Midi Pile, de Rébecca Dautremer (2019)

Cette année, parmi mes cadeaux de Noël se trouvaient deux pépites : Les Riches Heures de Jacominus Gainsborough – oh, la relecture tout en émotions ! – et Midi Pile.

Midi Pile raconte une matinée cruciale dans la vie de ce petit lapin silencieux et philosophe. Si Les Riches Heures se faisait fresque d’une existence, Midi Pile est un zoom sur un grand événement pour deux êtres au milieu d’une journée ordinaire pour tous les autres (ou, du moins, leur extraordinaire à eux est une autre histoire…).

Œuvre en papier découpé absolument magique, nouvelle preuve – s’il en fallait – de la beauté du trait et des couleurs de Rébecca Dautremer. Invitation à une traversée surprenante, à un voyage au cœur d’un livre.

Une chambre, un jardin, un bois, un marché, un port… une balade pour retrouver les vieux amis, guettant d’un œil curieux et amusé les clins d’œil à d’autres œuvres. Tantôt j’ai flâné pour admirer un arbre ou la délicatesse des rubans d’un dresseur de vents, tantôt j’ai résisté à l’envie de me dépêcher pour ne pas manquer le rendez-vous ; dilemme à chaque page, avancer dans les décors et dans l’histoire ou admirer encore et encore le moindre détail.
Pour tout accompagnement, la voix de Jacominus, une voix qui se fait impatiente, attendrie, doucement jalouse, inquiète, joyeuse, une voix qui dit mille choses pour n’en dire qu’une.

 Livre-objet sublime et délicat, source d’une fascination hypnotisée dès lors que l’on commence à se perdre dans les méandres de ce labyrinthe de papier. Écho merveilleux de la poésie contemplative, tendre et douce des Riches Heures. Une œuvre d’art tout en finesse et sensibilité. Un moment de vie.

« Ah, le rendez-vous, quelle idée formidable ! Il y a eu une heure, un endroit, et cette fois-ci, c’était toi et c’était moi. »

Midi Pile, Rébecca Dautremer. Éditions Sarbacane, 2019. 212 pages.

Mini-critiques : un recueil de nouvelles, un album et une BD

Je vous propose trois petites chroniques sur mes dernières lectures un peu miton-mitaine de 2022 : certaines m’ont davantage plu que d’autres, mais aucune n’est exempt de points négatifs alors qu’il y a une autrice et un scénariste que j’affectionne tout particulièrement (personne n’est infaillible !). C’est parti pour le tour des qualités et des défauts de 600 jours d’Apocalypse, Tout un monde d’animaux et Mauvais sang.

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600 jours d’Apocalypse,
de Rozenn Illiano
(Oniro Prods, auto-édition, 2019)

600 jours d'Apocalypse (couverture)Une nouvelle lecture du Grand Projet dans ma besace avec ce recueil de nouvelles qui complètent la série Town et le roman Onirophrénie également lus en 2022. Un livre compagnon qui nous fait retrouver Élias, Oxyde, Francesca, Saraï (personnage d’Elisabeta), Ana, Chester et Lili et Lucifer.

C’est un livre sympathique car il est toujours agréable de côtoyer un peu plus longtemps des personnages que l’on affectionne ; ce petit tour des différents protagonistes permet de mieux ressentir leur vécu de cette catastrophe, de les fréquenter le temps d’un instant, un épisode de vie pendant ces six cents jours dévastés. Cependant, je pourrais le qualifier de dispensable malgré tout, Town se suffisant à elle-même. Ce n’est à mon avis pas un livre pour découvrir l’univers de Rozenn Illiano à mon goût et plaira plutôt aux lecteurs et lectrices de Town (au minimum).
Je ne suis pas friande de nouvelles : pour réellement me plaire, elles doivent être particulièrement impactantes et rares sont les auteurs et autrices à parvenir à me convaincre inconditionnellement (même si j’aime leurs œuvres à côté de ça). Ici, les premières ne me marqueront guère, et j’ai noté une certaine redondance dans les descriptions des paysages apocalyptiques qui a légèrement gâché mon plaisir.

Je retiendrai néanmoins deux textes que j’ai vraiment appréciés.
Tout d’abord, la nouvelle « Au bout de la route » avec Lili et Chester. Un moment d’apaisement et de relâchement, de plaisanterie et de confiance, sans nier la terreur alors que la fin du monde approche à grands pas. Une connivence inattendue, un lien qui se tisse même s’il semble dérisoire face au néant qui se profile à l’horizon.
Ensuite, la novella « Mille chutes » qui donne la parole à un personnage aussi mystérieux que fascinant, Lucifer. Un personnage qui reste lointain dans Town, avec des motivations aussi insaisissables que sa personne, un discours dont on ne sait le vrai du faux. Alors, certes, cette novella brise un peu ce mystère, le rendant plus accessible, plus faillible, plus humain, mais elle permet également de mieux le connaître, de mieux comprendre l’histoire millénaire qui a conduit à cette fin du monde, les intrications des personnages, les plans célestes et les luttes terrestres pour les contrer, ainsi que l’histoire de Chester.

Un ouvrage plaisant, bien que facultatif : un bonus pour prolonger un peu la route.

« Maintenant, je pense que l’amitié est une chimère. L’amour aussi, sans doute. Étrangement, ce sont les amitiés perdues qui m’ont été plus douloureuses. J’aurais voulu avoir un ami d’enfance, comme dans les histoires ou dans les films. L’ami que tu connais depuis toujours, celui avec qui tu grandis et que tu considères comme ton frère… puis au fil des années, tu ne sais plus ce que tu éprouves pour lui, tu mélanges tout, l’amitié, l’amour, le désir, mais ce n’est pas grave parce que tu sais que quoi qu’il arrive, il sera là pour t’aider à déplacer un cadavre en pleine nuit, pour te faire passer un barrage de police à la frontière ou pour t’empêcher de sauter par la fenêtre. Je regrette de ne pas avoir eu cette chance. »
(Au bout de la route)

« J’avais là une unique occasion de retrouver l’un des miens. Car j’étais seul, te souviens-tu ? Durant des siècles, j’étais seul. Je ne pouvais partager avec personne les sentiments ambivalents qui étaient les miens, la joie d’arpenter ce monde et la peine de ne pas en faire partie, l’émerveillement devant tout ce que l’humanité avait à offrir face à la douleur perpétuelle de me savoir loin du Ciel. La Matière était à la fois une bénédiction et une malédiction propres à faire perdre la tête à n’importe qui ; comment s’habituer à ces émotions qui ne cessaient jamais, alors que l’on est né sans ? Comment supporter le battement constant du cœur dans notre poitrine, et le souffle qui va et vient sans fin ? »
(Mille chutes)

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Tout un monde d’animaux : un livre-jeu Deyrolle
(Gründ, coll. Green Gründ, 2022)

Tout un monde d'animaux (couverture)Deyrolle est un cabinet de curiosité parisien (dont j’ignorais l’existence en dépit du fait que je suis passée moult fois dans la rue du Bac qui l’abrite…) et les illustrations de ce livre sont tirées de ses collections pédagogiques. Cet album présente ainsi douze planches colorées célébrant la beauté et la diversité animalières à travers différents milieux : la ferme, l’océan, le jardin, l’Afrique, etc.

Les compositions jouent sur la répétition et la symétrie et ces pages foisonnantes proposent ainsi des jeux de cherche et trouve, d’éléments à compter, d’intrus à repérer, etc., sans compter le temps simplement passé à tout regarder pour ne pas en oublier.
Certaines pages sont extrêmement harmonieuses et agréables à détailler – on les exposerait bien ! – tandis que d’autres sont, à mon goût, un peu moins heureuses en terme de présentation (celles sur les poils, plumes et écailles par exemple, alors que le principe de reconnaissance « à qui cela appartient-il ? » est particulièrement ludique et plaisant.
Sur la page de gauche, un texte rapide introduit la planche tandis que quelques approfondissements – diverses informations sur les animaux représentés – sont offerts en fin d’ouvrages avec les solutions.

Une jolie découverte, ne serait-ce que pour quelques pages particulièrement esthétiques.

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Mauvais sang,
de Loïc Clément (scénario) et Lionel Richerand (dessin)
(Delcourt jeunesse, 2022)

Mauvais sang (couverture)

Issue de la collection des Contes des cœurs perdus, cette bande-dessinée raconte l’histoire de Tristan Tenebrae, vampire coincé depuis mille ans dans un corps d’enfant en proie à d’incommensurables angoisses. Du moins jusqu’à sa rencontre avec la famille Lux… Seconde histoire de vampire de la collection après Chaque jour Dracula, je dois avouer que ni l’histoire ni les illustrations n’ont su me convaincre.

L’intrigue et la narration tout d’abord. Certes, les doutes, inquiétudes et autres terreurs de Tristan sont touchantes et bien rendues dans ce qu’elles ont d’oppressantes et d’abrutissantes. Certes, l’histoire est intelligente, racontant le stress, le confort des habitudes, la solitude, prônant la différence, les familles de cœur quand celles de sang sont défaillantes et la confiance en soi. Néanmoins, le déroulé de l’histoire est beaucoup trop facile, rapide et sans surprise, me faisant nettement ressentir que je ne suis pas forcément le premier public de cet ouvrage (j’avais eu le même sentiment avec Chaque jour Dracula d’ailleurs). De même, la morale finale m’a parue lourde, assénée d’un bon coup de marteau au cas-où elle nous aurait échappé. (De plus, j’étais lassée presque avant de la rencontre de cette énième famille fantasque.)
Quant aux illustrations, je leur reconnais des qualités également : elles sont riches en détails et en clins d’œil, incitant à prendre son temps pour les détailler. Cependant, le trait de Lionel Richerand que je découvre ici n’est tout simplement pas à mon goût, notamment au niveau des couleurs trop ternes et des visages, ce qui m’a plus d’une fois interpellée et sortie de ma lecture (la couverture ne mentait pas à ce niveau-là…).

Ce n’est donc pas le meilleur opus de la série : si je lui reconnais diverses qualités, les défauts ont davantage imprégné mon ressenti vis-à-vis de cette lecture.

Périple dans l’univers de Tolkien avec Un voyageur en Terre du Milieu et l’Atlas illustré de Tolkien

Aujourd’hui, je vous emmène sur les terres magiques nées sous la plume de J.R.R. Tolkien avec deux livres très différents. Un carnet de voyage sur lequel je me suis pâmée pendant des heures et un guide qui a parfois (souvent) fait grincer des dents la maniaque que je suis.

Résumé pour les personnes qui n’auraient pas eu le courage de lire toutes mes récriminations : si vous voulez (vous) offrir un livre autour de l’univers créé par Tolkien, privilégiez le premier ! Il est très très beau et je ne peux lui faire aucun reproche !

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Un voyageur en Terre du Milieu : mon cahier de croquis de Cul-de-Sac au Mordor,
de John Howe (2018)

Un voyageur en Terre du Milieu (couverture)J’ai enfin pris le temps de lire ce cadeau que je m’étais fait à moi-même il y a quelques mois et, sans surprise, c’était beau ! Les dessins de John Howe – qui a travaillé artiste-concepteur sur les deux trilogies de Peter Jackson – sont superbes et j’ai adoré m’immerger une fois de plus dans cet univers chéri. Si les peintures et autres illustrations colorisées sont bien chouettes, j’ai été tout simplement scotchée par les croquis au crayon, parfois simples à première vue, mais riches de mille petits détails. Étant une quiche en dessin, je suis toujours sciée de voir que, tracés par d’autres personnes, quelques traits apparemment négligents peuvent donner des œuvres aussi magiques. John Howe donne vie à ses personnages et invite à la déambulation dans ces décors splendides.

De petits textes explicitent ses références, ses inspirations pour tel ou tel lieu et replace le tout dans l’histoire de la Terre du Milieu.

Bref, un carnet de voyage fantastique et magnifique qui, je vous préviens, peut susciter une envie irrépressible de relire les livres et de revoir les films.

Un voyageur en Terre du Milieu : mon cahier de croquis de Cul-de-Sac au Mordor, John Howe. Christian Bourgois éditeur, 2018 (2018 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais par Daniel Lauzon. 198 pages.

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Atlas illustré de Tolkien,
de David Day (2019)

Atlas illustré de Tolkien (couverture)Ce cadeau inattendu d’une amie place décidément septembre sous le signe de la Terre du Milieu. Malheureusement, cette lecture fut assombrie par quelques défauts irritants. Au niveau du contenu, rien à signaler : cet atlas retrace les grands événements qui ont façonné la Terre du Milieu et nous emmène dans les différents lieux présentés dans Le Silmarillion, Le Hobbit ou Le Seigneur des Anneaux. La naissance du monde et des peuples, les batailles et les changements, du premier récit du Silmarillion à la dernière page du Seigneur des Anneaux, tout est là.

Certes, dans l’absolu, tout est déjà dans les livres, mais je pense que cela peut, au choix, donner envie de découvrir les récits de Tolkien si ce n’est pas déjà fait ou rafraîchir la mémoire des personnes qui les ont déjà lus. Perso, j’ai apprécié ce voyage express sur la Terre du Milieu, sachant que ma PAL ne me laisse pas le temps de me replonger encore une fois dans les romans.

En outre, comme l’indique son titre, l’ouvrage est richement illustré, ce qui est toujours positif. J’ai trouvé assez fascinant la diversité de styles présentés, même si certains sont parfois inattendus. Tous ne sont pas à mon goût mais c’est fantastique de voir comment l’univers de Tolkien a pu inspirer des artistes très différents. De plus, le choix s’est porté sur des illustrations originales qui changent de celles que l’on peut voir la plupart du temps.

Le gros point noir vient du côté éditorial. Pour ce qui est de la version française bien entendu. L’idée est clairement de présenter un joli petit livre. Entre la couverture imitation cuir avec ce dragon gravé et les dizaines d’illustrations, ça partait plutôt bien. Seulement, côté textes, je n’ai cessé d’être agacée par des détails. Je sais que je chipote, que je suis méticuleuse, mais je trouve ça vraiment dommage. Ça m’énerve dans un petit poche lambda, alors forcément, ça me fait monter au créneau quand il s’agit d’un ouvrage avec des prétentions un tantinet plus élevées.

Ce qui m’a le plus insupportée, c’est l’incohérence dans les noms propres. Pour rappel, il y a eu deux traductions : la première dans les années 1970 est signée Francis Ledoux et la seconde par Daniel Lauzon date de ces dernières années. Comme vous le savez peut-être, les traducteurs ont effectué des choix qui conduisent à des différences : Fondcombe est devenu Fendeval, Sylvebarbe s’est transformé en Barbebois, etc. Et ici, c’est le foutoir, il n’y a pas d’autres mots. Par exemple, on trouve Fondcombe (utilisé donc par Francis Ledoux) et Frodo et Bilbo Bessac (par Daniel Lauzon) ; mieux encore, il y a la Forêt Noire (Ledoux) dans les textes, référencée Grand’Peur (Lauzon) dans l’index (c’est bien le même lieu, je précise) ; encore plus inédit, les Orientais (Lauzon) deviennent subitement les Orientaix, ce qui n’existe même pas à ma connaissance puisque Ledoux traduisait par Orientaux (un joyeux mélange, pourquoi pas après tout ?). J’arrête là les exemples et je précise que je ne suis pas une experte dans les traductions de Tolkien et que j’ai probablement raté de nombreuses erreurs.

J’ajouterai à cela :

  • Des listes de noms majoritairement séparés par des points-virgules jusqu’à ce qu’une ou deux virgules se glissent au milieu de l’énumération (pour la variété sûrement) ;
  • Des graphiques peu lisibles dont les traits débordent ici ou là sur le texte (parlerai-je du fait que les indications données dans ces tableaux et frises sont parfois terminées par un point et parfois pas, de manière parfaitement aléatoire semble-t-il ?) ;
  • Des cartes vraiment intéressantes dans le sens où elles illustrent une évolution du monde que je n’avais jamais vraiment visualisée ainsi, mais qui sont gâchées, à mon goût, par une police banale et agressive qui ne se marie pas très bien avec le dessin, bref, qui n’ont rien à voir avec la délicatesse et la beauté sobre de celles tracées par Tolkien père et fils (mais s’il n’y avait eu que ça, je n’aurais certainement pas tiqué dessus, je l’admets).

Vous l’aurez bien compris, je suis vraiment déçue. L’idée de l’ouvrage était intéressante, ça faisait un très chouette livre pour les passionné·es de Tolkien, mais je trouve regrettable le peu de soin que semble avoir fourni l’éditeur au cours de la traduction. Quitte à surfer sur la vague des livres dérivés et autres goodies, il est peut-être possible de le faire correctement, non ? (En fait, je suis plus indignée que déçue, je crois.)

Atlas illustré de Tolkien, David Day. Hachette, coll. Heroes, 2020 (2019 pour l’édition originale). Traduit par Xavier Hanart. 256 pages.

Histoire illustrée de l’horreur, anthologie de Stephen Jones (2015)

Histoire illustrée de l’horreur (couverture)Précédés par un avant-propos de Neil Gaiman, dix chapitres écrits par des spécialistes présentent les évolutions d’à peu près tous les monstres de la littérature et du cinéma : suceurs de sang, morts-vivants, créations humaines comme Frankenstein et le Golem, loups-garous, fantômes, tueurs en série, sorcières, créatures lovecraftiennes, dinosaures et autres monstres des temps anciens ou encore extraterrestres.

Je ne regarde jamais les films d’horreurs qui sortent à notre époque, je ne les apprécie pas vraiment ; en revanche, je suis une fan absolue des vieux films dits d’épouvante (et qui, par conséquent, ne font absolument pas peur) depuis que j’ai découvert les Universal Monsters. Et, côté 7e art, l’Histoire illustrée de l’horreur se consacre quasiment exclusivement à ces films-là, ce qui ne pouvait que m’intéresser.

C’est un très bel objet. C’est évidemment la première chose que l’on remarque en faisant glisser l’ouvrage hors de son coffret cartonné. Grande taille, couverture rigide, alternance de pages noires et blanches, illustrations qui s’étalent en pleines pages, belles finitions. Cela donne tout de suite envie de s’y plonger.

C’est également un ouvrage très riche. Ce qui est à la fois un point positif et négatif (mais quand même plus positif que négatif !).
Positif car on apprend, on s’émerveille, on s’intéresse à de nouvelles créatures (par exemple, les zombies ne sont pas trop ma tasse de thé (même si j’ai adoré certains livres/films de morts-vivants) et le chapitre sur eux m’a vraiment donné envie d’aller voir ça d’un peu plus près). Les illustrations sont variées (tableaux, magazines pulp, affiches de films et couvertures de livres…) et permettent de découvrir des illustrateurs très talentueux. Globalement, les informations sont bien structurées, ce qui permet de suivre l’évolution du monstre au fil des années et force est de constater que certaines créatures ont beaucoup changé depuis leur création. C’est passionnant.
Négatif parfois à cause de la profusion de noms et de dates. J’ai parfois été perdue parmi tous les noms égrainés les uns après les autres dans l’article principal, ce qui m’a parfois (pas trop souvent heureusement) donné l’impression de lire un catalogue. Il y en a tant que lorsque, dans une légende, untel ou unetelle était évoqué, j’étais souvent obligée de retourner dans l’article en me demandant  « euh… qui c’est ça ? ».

Cette Histoire illustrée de l’horreur m’a donné envie de lire pas mal de livres et de voir beaucoup de films. C’est pourquoi j’aurais grandement apprécié une bibliographie et une filmographie pour chaque chapitre pour retrouver en clin d’œil une œuvre évoquée dans le texte. Du coup, j’ai constitué ma propre liste au fil de la lecture.

Un livre magnifiquement macabre et très complet à mon goût, parfait pour découvrir l’horreur dans toute sa splendeur.

« Il y a une certaine jouissance à donner forme à nos cauchemars. C’est pourquoi les auteurs de fiction d’horreur sont, paradoxalement, les personnes les plus gentilles, les plus douces et les plus drôles qui soient. (Et les auteurs de comédie des gens plus sombres, avec plus de problèmes et de démons qu’on pourrait croire.) »
Neil Gaiman, avant-propos « Ce dont nous ne parlerons pas »

Histoire illustrée de l’horreur, anthologie de Stephen Jones. Le Pré aux clercs, 2015. Traduit de l’anglais par Baptiste Nollet et Christian Vair. 256 pages.

Une bible, de Philippe Lechermeier (textes) et Rébecca Dautremer (illustrations) (2014)

Une bible couvertureUne bible, ce sont les histoires de la Bible, que ce soit l’ancien ou le nouveau Testament. De la Genèse à la mort de Jésus, on retrouve toutes les histoires qui ont tant inspiré les arts. La Création, Adam et Eve, Abel et Caïn, Noé, l’Exode et Moïse, les Juges et les Rois tels que Samson, Salomon ou David, Job et Jonas, Judith et Salomé, puis Marie et Jésus-Christ, les Apôtres et les Pharisiens sont, depuis des siècles, les sources inépuisables pour les peintres, les sculpteurs, les écrivains et, à présent, les réalisateurs et scénaristes.

Mais il n’est pas ici question de morale, de conversion ou de croyance. Une bible, c’est notre culture occidentale, c’est une compilation des mythes qui ont fondés les grandes religions monothéistes, c’est une fontaine de contes comme le sont les mythologies grecques, égyptiennes ou scandinaves, pour les croyants comme les non-croyants.

(Penserait-on spontanément qu’un passionné de mythologie antique croit en ces dieux ? Non, et c’est ici la même chose pour les écrits relatifs au Dieu unique.)

Ainsi, si beaucoup d’histoires sont connues car apprises dans les tableaux, dans les livres et dans les films, Une bible m’en a également conté des nouvelles tout en m’apportant des précisions sur d’autres. Je connaissais, par exemple, l’expression « pauvre comme Job » sans en connaître la source ; voilà une imprécision de corrigée !

Une bible L'arbre de la Connaissance

Pour rendre plus accessible le best-seller qu’est La Bible, plus romanesque aussi, cet ouvrage présente une grande variété dans les formes de narration, ce qui nous pousse à dévorer ses 370 pages. Citons des contes, une pièce de théâtre pour les (més)aventures de Joseph, des vers rimés pour Daniel, Misaël, Azarias et Anarias, des Dits du moustique pour l’odyssée de Moïse. Les points de vue sont donc tour à tour internes et externes. La légende de Jonas est, par exemple, racontée par un jeune marin qui assista à sa disparition dans le ventre du poisson géant ou un nain raconte celle d’Hérode, Salomé et Jean-Baptiste au cours d’un spectacle de rue avec marionnettes (les illustrations nous montrent donc les pantins en question). En revanche, le lecteur partage les émotions de Jésus lorsqu’il marche sur l’eau.

La mise en page contribue également à rendre la lecture agréable. Pas de choses farfelues, mais une utilisation judicieuse du gras, de titres pour diviser les histoires en chapitre, de paragraphes disséminés dans la page… L’espace est utilisé sans être surchargé.

La couverture n’est qu’une annonce des superbes illustrations de Rébecca Dautremer. En couleur ou en noir et blanc, en pleines pages, elles expriment tour à tour joie et souffrance avec beaucoup de douceur. Parfois torturées, parfois grandioses (comme celle de Mie enceinte flottant dans la rivière sous la Lune) ou encore parfois un peu abstraites, elles engendrent chez moi une véritable fascination.

A l’image des textes, il y a une véritable richesse dans les techniques utilisées par l’artiste : crayonnés, encres, peintures, imitations de photographies (les supplices et la crucifixion sont notamment présentées par une série de « photos » sépia), affiche… Ces histoires ont traversés les contrées et les époques et cela se voit dans les illustrations. Si Adam et Eve évoquent, avec logique, un peuple ancien, proche de la nature, et si Jean-Baptiste est vêtu d’un simple pagne, il y a souvent beaucoup de modernité dans les visages, les vêtements, les objets… L’Orient, berceau de la Bible, est présent notamment à travers les tissus colorés de Marie, de l’oiseleur ou de Judith.

J’ai eu un coup de cœur pour les représentations d’Adam et Eve : il y a beaucoup de majesté dans les premières planches et leur « déchéance » ne s’en ressent que plus intensément. Mes autres favorites : les plaies d’Égypte avec cet échassier ensanglanté par le Nil devenu fleuve de sang et ces grenouilles par milliers, les dérangeants personnages illustrant les songes de Joseph, le berceau de Moïse, iceberg de brindilles entrelacées, ou encore Jésus et sa couronne d’épines, une planche noire, sombre, douloureuse qui exsude la souffrance avec ces ronces comme des barbelés qui lui enserrent le crâne et lui bandent les yeux.

Une bible Moise

Pour finir, Une bible, c’est un objet magnifique (et cet adjectif englobe les écrits comme les illustrations) qui se dévore et qui peut être lu en continu ou repris pour un épisode seulement. Ce sont des contes poétiques que l’on peut détacher des croyances de chacun. Une autre vision des histoires peut-être les plus célèbres de la civilisation occidentale.

En bande sonore de ma lecture, Jesus-Christ Superstar. Une des meilleures comédies musicales existantes. Créée par Andrew Lloyd Webber et Tim Rice (qui a également écrit les chansons du Roi Lion, LE dessin animé. Comme quoi, il y a une cohérence dans mes goûts…), ses chansons rock et entêtantes ne m’ont pas lâchée alors que les derniers épisodes de la vie de Jésus se déroulaient sous mes yeux…

Préface de Philippe Lechermeier :

« Parce que raconter la Bible, c’est raconter notre histoire, une histoire faite de milliers de mythes, de contes et de légendes. Comment comprendre le monde sans tous ces récits ? Comment l’appréhender sans savoir qui sont Abraham, Goliath, la reine de Saba et Marie-Madeleine ? Comment décrypter l’art, l’architecture, la littérature sans connaître les fondations fabuleuses de notre société ? La Bible n’appartient pas qu’à la religion. La Bible est un bien commun. Qu’on soit croyant ou non croyant et qu’on le veuille ou non, ses mythes ont façonné nos sociétés, ils s’immiscent dans notre vie quotidienne, ils circulent dans notre inconscient. En écrivant ce texte, j’ai voulu que chacun puisse reprendre ce qui lui appartient. Une Bible n’est pas La Bible. Une Bible est faite d’histoires qui se répètent et se réinventent. Des histoires que l’on raconte. Qui nous racontent. »

Une bible Marie

Une bible, Philippe Lechermeier (textes) et Rébecca Dautremer (illustrations). Gautier-Languereau, 2014. 381 pages.