du blog Critiques d’une lectrice assidue qui m’a donné, sans le vouloir, l’impulsion qui me manquait à travers un échange sur la lecture en VO !

« The tiger’s roar filled the cave with thunder. Mother Wolf shook herself clear of the cubs and sprang forward, her eyes, like two green moons in the darkness, facing the blazing eyes of Shere Khan.
“And it is I, Raksha [the Demon], who answer. The man’s cub is mine, Lungri – mine to me! He shall not be killed. He shall live to run with the Pack and to hunt with the Pack; and in the end, look you, hunter of little naked cubs – frog-eater – fish-killer, he shall hunt thee! Now get hence, or by the Sambhur that I killed (I eat no starved cattle), back thou goest to thy mother, burned beast of the jungle, lamer than ever thou camest into the world! Go!” »

« One of the beauties of Jungle Law is that punishment settles all scores. There is no nagging afterward. »

« Waters of the Waingunga, the Man Pack have cast me out. I did them no harm, but they were afraid of me. Why?
Wolf Pack, ye have cast me out tout. The jungle is shut to me and the village gates are shut. Why?
As Mang [the Bat] flies between the beasts and the birds so fly I between the village and the jungle. Why? »

(Mowgli’s Song)

The Jungle Book, Rudyard Kipling, illustré par MinaLima. Harper Design, 2016 (1894 pour l’édition originale). En anglais. 251 pages.

Challenge Les 4 éléments – L’air : 
un animal disparu ou menacé de disparition (dodo, tigre, baleine, ours polaire…)

La bergère aux mains bleues, de Pierre-Luc Granjon, Samuel Ribeyron et Amélie-les-Crayons (2020)

La bergère aux mains bleues 1Il n’y a pas longtemps, je vous parlais de mon coup de cœur pour le livre-CD Maestro de Thibault Prugne. Je ne pensais pas le voir égalé (voire surpassé pour ce qui est de la version audio) si vite, mais depuis des vacances, des enfants, de la voiture, beaucoup de voiture et la nécessité de les distraire, vite, un tour en librairie (lieu magique), des contes classiques et surtout, attirant mon regard, La bergère aux mains bleues, une autre parution des éditions Margot que j’avais déjà repérée.
On lance le CD, la voix de Luc Chambon s’élève, le silence se fait (la petite s’endort…) et, à la fin de la première chanson, tout le monde est déjà conquis. Nous l’avons écouté deux fois avec les enfants et une fois sans eux, à la demande de mon compagnon aussi charmé que moi. C’est pour dire s’il séduit petits et grands !

La bergère aux mains bleues, c’est l’histoire de Kelen qui part en mer, de Madalen qui reste sur l’île, de Gael qui pêche un poisson d’argent, d’Erel qui n’entend plus rire son frère ; c’est une histoire de voyage, d’absence et de froid, de famille et de solidarité, de douceur et de tristesse. C’est aussi une histoire de moutons.

L’histoire est magnifique et fascinante. C’est un conte avec tout ce qu’ils savent receler de tendresse et des épreuves de la vie, avec ses histoires universelles sublimées par un poisson magique aussi beau que dangereux. Pendant presque une heure d’écoute, c’est la garantie d’un voyage extraordinaire et captivant.
Les voix sont harmonieuses, reconnaissables, belles. Elles font évoluer les protagonistes autour de nous, leur donne corps, leur donne vie. Les voix claires, chaudes, chantantes, douces, énergiques… Touche comique bien dosée, les moutons qui prennent plaisir à se mêler de tout et à s’insérer dans l’histoire… souvent pour se plaindre, il est vrai !
Et puis, il y a les musiques et les chansons. Quelle beauté de bout en bout ! Mélancolique avec « Madalen et Kelen », féérique avec « Le poisson d’argent », tressautante et entraînante avec « La Chanson de la laine », tendre avec « Tiens bon », plein d’espoir avec « Ça ira ! »… les tonalités sont diverses et émouvantes ; les paroles touchent juste à chaque fois ; c’est un pur enchantement.
Servies par le très grand format de cet album, les illustrations – que, pour une fois, j’ai pris le temps de regarder après écoute – nous transportent auprès de la mer et nous permettent de plonger dans ces grands tableaux. Elles se révèlent parfois aussi douces qu’une laine bien douillette, parfois aussi inquiétantes qu’un éclat glacé se fichant dans un cœur.

Je suis donc pleinement émerveillée par ce récit hypnotisant de beauté et de justesse. Faire l’impasse de la version audio serait là une erreur tant la narration est de qualité et tant les chansons enrichissent et embellissent cet album (déjà merveilleux, il faut l’avouer). Un conseil : lancez le CD et laissez-vous porter par cette bulle hors du temps !

La bergère aux mains bleues, Pierre-Luc Granjon (texte), Samuel Ribeyron (illustrations) et Amélie-les-Crayons (mise en musique et chansons). Éditions Margot et Neomme, 2020. 48 pages.

Anansi Boys, de Neil Gaiman (2005)

Anansi Boys (couverture)

Anansi Boys se déroule dans le même univers rempli de dieux qu’American Gods. Nous rencontrons ici Gros Charlie qui, à la mort de son père – Anansi donc – apprend que ce dernier était un dieu et qu’il a un frère appelé Mygal qui a hérité des pouvoirs paternels. Il découvre également à ses dépens que le frangin peut se révéler très très envahissant.

Je dois avouer – même si ça me fait un peu mal car j’adore habituellement le travail de Neil Gaiman – que je n’ai pas été tout à fait convaincue par cette histoire. Le ton de ce roman est plus humoristique que celui d’American Gods avec un Gros Charlie qui en voit de toutes les couleurs tandis que son frère tout en nonchalance s’incruste dans sa vie. Certaines touches d’humour, certaines répliques et réflexions parfois pince-sans-rire, ont su m’amuser, me faire rigoler en dedans : cependant, je n’ai pas accroché à cette succession de déboires. L’intrigue n’a pas su me passionner, m’embarquer dans ce périple mouvementé.
Du côté de la mythologie, je suis également restée sur ma faim. J’ai adoré les passages mettant en scène les mythes africains, les divinités qui parcourent encore la Terre du XXIe siècle, mais j’aurais bien aimé qu’il y en ait un peu plus.
Ce roman-ci n’a pas la richesse et la profondeur de son grand frère et c’est ce qui m’a frustrée car j’en attendais définitivement davantage.

Anansi Boys ce sont toutefois des personnages bien campés et intéressants quoique pas toujours sympathiques. Une belle-mère diabolique, un patron véreux, une flic surprenante et décidée, des sorcières floridiennes aux rituels un peu moins bien rodés qu’autrefois, une famille unique… et Gros Charlie bien sûr.
Car Anansi Boys c’est aussi une quête identitaire, celle d’un homme – un adulte pour une fois – qui va explorer son passé et, au fil d’épreuves dont il se serait peut-être bien passé, découvrir qui il est et prendre confiance en ses capacités. Gaiman explore la thématique du double avec Mygal, ce frère, cet alter ego, ce lui-même plus assuré, plus charmeur, plus admiré qui va finalement le faire trouver sa voie/voix. C’est d’ailleurs un aspect du récit qui m’a davantage convaincue.

Je suis une nouvelle fois ravie d’avoir découvert un livre de Gaiman avec les illustrations de Daniel Égnéus que je trouve fascinantes et inquiétantes, évocatrices et mystérieuses. Elles soulignent un autre aspect du roman, un peu caché à la lecture du fait de sa facette comique, à savoir qu’il s’agit quand même d’un monde dangereux avec vengeance, meurtre, intrigue, sorcellerie et sang à la clé. Je regrette simplement qu’elles ne soient pas plus nombreuses : encore une fois, un goût de trop peu…

Une lecture sympathique sans être le « signé Gaiman » le plus marquant qu’il soit. Un roman un peu trop rocambolesque à mon goût, un mélange indéfini de roman policier, de conte et de fantastique, le tout intriqué de burlesque.

« Les histoires sont comme les araignées, avec leurs longues pattes, et les histoires sont aussi comme les toiles d’araignées dans lesquelles l’homme s’englue mais qui ont l’air si jolies quand on les voit sous une feuille, dans la rosée du matin, élégamment reliées les unes aux autres, chacune à sa voisine. »

« Bien entendu, tous les parents font honte à leurs enfants. C’est inhérent à la fonction. La nature des parents est de faire honte à leurs enfants par le simple fait d’exister, tout comme la nature des enfants d’un certain âge est de frémir de honte, de gêne et de mortification si leurs parents leur adressent seulement la parole dans la rue. »

Anansi Boys, Neil Gaiman, illustré par Daniel Égnéus. Au Diable Vauvert, 2019 (2005 pour l’édition originale. 2006 pour la traduction française). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Pagel. 412 pages.

Parenthèse 9e art : cinq mini-chroniques de mes lectures graphiques du mois de mars

Un melting-pot avec un peu de tout : de l’humour, du très sérieux, des biographies, du fantastique, de l’onirique, des lectures excellentes, d’autres un peu moins…

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 Le Baron,
de Jean-Luc Masbou
(2020)

Le Baron (couverture)C’est un Baron de Münschhausen vieillissant qui découvre le livre qui a été écrit sur ses aventures. S’il en est évidemment fier, cet ouvrage le confronte également à la mort, le transformant en personnage légendaire, en héros de papier.

La Baron ici mis en scène est éminemment sympathique : fantasque, bon vivant, affabulateur, conteur vibrant, sa bonne humeur et son plaisir des histoires sont communicatifs. Avec ses aventures loufoques, oniriques et exotiques, il fait briller les regards et rêver les cœurs. Il donne à voir la vie avec émerveillement et imagination, et peu importe si tout n’est pas tout à fait vrai après tout. Enchâssées dans le récit principal, ces historiettes se détachent grâce à des styles graphiques divers qui apportent une variété très plaisante.

Une bande dessinée colorée et pétillante qui, si elle est une ode aux histoires et aux rêveries, parle également de postérité et d’héritage.

Le Baron, Jean-Luc Masbou. Delcourt, 2020. 72 pages.

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Enferme-moi si tu peux,
d’Anne-Caroline Pandolfo (scénario) et Terkel Risbjerg (dessin)
(2019)

Enferme-moi si tu peux (couverture)Augustin Lesage, Madge Gill, le Facteur Cheval, Aloïse, Marjan Gruzewski et Judith Scott : six histoires de vie d’artistes hors du commun, ces femmes et ces hommes que rien ne prédestinait à l’art et que l’on regroupe sous cette appellation d’« Art brut ».

Un roman graphique plein de découvertes (j’avoue que je ne connaissais que le facteur Cheval…) et de récits bouleversants. On découvre avant tout leur vie et la naissance de leur art : leurs œuvres sont esquissées par l’illustrateur, mais si vous voulez en voir davantage, ce sera l’occasion d’une petite recherche internet. J’ai été particulièrement émue par leur imagination, leur art leur offrant une porte de sortie d’un réel trop dur ou traumatisant.

J’ai trouvé cette lecture très instructive et touchante, mais je regrette de n’avoir pas accroché plus que ça au style graphique de Terkel Risbjerg en dépit de quelques pages marquantes et originales.

Enferme-moi si tu peux, Anne-Caroline Pandolfo (scénario) et Terkel Risbjerg (dessin). Casterman, 2019. 168 pages.

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 Pénis de table : sept mecs racontent tout sur leur vie sexuelle,
de Cookie Kalkair
(2018)

Pénis de table (couverture)

En dépit d’un titre que je trouve plutôt moyen, il se trouve que j’avais entendu du bien de cet ouvrage et j’ai donc décidé de passer outre mon blocage « couverture et titre » pour lui laisser une chance.

Ça se lit bien, c’est décomplexé, les sujets abordés sont variés, mais je dois m’avouer un peu déçue : je m’attendais à quelque chose d’un peu plus profond. Or, le ton léger de cette BD fait que l’on retombe dans les idées que je pensais voir balayées. De plus, le côté « on se retrouve tous, on se charrie, on déconne entre potes » fait que je suis quelque peu dubitative sur la véracité de certains témoignages. De même, les profils m’ont paru trop similaires, ce qui est un peu dommage : ils ont tous plus ou moins le même âge et, en dépit de sexualités différentes, ont tous vécu peu ou prou les mêmes expériences.

Les dessins ne m’ont pas transportée, mais ça n’aurait pas été grave si le fond avait été plus consistant. Clairement, je m’attendais donc à quelque chose d’un peu plus creusé.

Pénis de table : sept mecs racontent tout sur leur vie sexuelle, Cookie Kalkair. Éditions Steinkis, 2018. 180 pages.

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La Bête, tome 1,
de Zidrou (scénario) et Frank Pé (dessin)
(2020)

La Bête (couverture)

Voici une revisite plus mature et plus sombre du Marsupilami. Le trait de Frank Pé m’a séduite par ses visages expressifs tandis que ses couleurs donnent vie tantôt à une Belgique pluvieuse et morose, tantôt à un cocon familial plein de vie.

Après une entrée en matière bien lugubre, j’ai tout de suite aimé le fait de situer cette histoire dans un contexte historique précis – la Belgique de 1955 – avec toutes les tensions et histoires personnelles compliquées nées de la Seconde Guerre mondiale. L’occasion de développer les personnages et d’aborder des thématiques diversement cruelles. De même, avoir offert au Marsupilami un peu plus de sauvagerie constitue l’un des attraits de ce roman graphique : ce n’est plus une petite créature comique, mais un animal puissant et potentiellement dangereux.

Cette histoire recèle des moments bien tristes tout en gardant une certaine fraîcheur grâce à François et son amour des animaux ou au professeur Boniface et son apparemment inépuisable enthousiasme. Les personnages sont attachants, l’histoire forte, certains passages poignants : c’est une très jolie réussite.

La Bête, tome 1, Zidrou (scénario) et Frank Pé (dessin). Dupuis, coll. Grand public, 2020. 155 pages.

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L’épouvantable peur d’Épiphanie Frayeur, tome 2, Le temps perdu, de Séverine Gauthier (scénario) et Clément Lefèvre (dessins) (2020)

L'épouvantable peur d'Epiphanie Frayeur, T2 (couverture)

J’avais adoré le premier tome dans lequel une fillette apprenait à vivre avec sa peur et la parution d’une suite m’avait laissée dubitative tant le premier opus se suffisait à lui-même. Or, j’ai été séduite par ce second tome dans lequel Épiphanie tente de rattraper le temps perdu et de vivre l’enfance qu’elle n’a pas vécue à cause de sa peur.

C’est donc un nouveau voyage initiatique qu’elle entame, toujours à l’aide de son étrange guide flottant dans les airs par manque de sérieux. D’un parc d’attraction désaffecté à un cinéma rempli de visages familiers en passant par un coffre à jouet et une cabane dans les arbres, Épiphanie continue son périple pour trouver en elle-même les solutions à ses problèmes.

Une fois encore, c’est finalement très réussi. J’ai été très touchée par ce regard en arrière, ce sentiment de regret des choses ratées, ce cheminement vers l’apaisement. Encore une fois, ce tome regorge de métaphores malignes, de clins d’œil et de références, pour une lecture des plus réjouissantes.

Onirique, profond, riche, ce second tome tient toutes ses promesses tandis que Clément Lefèvre m’a une fois de plus charmée par la douceur de ses illustrations.

L’épouvantable peur d’Épiphanie Frayeur, tome 2, Le temps perdu, Séverine Gauthier (scénario) et Clément Lefèvre (dessins). Éditions Soleil, coll. Métamorphose, 2020. 80 pages.