Chroniques du Cercle, tome 2, Sinteval, de Rozenn Illiano (2020)

Sinteval (couverture)J’avais apprécié Elisabeta, mais le premier tome ne peut à présent que souffrir de la comparaison avec le second : Sinteval a gagné en efficacité et en maturité. Le bouquin fait plus de six cents pages et je n’avais pas envie que ça s’arrête tant j’appréciais le temps passé avec celles et ceux qui sont à l’intérieur.

Plus le temps passe, plus l’univers de la démiurge Rozenn Illiano développe ses branches reliées à un même tronc, plus j’ai envie d’en savoir plus, c’est addictif.
On explore toujours la société vampirique du Cercle, on en apprend davantage sur son histoire et son fonctionnement, ce qui est une nouvelle fois fascinant, à l’image de toutes ces formes de magies mal comprises, mal maîtrisées, ces pouvoirs vacillants qui parsèment son œuvre. On retrouve ses membres qui subissent l’immortalité plus qu’ils n’en profitent pour passer les 600 jours d’Apocalypse à leurs côtés. Au programme : du sang (et des pénuries), de l’angoisse, des espoirs, des terreurs, différentes manières d’appréhender un avenir plus qu’inquiétant, et des questions qui ne font pas tache dans notre quotidien de simples mortels. J’ai également eu l’impression de découvrir Giovanna et Virgile dans ce roman, sans doute parce que la plume de l’autrice a gagné en efficacité pour donner vie à ses personnages, pour faire naître une implication émotionnelle vis-à-vis d’eux  (c’est ce que j’avais reproché à la première mouture de Town). (Si je relisais Elisabeta, je craindrais d’être un peu déçue à ce niveau-là d’ailleurs.)

Encore une fois, je suis admirative du travail de Rozenn Illiano : Sinteval fait écho et s’articule avec plusieurs romans de l’autrice, nécessitant le respect d’une chronologie précise. C’est un travail d’orfèvre assez incroyable.
De plus, je suis toujours impressionnée par la sensation de normalité qui se dégage de ses romans. Souvent, dans les romans de fantasy par exemple, même si le personnage principal est censé être – au départ – un gars ou une fille banale, il y a souvent malgré tout une touche d’exceptionnel qui s’attache à ses pas et qui ne fait que prendre de l’ampleur alors que son destin se déploie. Cependant, chez Rozenn Illiano, même quand ils sont sorciers, même quand ils sont immortels, les personnages pourraient être des gens lambda qu’on pourrait croiser dans la rue. Il y une spontanéité, une humanité, une empathie, qui n’est pas feinte dans sa façon de donner vie à ses personnages, de les faire parler, de les faire penser, dans le déroulement de l’histoire aussi. Et qui fait que j’ai pris autant de plaisir à lire les temps de doutes ou de relâche qui parsèment le quotidien que des scènes plus riches en action ou en tension.

Un roman aussi sensible que dynamique et captivant. Une très bonne lecture dans un écrin sublime (car, franchement, les éditions luxe sont magnifiques et tellement agréables à la lecture).

« On raconte que l’âme brûle, consumée par la malédiction qui les accable tous. Les immortels n’ont pas le droit de vivre au grand jour, ils doivent se contenter des ombres… et contrevenir à cet édit les fauche sans laisser la moindre chance d’y échapper. En échange, ils reçoivent un oracle, les quelques mots d’une interminable prophétie que leur peuple n’a jamais pu déchiffre, comme des milliers de pièces de puzzles dont l’image reste encore à définir.
Quel oracle le Rettore va-t-il déclamer ? L’assemblée attend ces mots.
Les yeux grands ouverts mangés par la lumière, tremblant sur ses genoux en un équilibre précaire, De Monti lève la main et la pose sur le bras de celui qui l’accompagne, en un dernier geste désespéré, en recherche de soutien peut-être. L’homme à côté de lui ne bouge pas. Il se contente de l’écouter.
Des chuchotements se font entendre dans le silence. Quelqu’un lance un « shut up ! » à voix basse.
Puis la voix éraillée s’élève, tente de franchir la gorge nouée du Rettore.
Un mot qui cherche à s’extirper d’une tombe. Un seul.
Subito. »

Chroniques du Cercle, tome 2, Sinteval, Rozenn Illiano. OniroProds, 2023 (2020 pour la première publication). 636 pages.

2 réflexions au sujet de « Chroniques du Cercle, tome 2, Sinteval, de Rozenn Illiano (2020) »

  1. Encore une fois, tu me donnes toujours autant envie de découvrir cette auteure et son univers extraordinaire !

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