The Jungle Book, de Rudyard Kipling, illustré par MinaLima (1894)

The Jungle Book (couverture)Pour commencer, je reconnais ma surprise en découvrant que The Jungle Book est en réalité un recueil de nouvelles et plus encore que trois seulement mettaient en scène Mowgli, Bagheera, Baloo et compagnie ! Parmi les sept autres, trois se déroulent également en Inde, mais au milieu, une nouvelle dénote particulièrement en racontant les aventures d’un phoque blanc à travers les océans.

J’appréhendais cette lecture en anglais (qui dormait dans la PAL depuis 2018) par crainte d’une langue désuète et trop compliquée à comprendre (car je suis évidemment plus familière de l’anglais actuel que de celui de la fin du XIXe siècle).
Cette appréhension s’est finalement révélée inutile car ma lecture a été très fluide. J’ai simplement découvert l’utilisation d’un tutoiement archaïque avec la panoplie « thou – thee – thy – thine » et de leur étrange conjugaison (« art – dost – wilt – didst – mayest – etc. »), mais on s’y habitue très vite. La nouvelle m’ayant posé le plus de difficulté était « The White Seal » du fait du vocabulaire marin (notamment avec toutes les espèces de poissons et d’oiseaux) assez spécifique. Cependant, ça restait globalement très compréhensible au-delà de quelques recherches de vocabulaire par curiosité.

J’ai pris plaisir à découvrir les personnages originaux du Livre de la jungle – tout en regrettant de ne pas les côtoyer plus longtemps –, d’autant que ceux-ci m’ont réservée quelques surprises par rapport à l’adaptation de Disney, à commencer par un Baloo plus sage et sérieux et le manque de prestige de Shere Khan – moqué, conspué, obligé de se livrer à des manigances pour retourner certains loups contre Mowgli (eh non, ce n’est pas une jolie fille qui détourne Mowgli des siens !). J’ai particulièrement aimé la nouvelle mettant en scène Kaa et le Bandar-log (le peuple des singes) : Kaa – bien plus amical que dans le dessin animé – apparaît avec une vraie prestance, une influence réellement hypnotisante, l’un des personnages majeurs de cette jungle sans côté rigolo, alors que les singes font presque de la peine dans leur désir d’être remarqués par les autres habitants de la jungle qui les méprisent et les rejettent. Mais, loin de l’image des singes éclairés, ceux de Kipling sont les trublions inquiétants et imprévisibles de la jungle, sans mémoire, sans but, sans parole.

Dans toutes les histoires d’animaux anthropomorphes, la violence est bien présente, les lois de la jungle ou les règles de la plage sont parfois impitoyables, et la vie et la mort et le sang s’entremêlent. Entre Shere Khan et Mowgli, « aucun d’eux ne peut vivre tant que l’autre survit » ; pour se faire entendre de ses pairs, Kotick, le phoque blanc, doit faire couler le sang pour prouver sa valeur ; entre Rikki-Tikki la mangouste et Nag et Nagaina les cobras, il ne peut y avoir de trêve. Et puis, il y a l’asservissement et les massacres perpétrés par les hommes…

Les deux dernières histoires mettent en scène des animaux domestiqués par les humains qui parfois trouvent une échappatoire pour une nuit : des éléphants qui vont danser sous la lune et des animaux utilisés dans les guerres des hommes (cheval, mule, buffles, éléphant, chameau) qui discutent de leur manière de combattre et de leurs peurs. Seule une jeune mule, pas encore habituée aux ordres à accomplir sans réfléchir (valables pour les animaux comme pour les hommes…), posera la seule question sensée : « “What I want to now”, said the young mule, who had been quiet for a long time– “what I want to know is, why we have to fight at all.” »

Le travail de MinaLima offre une superbe édition, avec des illustrations colorées et des éléments interactifs. Le tout embellit l’ouvrage et sert le texte sans prendre le dessus avec des éléments ludiques. (Désolée, pas de photo car mon exemplaire dort dans un carton !)
S’ils voulaient illustrer Le Second Livre de la Jungle – dont certaines nouvelles mettent à nouveau en scène Mowgli et compagnie –, je compléterai avec plaisir la collection ! En attendant, ma PAL a d’ores et déjà accueilli The Wonderful Wizard of Oz, également illustré par le duo aux doigts d’or.

Si j’ai eu une préférence pour les nouvelles autour de Mowgli (peut-être parce que c’est ce que j’attendais de ce livre et que les autres ont été une découverte inattendue), ces histoires d’apprentissage, bien plus cruelles que la version de Disney (sans surprise), se sont révélées très sympathiques et prenantes, entremêlant aventures et petites réflexions. J’ai apprécié leur conclusion sur la chanson d’un ou plusieurs personnages qui apporte une touche poétique à chaque nouvelle.
L’édition illustrée par MinaLima est un très bel objet-livre et un écrin de choix pour les découvrir !

Un dernier mot pour remercier Mathilde du blog Critiques d’une lectrice assidue qui m’a donné, sans le vouloir, l’impulsion qui me manquait à travers un échange sur la lecture en VO !

« The tiger’s roar filled the cave with thunder. Mother Wolf shook herself clear of the cubs and sprang forward, her eyes, like two green moons in the darkness, facing the blazing eyes of Shere Khan.
“And it is I, Raksha [the Demon], who answer. The man’s cub is mine, Lungri – mine to me! He shall not be killed. He shall live to run with the Pack and to hunt with the Pack; and in the end, look you, hunter of little naked cubs – frog-eater – fish-killer, he shall hunt thee! Now get hence, or by the Sambhur that I killed (I eat no starved cattle), back thou goest to thy mother, burned beast of the jungle, lamer than ever thou camest into the world! Go!” »

« One of the beauties of Jungle Law is that punishment settles all scores. There is no nagging afterward. »

« Waters of the Waingunga, the Man Pack have cast me out. I did them no harm, but they were afraid of me. Why?
Wolf Pack, ye have cast me out tout. The jungle is shut to me and the village gates are shut. Why?
As Mang [the Bat] flies between the beasts and the birds so fly I between the village and the jungle. Why? »

(Mowgli’s Song)

The Jungle Book, Rudyard Kipling, illustré par MinaLima. Harper Design, 2016 (1894 pour l’édition originale). En anglais. 251 pages.

Challenge Les 4 éléments – L’air : 
un animal disparu ou menacé de disparition (dodo, tigre, baleine, ours polaire…)

20 réflexions au sujet de « The Jungle Book, de Rudyard Kipling, illustré par MinaLima (1894) »

  1. J’espère aussi prendre mon courage à deux mains pour le sortir de ma PAL parce que ces nouvelles ont l’air d’avoir une certaine portée. La phrase de la mule m’a beaucoup touchée, sa question étant simple, voire un peu naïve, et pourtant percutante et pleine d’intelligence.
    Merci pour la découverte de l’existence d’un tutoiement archaïque qui aurait pu me faire perdre mon latin !

  2. Je suis heureuse de t’avoir donné l’impulsion pour lire ce livre, surtout qu’il t’a plu 😀 Je suis aussi étonnée que l’histoire soit fragmentée en différentes nouvelles, et surtout qu’il y en ait si peu sur Mowgli et ses amis… Je pensais que c’était un roman lambda. Ceci dit, si tu as aimé c’est l’essentiel. Quant à la VO, c’est cool que les archaïsmes ne t’aient pas dérangée. Ça aurait pu poser des problèmes à certains lecteurs, mais là tu as géré ta lecture 😉

    • Oui, tu m’as donné l’envie et la motivation !
      Je l’étais aussi, je ne savais pas du tout vu que je ne lis rien sur mes lectures à venir. Il y a d’autres histoires avec Mowgli dans Le second livre de la jungle apparemment, donc ce serait chouette s’il sortait un jour dans la même édition.
      Encore merci !

  3. Non, en anglais, je ne saurais pas, mon niveau est de celui d’une vache qui a juste étudié ce qu’il fallait pour réussir ses examens (shame on me).

    J’avais lu la version de Disney, en bibliothèque verte, par contre.

  4. En voilà un titre qui attend dans ma liseuse depuis quelques temps, en français pour ma part, pas assez courageuse pour me lancer en VO. 🤭 Cela dit, j’apprends grâce à toi qu’il s’agit de nouvelles plutôt que d’un roman, je suis prévenue. Merci 🙂

  5. Bah du coup je vais te faire sentir moins bete mais je savais pas non plus que c’était un recueil de nouvelles ! ^^

    Je comprends ton amour pour ces éditions, à chaque fois que je les croise en magasin je lorgne dessus. Ca fait très longtemps que j’hésite à m’acheter la version italienne de Pinocchio mais, comme toi, j’ai peur d’une langue vieillit et de ne pas tout comprendre malheureusement… Je vais peut etre attendre d’améliorer mon niveau hihi

    • Je ne me sens pas trop bête parce qu’apparemment, c’était le cas de beaucoup de monde !

      Ouiiii ! J’avoue que je vise la collection complète.
      Peut-être que tu auras, comme moi, une bonne surprise et que cela sera parfaitement lisible ! (Et au pire, il doit bien y avoir des versions complètes libres de droits sur internet pour t’aider…)

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