Mini-critiques : un recueil de nouvelles, un album et une BD

Je vous propose trois petites chroniques sur mes dernières lectures un peu miton-mitaine de 2022 : certaines m’ont davantage plu que d’autres, mais aucune n’est exempt de points négatifs alors qu’il y a une autrice et un scénariste que j’affectionne tout particulièrement (personne n’est infaillible !). C’est parti pour le tour des qualités et des défauts de 600 jours d’Apocalypse, Tout un monde d’animaux et Mauvais sang.

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600 jours d’Apocalypse,
de Rozenn Illiano
(Oniro Prods, auto-édition, 2019)

600 jours d'Apocalypse (couverture)Une nouvelle lecture du Grand Projet dans ma besace avec ce recueil de nouvelles qui complètent la série Town et le roman Onirophrénie également lus en 2022. Un livre compagnon qui nous fait retrouver Élias, Oxyde, Francesca, Saraï (personnage d’Elisabeta), Ana, Chester et Lili et Lucifer.

C’est un livre sympathique car il est toujours agréable de côtoyer un peu plus longtemps des personnages que l’on affectionne ; ce petit tour des différents protagonistes permet de mieux ressentir leur vécu de cette catastrophe, de les fréquenter le temps d’un instant, un épisode de vie pendant ces six cents jours dévastés. Cependant, je pourrais le qualifier de dispensable malgré tout, Town se suffisant à elle-même. Ce n’est à mon avis pas un livre pour découvrir l’univers de Rozenn Illiano à mon goût et plaira plutôt aux lecteurs et lectrices de Town (au minimum).
Je ne suis pas friande de nouvelles : pour réellement me plaire, elles doivent être particulièrement impactantes et rares sont les auteurs et autrices à parvenir à me convaincre inconditionnellement (même si j’aime leurs œuvres à côté de ça). Ici, les premières ne me marqueront guère, et j’ai noté une certaine redondance dans les descriptions des paysages apocalyptiques qui a légèrement gâché mon plaisir.

Je retiendrai néanmoins deux textes que j’ai vraiment appréciés.
Tout d’abord, la nouvelle « Au bout de la route » avec Lili et Chester. Un moment d’apaisement et de relâchement, de plaisanterie et de confiance, sans nier la terreur alors que la fin du monde approche à grands pas. Une connivence inattendue, un lien qui se tisse même s’il semble dérisoire face au néant qui se profile à l’horizon.
Ensuite, la novella « Mille chutes » qui donne la parole à un personnage aussi mystérieux que fascinant, Lucifer. Un personnage qui reste lointain dans Town, avec des motivations aussi insaisissables que sa personne, un discours dont on ne sait le vrai du faux. Alors, certes, cette novella brise un peu ce mystère, le rendant plus accessible, plus faillible, plus humain, mais elle permet également de mieux le connaître, de mieux comprendre l’histoire millénaire qui a conduit à cette fin du monde, les intrications des personnages, les plans célestes et les luttes terrestres pour les contrer, ainsi que l’histoire de Chester.

Un ouvrage plaisant, bien que facultatif : un bonus pour prolonger un peu la route.

« Maintenant, je pense que l’amitié est une chimère. L’amour aussi, sans doute. Étrangement, ce sont les amitiés perdues qui m’ont été plus douloureuses. J’aurais voulu avoir un ami d’enfance, comme dans les histoires ou dans les films. L’ami que tu connais depuis toujours, celui avec qui tu grandis et que tu considères comme ton frère… puis au fil des années, tu ne sais plus ce que tu éprouves pour lui, tu mélanges tout, l’amitié, l’amour, le désir, mais ce n’est pas grave parce que tu sais que quoi qu’il arrive, il sera là pour t’aider à déplacer un cadavre en pleine nuit, pour te faire passer un barrage de police à la frontière ou pour t’empêcher de sauter par la fenêtre. Je regrette de ne pas avoir eu cette chance. »
(Au bout de la route)

« J’avais là une unique occasion de retrouver l’un des miens. Car j’étais seul, te souviens-tu ? Durant des siècles, j’étais seul. Je ne pouvais partager avec personne les sentiments ambivalents qui étaient les miens, la joie d’arpenter ce monde et la peine de ne pas en faire partie, l’émerveillement devant tout ce que l’humanité avait à offrir face à la douleur perpétuelle de me savoir loin du Ciel. La Matière était à la fois une bénédiction et une malédiction propres à faire perdre la tête à n’importe qui ; comment s’habituer à ces émotions qui ne cessaient jamais, alors que l’on est né sans ? Comment supporter le battement constant du cœur dans notre poitrine, et le souffle qui va et vient sans fin ? »
(Mille chutes)

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Tout un monde d’animaux : un livre-jeu Deyrolle
(Gründ, coll. Green Gründ, 2022)

Tout un monde d'animaux (couverture)Deyrolle est un cabinet de curiosité parisien (dont j’ignorais l’existence en dépit du fait que je suis passée moult fois dans la rue du Bac qui l’abrite…) et les illustrations de ce livre sont tirées de ses collections pédagogiques. Cet album présente ainsi douze planches colorées célébrant la beauté et la diversité animalières à travers différents milieux : la ferme, l’océan, le jardin, l’Afrique, etc.

Les compositions jouent sur la répétition et la symétrie et ces pages foisonnantes proposent ainsi des jeux de cherche et trouve, d’éléments à compter, d’intrus à repérer, etc., sans compter le temps simplement passé à tout regarder pour ne pas en oublier.
Certaines pages sont extrêmement harmonieuses et agréables à détailler – on les exposerait bien ! – tandis que d’autres sont, à mon goût, un peu moins heureuses en terme de présentation (celles sur les poils, plumes et écailles par exemple, alors que le principe de reconnaissance « à qui cela appartient-il ? » est particulièrement ludique et plaisant.
Sur la page de gauche, un texte rapide introduit la planche tandis que quelques approfondissements – diverses informations sur les animaux représentés – sont offerts en fin d’ouvrages avec les solutions.

Une jolie découverte, ne serait-ce que pour quelques pages particulièrement esthétiques.

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Mauvais sang,
de Loïc Clément (scénario) et Lionel Richerand (dessin)
(Delcourt jeunesse, 2022)

Mauvais sang (couverture)

Issue de la collection des Contes des cœurs perdus, cette bande-dessinée raconte l’histoire de Tristan Tenebrae, vampire coincé depuis mille ans dans un corps d’enfant en proie à d’incommensurables angoisses. Du moins jusqu’à sa rencontre avec la famille Lux… Seconde histoire de vampire de la collection après Chaque jour Dracula, je dois avouer que ni l’histoire ni les illustrations n’ont su me convaincre.

L’intrigue et la narration tout d’abord. Certes, les doutes, inquiétudes et autres terreurs de Tristan sont touchantes et bien rendues dans ce qu’elles ont d’oppressantes et d’abrutissantes. Certes, l’histoire est intelligente, racontant le stress, le confort des habitudes, la solitude, prônant la différence, les familles de cœur quand celles de sang sont défaillantes et la confiance en soi. Néanmoins, le déroulé de l’histoire est beaucoup trop facile, rapide et sans surprise, me faisant nettement ressentir que je ne suis pas forcément le premier public de cet ouvrage (j’avais eu le même sentiment avec Chaque jour Dracula d’ailleurs). De même, la morale finale m’a parue lourde, assénée d’un bon coup de marteau au cas-où elle nous aurait échappé. (De plus, j’étais lassée presque avant de la rencontre de cette énième famille fantasque.)
Quant aux illustrations, je leur reconnais des qualités également : elles sont riches en détails et en clins d’œil, incitant à prendre son temps pour les détailler. Cependant, le trait de Lionel Richerand que je découvre ici n’est tout simplement pas à mon goût, notamment au niveau des couleurs trop ternes et des visages, ce qui m’a plus d’une fois interpellée et sortie de ma lecture (la couverture ne mentait pas à ce niveau-là…).

Ce n’est donc pas le meilleur opus de la série : si je lui reconnais diverses qualités, les défauts ont davantage imprégné mon ressenti vis-à-vis de cette lecture.

8 réflexions au sujet de « Mini-critiques : un recueil de nouvelles, un album et une BD »

    • Ce n’est vraiment pas le meilleur à mes yeux. Cependant, vu que j’ai beaucoup aimé certains titres de la collection, je lirai avec plaisir et curiosité les suivants (en espérant qu’ils soient plus convaincants toutefois !).

  1. C’est intéressant de voir comment chacun des personnages a été affecté par la catastrophe. J’imagine que le fait que le livre soit considéré comme « dispensable » vient du fait qu’il n’y a pas vraiment d’intrigue et que les nouvelles sont très courtes ? Comment la longueur des nouvelles affecte-t-elle l’impact qu’elles ont sur le lecteur ?

    • C’est surtout que c’était vraiment un livre-compagnon de la série Town. Ce n’était pas vraiment possible de le lire sans avoir lu la série avant (ou alors, en acceptant clairement de ne pas tout piger les événements, qui sont les personnages, quel est leur rôle dans l’histoire, etc. Donc l’intrigue principale était dans Town effectivement. Ces nouvelles étaient des scènes coupées en quelque sorte.
      J’utilise le passé car ce recueil n’est plus à la vente, l’autrice l’a retiré car, officiellement, son Grand Projet n’existe plus, tous ses livres sont indépendants, ce qui n’était absolument pas le cas de celui-là.
      Quant à la longueur des nouvelles… certaines nouvelles très courtes peuvent être très impactantes. Cela dit, à titre personnel, je reconnais que ce n’est pas mon format préféré.

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