Amour, vengeance & tentes Quechua, d’Estelle Billon-Spagnol (2017)

Amour, vengeance et tentes Quechua (couverture)Je vous préviens, il risque d’y avoir quelques critiques Exprim’ dans les semaines qui suivent ! Montreuil étant passé par là, je commence enfin à savourer la fournée 2017 et m’attendent encore La fourmi rouge, Colorado Train et Les cancres de Rousseau. De belles lectures en prévision !

Ce ne sera pas une critique très longue aujourd’hui, mais je tenais tout de même à parler de ce chouette roman qui cache une certaine dose de tristesse et de soupirs sous un titre léger et une couverture colorée.

Deuxième samedi de juillet, ça y est, c’est l’heure du départ en vacances pour la famille Balice ! Marine la mère, Thomas le père, Suze la petite sœur et Tara notre héroïne au caractère impulsif prennent comme tous les ans la direction du Momo’s camping ! Tara y retrouve son ami d’enfance, Adam… devenu étrangement sexy. Sauf que l’arrivée d’Eva, surnommée La Frite, vient bouleverser leur amitié et leurs vacheries respectives ne tardent pas à envenimer l’ambiance des vacances.

Dès le premier chapitre qui raconte le départ en vacances de la famille Balice, on sent ce parfum particulier des vacances, cette frénésie à la fois joyeuse et tendue, cette excitation grandissante… et une fois au camping, c’est l’ambiance tranquille de celui-ci qui se dégage de ces pages. La baignade, les barbecues, les apéros, les voisins… Je n’ai jamais fréquenté plusieurs fois le même camping, je n’ai jamais noué de liens d’amitié avec les autres enfants, nous passions très peu de journée glandouille au camping, et pourtant, en quelques pages, cette atmosphère joyeuse, paisiblement remuante,  m’a fait quitter l’hiver et ses plaids pour aller glandouiller au soleil. Estelle Billon-Spagnol n’utilise pas de grandes descriptions, mais, à travers le regard attendri de Tara, elle dépeint superbement ce petit coin hors du quotidien.

Mais ce qui m’a le plus séduite dans ce roman, ce sont les caractères justes et réalistes décrits par Estelle Billon-Spagnol. Ses personnages sont des gens que l’on a tous pu croiser un jour. Ils ont ce qu’il faut d’extravagance pour que cela reste plausible, juste ce brin de folie et de névrose présent en chacun de nous. Nous quittons parfois Tara pour visiter les pensées de ses parents, de leurs amis ou encore de Jackie et Momo. Ainsi, nous les découvrons de l’intérieur (et non pas seulement par le biais du regard adolescent de Tara). Certains sont sympathiques, d’autres émouvants, d’autres encore vaguement insupportables. La faune humaine, quoi !

Les dégâts et causés par le temps qui passe se font beaucoup sentir au fil des pages. D’une part, il y a le naufrage du couple Balice. Les exigences de Marine, les lassitudes et les nouveaux projets de Thomas, le désir qui s’amenuise… des problèmes communs. D’autre part, Tara expérimente, été après été, de nouveaux changements. D’enfants, ils deviennent adolescents, puis jeunes adultes. L’ingérence des hormones et des apparences signe la fin d’une époque d’insouciance et de liberté.

Un roman réaliste, lumineux et touchant, où l’humour flirte avec la gravité. Une belle histoire d’amour, d’amitié et de famille qui nous offre, le temps d’une lecture, de mini-vacances (pas de tout repos cependant).

« Elle a ses responsabilités dans l’affaire, bien sûr. Elle le sait bien, elle le sent bien qu’il y a ce truc en elle qui lui bouffe la vie et celle des autres. Ce truc électrique qui la rend « invivable ». Elle n’est pas givrée, non, juste… exigeante ?
Voilà c’est ça : elle veut plus. Plus de sel, plus de sexe, plus de passion. Plus, en tout cas, que des jours qui se répètent et se ressemblent et s’interchangent et blablabla c’est fini on meurt. Elle a le droit, non ? Elle a le droit de vouloir que son mari l’accompagne en haut, tout en haut ? »

« Entre les mots qu’on prononce, ceux qui aimeraient sortir, ceux qu’on reçoit, ceux qu’on entend, ceux qu’on retient… toujours si compliqué de comprendre vraiment l’autre. »

« Suze lui tend plusieurs fois la main, mais Tara s’esquive – comment pourrait-elle salir ces cinq petits doigts ? S’ils savaient, ces cinq petits doigts confiants et innocents, est-ce qu’ils se tendraient encore vers elle ? Que savent-il du chagrin, de la rage, de la jalousie et de tout ce qu’elle engendre comme saloperies – que savent-ils de la bascule ? La bascule qui fait que la roue tourne, et pas du bon côté, te pousse à faire des trucs crades, des trucs débiles, des trucs qui ne te ressemblent pas ?… Tellement qu’à force, tu ne sais plus à quoi tu ressembles, « pour de vrai »… »

Amour, vengeance & tentes Quechua, Estelle Billon-Spagnol. Sarbacane, coll. Exprim’, 2017. 251 pages.

Challenge Les Irréguliers de Baker Street – Les Propriétaires de Reigate :
lire un livre dans lequel les personnages sont en vacances

Challenge Voix d’autrices : une autrice francophone

13 réflexions au sujet de « Amour, vengeance & tentes Quechua, d’Estelle Billon-Spagnol (2017) »

  1. Ooooh oui je suis totalement raccord avec cette chronique. Bon ça y’est j’ai lu Les cancres de Rousseau et Colorado Train, il ne me manque plus que la Fourmi rouge dans ma PAL Exprim’! J’ai hâte de voir tes chroniques sur les autres romans! 🙂

    • On est bien d’accord ! J’ai trois romans Exprim’ dans ma PAL : d’un côté, j’ai envie de me jeter dessus, de l’autre, j’ai envie de les savourer… Du coup, pour l’instant, je lis d’autres trucs… Suis bête des fois.

  2. Quelle jolie chronique, j’avais beaucoup apprécié cette histoire ! On rit, on est touchés, on s’envole aux côtés de personnages partageant leurs peines, envies et chagrins… C’est la vie, décrite avec brio, et j’ai adoré !!

    • Oui, il est surprenant car il ne paie pas forcément de mine avec cette couverture colorée et ce titre rigolo, et en fait, il est très riche et très bien écrit. Ça a été une excellente lecture ! Et tu en parles très bien !

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