Fin de la saison 4 du RDV « Les classiques, c’est fantastique » organisé par Moka et Fanny avec une thématique autour des classiques révoltés. L’occasion pour moi de retrouver Victor Hugo avec ce plaidoyer contre la peine de mort.
Un court texte pour partager la torture mentale du narrateur, prisonnier à Bicêtre, face à ses derniers jours qui s’écoulent vers une issue inéluctable. Des montagnes russes émotionnelles faites de terreurs et d’espoirs, de colère et de résignation, ponctuées par la peine intime, comme celle, inénarrable, de se voir inconnu aux yeux de son enfant. Il alterne entre des récits rétrospectifs de sa « vie d’avant » et des cinq semaines écoulées depuis l’issue de son procès, et des réflexions sur le vif de cet ultime jour.
À 27 ans seulement, l’auteur n’a pas cherché à nuancer, à excuser son narrateur dont nous ne saurons rien du crime (si ce n’est qu’il a fait couler le sang), à nous apitoyer sur le sort d’un innocent, à ouvrir la discussion sur la nature du crime et la gradation du châtiment : la peine de mort est intolérable, point. « La plaidoirie générale et permanente pour tous les accusés présents et à venir » : ainsi Victor Hugo présentera son texte dans la longue préface de 1832 dans laquelle il explicite sa position, détaille le contexte d’écriture de ce livre et combat les arguments pour le maintien de la peine de mort.
Au-delà du cri d’indignation contre l’utilisation persistante de la guillotine, il raconte, dans des scènes qui résonnent avec Les Misérables, l’horreur du bagne, de l’enchaînement des prisonniers condamnés à partir pour Toulon, le ferrage des galériens – sort terrible derrière les bravades – et il évoque la difficile réinsertion qui ramène au crime. Les dernières pages, révoltées, approchent la foule, excitée à l’idée de ce spectacle macabre, du sang qui s’apprête à couler.
Même s’il ne m’a pas emportée autant que les pavés d’Hugo – peut-être de par sa brièveté, peut-être à cause de l’absence des descriptions dans lesquelles Hugo excelle, de sa narration aux élans sublimes, de ces passages qui emportent, fascinent, émerveillent, bouleversent par la précision des mots –, c’est un texte passionnant et juste, des mots précis qui disent tout en peu de pages, un concentré de colère contre un système barbare.
Un texte universel et empathique qui ne parle pas d’un homme, mais des souffrances psychologiques engendrées par la peine capitale. Un texte qui questionne le droit de vie et de mort et qui sonne toujours incroyablement juste.
« Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n’ai plus qu’une pensée, qu’une conviction, qu’une certitude : condamné à mort ! »
« Une fois rivé à cette chaîne, on n’est plus qu’une fraction de ce tout hideux qu’on appelle le cordon, et qui se meut comme un seul homme. L’intelligence doit abdiquer, le carcan du bagne la condamne à mort ; et quant à l’animal lui-même, il ne doit plus avoir de besoins et d’appétits qu’à heures fixes. »
« Ils disent que ce n’est rien, qu’on ne souffre pas, que c’est une fin douce, que la mort de cette façon est bien simplifiée.
Eh ! qu’est-ce donc que cette agonie de six semaines et ce râle de tout un jour ? Qu’est-ce que les angoisses de cette journée irréparable, qui s’écoule si lentement et si vite ? Qu’est-ce que cette échelle de tortures qui aboutit à l’échafaud ?
Apparemment ce n’est pas là souffrir.
Ne sont-ce pas les mêmes convulsions, que le sang s’épuise goutte à goutte, ou que l’intelligence s’éteigne pensée à pensée ?
Et puis, on ne souffre pas, en sont-ils sûrs ? Qui le leur a dit ? Conte-t-on que jamais une tête coupée se soit dressée sanglante au bord du panier, et qu’elle ait crié au peuple : Cela ne fait pas de mal ! »
Le dernier jour d’un condamné, Victor Hugo. Librio, 1995 (1829 pour la première édition). 97 pages.
Ping : Herland – Charlotte Perkins Gilman – Moka – Au milieu des livres
Je l’ai lu il y a tellement longtemps… je me demande l’avis que j’aurais aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, c’est un texte majeur.
Je l’avais également lu ado, mais mes souvenirs étaient plus que flous ! Je pense que j’ai préféré cette relecture que ça n’avait été le cas à l’époque.
Je l’ai lu en 3e, ça m’avait beaucoup marquée et donner très envie de lire d’autres romans de Victor Hugo (ce que je n’ai pas regretté de faire ensuite 😄).
Je n’ai encore jamais regretté de plonger dans un romans de Victor Hugo ! C’est une valeur sûre !
Je l’ai lu lors de la saison 3 du défi… Je me permets de partager mon article ici. https://madamelit.ca/2022/10/31/madame-lit-le-dernier-jour-dun-condamne-de-victor-hugo/ J’espère que tu as trouvé ta lecture intense et passionnée. C’est ce que tu souhaitais (voir ton commentaire).
Super, c’était chouette de relire ta chronique en ayant lu le livre, tu en parles bien. Mes attentes n’ont pas été déçues !
Je dois avouer que je ne connaissais pas cet ouvrage de Victor Hugo, mais malgré un côté sombre, il paraît extrêmement riche en réflexions !
C’est certain que le sujet n’est pas joyeux et léger, mais oui, il est vraiment intéressant, tout en restant concis. Un condensé efficace.
Ping : Le silence de la mer – Vercors – Mes Pages Versicolores
Tu le dis très bien, un texte passionnant et empathique. Il fut un temps, on l’étudiait en 3e, il est nécessaire !!
La peine de mort étant toujours là dans certains pays, il reste très pertinent !
Ce texte m’a énormément marquée. Et ça me fait penser qu’il faudrait peut-être bien que je me replonge dans les pavés d’Hugo à l’occasion.
Je comprends pourquoi !
Je découvre son oeuvre petit à petit et c’est toujours un régal…
Merci pour ton avis sur ce texte qui, à chaque relecture, me frappe toujours par sa justesse. Tu en parles très bien alors que vu le sujet, ce n’est guère facile.
Merci beaucoup pour ton commentaire si gentil. Je suis ravie si j’ai pu trouver un peu les mots, tout a déjà été dit sur ce texte.
C’est le genre de texte dont il y a toujours quelque chose à dire, ou du moins, une manière de partager son ressenti.
C’est de toute manière ainsi que je vois mes chroniques. Je ne prétends pas avoir quelque chose de nouveau à dire, c’est juste un partage (et un aide-mémoire pour moi ^^).
Et c’est déjà beaucoup 🙂
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Je n’ai pas lu ce livre mais il ne saurait tarder, surtout vu la manière passionnante dont tu en parles. En plus il est assez court alors je n’ai pas d’excuses 😉
Voilà qui fait plaisir ! J’espère qu’il te touchera autant que moi. Et effectivement, il est très court !
J’ai envie de lire ce texte depuis plusieurs années maintenant mais je n’ai pas encore sauté le pas – il serait temps !
Je te le recommande ! Il est passionnant. (Et puis il est vraiment court, donc ce n’est pas comme les pavés qui demandent un investissement en temps ou en concentration plus important.)
En effet, il n’est pas bien épais !
Quel texte d’Hugo ! Il a considérablement marqué mon année de 3e. J’aimerais aussi le relire d’ailleurs. Merci pour ta participation !
Il est court, mais intense ! Je te souhaite une bonne relecture.
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Découvert lors d’un autre thème des Classiques, j’avais été emportée par ce récit poignant. Mais contrairement à toi, sa brièveté ne m’a pas dérangée.