Mini-chroniques : Malgré tout, Et toi quand est-ce que tu t’y mets et le premier tome des Salauds Gentilshommes

Je m’aperçois que je n’ai rien publié de tout le mois d’octobre. Avant que vienne l’heure d’un nouveau bilan mensuel, je vous propose un petit pot-pourri avec deux bandes-dessinées et un roman.

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Malgré tout, de Jordi Lafebre (2020)

Malgré tout (couverture)Ana et Zeno. Une relation aussi saine qu’atypique. Des esprits érudits, indépendants, audacieux. Des égaux.
Une histoire d’amour à rebours, de A à Z, de Z à A. L’aventure d’une vie qui a été sans être. Des rendez-vous manqués et des attaches indéfectibles. Un lien puissant et une relation sur le fil.
Et tout autour de ces deux existences parallèlement remontées, deux vies bien remplies et d’autres personnages touchants ne serait-ce que pour le regard qu’ils et elles portent sur ce duo pas tout à fait couple.

Ce que j’ai surtout admiré dans cette histoire, c’est l’équilibre, notamment des émotions. Elle est d’une tendresse infinie, mais ne devient jamais niaise. Elle est profondément émouvante, sans être totalement idéalisée. Elle est intelligente et drôle. Elle est écrite avec esprit, dessinée avec sensibilité, sublimée par des couleurs tantôt intimistes tantôt chaleureuses. La narration originale est maîtrisée, suscitant la curiosité et l’affection pour ces deux-là tout en en racontant assez pour éviter la frustration, créant des ponts entre les chapitres et les époques tout en invitant dans un second temps à une lecture à l’envers !

Une très jolie bande-dessinée aussi réaliste que poétique, qui allie une histoire de qualité, des personnages attachants et un dessin aussi doux que dynamique.

Malgré tout, Jordi Lafebre. Dargaud, 2020. Traduit de l’espagnol par Geneviève Maubille. 150 pages.

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Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ?, T1, Celle qui ne voulait pas d’enfant,
de Véronique Cazot et Madeleine Martin (2011)

Et toi, quand est-ce que tu t'y mets, T1 (couverture)C’est sur le blog Vingt et une pages que j’ai découvert cette BD très colorée qui traite du non-désir d’enfants. Le sujet me parle complètement d’où mon attrait pour cette lecture et je me suis souvent reconnue dans le personnage de Jeanne.

Jeanne est heureuse dans sa vie et dans son couple, mais entourée de jeunes parents – plus ou moins – épanouis, mais ce quotidien serein est chamboulé quand Jeff, son compagnon, est pris d’un doute.

Une lecture sympathique quoiqu’oubliable.

Le sujet est abordé à travers une succession d’instantanés du quotidien et certaines situations sont réalistes, quoique observées sous le prisme de l’humour. On parle du regard d’autrui et de la société, sur les femmes, sur les mères et celles qui ne le sont pas ; des doutes intimes, des convictions profondes, des désirs et des projets ; des choix de vie qui sont propres à chacun·e et des jugements qui peuvent être portés dessus (alors qu’on s’en passerait). J’y ai retrouvé l’ébauche de réflexions personnelles (et des remarques que j’ai pu entendre aussi) et je l’ai lue sans déplaisir.
Voilà pour la partie sympathique.

Cependant, tout aurait clairement pu être plus approfondi et l’ensemble reste assez caricatural (notamment concernant les femmes qui ont des enfants) et superficiel. Certes, le but n’était pas de proposer une étude nuancée sur le sujet : c’est une BD brève qui fonctionne par « gags », ce qui conduit nécessairement à grossir le trait et ne favorise pas une vision profonde de cette thématique. On se place du point de vue de Jeanne et les autrices offrent la parole à une femme qui ne veut pas d’enfants : celles qui en ont ne sont là qu’en opposition (alors que l’idéal serait de sortir d’un affrontement binaire) ou pour conforter les convictions de Jeanne.
Voilà pour la partie oubliable.

Concluons en disant que c’est une lecture distrayante sur un sujet peu fréquent que sa brièveté sert autant qu’elle lui nuit : c’est suffisamment court pour rester plaisant, mais c’est trop court pour être réellement percutant.

Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ?, T1, Celle qui ne voulait pas d’enfant, Véronique Cazot (scénario) et Madeleine Martin (dessin). Fluide Glacial, coll. Fluide.G, 2011. 52 pages.

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Les Salauds Gentilshommes, T1, Les mensonges de Locke Lamora,
de Scott Lynch (2006)

Les Salauds Gentilshommes, T1 (couverture)

Comme toujours, c’est après tout le monde que je suis allée visiter Camorr en compagnie de Locke et de sa bande.
Après quelques chapitres lus un peu lentement car l’auteur prend son temps pour poser son univers, je suis bien rentrée dans l’histoire. L’atmosphère de Camorr est un peu glauque, pas très rassurante et bien développée dans ses différents niveaux de la société. L’alternance passé-présent – les chapitres du passé donnant des clés pour mieux appréhender les évènements du présent qui suivent – n’est pas originale, mais elle est efficace en termes de narration. C’est d’ailleurs un constat que l’on peut faire sur l’ensemble du roman – et c’est pourquoi ce n’est pas un coup de cœur comme pour beaucoup d’autres apparemment – : c’est bien écrit, c’est prenant, on a envie de connaître la suite, mais ce n’est pas très nouveau. C’est un nouveau monde certes, très intéressant certes, certaines scènes sont particulièrement réussies, mais je n’ai pas été bien déstabilisée car on retrouve des ficelles, des rebondissements, des personnages que l’on a plus d’une fois croisés ailleurs.
De plus, il m’a fallu du temps pour m’attacher aux personnages et avoir quelque intérêt pour leur sort. Je reconnais que Locke, ainsi que Jean Tannen, a finalement su éveiller de la sympathie, notamment pour l’amitié qui unit les Salauds Gentilshommes. Il a également été aidé en cela par un final globalement bien mené et assez captivant (je ferai bien l’insatisfaite en disant que, si le début est un peu lent, la fin est un peu trop rapide…).

Une bonne lecture qui a, je pense, suffisamment accroché ma curiosité pour que je lise la suite à l’occasion.

Les Salauds Gentilshommes, T1, Les mensonges de Locke Lamora, Scott Lynch. Bragelonne, 2007 (2006 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Karim Chergui. 602 pages.

30 réflexions au sujet de « Mini-chroniques : Malgré tout, Et toi quand est-ce que tu t’y mets et le premier tome des Salauds Gentilshommes »

  1. Ta mini-chronique sur « Malgré tout » me fait envie ! Ce livre a l’air d’être émouvant, et je n’entends que des avis positifs.
    Quant à « Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? », j’avais aussi vu passer la BD sur le blog de Ludivine. Je vois que la magie de la lecture a moins fonctionné sur toi – ce côté caricatural est dommage.

    • C’est vraiment une très belle BD que je recommande vivement. C’est une petite pépite à mes yeux !

      Effectivement, j’ai moins accroché qu’elle. Le côté caricatural est sans doute voulu, c’est avant-tout une BD à gags, ce n’est pas une étude de fond et la nuance des personnages n’est pas son point fort. Je peux le comprendre, mais du coup, ça ne suffit pas à me satisfaire pleinement.

  2. Je ne connaissais pas Malgré tout mais si l’histoire est aussi sensible et subtil que le dessin alors ça me tente bien, merci pour la découverte. 🙂
    Contente de savoir que tu as passé un bon moment avec Et toi, quand est-ce que tu t’y mets ? Je n’avais pas relevé mais c’est vrai que le portrait des mamans n’est pas très élogieux, toutes les mères ne tiennent pas rigueur à celles qui n’ont pas d’enfants. Heureusement d’ailleurs ! Et je te rejoins, dans tous les cas, on se passerait bien des remarques. 😅 Mais je te l’accorde, cette bande dessinée est avant tout un bon petit divertissement, légère et drôle. Merci de m’avoir fait confiance en découvrant ce titre. 🙂

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  4. Je n’ai pas encore lu les Salauds Gentilhommes, mais c’est dans ma liste de lecture depuis… pouf ! des années !

    En revanche,j’ai très envie de découvrir Malgré tout : déjà, ta critique de cette romance à la temporalité non-linéaire me rassure, surtout sur le côté non-mièvre. Et je viens de finir Je suis leur silence, la dernière BD de l’auteur : j’ai beaucoup aimé, le dessin est dynamique et empli de couleurs, l’héroïne attachante et charismatique, c’est très bien écrit…. franchement, ça m’a donné envie de lire Malgré tout qui avait reçu de belles critiques aussi !

    • C’est un livre que j’ai longtemps fait attendre aussi ! Et encore, heureusement qu’une amie me l’a prêté, sinon il serait encore sur une liste…

      Je te la conseille vraiment, c’est une BD que j’ai trouvé très intelligente et touchante ! Je ne connais pas le titre dont tu parles, mais je note sans aucune hésitation !

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