L’eau des collines (2 tomes) : Jean de Florette et Manon des sources, de Marcel Pagnol (1962-1963), et deux mots sur les adaptations cinématographiques par Claude Berri (1986)

Ugolin Soubeyran a un projet : laisser tomber les pois chiches et faire pousser des œillets. Sauf que, pour cela, il faut de l’eau, beaucoup d’eau. Ça tombe bien, le vieux Pique-Bouffigue vient de casser sa pipe et une source – un peu oubliée – coule sur ses terres. Mais l’arrivée d’un héritier, Jean de Florette, et de sa famille vient compromettre toute idée de rachat du terrain. Heureusement pour Ugolin et son Papet, le nouvel arrivant est de Crespin et, au village, on hait ceux de Crespin, ce qui facilite les machinations à venir…

Ma première rencontre avec Pagnol, par le biais de La Gloire de mon père, avait été des plus décevantes. Cependant, une discussion passionnée avec une collègue a fait naître l’envie d’accorder une deuxième chance, le prêt de son exemplaire a évité que ce projet ne tombe en dormance pour moult années, et l’expérience s’est révélée bien plus plaisante.
Là où le premier tome des Souvenirs d’enfance n’avait pour lui qu’une atmosphère, les deux tomes de L’eau des collines combinent une ambiance renforcée par le cadre de ce petit village, mais aussi des personnages bien campés et une intrigue prenante et absolument dramatique.

L’ambiance de cette duologie, c’est bien évidemment le Sud, avec le vent cruel, la sècheresse assassine, les cigales, les plantes sauvages et quelques mots de patois et autres expressions qui, sans alourdir, immergent dans ce parler si typique.

Mais c’est aussi ce village des Bastides Blanches, cette bourgade isolée dans la montagne où l’on ne s’occupe pas des affaires des autres, où l’on se tait, où l’on regarde et commente de loin, dans l’ombre dans sa demeure. C’est cet entre-soi des petits villages où même ceux du bourg voisin sont vus comme des étrangers, ce repli sur la communauté où prolifèrent l’envie, la méfiance, la crainte du jugement des « siens », de sortir du rang, de se retrouver seul contre tous, de s’opposer à la plus riche lignée du village (et au profit d’un étranger de Crespin, est-ce que ça vaut bien le coup ?).

De là, une histoire qui attrape et qui passionne. Dans Jean de Florette, même quand tout semble se dérouler pour le mieux pour le personnage éponyme, le poids de ce secret qui dort annonce la tragédie à venir : l’issue est inéluctable, même si Pagnol s’amuse à nous faire croire un temps qu’il pourrait en être autrement. La Gloire de mon père était bien gentillet (sauf envers les oiseaux massacrés) alors que ce premier tome est bien plus cruel, une cruauté qui trouve son apothéose dans sa terrible fin.
Dans Manon des sources, l’injustice se dévoile, la machination des Soubeyran commence à être connue, mais la difficulté à briser le mur du silence persiste : tout le monde sait mais personne ne dit rien. L’atmosphère s’alourdit de ce mutisme persistant – mutisme tantôt honteux, hypocrite ou accusateur – et la tension se fait pesante comme un orage qui n’éclate pas en dépit d’un ciel menaçant. L’on se demande, captivée, qui brisera ce tabou, qui parlera en premier.
Car il y a, en fil conducteur, ce Destin impitoyable, joueur et cynique qui, dans les révélations ultimes, fait sentir le goût amer de ce qui aurait pu être mais ne sera jamais, parce que personne n’a fait de pas vers l’autre, parce que les secrets le sont restés, parce que personne n’a parlé. Poids criminel de tout un village, crime en se taisant, condamnant aussi sûrement que les actions de certains : comme disait Einstein, « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. »

Une légère préférence pour Jean de Florette qui fait se confronter – pour nous lecteurs et lectrices omniscientes – l’enthousiasme inébranlable de Jean et les manœuvres calculées des Soubeyran. J’ai eu une grande affection pour les rêves de Jean de Florette et ses « vastes projets » : même si, sans connaître l’histoire (comme c’était mon cas), on sait que ça va mal finir, ses espoirs et ses convictions sont si intenses qu’ils en sont communicatifs. J’ai été passionnée par l’ombre du Papet ainsi que par les incertitudes d’Ugolin piégé entre sa malhonnête, son plan, ses désirs de fortune et son amitié naissante pour Jean et sa famille, des bribes de compassion…
Quelques râleries dans Manon des sources face aux commentaires de vieux satyres en rut et ceux sur la « mentalité primitive » de Manon, comme si elle valait moins que ceux du village : je trouve la formulation peu heureuse, car elle lit, elle est sensible, elle n’est pas une brute, mais elle est libre, simple et plus à l’aise dans la solitude des collines qu’en société. Une fille dévouée à ceux qu’elle chérit – humains et animaux, fière, débrouillarde, ce qui lui vaut également – heureusement – le respect de certains.

Ainsi, deux romans absolument prenants de bout en bout : par deux fois, sitôt commencés, sitôt achevés, tant il était impossible de les lâcher. La plume est simple, mais efficace et immersive, et ces récits m’ont prise aux tripes. Des personnages passionnants formant une fresque vivante et variée (par leurs classes sociales, leurs intentions, leurs caractères…), un portrait cruel d’une mentalité étriquée, les conséquences terribles de la rancœur et d’une tromperie cupide, une tragédie familiale, l’amertume d’une histoire alternative rendue impossible par le silence des protagonistes, une réflexion sur la culpabilité de chacun et le triomphe d’un destin inéluctable. Je ne m’attendais pas à un tel coup de cœur.

« Mais tout en parlant de tout et de rien, ils respectaient rigoureusement la première règle bastidienne. «  On ne s’occupe pas des affaires des autres. » »

« Jean Cadoret, dont les conceptions étaient chimériques, apportait à leur réalisation une indomptable énergie, et une application minutieuse. La force et l’endurance des rêveurs sont parfois comparables à celles des aliénés. »

« Le vent des collines, l’amitié des arbres, le silence des solitudes en avaient fait une petite bête sauvage, légère et vive comme un renard. »

(Jean de Florette)

« La vérité, c’est que plus on en a, plus on en veut, et finalement, au cimetière. Alors, à quoi ça sert ? »

« Ce n’était pas contre les forces aveugles de la nature, ou la cruauté du Destin qu’il s’était si longuement battu ; mais contre la ruse et l’hypocrisie de paysans stupides, soutenus par le silence d’une coalition de misérables, dont l’âme était aussi crasseuse que les pieds. Ce n’était plus un héros vaincu, mais la pitoyable victime d’une monstrueuse farce, un infirme qui avait usé ses forces pour l’amusement de tout un village… »

(Manon des sources)

L’eau des collines, T1, Jean de Florette, Marcel Pagnol. Le Livre de Poche, 1973 (1962 pour la première édition). 318 pages.
L’eau des collines, T2, Manon des sources, Marcel Pagnol. Éditions de Fallois, coll. Fortunio, 2009 (1963 pour la première édition). 285 pages.

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Jean de Florette - Manon des sources (afficheJ’ai ensuite regardé les films – dont la même collègue m’avait également dit le plus grand bien – et, pour une fois, je n’ai pas été déçue par l’adaptation (même si je préfère les livres, évidemment). Le film Jean de Florette est excellent et très fidèle à l’esprit et à l’intrigue du roman, mais j’ai de petites réserves sur Manon des sources : on ressent moins la gravité du manque d’eau (suite à une source bouchée par Manon) qui, combinée à la sécheresse, menace le village et toutes ses cultures, la tension due au mutisme général se fait moins pesant car ce silence est plus rapidement brisé, la culpabilité mutuelle est moins prégnante notamment avec le prêche du curé qui a été abrégé (et je regrette que les talents de frondeuse de Manon aient été effacés). La nuance se joue peut-être dans le fait que Manon des sources est finalement plus psychologique, avec moins d’événements concrets successifs.
Acteurs et actrices sont parfaits dans leur rôle, avec une mention particulière pour Daniel Auteuil qui joue un Ugolin aussi méprisable que touchant et pour Yves Montand qui incarne un Papet absolument sublime : j’attendais chacune de ses apparitions avec impatience car il offre à ce personnage un regard perçant et une aura incroyable, donnant à voir cet homme que l’on déteste mais qui finit par émouvoir à son tour.
Et puis, la musique de Verdi, La force du destin, est particulièrement bien choisie pour ce diptyque.

Jean de Florette et Manon des sources, films de Claude Berri, sortis en 1986, avec Daniel Auteuil, Yves Montant, Gérard Depardieu, Emmanuelle Béart…

Des souris et des hommes, de John Steinbeck (1937) et son adaptation au cinéma par Gary Sinise (1992)

Le retour du rendez-vous « Les classiques, c’est fantastique » après une pause en juillet ! En août, le thème était les classiques et leurs adaptations au cinéma et en bande-dessinée. Pas de bulles pour moi et un seul duo livre/film. Ce n’était pas les idées qui manquaient, mais août n’est jamais une période de grosse lecture pour moi.

Les classiques c'est fantastique : de l'écrit à l'écran en passant par les

Le livre…

Pendant la Grande Dépression, George et Lennie se vendent comme saisonniers dans les ranchs. La débrouillardise de George et la force impressionnante de Lennie contrebalancent le lourd handicap mental de ce dernier, même s’il est coutumier des ennuis. Cela n’empêche pas les deux amis de partager un rêve : celui d’une petite ferme, d’un lopin de terre à eux, de liberté et de lapins.

J’ai été scotchée par ce roman extrêmement court. Il a beau être bref, il est surtout d’une efficacité redoutable. La narration est d’une grande simplicité et un peu sèche : des dialogues, des actions, et voilà comment naissent les protagonistes de cette histoire. Slim, Curley, Candy, Crooks, et bien sûr Lennie et George.
Le récit ne se perd pas en introspection : les pensées et sentiments intérieurs sont tus, mais la tranquillité, l’espoir, la rancœur, la tristesse, la solitude, la hargne se dessinent malgré tout avec une clarté magnifique. Les personnages ont ainsi une profondeur et une richesse sublimes qui font que six chapitres se révèlent amplement suffisants pour s’attacher à un certain nombre d’entre eux.

L’amitié du duo, profonde, sincère, est tout simplement bouleversante, à l’image du rêve – promesse illusoire d’une vie meilleure – qu’ils s’offrent et qu’ils partagent parfois avec un tiers. Au milieu de la rudesse, de la violence, de la solitude, leur affection mutuelle est un îlot salvateur. Les mots qui racontent leur futur idéalisé reviennent, leitmotivs qui colorent les lendemains à venir, qui gonflent les âmes d’un espoir invincible. Cependant, le rêve américain restera chimérique pour ces gens humbles et malmenés par la situation économique.

Évidemment, la tragédie qui se dessine dès le début étreint le cœur. La tension monte tranquillement tout au long du roman conduisant vers une fin inévitable et terrible, mais pleine de justesse également. Impossible de ne pas être broyée face à l’injustice – envers les handicapés mentaux comme physiques et les Noirs – qui transpire tout au long du roman.

C’est simple et franc.
C’est déchirant.
C’est brillant et sublime.

« – Les types comme nous, qui travaillent dans les ranches, y a pas plus seul au monde. Ils ont pas de famille. Ils ont pas de chez soi. Ils vont dans un ranch, ils y font un peu d’argent, et puis ils vont en ville et ils le dépensent tout… et pas plus tôt fini, les v’là à s’échiner dans un autre ranch. Ils ont pas de futur devant eux.
Lennie était ravi.
– C’est ça… c’est ça. Maintenant, raconte comment c’est pour nous.
George continua :
– Pour nous, c’est pas comme ça. Nous, on a un futur. On a quelqu’un à qui parler, qui s’intéresse à nous. On a pas besoin de s’asseoir dans un bar pour dépenser son pèze, parce qu’on n’a pas d’autre endroit où aller. Si les autres types vont en prison, ils peuvent bien y crever, tout le monde s’en fout. Mais pas nous.
Lennie intervint.
– Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que… parce que moi, j’ai toi pour t’occuper de moi, et toi, t’as moi pour m’occuper de toi, et c’est pour ça.
Il éclata d’un rire heureux.
 »

« – C’est un brave type, dit Slim. Y a pas besoin d’avoir de la cervelle pour être un brave type. Des fois, il me semble que c’est même le contraire. Prends un type qu’est vraiment malin, c’est bien rare qu’il soit un bon gars. »

Des souris et des hommes, John Steinbeck. Éditions Gallimard, 1963 (1937 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Maurice Edgar Coindreau. Dans un recueil de quatre romans, pages 7 à 87.

… et le film.

J’ai ensuite enchaîné avec le film de 1992 dans lequel le rôle de George est interprété par Gary Sinise et celui de Lennie par John Malkovich. C’est une adaptation très fidèle, presque mot pour mot. Les quelques modifications sont minimes, même si je trouve dommage d’avoir supprimé l’extrême fin du roman, nouvelle preuve de la compassion et de l’intelligence de Slim. J’ai également trouvé la femme de Curley moins agaçante que dans le livre, ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose : Sherilyn Fenn, qui a notamment joué dans Twin Peaks, donne bien corps à sa solitude dans ce ranch. Les autres acteurs sont très bons également, laissant affleurer sur le visage les émotions qui les traversent (la métamorphose de Candy est franchement touchante).
Le film est bon, poignant et bien joué, mais il reste classique et je lui ai préféré l’efficacité sobre du roman.  

 (Il existe également une adaptation de 1937 avec entre autres Lon Chaney Jr, mais je n’ai pas pu mettre la main dessus.)

Des souris et des hommes, réalisé par Gary Sinise, avec Gary Sinise, John Malkovich, Sherilyn Fenn, Casey Siemaszko… Film américain, 1992. 1h46.

Des souris et des hommes

Peter Pan sous diverses formes

Il est temps de publier cet article entamé il y a plusieurs mois sur les différents supports qui m’ont permis de croiser le personnage de Peter Pan au cours de l’année 2019 !

Au programme, deux livres et deux films (pas de jaloux) :

  • le film Neverland de Marc Forster ;
  • le roman Peter Pan de J.M. Barrie ;
  • le film Hook ou la revanche du Capitaine Crochet de Steven Spielberg ;
  • et le texte dans sa version illustrée par Quentin Gréban.

Bon voyage au Pays imaginaire !

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Neverland, film de Marc Forster (2004)

Londres, début du XXe siècle. L’écrivain James M. Barrie est en quête d’un nouvel élan dans sa vie comme dans son œuvre : son mariage avec la comédienne Mary Ansell est dans l’impasse et le public londonien boude sa dernière pièce. Au cours d’une promenade, il fait la connaissance de Mrs Llewelyn Davies et ses quatre fils. De la complicité grandissante entre l’écrivain et les enfants naît une précieuse source d’inspiration. Ensemble, ils commencent à tisser la trame fantastique et visionnaire de Peter Pan. (Résumé présent sur le DVD)

Neverland (affiche)J’avais vu ce film il y a plusieurs années et je n’en avais gardé qu’un souvenir flou. J’ai eu envie de le revoir et, à mon plus grand plaisir, j’ai été enchantée par cette histoire, entre drame et humour. Ce James Barrie me rappelle le Edward Bloom de Big Fish, un homme débordant d’imagination qui transforme le quotidien en aventures extraordinaires. Sa vision du monde et ses jeux avec les enfants injectent une pincée de magie et de fabuleux dans une vie autrement banale. Mondes réel et imaginaire s’entremêlent au fil des histoires initiées par Barrie et ses jeunes compagnons de jeu. C’est fantasque, onirique et parfaitement réjouissant.

Tout n’est pas exact dans ce film qui prend, comme souvent, quelques libertés avec la réalité : Mrs Lleweyn Davies n’était pas veuve par exemple et il n’y avait alors que trois enfants. Mais peu importe – à mes yeux en tout cas – car il reste un très joli film qui montre que responsabilités et complications de l’âge adulte ne sont pas incompatibles avec l’émerveillement et le plaisir d’inventer des histoires même s’il devient de plus en plus dur de croire aux fées lorsqu’on grandit.
De plus, il est amusant de repérer au fil du film les premiers éléments que l’on retrouvera dans Peter Pan. J’ai également été très intéressé par les pistes qu’il offre pour comprendre l’œuvre originale, c’est-à-dire tout ce qui touche à l’enfance de Barrie. Une enfance trop vite perdue suite à la mort d’un frère – qui, par conséquent, ne grandira jamais – avec une mère qui ne s’en est jamais remise.

Il est parfois difficile de lutter contre le désenchantement et contre les cruautés de la vie, mais il ne fait pas de mal d’égayer tout ça, quand on le peut, d’une touche d’imagination et de magie.

Neverland (VO : Finding Neverland), réalisé par Marc Forster, avec Johnny Depp, Kate Winslet, Freddie Highmore… Film britannique, 2004. 1h40.

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Peter Pan, de J.M. Barrie (1911)

Peter Pan (couverture)Je me suis ensuite penchée sur le roman de l’écrivain écossais. Je l’avais acheté en Ecosse (cohérence oblige) en me disant que, s’agissant d’un livre destiné aux enfants, la lecture ne devrait pas en être trop ardue. Oups, erreur. J’ai été étonnée du niveau de langage du roman. Je mets cela sur le compte de l’âge du récit, mais il m’a posé beaucoup plus de difficultés qu’un roman contemporain. Du coup, je l’ai lu bien plus lentement que prévu, mais j’en suis finalement venue à bout ! (Et je suis assez fière d’avoir pris le temps d’ouvrir à nouveau un roman en anglais.)

A présent, partons pour Neverland. Et comment dire… si vous avez en tête une mignonne histoire enfantine, je vais peut-être briser quelques illusions.

Avant de passer au cœur de l’histoire, quand les enfants s’envolent par la fenêtre, je me permets de faire un aparté sur un personnage qui m’a sidérée par son comportement. Mr Darling. Le père. Une scène m’a fait tomber des nues – à tel point que je craignais d’avoir mal compris le texte anglais – car il agit alors comme un enfant pourri gâté qui fait une crise. Voilà un adulte qui n’a pas conservé le meilleur côté de son âme d’enfant ! C’est une scène tout à fait puérile – qui permettra d’ailleurs la rencontre et la fuite des enfants avec Peter Pan – dont le ridicule m’a laissée absolument bouche bée. Voilà, fin de l’aparté, mais je voulais signaler ce personnage d’adulte d’une immaturité rarement rencontrée.

Parlons maintenant de Peter Pan. Vous imaginez un enfant malicieux qui incarne l’innocence et la beauté de l’enfance ? Erreur. Peter est un véritable tyran qui  se révèle franchement inquiétant au fil du roman. Parlerons-nous de ses pertes de mémoire quasiment instantanées qui lui font oublier Wendy et ses frères maintes et maintes fois juste le temps du vol jusqu’au Pays Imaginaire ? De la façon dont il impose sa loi aux autres enfants perdus, de leur interdire de savoir quelque chose qu’il ignore (par exemple, être capable de distinguer les jumeaux alors lui n’y parvient pas), de proscrire tout bavardage sur les parents ? De son imitation angoissante d’un Captain Hook fraîchement dévoré ? De son arrogance ? Quel monstre de vanité ! Imbu de lui-même jusqu’à l’exaspération (la mienne, je veux dire), il ne cesse de se jeter des fleurs – combien de fois il nous apprendra qu’il est le garçon le plus génial du monde ? – et de s’attribuer les mérites des autres. Tout ce qu’il fait n’a qu’un but : le mettre en valeur et tant pis s’il doit mettre d’autres enfants en danger. Dépourvu de la moindre empathie, Peter n’a qu’un seul centre d’intérêt : lui-même. Une conversation avec Wendy, des années après leurs aventures communes, le montre particulièrement bien : il a purement et simplement oublié celles et ceux qui en étaient les autres protagonistes, à savoir Captain Hook et Tinker Bell.
Mais surtout, Peter Pan a des pulsions qui sont loin d’être celles que l’on aimerait trouver chez un enfant. Un extrait (qui se situe lors du voyage aller vers Neverland) vous éclairera peut-être :
« His courage was almost appalling. ‘Do you want an adventure now’, he said casually to John, ‘or would you like to have your tea first?’
Wendy said ‘tea first’ quickly, and Michael pressed her hand in gratitude, but the braver John hesitated.
‘What kind of adventure?’ he asked cautiously.
‘There’s a pirate asleep in the pampas just beneath us’, Peter told him. ‘If you like, we’ll go down and kill him.’ »
Tranquillou. Le garçon assassine des pirates. Des vrais, pas des Playmobils. En effet, malgré quelques scènes au comique détonnant digne d’un dessin animé (par exemple, quand l’auteur explique que les enfants perdus, les pirates, les Indiens, les bêtes sauvages et le crocodile, se poursuivent sans fin car ils tournent dans le même sens, faisant inlassablement le tour de l’île), c’est un lieu de tous les dangers où la mort rôde. Tandis que les indiens scalpent tout ce qui bouge – jusqu’au sauvetage de Tiger Lily –, des enfants tuent et se font parfois tuer et les pirates se feront correctement massacrer à la fin de l’histoire.
Concernant les enfants, il y a aussi un passage un peu flou : « The boys on the island vary, of course, in numbers, according as they get killed and so on ; and when the seem to be growing up, which is against the rules, Peter thins them out; but at this time there were six of them, counting the Twins as two. » Qu’est-ce que cela signifie? Est-ce qu’il les tue, purement et simplement ? Est-ce qu’il les pousse à quitter la bande des enfants perdus (pour rejoindre les pirates ou autres) ou à abandonner l’île pour vivre leur vie d’adulte parmi leurs semblables ? Certaines traductions françaises semblent avoir adopté le choix de l’assassinat, mais pour avoir cherché un peu, il semble que la formulation anglaise prête davantage au débat et à l’indécision.
Voilà, un petit aperçu de qui est Peter Pan. Un garçon insupportable et cruel, coincé dans son corps d’enfants et dans sa haine des adultes. Haine née d’avoir été abandonné et remplacé par un autre enfant dans le cœur de sa propre mère. Cette mère qu’il cherchera sans cesse en Tinker Bell, en Wendy, en la fille de Wendy, etc., sans jamais voir, sans jamais comprendre, sans jamais imaginer que l’amour qu’elles tentent de lui offrir n’est pas celui d’une mère. C’est donc un antihéros très sombre et torturé.

Wendy, quant à elle, m’a posé problème à cause de son rôle. Elle n’est pas fillette, elle est une maman. C’est d’ailleurs pour cela que Peter Pan l’a invitée à rejoindre Neverland : pour être la maman des enfants perdus. En quoi ça consiste ? Raconter des histoires certes, mais surtout repasser, recoudre, faire le ménage (elle détestera le navire des pirates – il était apparemment inimaginable qu’une fille soit attirée par l’aventure pirate – car il est décidément bien trop sale), faire à manger (faire semblant de faire à manger plutôt) et surveiller l’heure du coucher. Ah, et appeler Peter « father ». Jouer au papa et à la maman, c’est une chose que tout le monde ou presque aura fait, mais là, c’était trop. C’était presque dérangeant. Cela sonnait vraiment « conditionnement à ton futur rôle de femme au foyer et de mère » (ce que Wendy deviendra quelques années après son retour dans le monde réel). Certes, l’œuvre a plus d’un siècle, il faut recontextualiser, tout ça tout ça, mais ça fait quand même grincer des dents. (Petite anecdote : le titre du roman était à l’origine Peter and Wendy, mais celle-ci a fini par disparaître des couvertures bien que l’histoire suive bien davantage son parcours que celui de Peter Pan.)

Ce fut donc un étrange moment de lecture. Déstabilisant car je ne m’attendais pas à ressentir si peu d’attachement vis-à-vis des personnages, mais j’ai adoré découvrir ce conte bien plus glauque et malsain et déprimant que l’image que j’en avais auparavant.

Peter Pan, James Matthew Barrie. Puffin Books, coll. Puffin Chalk, 2013 (1911 pour l’édition originale). 206 pages. En anglais.

Pour prolonger la découverte de Peter Pan, je vous invite à vous rendre sur le blog Histoire naturelle de bibliophiles pour son très bon article joyeusement intitulé « Maman ou putain, les femmes dans Peter Pan ». Le ton est donné…

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Hook ou la revanche du Capitaine Crochet, film de Steven Spielberg (1991)

« Peter Banning alias Peter Pan est devenu un brillant avocat d’affaires qui a tout oublié de ses merveilleuses aventures. Mais le terrible capitaine Crochet, lui, n’a pas oublié. Pour enfin, régler leur compte, il enlève une nuit Jack et Maggie, les enfants de Peter. C’est en compagnie de Tinkerbell que Peter s’envole à nouveau pour le pays de Nulle Part. » (Allociné)

Hook (affiche)Je n’avais jamais vu ce film, mais la présence de Robin Williams et Maggie Smith ont suffi à me convaincre à lui laisser sa chance. Ce fut pour moi un bon divertissement pour un jour pluvieux. J’ai passé un bon moment et je me suis laissée porter par les aventures de Peter Banning bien que l’intrigue soit cousue de fil blanc. Pas de réelle surprise ni sur les péripéties, ni sur l’humour, ni sur les petits messages sur la famille.
Les deux acteurs principaux sont excellents dans leur rôle respectif : si je ne doutais pas de Robin Williams, j’ai été bluffée par Dustin Hoffman que je n’ai absolument pas reconnu (bien que sachant que c’était lui) et qui joue un Capitaine Crochet absolument parfait. Le reste du casting est à l’avenant, c’est-à-dire excellents dans leurs rôles respectifs. (Et puis, il y a Maggie Smith. Oui, je l’ai déjà dit, mais ça me fait toujours plaisir.)

Cependant, je n’ai absolument pas retrouvé l’ambiance du roman. Le film est bon enfant tout comme l’ambiance à Neverland. Comme je me l’imaginais avant de lire le livre. Peter Banning retrouve son âme d’enfant et l’avocat trop sérieux redécouvre le plaisir du jeu et du rire. On se bat sans se tuer (adieu, le massacre final du roman) et chacun retrouve une part d’innocence. Pourtant, à mon goût, Peter Banning n’a jamais été si proche du caractère du Peter Pan de papier lorsqu’il était cet adulte égoïste et aveugle à la peine de sa famille.
Ce n’est pas nécessairement un mal car Spielberg s’est approprié l’histoire pour créer son Peter Pan, sa suite, mais j’avoue que je serais curieuse de voir un film avec un Peter aussi sombre et dangereux que dans le livre. Savez-vous si de telles adaptations existent ?

Conclusion ? Un film très agréable, pas du genre à révolutionner le septième art, mais à nous faire passer un très bon moment.

Hook ou la revanche du Capitaine Crochet (VO : Hook), réalisé par Steven Spielberg, avec Robin Williams, Dustin Hoffman, Maggie Smith, Julia Roberts… Film américain, 1991, 2h15.

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(C’est bientôt la fin.)

Je pensais vous parler d’autres versions de Peter Pan, notamment en films – Netflix proposant notamment dans son catalogue Pan de Joe Wright (2015) et le Peter Pan de P.J. Hogan (2004) – mais je me suis aperçue que ces versions ne m’intéressaient pas vraiment (et que je n’avais pas vraiment envie de regarder le Disney), donc je vais m’arrêter là côté septième art. Je vous invite simplement à découvrir la petite vidéo de Math se fait des films sur le dessin animé Disney : je me dis que mes souvenirs sont peut-être erronés car les mauvais sentiments n’ont pas l’air loin à voir ces extraits.

Juste un dernier mot sur la version illustrée par Quentin Gréban.

Peter Pan (Gréban) (couverture)Quentin Gréban est un illustrateur dont j’aime beaucoup les grandes aquarelles, j’ai encore cette année été conquise par Maman aux textes signés par Hélène Delforge et cet article était l’occasion rêvée de ressortir son Peter Pan de ma bibliothèque.

Je ne m’attarderai pas sur le texte : c’est une version abrégée et adaptée, ce qui n’est guère ma tasse de thé. Je préfère avoir le texte complet et avoir toutes les clefs en main. Ici, on rencontre tout de même le Peter dur du roman, mais des passages manquants ou ayant été raccourcis, sa violence et son égocentrisme ne se font pas autant ressentir.
Les illustrations sont en revanche sublimes. Si elles ne soulignent pas forcément la noirceur de cette  histoire – avec un Peter Pan plus malicieux et attendrissant que dans le roman –, elles présentent des personnages lumineux et expressifs. Le Pays Imaginaire sera laissé à l’imagination de celles et ceux qui liront ce livre, car ce sont bien ses habitants qui sont au cœur des aquarelles et crayonnés de Quentin Gréban. Chacun a droit à son ou ses portraits. La taille de l’ouvrage est l’occasion de pleines pages fascinantes.
Bref, un très bel ouvrage !

Peter Pan, James Matthew Barrie, illustré par Quentin Gréban, édition adaptée et abrégée par Xavier Deutsch, à partir de la traduction d’Yvette Métral (Flammarion, 1982). Editions Mijade, 2014. 92 pages.

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C’est la fin de cet article consacré à Peter Pan !
Connaissez-vous le roman (ou la pièce de théâtre) de J.M. Barrie ?
Avez-vous un film (ou autre) à me conseiller ?

La parenthèse 7ème art – Mars 2019

(En vrai, j’ai regardé la dernière série en avril, mais on ne chipotera pas.)

Ce mois-ci, la moisson de films est bien pauvre. J’en ai vu d’autres, mais je n’avais forcément envie d’écrire dessus. J’ai aussi une grosse tendance à m’endormir devant les films en ce moment – qu’ils soient petits films français comme Se souvenir des belles choses ou blockbusters comme Avengers : Infinity War –, ce qui est particulièrement agaçant et me pousse donc à me tourner vers le format série.

Film

  1. Marie Stuart, Reine d’Ecosse (VO : Mary Queen of Scots), de Josie Rourke (2019)

Le destin tumultueux de la charismatique Marie Stuart. Épouse du Roi de France à 16 ans, elle se retrouve veuve à 18 ans et refuse de se remarier conformément à la tradition. Au lieu de cela elle repart dans son Écosse natale réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais la poigne d’Élisabeth Iʳᵉ s’étend aussi bien sur l’Angleterre que l’Écosse. Les deux jeunes reines ne tardent pas à devenir de véritables sœurs ennemies et, entre peur et fascination réciproques, se battent pour la couronne d’Angleterre. Rivales aussi bien en pouvoir qu’en amour, toutes deux régnant sur un monde dirigé par des hommes, elles doivent impérativement statuer entre les liens du mariage ou leur indépendance. Mais Marie menace la souveraineté d’Elisabeth. Leurs deux cours sont minées par la trahison, la conspiration et la révolte qui mettent en péril leurs deux trônes et menacent de changer le cours de l’Histoire. (Allociné)

Mary Stuart, Reine d'Ecosse (affiche)

Ce sont les actrices qui m’ont donné envie de voir ce film, mais finalement, il n’a fait que confirmer une tendance : les biopics, tellement présents au cinéma ces dernières années (peut-être est-ce ainsi depuis plus longtemps, mais j’ai l’impression qu’il en sort toutes les semaines à présent), m’ennuient profondément. Certes, l’histoire est l’histoire (même si tous les biopics ne sont pas d’une fidélité exemplaire) et ils ne vont pas réécrire la fin en décapitant Elisabeth plutôt que Marie Stuart, mais j’ai l’impression de voir toujours les mêmes scènes (notamment les sexes de sexe/viol, apparemment indispensables pour faire plus vrai). Ils semblent tous filmés de la même manière, lisse, comme s’ils étaient filmés à la chaîne, sans changement d’équipe technique, sans le point de vue personnel d’un ou d’une réalisatrice. Cependant, l’idée des lords noirs et des suivantes asiatiques dans l’Angleterre du XVIe est assez originale (irréaliste et incompréhensible à mes yeux, mais atypique).

 De même, je n’ai pas aimé l’image véhiculée de ces deux femmes, particulièrement de Marie Stuart. Les hommes de son entourage l’insultent et la rabaissent en la traitant de faible femme et toutes les joyeusetés et finalement, le portrait que le film dessine d’elle n’est guère plus glorieux. Stratège, Marie ? Solide dirigeante, Elisabeth ? Influentes, ces reines ? Ce n’est guère ainsi qu’on les perçoit, mais en femmes manipulées, malmenées et passives face aux événements. Waouh. Je suis époustouflée. Surtout par rapport à Elisabeth : régner 45 ans en faisant des fleurs en papier, c’est impressionnant. Et le film se veut féministe ?

 Le très bon jeu des actrices (notamment Saoirse Ronan qui ne m’a jamais déçue jusqu’à présent) n’a pas suffi à me faire oublier ni les longueurs ni les raccourcis et, finalement, les seuls éléments qui auront suscité un peu d’émotion chez moi sont les paysages écossais.
Je suis peut-être de mauvaise foi à cause de l’ennui que ce film a provoqué chez moi, mais je me dis que j’aurais dû lui préférer une relecture du Marie Stuart de Stefan Zweig.

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Séries

  1. Dark, créée par Baran bo Odar et Jantje Friese (2017, 1 saison, 10 épisodes)

Un enfant disparu lance quatre familles dans une quête éperdue pour trouver des réponses. La chasse au coupable fait émerger les péchés et les secrets d’une petite ville. (Allociné)

Dark (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Tiens, une série allemande ! Déjà que je ne regarde pas beaucoup de séries, c’est encore moins souvent que je me croise le chemin de nos voisins germaniques ! Après Il miraculo italien, je voyage !
Après Poupée russe, il semblerait les voyages dans le temps soient à la mode. Mais les deux séries sont très réussies, chacune dans leur genre. Là où Poupée russe était morbide mais drôle, Dark est, comme son nom l’indique, beaucoup plus sombre et pesant. Des enfants qui disparaissent, des corps qui réapparaissent des décennies plus tard, des grottes obscures, une immense forêt digne des contes de fées, un village isolé, un petit côté Twin Peaks… le décor est posé.
L’atmosphère est assez anxiogène et les personnages sont souvent torturés par leurs travers, leurs regrets ou leurs passé. Des ingrédients plein de noirceur (surtout quand tu rajoutes un prêtre mystérieux) particulièrement alléchants.
Le puzzle se met en place petit à petit, ce qui est totalement accrocheur. L’envie d’en savoir davantage, de comprendre, les révélations surprenantes révélées au compte-goutte… les réalisateurs ont soigneusement dosé leurs effets et ça fonctionne à merveille. L’intrigue se complexifie au fil des épisodes et c’est un régal.

J’ai beaucoup aimé les personnages, étonnement… ordinaires. Dans le sens, qu’on pourrait les croiser en sortant dans la rue. Et ça fait du bien. Dans les films, les séries, les personnages sont souvent particulièrement beaux (belles, car les femmes n’ont que rarement le droit à l’erreur (ou alors c’est que son physique banal ou moche servira dans l’intrigue)), particulièrement drôles ou intelligents, enfin, toujours mieux que toi (en tout cas, c’est ce que je ressens). Mais là, non. Les femmes sont belles, mais ce ne sont pas des beautés « parfaites », dans les normes actuelles ; ce sont des beautés particulières, des beautés atypiques que l’on croise chaque jour. Idem pour leurs caractères : les protagonistes ne peuvent être résumés à « méchant·e » « gentil·le ». Tous et toutes ont des défauts, des qualités, certain·es tendent vers le louche, d’autres sont globalement sympathiques, mais ils et elles sont faillibles.
Je ne sais pas si vous avez suivi ce que j’essayais laborieusement de vous dire, c’est clair dans ma tête, mais ça s’embrouille sur le clavier.

Par contre, à ce sujet, il y a un certain risque d’embrouillage à cause du nombre de personnages, sachant qu’il faut multiplier le tout par deux, voire trois, lorsque l’on retourne dans le passé. On a regardé les premiers épisodes de façon assez décousue, sans être bien immergés dedans et on s’est retrouvés quelques fois en mode « attends, mets pause, du coup, elle, c’est celle qui tient l’hôtel quand elle était petite, c’est ça ? c’est la mère de l’autre là, comment il s’appelle déjà ? le copain de la fille, tu sais ! » (il nous a fallu les trois quarts des épisodes pour retenir tous les prénoms allemands) « ah, mais du coup, elle, c’est la tante de machin vu que son père était son frère mais dans le passé ! » (En vrai, on s’y fait, mais évitez peut-être de laisser passer trop de temps entre les premiers épisodes.)
Mais il paraît que la saison 2 doit arriver prochainement, j’espère qu’elle ne tardera pas, histoire que je n’ai pas tout oublié qui est qui et qui est où quand la série recommencera.

Une série oppressante et fascinante, portée par un scénario qui tient la route d’un bout à l’autre. Vivement la suite !

  1. Sex Education, de Laurie Nunn (2019, 1 saison, 8 épisodes)

Maeve, jeune fille rebelle, seule et sans parents décide de créer un cabinet de sexologie dans son lycée avec l’aide d’un camarade de classe, Otis, fils de sexologue. Celui-ci aide alors des personnes à gérer leurs relations, alors qu’il est lui-même vierge. (Wikipédia)

Sex Education (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Troisième série que je commence alors qu’il n’y a qu’une saison. C’est très rare pour moi : généralement, j’attends qu’elle se finisse et au final, soit je les oublie, soit je vois que ça ne finit jamais et la probabilité pour que je les regarde un jour fond à toute vitesse (un exemple parmi d’autre : Orange is the New Black me semblait intéressante lorsque la première saison est sortie, mais maintenant qu’on en est à la sixième ou septième, c’est nettement moins le cas).
Du coup, pour libérer de la place dans la section « séries » de mon cerveau, j’ai plus ou moins décidé d’abandonner Outlander. J’ai tenu pendant les deux premières pour l’Ecosse (les paysages, la langue… c’était beau), la troisième m’a un peu ennuyée, j’ai vu le premier épisode de la quatrième et c’est bon, j’ai donné : les voir s’embourber dans des situations pas possibles, être séparés, être réunis, se faire violer, subir une deux trois dix tentatives de viols alors qu’ils restent en Amérique, ce n’est pas la peine. Je ne le supporterai pas une quatrième fois sans une dose d’Ecosse pour faire passer la pilule. Bye Jamie, bye Claire !

Sinon, de quoi devait-on parler ? Ah oui, Sex Education.

Ça va être court, je n’ai pas dix mille trucs à en dire. Ce n’est pas une série qui révolutionne le monde des séries, on est d’accord. On est dans un lycée, à moitié anglais, à moitié américain, avec des personnages stéréotypés : la bande fashion avec péteux et pétasses, insupportables avec tout le monde, y compris entre eux, la rebelle que personne n’aime et que tout le monde insulte tandis que toi, devant ton écran, tu ne les comprends pas du tout car ça crève les yeux qu’elle est à la fois démentiellement cool et intelligente, le gay flamboyant, le timide, etc.
Mêmes choses pour les thématiques : l’adolescence, les premières fois, l’amour, les déceptions amoureuses, les disputes entre amis…
Idem pour certaines séquences que l’on voit venir à des kilomètres (pas d’exemples, pas de spoils).
MAIS. C’était sympa quand même. Ça fonctionne. Grâce aux personnages. On s’attache à Otis, Maeve et Eric. On s’intéresse à Adam : j’ai d’ailleurs beaucoup aimé la façon dont certains protagonistes – dont lui – évoluent. On se retrouve à éprouver de la compassion et de la sympathie pour des lycéens a priori secondaires et/ou insupportables. On s’amuse beaucoup de la curiosité de Jean, la mère d’Otis (même si on est d’accord qu’on aurait aimé lui arracher les yeux si elle avait été notre mère quand on était ado ?).
C’est drôle, c’est léger, et il y a facilement de quoi passer un très bon moment à condition de ne pas avoir des attentes démesurées.
(En plus, Otis et Eric aiment Hedwig and the Angry Inch ! Quoi ? Ce n’est pas un argument ?)

  1. The Umbrella Academy, de Steve Blackman (2019, 1 saison, 10 épisodes)

En 1989, le même jour, quarante-trois bébés sont inexplicablement nés de femmes qui n’étaient pas enceintes et que rien ne relie. Sir Reginald Hargreeves, un industriel milliardaire, adopte sept de ces enfants et crée The Umbrella Academy pour les préparer à sauver le monde. Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Les enfants devenus adolescents, la famille se désagrège et l’équipe est dispersée. Les six membres toujours en vie, désormais trentenaires, se retrouvent à l’occasion de la mort de Hargreeves. Luther, Diego, Allison, Klaus, Vanya et Numéro Cinq travaillent ensemble pour résoudre le mystère qui entoure la mort de leur père. La famille désunie se sépare cependant de nouveau, incapable de gérer des personnalités et des pouvoirs trop différents, sans même parler de l’apocalypse qui menace… (Allociné)

The Umbrella Academy (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Puisque je suis dans l’exploration des séries Netflix, autant ne pas passer à côté de la dernière en date. J’avoue, c’est surtout Ellen Page qui a été mon principal moteur pour lancer le premier épisode. Mais finalement, mon enthousiasme est un peu retombé.

Mettons les choses au clair : je suis complètement accro aux personnages de Klaus (aka Robert Sheehan) et Numéro Cinq (Aidan Gallagher). Ce sont les deux dont j’ai adoré chaque apparition à l’écran : le premier est irrésistiblement attachant tout en étant bien allumé (les drogues qu’il prend à longueur de temps n’y sont pas pour rien) tandis que le second est charismatique et cynique à souhait. Bref, deux personnages jubilatoires.
Et pendant ce temps, les autres m’ont globalement laissée bien indifférente (dans le sens « mourez ou vivez, ça m’est égal »). Diego est même allé jusqu’à m’irriter encore et encore (ça doit être la moustache). Et je suis la seule à avoir tiqué sur le costume de Luther ?
Quant à Ellen Page, je suis mitigée. D’un côté, elle joue très bien son rôle de fille ordinaire dans une famille extraordinaire, mais voilà, elle apparaît un peu trop terne, un peu trop ordinaire et il est donc un peu difficile de s’y attacher. En fait, elle joue trop bien son rôle.

Et l’intrigue ? J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de longueurs, je me suis périodiquement ennuyée, notamment lors de scènes répétitives de dissensions familiales et de certaines petites histoires personnelles. Et tout est un peu cousu de fil blanc : les secrets concernant Vanya n’en sont pas vraiment, on devine le rôle que doit jouer Leonard dès la première minute où il apparaît, etc. Bref, ça reste classique, malgré quelques bonnes idées.

Heureusement, je suis bon public, la BO est plutôt cool, l’esthétique est sympa, et je suis irrémédiablement fascinée par Klaus et Numéro Cinq, donc je suis prête à signer pour une deuxième saison. (De toute façon, juste pour eux, j’en veux encore.) (Sinon, une série JUSTE avec eux, ce n’est pas possible ?)

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Avez-vous vu certaines de ces séries ? Ou bien d’autres ?
Je prends aussi les bons conseils cinématographiques (même si je vais devoir attendre de récupérer le contrôle de mes paupières pour les regarder).

La parenthèse 7ème art – Février 2019

Si j’ai vu pas mal de films ce mois-ci, je n’ai pas forcément envie d’écrire dessus. J’ai revu Le Cercle des poètes disparus, l’un de mes films préférés. Au cinéma, j’ai également vu La Mule de Clint Eastwood. J’étais partie pour écrire un petit quelque chose dessus, mais j’ai lu la chronique de La Moustache et comme elle a tout dit (et qu’elle l’a si bien dit), j’ai renoncé, mon avis aurait été inintéressant. Allez plutôt la lire !

  1.  Dragons 3 : Le monde caché (VO : How to Train your Dragon : The Hidden World), de Dean DeBlois (2019)

Harold est maintenant le chef de Berk aux côtés d’Astrid et Krokmou, en tant que dragon, est devenu le leader de son espèce. Ils réalisent enfin leurs rêves de vivre en paix entre vikings et dragons. Mais lorsque l’apparition soudaine d’une Furie Eclair coïncide avec la plus grande menace que le village n’ait jamais connue, Harold et Krokmou sont forcés de quitter leur village pour un voyage dans un monde caché dont ils n’auraient jamais soupçonnés l’existence. Alors que leurs véritables destins se révèlent, dragons et vikings vont se battre ensemble jusqu’au bout du monde pour protéger tout ce qu’ils chérissent. (Allociné)

Dragons 3 (affiche)

Complètement dingue des deux premiers films (et des dragons), j’attendais avec impatience la sortie de ce troisième opus.
A mes yeux, ce film clôture cette fantastique aventure. J’espère que les choses en seront ainsi car cette conclusion est très bien (mais quand même, les dragons…) et j’ai peur de l’essoufflement. En effet, le premier film était très bien, Harold devait convaincre son père, parfait ; deuxième film, un grand méchant qui vient compromettre le nouvel équilibre instauré sur Berk, ok, logique, il fallait bien montrer la cupidité humaine ; troisième film, un méchant encore plus méchant… vous voyez où je veux en venir ? (J’ai vu après coup que Dragons avait bel et bien été pensé comme une trilogie, c’est donc parfait !)
Si j’ai beaucoup aimé le film, que je me suis régalée, j’avoue mettre un bémol sur le scénario peu surprenant. Certes, il apporte enfin l’occasion à Krokmou de redécouvrir sa nature sauvage et à Harold de mûrir, de dépasser ses craintes adolescentes et de devenir un grand chef, bref, une belle conclusion. Mais j’avoue qu’entre le méchant encore plus méchant (finalement rapidement battu, il n’était pas si terrible apparemment) et la bande carrément lourdingue composée de Kranedur, Kognedur et Rustik, je ne suis pas comblée à 100%.

 Mais punaise, que c’est beau. L’animation est géniale, certaines scènes sont pleines de grâce, les décors sont magnifiques, le souci du détail est juste fabuleux… et pourtant, j’ai également été un peu déçue par la Furie Eclair, un peu trop lisse à mon goût. Harold a grandi (dommage que les autres personnages soient finalement assez transparents quand ils ne sont pas insupportables) et les dragons – Krokmou en tête – sont toujours aussi adorables.

Aboutissement d’une grande histoire initiatique, passage à l’âge adulte avec toutes les souffrances qu’il implique, c’est une excellente fin qui souffre malgré tout de la comparaison avec deux précédents opus quasiment parfaits.                                                                                                                   

  1. The Danish Girl, de Tom Hooper (2016)

The Danish Girl retrace la remarquable histoire d’amour de Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930. (Allociné)

The Danish Girl

(Disponible sur Netflix)

J’avais adoré ce film à sa sortie, aussi n’ai-je pas tardé à le revoir une fois mis à disposition sur Netflix. Second visionnage qui m’a confirmé le caractère tout à fait génial de ce film et la perfection de ses interprètes, l’un et l’autre s’entremêlant en parfaite harmonie.

Une merveilleuse histoire du temps (affiche)Eddie Redmayne prouve une nouvelle fois qu’il est un acteur hors pair (Netflix met aussi à disposition le biopic sur Stephen Hawking, Une merveilleuse histoire du temps, dans lequel il est tout aussi marquant). Son interprétation délicate du personnage de Lili Elbe est bouleversante (sauf quand quelques minauderies irritent un chouïa…). On oublie l’acteur pour ne voir que cette pionnière courageuse qui a voulu trouver qui elle était, être en accord avec ce qu’elle ressentait en dépit des opinions des médecins rencontrés.
Alicia Vikander, elle, joue Gerda, la femme d’Einar, l’amie de Lili, qui ne l’a jamais laissée tomber, qui l’a aimée et soutenue jusqu’au bout. Une magnifique histoire d’amour, pas niaise pour un sou. Lili a apporté avec elle des combats, des incompréhensions, de la jalousie et de la solitude pour Gerda, mais cette dernière a toujours été un pilier fiable pour Einar comme pour Lili. Bref, Alicia Vikander y est passionnée, superbe, poignante, profonde. Incroyable.

Certes, c’est un biopic classique. Mais grâce à Eddie Redmayne et Alicia Vikander, grâce à cette histoire importante, grâce à cette beauté (quel régal pour les yeux ! la lumière, les costumes, la caméra qui effleure la peau de ses sujets, les toiles, les vêtements…), c’est aussi un biopic sensible qui m’a émue.

  1. Les invisibles, de Louis-Julien Petit (2019)

Suite à une décision municipale, l’Envol, centre d’accueil pour femmes SDF, va fermer. Il ne reste plus que trois mois aux travailleuses sociales pour réinsérer coûte que coûte les femmes dont elles s’occupent : falsifications, pistons, mensonges… Désormais, tout est permis ! (Allociné)

Les invisibles (affiche)

Un film qui avait tout pour me plaire… et que j’ai effectivement beaucoup aimé. Les SDF ne sont déjà pas forcément un sujet dont on parle énormément (les dispositifs anti-SDF semblent montrer que l’on ne souhaite pas les voir dans les villes) ; les femmes SDF le sont encore moins. Pourtant leur quotidien est encore plus compliqué.
Cependant, ce film n’est pas aussi dur qu’il aurait pu l’être. Il rejette tout misérabilisme sans minimiser les difficultés et les horreurs d’un tel quotidien. Au contraire, il rayonne de bonne humeur et de courage. Toutes ces femmes sont inspirantes : leur vie pourrait leur donner le droit à l’auto apitoiement, mais non, elles sont pleines d’humour sur elle-même et de bonne volonté.

Lumineuses, actrices amatrices et professionnelles sont au diapason. Les premières ayant connu cette vie-là apportent beaucoup de sincérité. Elles sont d’une présence folle et, lorsque le film s’achève, c’est à regret que je les ai quittées tant j’aurais aimé savoir quel avenir les attendait. Les secondes sont impressionnantes de crédibilité et de justesse. Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky et Déborah Lukumuena (révélée dans le génial Divines) sont fabuleuses, chacune à leur manière, discrète, grande gueule, réaliste, idéaliste, mais réellement impliquées (et je parle autant les actrices que de leurs personnages). Le travail des travailleuses sociales est sidérant et l’investissement qu’elles y mettent réellement digne d’admiration.
Le film montre les obstacles que les unes et les autres peuvent rencontrer avec beaucoup de sensibilité : sentiment d’échec, peur de l’inconnu, estime de soi en berne, savoir mettre une limite entre vies personnelles et professionnels…

Un film sérieux, intelligent, drôle, engagé qui va vous émouvoir, vous faire rire, vous indigner. Presque un documentaire, Les invisible est un film tendre et humain à voir sans aucune hésitation.

  1. Blancanieves, de Pablo Berger (2013)

Sud de l’Espagne, dans les années 20. Carmen est une belle jeune fille dont l’enfance a été hantée par une belle-mère acariâtre. Fuyant un passé dont elle n’a plus mémoire, Carmen va faire une rencontre insolite : une troupe ambulante de nains toreros qui va l’adopter et lui donner le surnom de « Blancanieves ». C’est le début d’une aventure qui va conduire Carmen « Blancanieves » vers elle-même, vers son passé, et surtout vers un destin à nul autre semblable. (Allociné)

Blancanieves (affiche)

Nouveau visionnage, six ans après avoir découvert ce film lors de sa sortie en salles. Pablo Berger revisite ici le conte de Blanche-Neige d’une façon totalement captivante. Film en noir et blanc, film muet avec pour bande-son un formidable usage des airs entraînants du flamenco. Blanche-Neige au pays des toréadors : surprenant, mais réussi.
Si je désapprouve la corrida, incapable de comprendre ces distractions barbares, je ne peux m’empêcher d’être séduite par l’atmosphère vénéneuse de ce film qui reprend parfaitement les principales étapes du conte connu par tout un chacun.

Rien à redire sur le casting et les actrices principales sont tout simplement formidables. Sofía Oria joue une Carmen enfant frondeuse et maltraitée qui parvient malgré tout à trouver un peu de lumière dans l’obscurité de son quotidien injuste tandis que Macarena García est une adulte rayonnante ; impossible de rester indifférent·e face à elles. Maribel Verdú est, quant à elle, une marâtre fascinante, aussi séduisante que perfide. Cupide, elle ne se mire pas dans un miroir magique, mais dans les revues, et quand celles-ci accorde la couverture à sa belle-fille, Encarna voit rouge.

L’image est sublime, le noir et blanc souligne les ombres, caresse les visages, les illumine ou les assombrit selon les émotions qui les traversent.

Tragique, mais aussi comique, ce conte revisité s’offre un final qui nous laissera un peu amer, un peu triste. Des images magnifiques, des émotions sublimées, une narration fluide, Blancanieves est une petite pépite malheureusement trop méconnue.

  1. Une vie volée (VO : Girl, Interrupted), de James Mangold (2000)

En 1967, lors d’un entretien avec un psychanalyste, Susanna Kaysen apprend qu’elle souffre d’un trouble de la personnalité. Elle est envoyée dans un hôpital psychiatrique renommé de la Nouvelle-Angleterre et se retrouve dans un univers étrange peuplé de jeunes filles aussi séduisantes que dérangées, telle Lisa, une charmante sociopathe qui met au point avec elle une désastreuse tentative d’évasion. (Allociné)

Une vie volée

(Disponible sur Netflix)

Vu pour la première quand j’étais lycéenne, j’ai été ravie de voir ce film apparaître au catalogue Netflix. Une plongée dans l’aile des femmes d’un hôpital psychiatrique et un portrait de personnes brisées, fragilisées, paumées, qui, sans être juste des « folles », font écho aux névroses qui nous hantent tous et toutes. Elles ne sont pas présentées uniquement par le biais de leurs maladies, mais de façon humaine et réaliste.
Le parcours de Susanna est fort car elle est un personnage plus proche de nous (de moi, en tout cas) qu’une Lisa ou une Polly. On suit le labyrinthe de ses pensées entre présent et passé au fil des réminiscences et ses peurs, certaines des postures qu’elle se donne parfois, ses doutes se révèlent très parlants.
Angelina Jolie y est magnétique : j’avais été frappée par la force de son interprétation la première fois et, une nouvelle, le « charme » – jeu entre attirance et répulsion – a opéré. Son duo avec la plus discrète Susanna est captivant. Le reste du casting est à l’avenant : efficace, juste, intéressant.

S’il n’est pas parfait, Une vie volée est un film touchant sur l’amitié, sur les pertes de repères, sur le gouffre qui peut être plus près que ce que l’on croit.

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Séries

  1. Il Miracolo, créée par Niccolò Ammaniti (2018, 1 saison, 8 épisodes)

Lors d’une descente dans la cachette d’un chef de mafia, la police découvre une statuette de Madone en plastique pleurant des larmes de sang. Ce phénomène semble inexplicable, d’autant que l’objet énigmatique entraîne tous ceux qui l’approchent dans une extase mystique et bouleverse leur vie. (Allociné)

Il Miracolo (affiche)

C’est grâce à Alberte que j’ai découvert cette série italienne. Je me suis longtemps (enfin, tout est relatif puisque la série ne comporte que huit épisodes) questionnée sur l’intrigue et la direction prise par la série, sur les personnages… avant de décider de me laisser porter puisque l’ambiance me plaisait bien. Une atmosphère pas bien joyeuse, il faut le reconnaître. Les personnages – la majorité d’entre eux – sont dérangeants, louches ou, au mieux, simplement agaçants. Les portraits ici proposés ne sont guère flatteurs : frustrations, jalousie, violences… bref, l’être humain dans toute sa splendeur.
C’est aussi un portrait de l’Italie dans lequel deux forces s’affrontent : la politique et la religion. La statuette bouleverse les convictions de chacun·e : aucun scientifique et aucun croyant ne reste de marbre devant ce miracle apparent. Des réactions diverses, parfois extrêmes, parfois indécises, mais passionnantes à observer.
Je n’ai pas grand-chose d’autre à en dire : c’est surtout une série aux images aussi belles que son scénario est sombre qui m’a fait éprouver une persistante sensation d’étrangeté et de mal-être.

  1. Poupée russe (VO : Russian Dolls), de Natasha Lyonne, Amy Poehler et Leslye Headland (2019, 1 saison, 8 épisodes)

Une femme prise au piège d’une mystérieuse boucle revit sans cesse une nuit de fête à l’issue de laquelle elle meurt… avant de se réveiller la veille, indemne. (Allociné)

Poupée russe (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Cette série est si brève – huit épisodes de 25 minutes environ – qu’il serait dommage de passer à côté. Même lorsque, comme moi, on regarde relativement peu de séries. Et je ne regrette pas ce choix, ne serait-ce pour Natasha Lyonne (que, contrairement à moi, vous aurez peut-être déjà vu dans Orange is the New Black) et son ébouriffante interprétation de Nadia.

A travers une histoire de boucles temporelles, Poupée russe aborde plein de questions sur la vie et la mort, le passé, les relations humaines, l’amitié… et d’autres choses dont je ne peux pas vous parler sans risque de spoiler. Le tout est servi par un scénario très juste et captivant et des dialogues tout aussi fins et bien écrits.
C’est intelligent et c’est aussi très drôle. Dure, la voix éraillée et le ton gouailleur d’une désabusée, Nadia n’a pas la langue dans sa poche et, caparaçonnée dans sa désinvolture, elle est irrésistible. On la découvre peu à peu dans toute son intelligence et sa complexité et c’est un superbe personnage, bourré de défauts et de qualités, réaliste et attachant, qui se dévoile au fil des épisodes. Ses tentatives pour survivre et la mort qui toujours la rattrape donnent lieu à des scènes plus cocasses que morbides.
Elle est rejointe par un autre prisonnier du temps, Alan, dont je vous laisse le plaisir de la découverte.

Une série bourrée d’humour interrogeant sur la vie et la mort (et on s’en pose des questions sur le pourquoi de ces boucles temporelles !), avec la petite touche morbide qui va bien, une réalisation impeccable (BO, lumières, personnages… rien à redire), bref, Poupée russe est un petit bijou qui se dévore en quelques heures. Ne passez pas à côté !

Qu’avez-vous vu ce mois-ci ? Des coups de cœur, des déceptions ?
Cinéma, Netflix ou autres, je prends tous les bons conseils !