Le dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo (1829)

Fin de la saison 4 du RDV « Les classiques, c’est fantastique » organisé par Moka et Fanny avec une thématique autour des classiques révoltés. L’occasion pour moi de retrouver Victor Hugo avec ce plaidoyer contre la peine de mort.

Les classiques, c'est fantastique - Classiques révoltés

Le dernier jour d'un condamnéUn court texte pour partager la torture mentale du narrateur, prisonnier à Bicêtre, face à ses derniers jours qui s’écoulent vers une issue inéluctable. Des montagnes russes émotionnelles faites de terreurs et d’espoirs, de colère et de résignation, ponctuées par la peine intime, comme celle, inénarrable, de se voir inconnu aux yeux de son enfant. Il alterne entre des récits rétrospectifs de sa « vie d’avant » et des cinq semaines écoulées depuis l’issue de son procès, et des réflexions sur le vif de cet ultime jour.

À 27 ans seulement, l’auteur n’a pas cherché à nuancer, à excuser son narrateur dont nous ne saurons rien du crime (si ce n’est qu’il a fait couler le sang), à nous apitoyer sur le sort d’un innocent, à ouvrir la discussion sur la nature du crime et la gradation du châtiment : la peine de mort est intolérable, point. « La plaidoirie générale et permanente pour tous les accusés présents et à venir » : ainsi Victor Hugo présentera son texte dans la longue préface de 1832 dans laquelle il explicite sa position, détaille le contexte d’écriture de ce livre et combat les arguments pour le maintien de la peine de mort.

Au-delà du cri d’indignation contre l’utilisation persistante de la guillotine, il raconte, dans des scènes qui résonnent avec Les Misérables, l’horreur du bagne, de l’enchaînement des prisonniers condamnés à partir pour Toulon, le ferrage des galériens – sort terrible derrière les bravades –  et il évoque la difficile réinsertion qui ramène au crime. Les dernières pages, révoltées, approchent la foule, excitée à l’idée de ce spectacle macabre, du sang qui s’apprête à couler.

Même s’il ne m’a pas emportée autant que les pavés d’Hugo – peut-être de par sa brièveté, peut-être à cause de l’absence des descriptions dans lesquelles Hugo excelle, de sa narration aux élans sublimes, de ces passages qui emportent, fascinent, émerveillent, bouleversent par la précision des mots –, c’est un texte passionnant et juste, des mots précis qui disent tout en peu de pages, un concentré de colère contre un système barbare.

Un texte universel et empathique qui ne parle pas d’un homme, mais des souffrances psychologiques engendrées par la peine capitale. Un texte qui questionne le droit de vie et de mort et qui sonne toujours incroyablement juste.

« Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude : condamné à mort ! »

« Une fois rivé à cette chaîne, on n’est plus qu’une fraction de ce tout hideux qu’on appelle le cordon, et qui se meut comme un seul homme. L’intelligence doit abdiquer, le carcan du bagne la condamne à mort ; et quant à l’animal lui-même, il ne doit plus avoir de besoins et d’appétits qu’à heures fixes. »

« Ils disent que ce n’est rien, qu’on ne souffre pas, que c’est une fin douce, que la mort de cette façon est bien simplifiée.
Eh ! qu’est-ce donc que cette agonie de six semaines et ce râle de tout un jour ? Qu’est-ce que les angoisses de cette journée irréparable, qui s’écoule si lentement et si vite ? Qu’est-ce que cette échelle de tortures qui aboutit à l’échafaud ?
Apparemment ce n’est pas là souffrir.
Ne sont-ce pas les mêmes convulsions, que le sang s’épuise goutte à goutte, ou que l’intelligence s’éteigne pensée à pensée ?
Et puis, on ne souffre pas, en sont-ils sûrs ? Qui le leur a dit ? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu’elle ait crié au peuple : Cela ne fait pas de mal !
 »

Le dernier jour d’un condamné, Victor Hugo. Librio, 1995 (1829 pour la première édition). 97 pages.

30 réflexions au sujet de « Le dernier jour d’un condamné, de Victor Hugo (1829) »

  1. Ping : Herland – Charlotte Perkins Gilman – Moka – Au milieu des livres

  2. Je l’ai lu en 3e, ça m’avait beaucoup marquée et donner très envie de lire d’autres romans de Victor Hugo (ce que je n’ai pas regretté de faire ensuite 😄).

  3. Je dois avouer que je ne connaissais pas cet ouvrage de Victor Hugo, mais malgré un côté sombre, il paraît extrêmement riche en réflexions !

  4. Ping : Le silence de la mer – Vercors – Mes Pages Versicolores

  5. Tu le dis très bien, un texte passionnant et empathique. Il fut un temps, on l’étudiait en 3e, il est nécessaire !!

  6. Ce texte m’a énormément marquée. Et ça me fait penser qu’il faudrait peut-être bien que je me replonge dans les pavés d’Hugo à l’occasion.

  7. Ping : C’est le 1er, je balance tout ! Avril 2024 + Challenges | Light & Smell

  8. Ping : Théâtre engagé : L’île des esclaves de Marivaux et Rhinocéros de Ionesco | L'ourse bibliophile

  9. Je n’ai pas lu ce livre mais il ne saurait tarder, surtout vu la manière passionnante dont tu en parles. En plus il est assez court alors je n’ai pas d’excuses 😉

  10. Ping : C’est le 5, je balance tout ! # 88 – Avril 2024 | L'ourse bibliophile

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