Parenthèse 9e art : Bâillements de l’après-midi, Au cœur des solitudes et Lydie

La sélection du jour :

***

Bâillements de l’après-midi, tome 1, de Shin’ya Komatsu (IMHO, 2023)

Bâillements de l'après-midi (couverture)Je me souviens encore de la manière dont Sabine de Fourbis et Têtologie avait qualifié ce manga : « onirico-poético-weird ». Elle avait attiré mon attention et je lui dois cette participation à l’une des dernières Masses Critiques Babelio de l’année ; la recommandation était excellente et je la remercie de cette découverte !

Car, comme pressenti, ce manga avait tout pour me plaire avec ces tranches de vie décalées et ces promenades oniriques au fil des saisons, sublimées par un trait rond et doux. Les ombres de l’été, les jours de pluie, les étoiles dans le ciel une nuit d’hiver, mais aussi un gant perdu, un parapluie, un livre… tout est point de départ pour une aventure aussi paisible qu’étonnante dans une atmosphère malicieuse et rêveuse.
Awako, l’héroïne, nous entraîne dans des rencontres insolites – partage d’une seule occasion ou amitiés durables – et une contemplation du quotidien. Jolies ruelles végétalisées, librairies et pâtisseries, émerveillement rafraîchissant… même si la ville d’Awako semble à la frontière avec un univers magique, Shin’ya Komatsu raconte la poésie des petites choses de la vie, une certaine douceur de vivre, et nous invite à regarder notre environnement avec une touche de rêverie.

Une tonalité contemplative et poétique et une touche de merveilleux qui ne pouvait que me séduire !

***

Au cœur des solitudes, de Lomig (Sarbacane, 2023)

Au coeur des solitudes (couverture)En 1867, suite à un accident de travail, John Muir frôle la cécité permanente. La vue recouvrée, il décide de se lancer dans un périple à pied pour étudier la flore américaine.

Un roman graphique en noir et blanc également lu grâce à Babelio : merci !

Lomig raconte cet homme qui a osé. Oser transformer un vieux rêve en réalité, oser partir à l’aventure, oser quitter le confort d’une vie réglée par un travail « comme il faut ». Plus qu’une simple biographie, Lomig nous convie à un voyage à travers les États-Unis et à une réflexion sur les rêves et le quotidien, ce que l’on souhaiterait et ce que l’on fait du temps qui nous est alloué. La liberté de Muir, fuyant les contraintes d’une vie réglée et les pressions de la société, est inspirante (alors que je ne me considère déjà pas comme étant écrasée par la charge mentale du quotidien et les injonctions du quotidien).
Bien entendu, c’est également un ouvrage qui questionne la place de l’humain dans la nature. Maître ou fragment, ces pérégrinations dans une nature encore sauvage résonne fortement avec les préoccupations écologiques actuelles.
D’ailleurs, l’auteur a sélectionné ce qui lui semblait faire sens dans les écrits de Muir, en sélectionnant une période restreinte de sa vie pour porter ce regard admiratif et respectueux sur le monde, d’où l’occultation de certaines facettes et notamment un « langage désobligeant, qui est regrettablement coutumier à cette époque » sur les Amérindiens, évoqué par Mike Wurtz, auteur de la postface.

Bien que John Muir recherche « les grandes solitudes » autant que possible, ses errances sont marquées par des rencontres qui tracent un rapide tableau de l’après-Guerre de Sécession. La pauvreté des esclaves fraîchement affranchis, la résignation de certains travailleurs, la méfiance née des violences de la guerre, la colère ou la générosité. Certains visages amicaux ou inquiétants, certains entendent sa démarche, d’autres ne voient dans les immensités que des sources de revenus.
Ce sont également pour Muir des opportunités de constater les impacts des activités humaines sur les paysages, que ce soit la déforestation ou les transhumances de grands troupeaux, et d’une prise de conscience sur la fragilité des écosystèmes.
Ce roman graphique a le bon goût de ne pas transformer les expéditions du botaniste en une aventure épique ou haletante. Ce qui rend le voyage extraordinaire, c’est surtout le regard émerveillé de Muir.

Pour ne rien gâcher, l’ouvrage est superbe et, plus d’une fois, j’ai savouré la beauté des crayonnés de Lomig. Les grandes pages subliment les paysages tandis que son trait précis souligne l’expressivité des visages, l’élégance des oiseaux, la luxuriance des plantes…

Un très beau titre – plus contemplatif qu’aventureux – et un hommage aux beautés de la flore et de la faune sauvage.

Je n’avais jamais été attirée par l’adaptation de Lomig du roman de Jean Hegland, Dans la forêt, tant j’avais été conquise par ce dernier, mais je vais peut-être y jeter un œil à l’occasion…

« Je réalise à quel point je me suis affranchi, en peu de temps, de mon asservissement aux codes et aux institutions de la société. Tout s’est liquéfié en moi avant de s’évaporer, sans bruit, sans un seul effort et sans laisser la moindre conscience d’une perte. Seules subsistent encore les lois qui sont naturelles à mon cœur. »

***

Et, pour finir, quelques mots sur…

Lydie, de Zidrou (scénario) et Jordi Lafèbre (dessin) (Dargaud, 2022)

Lydie (couverture)Une histoire touchante autour d’un deuil impossible qui va être surmonté d’une manière surprenante. La preuve que l’on peut parler d’empathie, de bienveillance et de complicité sans devenir niais, d’une solidarité qui fait du bien pour affronter une tragédie. La vie d’un quartier qui, malgré des électrons potentiellement perturbateurs, apprend à vivre en harmonie, quitte à injecter un peu d’excentricité et d’inattendu dans le quotidien !

19 réflexions au sujet de « Parenthèse 9e art : Bâillements de l’après-midi, Au cœur des solitudes et Lydie »

  1. J’aime beaucoup découvrir des bandes dessinées chez toi, tu nous offres souvent pas mal de photographies pour nous les dévoiler et j’adore ça, merci ! 🙂 Bâillements de l’après-midi a l’air très mignonne, douce, poétique. Une jolie balade qu’il doit être agréable à parcourir. Et je te rejoins, les dessins sont superbes pour Au cœur des solitudes, au vu de tes photos. La chouette, la nature, la fleur, les expressions de visage. Le tout couplé a un texte qui semble fort. Vraiment trois beaux titres que tu nous proposes là. Je te souhaite de très bonne fêtes et un beau réveillon 😊✨

    • Lydie est vraiment une très bonne découverte ! Elle n’est pas mise en valeur parce que je ne pensais pas la chroniquer au début, mais j’ai trouvé dommage de ne pas en toucher un mot car elle est vraiment intelligente, drôle parfois et surtout sensible !
      Trois lectures graphiques différentes mais excellentes !

  2. Contente de voir que tu as aimé l’univers de Shin’ya Komatsu ! J’avais bien aimé Souvenirs de la mer assoupie, tellement que j’aurais préférée une histoire longue à des nouvelles. Ce serait super une histoire entière basée sur ses univers ! Je lirai peut etre celui-ci si je le croise en bibliothèque et que j’ai besoin d’un peu de reverie et de réconfort 🙂

    J’aime beaucoup les ouvrages portant sur les naturalistes de cette époque aux Etats-Unis (Thoreau en tete evidemment) donc je vais peut etre me laisser tenter par celui-ci s’ils l’ont à ma bibliothèque ! Le trait me plait bien en plus 🙂

    Lydie me dit pas mal aussi (décidément!). J’avais pourtant été assez peu emballée par Malgré tout de Jordi Lafèbre également mais les thématiques que tu évoque me parlent beaucoup plus !!

    • J’en ai également entendu parler et j’aimerais beaucoup découvrir ce titre à présent ! J’espère que j’en aurai l’occasion un jour.

      Oui, le trait est très agréable et certaines planches sont vraiment réussies, j’espère qu’elle te plaira si tu as l’occasion !

      Ah mince, j’avais beaucoup aimé Malgré tout… A toi de voir si ça vaut le coup de retenter ou non !

  3. Ping : Bilan livresque 2023 et souhaits pour 2024 | L'ourse bibliophile

  4. Ping : Parenthèse 9e art : Dans la forêt, Journal d’un enfant de la lune, Les filles de Salem, Je suis leur silence | L'ourse bibliophile

Laisser un commentaire