Kaléidoscope, de Brian Selznick (2021)

Kaléidoscope 1Après La boîte magique d’Houdini, L’invention de Hugo Cabret, Le musée des merveilles et Les Marvels, Brian Selznick est indéniablement devenu une valeur sûre, ainsi n’ai-je pas hésité à sélectionner ce titre lors de la pénultième Masse critique Babelio (merci !). Un unique choix, dans lequel je me suis plongée à l’aveuglette et que je ne regrette nullement !

Kaléidoscope se démarque de ses précédents ouvrages. Moins conséquent, il a l’originalité de ne pas proposer une histoire linéaire : Kaléidoscope est un recueil de textes très courts (et très joliment écrits), de récits optimistes ou mélancoliques, magiques ou dramatiques, à travers les lieux et les siècles, d’atmosphères diverses mais non dépourvues de cohérence.
Cohérence née des protagonistes, avec l’omniprésence de James. Mais qui est vraiment James ? est-il seulement réel ? cela n’a finalement pas la moindre importance, ce sont des facettes, des rêves, des possibles… De manière plus générale, on retrouve des personnages rêveurs qu’affectionne l’auteur, des aventuriers imaginatifs qui peuvent trouver l’aventure au coin de la rue, des personnages solitaires mais ouverts aux autres.
Cohérence née des thématiques. Bien que parlant également des souvenirs, de l’écoulement du temps, de la perte et de l’imagination, ce sont avant tout des histoires d’amitiés. Amitié entre enfants, avec des créatures magiques ou même un objet ; amitiés par-delà la différence, par-delà la mort.
Les 24 chapitres sont répartis en trois parties – le matin, l’après-midi et le soir – et la tonalité des histoires évolue subtilement au fil de la journée, s’assombrissant en se dirigeant vers la nuit.

De ces textes se dégagent une impression d’étrangeté, mais aussi une grande tendresse. Ces histoires apparaissent comme liées par un élément de ci de là, des échos entre les récits, le tout formant alors une fresque mystérieuse, morcelée, éclatée… kaléidoscopique, évidemment.
Dans chaque nouvelle, Brian Selznick capture un instant de vie – que celui-ci ne dure que quelques minutes ou plusieurs années – et parvient en quelques mots à donner vie à un univers et aux protagonistes qui l’habitent. Par les questions qu’ils (se) posent, par leur errance dans les lieux secrets qu’ils foulent, ils parlent de la vie, de sa fragilité, de sa beauté.

Kaléidoscope est évidemment l’occasion de retrouver le coup de crayon de Brian Selznick qui sublime le noir et blanc. Deux dessins ouvrent chaque histoire, le premier étant un fragment du second, multiplié et déformé par un kaléidoscope. Des illustrations déjà magiques, fascinantes, intrigantes, capturant un objet ou un décor avec une apparente simplicité qui cache en réalité un travail précis. Des préfaces parfaites avant de plonger dans les mots.

Ainsi, Brian Selznick parvient à se renouveler en créant une toile insolite mais bouleversante. Chaque lectrice et lecteur lira probablement une histoire différente, interprétera les choses différemment selon son vécu, son imaginaire, ses envies ; il n’y a pas de bonne réponse, de point de vue fixe, et c’est un aspect qui confère toute sa richesse à ce livre surprenant. Pour ma part, je suis ressortie de ma lecture chamboulée et émerveillée.

 « Nous passâmes de pièce en pièces en ouvrant les volets. L’air vif du matin tranchait la poussière comme la lame d’un couteau. Du lierre avait brisé les vitres pour s’insinuer à l’intérieur et rampait sur les murs, de sorte que le papier peint semblait avoir pris vie. Un tapis de feuilles mortes crissait sous nos pieds. À notre approche, de petits animaux filaient se réfugier sous les meubles. Des araignées avaient tissé de vastes toiles chatoyantes qui avaient proliféré en l’absence de mains humaines. La frontière entre l’extérieur et l’intérieur semblait s’être abolie, et la vie ne m’avait jamais paru aussi belle. »

« Les gens voient le temps comme une machine qu’il faut huiler et remonter à l’aide d’une clé. Comme quelque chose qu’il suffit d’entretenir pour le maîtriser. Mais il est peut-être plus sauvage qu’on le croit ! Plus vaste et plus étrange ! Peut-être que le temps est impossible à contrôler, et infini, et… dangereux. Comme une forêt qui grignote une maison. »

Kaléidoscope, Brian Selznick. Bayard jeunesse, 2023 (2021 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Delcourt. 206 pages.

12 réflexions au sujet de « Kaléidoscope, de Brian Selznick (2021) »

  1. Absolument magnifiques ces illustrations 😍 J’apprécie particulièrement les recueils, alors pourquoi pas !

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