Les Autodafeurs, tome 1 : Mon frère est un gardien, de Marine Carteron (2014)

Les Autodafeurs, tome 1 (couverture)Les Autodafeurs est une trilogie absolument géniale parue entre 2014 et 2015. Elle est composée des trois tomes suivants :

  1. Mon frère est un gardien
  2. Ma sœur est une artiste de guerre
  3. Nous sommes tous des propagateurs

A la mort de leur père, Auguste et Césarine Mars voient leur vie basculer. Ils apprennent que leur famille est engagée dans un conflit séculaire qui oppose la Confrérie et les Autodafeurs. Les premiers luttent pour le triomphe de la vérité et de la connaissance tandis que les seconds tentent de manipuler les consciences par le biais de l’obscurantisme. Au centre de ce combat : les livres.

On pourrait dire que ce premier tome pose l’histoire, le contexte. On découvre La Confrérie et leurs ennemis de toujours : les Autodafeurs. Pendant ce temps, Auguste se fait des ennemis personnels : les BCG (alias Bernard-Gui, Conrad et Guillaume Montagues). Toutefois, on est également immédiatement plongé dans l’action et il y a beaucoup de suspense tandis que les révélations se succèdent à un rythme fou. Les pages se tournent toutes seules.
Un livre d’aventures, certes, mais qui est également bourré d’humour. Entre les remarques (idiotes, dirait Césarine) de Gus et celles totalement décalées de sa sœur, on ne s’ennuie pas.

Car Marine Carteron nous présente ici des personnages merveilleux. A commencer par Césarine. Cette jeune autiste, pardon, artiste Asperger de sept ans, est futée, maligne et complètement essentielle à cette histoire qu’elle fait souvent avancer. Avec ses yeux noirs emplis d’une sagesse infinie, sa logique diabolique et sa franchise déroutante, elle est, je crois, le personnage auquel je me suis le plus attachée depuis un certain temps. Elle donne beaucoup à la narration un caractère unique.
Gus, narrateur principal de cette histoire, est, quant à lui, un adolescent de quatorze ans. Il soigne son look, cherche le regard des filles, bref, un ado banal qui tombe de haut en découvrant l’héritage qui est le sien ! Il est davantage dans l’action que sa petite sœur et ses réactions sont souvent impulsives.
Néné est également impayable. Avec son allure dépareillée (un comble pour Gus qui soigne la sienne), il débarque un peu comme un ovni, mais cet écolo va être un allié indispensable pour les Mars, notamment grâce à des talents insoupçonnés par son nouvel ami.
Pour compléter le trio des Mousquetaires, je demande Bart et son admirable loyauté vis-à-vis une vieille amitié d’enfance. Car Bart est le quatrième fils Montagues… Son rôle se joue donc dans l’ombre de sa famille qu’il espionne pour le compte de la Confrérie.
Et n’oublions pas la petite Sara qui, atteinte de trisomie, est la première à faire ressentir des émotions à Césarine : apprendre à sourire, découvrir le manque de quelqu’un… L’émotion est très forte lorsque Cés parle de son amie.
Enfin, quel plaisir de lire un livre avec autant de personnages de femmes fortes : entre la mère de Gus et Cés, leur grand-mère paternelle, Cés (plus d’autres personnages féminins à découvrir dans les deux tomes suivants !), les femmes sont bien représentées et n’ont rien à envier aux hommes en terme de combat ou de logistique de guerre.

J’adore la manière dont l’auteure s’est approprié l’Histoire. Elle remonte à Alexandre le Grand et glisse l’aura de la Confrérie ou l’ombre des Autodafeurs derrière bon nombre d’épisodes de notre histoire. L’Inquisition et les dictatures sont des périodes dominées par les Autodafeurs tandis que la Confrérie se cache derrière les grandes découvertes, le siècle des Lumières, etc. Ça aurait pu être un peu gros, mais non, on y croit, tout fonctionne parfaitement !

Ce qui m’a également fait adorer ces livres, c’est le discours sur les livres et le savoir. Sur leur importance, sur sa place dans la société, sur la liberté que donne la connaissance… Le projet des Autodafeurs de les faire disparaître n’en apparaît que plus glaçant. Il y un très beau chapitre, très profond au début du roman, notamment ponctué par des écrits de l’Irakien Al-Jahiz datant du VIIIe siècle

Le livre au cœur de l’histoire, beaucoup d’humour, des personnages plus qu’attachants : Mon frère est un gardien est une merveille et un immense coup de cœur ! Avec un final explosif et encore de nombreuses questions sans réponses, ce premier tome ne donne qu’une envie : se jeter sur le second !

 « Notre rapport au savoir est fragile. Si nous devions compter uniquement sur nos propres forces et sur le nombre d’idées se présentant à notre esprit, nous aboutirions au résultat suivant : nos connaissances seraient maigres, les projets s’écrouleraient, l’esprit de décision s’évanouirait, l’opinion personnelle deviendrait stérile, les idées perdraient toute valeur, l’énergie intellectuelle s’émousserait et les esprits se scléroseraient. »
Al-Jahiz

« Comment pouvait-on être assez salaud pour utiliser ses enfants ainsi ? Ce type était encore pire que ce que je pensais et je me sentis responsable de la vie pourrie de Bartolomé menait depuis des années par ma faute.
Allongé sur sa civière, le visage détruit par ses frères, son treillis déchiré et taché de sang, Bart ressemblait plus à un pitoyable SDF qu’à un héros de film américain et je pris conscience tout à coup que l’héroïsme pouvait avoir bien des visages.
Son courage valait beaucoup plus que celui de bien des hommes. »

« – Depuis toujours, une organisation parallèle à la nôtre, dont les membres se font appeler les « Autodafeurs », tente de retrouver nos archives pour les détruire.
– Ça, tu me l’as déjà dit ; moi, ce que j’aimerais savoir, c’est POURQUOI ils veulent les détruire !
– Parce que l’homme mauvais a toujours eu besoin d’avancer dans l’ombre et le mensonge, et que la vérité contenue dans ces manuscrits leur fait peur.
– Ben alors, pourquoi vous ne les publiez pas tout simplement ? demandai-je avec naïveté.
– Oh mais nous le faisons, c’est même le rôle du Propagateur. Mais tu sais, Auguste, rien n’est plus dangereux que de dévoiler la vérité à des hommes qui ne sont pas prêts à l’entendre.
– C’est-à-dire ?
– C’est-à-dire que l’histoire nous a appris à être prudents dans nos révélations, pour éviter les bains de sang qu’elles peuvent occasionner. »

Les Autodafeurs, tome 1 : Mon frère est un gardien, Marine Carteron. Rouergue, coll. Doado, 2014. 329 pages.

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