Mini-critiques des lectures de juin : Arthur, l’autre légende, Le Roi se meurt et Pisse-Mémé

Un nouveau melting-pot éclectique avec un roman jeunesse revisitant la légende arthurienne, du théâtre de l’absurde et une bande-dessinée cocooning !

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Arthur, l’autre légende, de Philip Reeve (2007)

Arthur l'autre légende (couverture)Un livre de mon adolescence dont je n’avais aucun souvenir et que je voulais relire avant de décider de son sort. Pour être franche, je n’en attendais absolument rien, mais ça a été néanmoins été une lecture sympathique.

Philip Reeve s’approprie la légende arthurienne et en ôte toute la magie. Ou plutôt place la magie dans les histoires tissées par le barde Myrddin. Point de dragons, point d’épée magique, point de Dame du Lac, cette dernière n’étant autre que Wynna, notre héroïne et narratrice, une fillette courageuse mais bien réelle. Point de preu chevalier non plus : l’auteur écorne ici la noblesse du roi Arthur en dépeignant un chef de guerre comme les autres, brutal et cupide. Sa grandeur n’existe que dans les mythes de Myrddin, des contes merveilleux qui survivront à la triviale réalité. Un parti pris un peu frustrant certes, mais qui se détache totalement des représentations habituelles.
Pour ne pas être reconnue comme étant la « Dame du Lac », Wynna – et un autre personnage dont je ne dirai rien – se voit contrainte de se travestir et se mêler aux garçons, un habit qu’elle adopte pleinement et sans contrainte. Tout au long du livre, ces deux personnages joueront avec leur expression de genre sans que cela ne pose de réel problème à celles et ceux qui les démasqueront (à une exception près), ce que j’ai évidemment trouvé appréciable, et trouveront la voie qui leur correspondra le mieux.
Ce sont là les deux qualités majeures de ce roman à mes yeux. À côté de ça, nous avons un récit rythmé, avec quelques personnages attachants, même s’ils sont nombreux à rester superficiels.  J’ignore si, cette fois, je garderai souvenir de cette lecture plus longtemps, mais elle ne fut nullement désagréable.

« Myrddin avait raison : les gens ne voient que ce qu’ils s’attendent à voir, et ne croient que ce qu’on leur dit de croire. »

« – Les dieux n’existent pas, Wynn. Pas plus que les esprits ni les fantômes. Il n’y a que nos propres pensées, agitées par nos peurs et nos espoirs. Les dieux sont des contes pour endormir les enfants. Ce sont des mensonges que nous nous racontons à nous-mêmes pour nous persuader que nos vies ont un sens. »

Arthur, l’autre légende, Philip Reeve. Gallimard, coll. Scripto, 2008 (2007 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Stéphane Carn. 366 pages.

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Le Roi se meurt, d’Eugène Ionesco (1962)

Le roi se meurt (couverture)Rien ne va plus : entouré de ses deux Reines Marguerite et Marie, le Roi Bérenger Ier se meurt, c’est annoncé, c’est prévu, et tout va à vau-l’eau. En s’affaiblissant, le Roi perd son autorité et plus personne, plus rien ne peut lui obéir.

La cantatrice chauve m’avait laissée perplexe, beaucoup trop absurde pour moi, mais cette pièce a été plus intéressante à lire. Le saugrenu n’en est pas absent, mais c’est aussi une pièce qui parle de la mort et surtout de la peur de mourir. Cette mort qui remet tout le monde au même niveau, qui ramène un roi à sa seule condition de mortel. Cette mort qui suscite tour à tour le déni, l’indignation, la discussion pour tenter de gagner du temps, l’angoisse, la résignation ; cette mort qui est acceptée ou refusée par la personne concernée comme par ses proches qui raisonnent, désespèrent ou maudissent leur impuissance. Mais elle est inéluctable : « Tu vas mourir à la fin du spectacle. » prédit Marguerite.
L’occasion également de se pencher sur le temps qui passe, sur la trace infime que laisse un être sur le monde.

Évidemment, malgré son thème tragique, la pièce de Ionesco est avant tout comique. Comique de répétition, comique dû à l’opposition des caractères, aux signes décalés de l’effondrement de ce royaume, du déclin impossiblement rapide de Bérenger Ier.

Sans ressentir un enthousiasme délirant, j’ai apprécié cette pièce tragi-comique qui aborde le sujet de la mort de façon tout à fait unique et inédite !

« Marie
J’espérais toujours…
Marguerite
C’est du temps perdu. Espérer, espérer ! (Elle hausse les épaules.) Ils n’ont que ça à la bouche et la larme à l’œil. Quelles mœurs ! »

« Le Roi, quittant la fenêtre
Ce n’est pas possible. (Revenant à la fenêtre.) J’ai peur. Ce n’est pas possible.
Marguerite
Il s’imagine qu’il est le premier à mourir.
Marie
Tout le monde est le premier à mourir. »

« Le Roi
J’ai du mal aussi à bouger mes bras. Est-ce que cela commence ? Non. Pourquoi suis-je né si ce n’était pas pour toujours ? Maudits parents. Quelle drôle d’idée, quelle bonne blague ! Je suis venu au monde il y a cinq minutes, je me suis marié il y a trois minutes. »

« Juliette
Il n’est plus au-dessus des lois, pauvre vieux. Il est comme nous. On dirait mon grand-père. »

Le Roi se meurt, Eugène Ionesco. Folio, 2010 (pièce créée en 1962). 136 pages.

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Pisse-Mémé, de Cati Baur (2023)

Pisse-Mémé (couverture)Quatre copines et un projet un peu fou : monter un bar à tisanes et à bières (bio et locale) avec coin librairie et yoga. Et autour, la vie, avec ses joies et ses épreuves, son train-train et ses bouleversements.

Je serais bien restée plus longtemps avec Marthe, Camille, Nora et Marie : c’est facile de se sentir bien au milieu de ces quatre copines aux caractères divers mais toujours unies, c’est confortable de se glisser parmi elles avec un thé à la main. La BD cocooning par excellence.
Une histoire du quotidien, quoique un quotidien un peu chamboulé par un grand projet radicalement différent de leurs vies d’avant. La vie, la mort, le travail, la famille, les amours, une naissance, des chats, les années qui passent, les rires qui soudent, les regards qui soutiennent… des ingrédients nécessaires pour persévérer face aux petits obstacles de la reconversion. Une belle histoire d’amitié, de celles qui font un peu rêver. Une sororité qui fait du bien.
(Oui, la vie apparaît parfois comme un peu facile pour ces quatre femmes car l’autrice ne s’attarde pas sur les embêtements, mais ça ne m’a pas dérangée, j’avais juste envie de passer un bon moment et d’y croire.)

Le tout porté par le dessin simple et doux de Cati Baur, avec parfois plein de détails à observer dans les décors, bref, un très bon moment.

Pisse-Mémé, Cati Baur. Dargaud, 2023. 118 pages.

7 réflexions au sujet de « Mini-critiques des lectures de juin : Arthur, l’autre légende, Le Roi se meurt et Pisse-Mémé »

  1. Le roi se meurt me tente bien. J’avais bien aimé La cantatrice chauve même si la pièce reste assez absurde dans l’ensemble… Le roi se meurt m’a justement l’air d’aborder des thèmes plus rationnels et moins tirés par les cheveux, ce qui me convient aussi 🙂

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