Ma lecture d’Inséparables m’avait donné envie de le lire en anglais, j’ai donc découvert One, puis Moonrise est sorti et ce fut un nouveau coup de cœur. J’ai alors décidé de lire tous les romans de cette autrice irlandaise. Si Apple and Rain m’attend encore dans ma PAL, je ne résiste pas à l’envie de vous parler immédiatement de deux romans supplémentaires.
The Weight of Water, de Sarah Crossan (2012)
traduit par Clémentine Beauvais sous le titre Swimming Pool (2018)
C’est avec presque rien que Kasienka et sa mère quittent la Pologne pour l’Angleterre dans l’espoir de retrouver leur père et mari. Leur seul indice : un cachet de poste.
J’ai lu The Weight of Water en janvier et mon article attendait depuis que je me décide à lire We Come Apart pour une double chronique. Ce mois-ci, j’ai eu la chance de recevoir grâce à Babelio la traduction du premier par Clémentine Beauvais. Ma critique est donc basée à la fois sur la VO, The Weight of Water, et sa traduction, Swimming Pool.
Les thèmes abordés sont durs. Au programme : fuite d’un père, immigration, intégration et harcèlement scolaire. On ne peut pas reprocher à Sarah Crossan d’embellir la réalité.
Leur immeuble est pourri. Sa mère est complètement en vrac, leur cœur brisé par la fuite de son mari. Elle passe ses jours à faire des ménages et ses soirées à frapper à toutes les portes dans sa quête vaine. A l’école, placée dans une classe d’élèves plus jeunes à cause de son mauvais anglais, Kasienka devient le souffre-douleur d’une bande de filles populaires. En butte aux moqueries de ses camarades (ou à la pitié de celles qui restent à l’écart sans pour autant la soutenir), elle expérimente la solitude et l’incompréhension. Sarah Crossan en profite pour nous faire découvrir la cruauté qui règne dans les collèges anglais, l’esprit de compétition et la persécution vécue par certain.es élèves. Kasienka comprend vite que ses efforts pour leur ressembler sont inutiles et la piscine devient son refuge et elle y trouvera un ami, et peut-être même un peu plus, ainsi qu’un but et une force.
Malgré les épreuves qu’elle doit affronter, Kasienka est une héroïne forte et volontaire. Elle n’a que douze ans, mais elle fait rapidement preuve de la maturité de ceux à qui la vie ne sourit pas. Elle ne baisse pas la tête et affronte la vie par elle-même sans se reposer sur quelqu’un d’autre, sans attendre une défense de la part d’un tiers.
Les poèmes sont courts (une page ou deux, rarement davantage) et, grâce à ses vers libres, les pages tournent toutes seules. On plonge dans l’histoire comme dans une piscine et on tourne la dernière page, le souffle coupé, un peu surpris d’arriver si vite de l’autre côté.
Ce n’est pas une littérature descriptive : les lieux et les physiques importent peu, c’est à nous de les imaginer. C’est une littérature d’émotions. Un poème, un moment, des sensations. Et peu à peu se dessinent les portraits des personnages. Je crois que c’est ce qui donne cette voix, ce souffle unique aux livres de Sarah Crossan.
Je ne vais pas prétendre faire une analyse comparative (cinq mois séparant mes lectures en VO et VF), mais la traduction de Clémentine Beauvais a touché aussi juste que la version originale. Derrière cette couverture veloutée, on retrouve le rythme tout aussi efficace et les mots lumineux, puissants, entraînants, évocateurs.
Juste et touchante, c’est une nouvelle lecture pleine de tolérance et d’espoir à travers laquelle chacun.e revivra son adolescence.
The Weight of Water, Sarah Crossan. Bloomsbury, 2012. En anglais. 227 pages.
Challenge Les Irréguliers de Baker Street – La disparition de Lady Frances Carfax :
lire un livre traitant de la disparition d’une personne
Challenge Les 4 éléments – L’eau :
un livre à la couverture bleu océan
Challenge Voix d’autrices : un livre dont le personnage principal est une femme
Swimming Pool, Sarah Crossan. Rageot, 2018 (2012 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Clémentine Beauvais. 251 pages.
Challenge Voix d’autrices : une traduction
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We Come Apart, de Sarah Crossan et Brian Conaghan (2017)
Nicu et Jess se rencontrent lors de journées de travaux d’intérêt général. Tous deux ont été surpris en train de voler. Elle est Anglaise, il est Roumain. Elle est entourée de copines, il est toujours seul. Ils n’auraient pas dû se trouver, et pourtant…
Ce récit écrit à quatre mains est une vraie réussite. J’aime la manière dont Sarah Crossan (et Brian Conaghan ici) aborde des sujets graves. Comme dans The Weight of Water, on retrouve la thématique de l’immigration : Nicu, comme Kasienka, peine à s’intégrer dans cette société qui regarde de travers la couleur de sa peau et grimace en entendant son mauvais anglais.
Ce livre aurait pu faire partie de mon article sur les familles dysfonctionnelles tant il présente des situations familiales compliquées et conflictuelles. Pour Jess, un beau-père violent envers sa mère qui est complètement passive et bloquée dans cette relation ; pour Nicu, une union imposé dont il ne veut pas. Appréhender le mariage forcé depuis les yeux d’un garçon est une nouveauté pour moi : la situation lui est extrêmement désagréable car, en dépit du racisme qu’il subit à l’école, l’Angleterre devient rapidement l’endroit qu’il qualifierait de « chez-lui ». Mais il n’a absolument pas son mot à dire.
Les courts chapitres alternent les points de vue des deux protagonistes, ce qui nous offre l’opportunité de les connaître aussi bien l’un que l’autre. Si Nicu est tout de suite éminemment sympathique, Jess est un personnage plus complexe : au début quelque peu prétentieuse et quelque peu suiveuse, elle permet également de découvrir l’ambiance au lycée, une atmosphère de mépris, de vantardise et de méchanceté. Son caractère piquant et parfois désabusé devient aussi accrocheur que le grand cœur de Nicu.
Nicu et elle réussissent néanmoins à s’apprivoiser et apparaît alors une très belle histoire d’amour. Alors que celle de The Weight of Water est plus secondaire, celle-ci n’a cessé de m’émouvoir et de me surprendre. Les situations respectives sont tellement gangrenées que l’on doute de la possibilité d’une fin heureuse, mais on a envie d’y croire avec eux, d’y croire pour eux. Le récit captive jusqu’à cette fin absolument superbe et inattendue.
Quant aux vers libres, c’est décidément une écriture qui me plaît énormément. Je ne sais pas comment ça fonctionne, je n’analyse pas l’agencement des phrases. Je me laisse tout simplement porter et, à chaque fois, la magie opère. La langue anglaise coule toute seule, c’est un délice, je savoure les mots et j’absorbe mille émotions.
Histoires de famille, histoires d’adolescence, histoire d’amour, We Come Apart est un récit doux-amer terriblement prenant et absolument bouleversant. L’amour et l’espoir peuvent-ils être plus forts que le racisme, les préjugés et la violence ?
We Come Apart, Sarah Crossan et Brian Conaghan. Bloomsbury, 2017. En anglais. 325 pages.
Challenge Voix d’autrices : une autrice que j’aurais aimé découvrir à l’école