Mini-critiques : un recueil de nouvelles, un album et une BD

Je vous propose trois petites chroniques sur mes dernières lectures un peu miton-mitaine de 2022 : certaines m’ont davantage plu que d’autres, mais aucune n’est exempt de points négatifs alors qu’il y a une autrice et un scénariste que j’affectionne tout particulièrement (personne n’est infaillible !). C’est parti pour le tour des qualités et des défauts de 600 jours d’Apocalypse, Tout un monde d’animaux et Mauvais sang.

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600 jours d’Apocalypse,
de Rozenn Illiano
(Oniro Prods, auto-édition, 2019)

600 jours d'Apocalypse (couverture)Une nouvelle lecture du Grand Projet dans ma besace avec ce recueil de nouvelles qui complètent la série Town et le roman Onirophrénie également lus en 2022. Un livre compagnon qui nous fait retrouver Élias, Oxyde, Francesca, Saraï (personnage d’Elisabeta), Ana, Chester et Lili et Lucifer.

C’est un livre sympathique car il est toujours agréable de côtoyer un peu plus longtemps des personnages que l’on affectionne ; ce petit tour des différents protagonistes permet de mieux ressentir leur vécu de cette catastrophe, de les fréquenter le temps d’un instant, un épisode de vie pendant ces six cents jours dévastés. Cependant, je pourrais le qualifier de dispensable malgré tout, Town se suffisant à elle-même. Ce n’est à mon avis pas un livre pour découvrir l’univers de Rozenn Illiano à mon goût et plaira plutôt aux lecteurs et lectrices de Town (au minimum).
Je ne suis pas friande de nouvelles : pour réellement me plaire, elles doivent être particulièrement impactantes et rares sont les auteurs et autrices à parvenir à me convaincre inconditionnellement (même si j’aime leurs œuvres à côté de ça). Ici, les premières ne me marqueront guère, et j’ai noté une certaine redondance dans les descriptions des paysages apocalyptiques qui a légèrement gâché mon plaisir.

Je retiendrai néanmoins deux textes que j’ai vraiment appréciés.
Tout d’abord, la nouvelle « Au bout de la route » avec Lili et Chester. Un moment d’apaisement et de relâchement, de plaisanterie et de confiance, sans nier la terreur alors que la fin du monde approche à grands pas. Une connivence inattendue, un lien qui se tisse même s’il semble dérisoire face au néant qui se profile à l’horizon.
Ensuite, la novella « Mille chutes » qui donne la parole à un personnage aussi mystérieux que fascinant, Lucifer. Un personnage qui reste lointain dans Town, avec des motivations aussi insaisissables que sa personne, un discours dont on ne sait le vrai du faux. Alors, certes, cette novella brise un peu ce mystère, le rendant plus accessible, plus faillible, plus humain, mais elle permet également de mieux le connaître, de mieux comprendre l’histoire millénaire qui a conduit à cette fin du monde, les intrications des personnages, les plans célestes et les luttes terrestres pour les contrer, ainsi que l’histoire de Chester.

Un ouvrage plaisant, bien que facultatif : un bonus pour prolonger un peu la route.

« Maintenant, je pense que l’amitié est une chimère. L’amour aussi, sans doute. Étrangement, ce sont les amitiés perdues qui m’ont été plus douloureuses. J’aurais voulu avoir un ami d’enfance, comme dans les histoires ou dans les films. L’ami que tu connais depuis toujours, celui avec qui tu grandis et que tu considères comme ton frère… puis au fil des années, tu ne sais plus ce que tu éprouves pour lui, tu mélanges tout, l’amitié, l’amour, le désir, mais ce n’est pas grave parce que tu sais que quoi qu’il arrive, il sera là pour t’aider à déplacer un cadavre en pleine nuit, pour te faire passer un barrage de police à la frontière ou pour t’empêcher de sauter par la fenêtre. Je regrette de ne pas avoir eu cette chance. »
(Au bout de la route)

« J’avais là une unique occasion de retrouver l’un des miens. Car j’étais seul, te souviens-tu ? Durant des siècles, j’étais seul. Je ne pouvais partager avec personne les sentiments ambivalents qui étaient les miens, la joie d’arpenter ce monde et la peine de ne pas en faire partie, l’émerveillement devant tout ce que l’humanité avait à offrir face à la douleur perpétuelle de me savoir loin du Ciel. La Matière était à la fois une bénédiction et une malédiction propres à faire perdre la tête à n’importe qui ; comment s’habituer à ces émotions qui ne cessaient jamais, alors que l’on est né sans ? Comment supporter le battement constant du cœur dans notre poitrine, et le souffle qui va et vient sans fin ? »
(Mille chutes)

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Tout un monde d’animaux : un livre-jeu Deyrolle
(Gründ, coll. Green Gründ, 2022)

Tout un monde d'animaux (couverture)Deyrolle est un cabinet de curiosité parisien (dont j’ignorais l’existence en dépit du fait que je suis passée moult fois dans la rue du Bac qui l’abrite…) et les illustrations de ce livre sont tirées de ses collections pédagogiques. Cet album présente ainsi douze planches colorées célébrant la beauté et la diversité animalières à travers différents milieux : la ferme, l’océan, le jardin, l’Afrique, etc.

Les compositions jouent sur la répétition et la symétrie et ces pages foisonnantes proposent ainsi des jeux de cherche et trouve, d’éléments à compter, d’intrus à repérer, etc., sans compter le temps simplement passé à tout regarder pour ne pas en oublier.
Certaines pages sont extrêmement harmonieuses et agréables à détailler – on les exposerait bien ! – tandis que d’autres sont, à mon goût, un peu moins heureuses en terme de présentation (celles sur les poils, plumes et écailles par exemple, alors que le principe de reconnaissance « à qui cela appartient-il ? » est particulièrement ludique et plaisant.
Sur la page de gauche, un texte rapide introduit la planche tandis que quelques approfondissements – diverses informations sur les animaux représentés – sont offerts en fin d’ouvrages avec les solutions.

Une jolie découverte, ne serait-ce que pour quelques pages particulièrement esthétiques.

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Mauvais sang,
de Loïc Clément (scénario) et Lionel Richerand (dessin)
(Delcourt jeunesse, 2022)

Mauvais sang (couverture)

Issue de la collection des Contes des cœurs perdus, cette bande-dessinée raconte l’histoire de Tristan Tenebrae, vampire coincé depuis mille ans dans un corps d’enfant en proie à d’incommensurables angoisses. Du moins jusqu’à sa rencontre avec la famille Lux… Seconde histoire de vampire de la collection après Chaque jour Dracula, je dois avouer que ni l’histoire ni les illustrations n’ont su me convaincre.

L’intrigue et la narration tout d’abord. Certes, les doutes, inquiétudes et autres terreurs de Tristan sont touchantes et bien rendues dans ce qu’elles ont d’oppressantes et d’abrutissantes. Certes, l’histoire est intelligente, racontant le stress, le confort des habitudes, la solitude, prônant la différence, les familles de cœur quand celles de sang sont défaillantes et la confiance en soi. Néanmoins, le déroulé de l’histoire est beaucoup trop facile, rapide et sans surprise, me faisant nettement ressentir que je ne suis pas forcément le premier public de cet ouvrage (j’avais eu le même sentiment avec Chaque jour Dracula d’ailleurs). De même, la morale finale m’a parue lourde, assénée d’un bon coup de marteau au cas-où elle nous aurait échappé. (De plus, j’étais lassée presque avant de la rencontre de cette énième famille fantasque.)
Quant aux illustrations, je leur reconnais des qualités également : elles sont riches en détails et en clins d’œil, incitant à prendre son temps pour les détailler. Cependant, le trait de Lionel Richerand que je découvre ici n’est tout simplement pas à mon goût, notamment au niveau des couleurs trop ternes et des visages, ce qui m’a plus d’une fois interpellée et sortie de ma lecture (la couverture ne mentait pas à ce niveau-là…).

Ce n’est donc pas le meilleur opus de la série : si je lui reconnais diverses qualités, les défauts ont davantage imprégné mon ressenti vis-à-vis de cette lecture.

Onirophrénie, de Rozenn Illiano (2018)

Onirophrénie (couverture)Non, vous ne rêvez pas, c’est encore un roman de Rozenn Illiano qui doit indubitablement faire partie des auteurs et autrices les plus chroniqué·es sur ce blog. Récemment, j’avais pointé du doigt les défauts de la saga Town qui n’avait donc pas su me convaincre pleinement. Or, cette fois, j’ai adoré ma lecture, Onirophrénie rejoignant tout de go mes romans favoris de cette autrice.

Onirophrénie nous replonge dans l’Apocalypse, dans la peau de Lili, une marcheuse de rêves rencontrée dans d’autres nouvelles (dans 18.01.2016, « La Boîte noire »…). C’est l’histoire de son périple accompagné du jeune Fañch, leurs questionnements, leurs errances, leur amitié, leurs angoisses face à cette fin annoncée.

Ce roman évite tous les écueils de deux premiers tomes de Town, sachant qu’Onirophrénie et Tueurs d’anges se déroulent en parallèle. C’est-à-dire que, cette fois, j’ai ressenti les choses, j’ai vraiment été en empathie avec les personnages principaux. Je me suis attachée à Lili et à Fañch, j’ai été attendrie par leur duo, attristée au moment d’un choix douloureux. J’ai craint les mauvaises rencontres sur ces routes poussiéreuses et savouré avec eux les jours dans des havres de paix. Évidemment, la suite est connue pour qui a lu Town, mais cela ne nuit en rien à ce roman prenant.
Cependant, n’attendez pas un livre de post-apo mené tambour battant du début à la fin. Les anges ou les néphilistes (les fanatiques qui les soutiennent) ne seront donc pas présents à chaque détour de rue, loin de là : pour les retrouver, il faut plutôt se tourner vers Town. Le rythme est parfois lent, l’intériorité et le cheminement des personnages sont au cœur du récit et les personnages souvent paumés face à ces cartes rebattues suite à la destruction de leur monde. Ce sont des personnages lambda (en dépit des pouvoirs de Lili), faillibles, qui se soutiennent l’un l’autre, et non des héros sans peurs ni doutes.

Et puis, il y a tout le reste. Les spécificités de l’histoire de Lili. Des éléments qui étaient tout à fait ma came, peut-être parce que des bribes m’ont touchée, m’ont parlé. Lili est une marcheuse de rêves puissante mais au pouvoir déglingué par des peines anciennes, des fêlures non réparées. D’où des rêves mutilés et douloureux. À l’heure où, peut-être, plus rien n’est grave, à l’heure où, peut-être, plus rien ne compte, son cheminement sera aussi bien géographique que psychologique et l’absence d’avenir va la pousser à regarder vers son passé.
Une amitié qui a mal tourné. La peur de retourner vers l’autre, l’angoisse du rejet. Ces gens que l’on aimait tant et qui, pourtant, se sont éloignés – dont nous nous sommes éloigné·es –, sans trop savoir pourquoi, sans trop savoir comment.
Et du fait de l’Apocalypse à venir, des questionnements inévitables qui résonnent à merveille avec notre situation actuelle. Pourquoi, comment continuer, à quoi ça sert, notre petitesse et notre insignifiance face à des événements qui nous dépassent. Si ce n’est que notre fin ne viendra pas d’une puissance supérieure et d’êtres surnaturels…

Comme toujours avec Rozenn Illiano, Onirophrénie – quoique parfaitement indépendant – s’inscrit dans le Grand Projet et avoir pris le temps de lire Town avant reste une très bonne idée tant ces romans se complètent (au niveau de l’histoire, des personnages, etc.), s’éclairant ainsi mutuellement. Autant dire que, après ma lecture, je suis allée feuilleter Town pour relire certains passages avec de nouvelles informations. Il y a également des références au monde d’Atlacoaya, déjà évoqué dans des nouvelles (que je n’ai, pour ma part pas encore lues).
Et puis, il y a tous les clins d’œil que l’on repère lorsque l’on suit l’autrice. Des présences familières, des lieux, des films…
Ainsi, tout se répond et s’entrecroise et, comme toujours, cette idée m’enchante.

Des défauts ? J’avoue une pointe de déception face à une certaine situation qui se résout trop rapidement à mon goût. Les explications avancées dans le roman ne m’ont pas pleinement convaincue et les suites m’ont parues de bien faible conséquence. Sans être le cœur du récit, les anges et les humains terrifiants de l’Apocalypse sont tout de même présents dans le monde où évoluent Lili et Fañch et ils avaient un bon potentiel pour des instants d’angoisse pour les personnages, de suspense et de tension, en contrepoint à celles et ceux qui leur apportent un apaisement et des havres de paix. Disons les choses, j’aurais préféré que Lili ait un peu plus de mal à s’en dépatouiller, que l’obstacle soit un peu plus important, que l’équilibre adjuvants/opposants soit plus juste, bref, ne pas avoir tiqué sur un chouïa de facilité

Malgré un passage un peu sous-développé à mon goût, Onirophrénie est un très bon roman, sensible et poétique, qui m’a embarquée de la première à la dernière page à travers cette France en miettes à l’image du cœur de son héroïne.

« Il arrive que faire le deuil des vivants, parfois, soit plus difficile que faire le deuil des morts. Parce qu’ils sont là, à portée, parce qu’ils peuvent encore écouter, parler comprendre, mais aussi rejeter et refuser le dialogue.
C’est pour cela que c’est si difficile. Parce que tant qu’on n’essaie pas, tant qu’on ne cherche pas à reprendre contact et à dire ce que l’on a sur le cœur, leur réponse reste en suspens. On ne sait pas s’ils nous rejetteront ou s’ils nous accepteront, et cet entre-deux aveuglant s’avère bien plus facile et confortable que l’éventualité d’un abandon. »

« Nous ne sommes que des accidents qui ont grandi et qui se sont fabriqués une conscience, rien de plus. Mes mots et mes actes n’ont aucune importance, pas plus que ce que je suis. Le monde disparaîtra sans doute, balayé par les anges, et c’est tout. Un théâtre absurde et vain. »

« – C’est un éléphant ? demande Fañch.
Sa voix tremble un peu, d’émerveillement ou d’incrédulité. Il s’approche de la machine à grands pas puis s’arrête face à elle, stupéfait devant la beauté et la tristesse de ce spectacle.
Il avance sa main, touche le bois humide…
Une fée morte depuis trop longtemps. Un rêve éteint. Un vestige de ce que nous étions capables de créer de plus beau, un témoignage brisé par le ciel. L’éléphant tombé à terre, l’image terrible et magnifique de l’imaginaire, du merveilleux effacé. »

« Comment peut-on réellement décider de ce que l’on fera demain alors que tout peut basculer ? Alors que le monde est promis au néant à date fixe, nous empêchant d’appréhender notre si court futur ? Pour nos esprits effrayés, l’avenir ressemble à une impasse, un piège. On fonce dedans sans discernement, sachant très bien vers quoi nous allons et sans pouvoir faire demi-tour. Chaque heure, chaque jour qui passe est une heure, un jour en moins. Une blessure. Chaque battement de cœur est là pour nous le rappeler. Porteur de sa propre mort, un battement enfui, envolé pour toujours, jamais remplacé. »

Onirophrénie, Rozenn Illiano. Oniro Prods (auto-édition), 2018. 339 pages.

Town (4 tomes), de Rozenn Illiano (2017-2018)

Le 18.01.16, un Cataclysme s’est abattu sur la Terre : le lancement d’un funeste compte-à-rebours. 600 jours, douze coups à la Grande Horloge dont le dernier signera l’Apocalypse et le glas de la réalité connue. Au milieu des anges impitoyables, des néphilistes qui les assistent, de l’hostilité de celles et ceux qui n’ont plus rien à perdre, quelques humains tentent de survivre, de se débarrasser d’autant d’anges possibles et, peut-être, changer le cours des choses ?

Depuis février, j’égrène au fil des mois ma lecture de cette saga clé de l’œuvre de Rozenn Illiano.

Lire Town, c’était changer d’univers. Après l’onirisme d’un Midnight City, après les secrets familiaux d’Érèbe, après le Cercle, la fascinante société d’Immortels, d’Elisabeta, c’était plonger dans du post-apo sur une Terre ravagée, aux côtés d’une humanité décimée et d’anges vengeurs. Tout en étant lié à ces autres romans, c’est une atmosphère totalement différente qui se met en place, avec un certain désespoir, des actes de cruauté et/ou de survie, la loi du plus fort vs l’union fait la force.

Lire Town, c’était vivre cette Apocalypse, ces 600 jours jusqu’au jour de la fin du monde, ces légions angéliques déferlant sur la Terre et la résistance – dérisoire ? – des humains encore en vie. La narration est efficace : l’écriture est assez simple et directe, même si elle devient plus riche au fil des tomes et offre des moments très intenses. Quant aux personnages, variés et intéressants, il est très facile de se reconnaître en eux, quels que soient leurs pouvoirs ou aptitudes. J’ai été touchée par leurs solitudes. Ce sont des personnages qui se cherchent, qui sont parfois paumés et toujours imparfaits.

Oxyde par Xavier Collette

Oxyde par Xavier Collette (Source : Onirography)

Lire Town, c’était rencontrer enfin Oxyde (davantage que par un petit coucou dans un autre roman ou nouvelle), ce que j’attendais avec impatience du fait de ma fascination pour ce sorcier extrêmement puissant et charismatique. L’amour que lui porte sa créatrice n’y est sans doute pas pour rien, j’avais donc hâte de passer du temps avec lui. Lui qui est un clairvoyant – un sorcier qui cumule les pouvoirs – m’a surprise (et conquise) par ses failles : en dépit de tous ses dons, ce n’est pas un super-héros infaillible. Il fait des erreurs (et fait d’autres erreurs en tentant d’en réparer d’autres), il a des défauts, à commencer par une violence plus ou moins contenue qui vibre en lui, mais ce n’est pas juste le gars ténébreux. Il montre également de la tendresse (notamment vis-à-vis de Glenn et Cesca dans les deux derniers tomes), de regrets, sans parler de son lien bouleversant avec Élias. Enfin, il a beau être surpuissant, il a besoin des autres pour avancer, pour triompher. Il évite le piège des archétypes avec beaucoup de classe, et il faut l’avouer, c’est un personnage éminemment charismatique. Et à travers lui, on découvre également un fantastique jeu d’échecs et de bluff entre puissances inhumaines.
Quel que soit l’univers, quelles que soient les péripéties, les personnages de Rozenn Illiano sont toujours bien présents. Ils ne sont pas un prétexte pour faire avancer l’histoire, ce serait plutôt l’inverse. Moi qui aime les personnages consistants, que l’on jugerait réels, je suis comblée par la place qu’elle leur accorde à chaque roman. Elle inscrit leurs actions dans leur histoire, leur passé, leurs réflexions, leurs interactions avec les autres, en parfaite cohérence. Ainsi, chaque lecture est une rencontre.

 Lire Town, c’était rencontrer la fameuse ville. Le lieu qui devient personnage est quelque chose que j’apprécie beaucoup, j’ai toujours une attirance pour ces lieux qui acquièrent une conscience (le Bois de Déracinée, la Catastrophe du Royaume de Pierre d’Angle…). Une conscience immature, brouillonne, mais démesurée. Town a une présence brute et touchante parfois. C’est un appel pour les sorciers et les psychopompes, c’est un bruit de fond dont on n’a pas toujours conscience, ce sont des vagues de colère, de tristesse, de joie ou de regret. C’est un chiot folâtrant, c’est une mère protectrice, c’est une adolescente brutale parfois. C’est un personnage indubitablement.

Lire Town, c’était lire ce que Rozenn Illiano qualifie une œuvre de jeunesse, en particulier Tueurs d’anges, un roman dont l’idée lui est venue quand elle était adolescente et qu’elle tenait absolument à publier, même s’il n’était finalement pas tout à fait abouti. Cela explique quelques défauts qui viennent ternir quelque peu cette lecture.
Dans les premiers tomes – Tueurs d’anges essentiellement, mais également Oracles –, je regrette de ne pas avoir pu davantage ressentir les choses. Vivre avec les personnages les événements, leurs émotions, les liens tissés. Cela était dit, écrit, mais il manquait cette vibration qui fait naître l’empathie et l’immersion. J’ai à nouveau ressenti cette absence d’implication quand le quatrième tome raconte l’état émotionnelle de deux personnages lié à leur connexion et à des événements pour le moins traumatisants du premier tome : je me suis aperçue que j’étais passée un peu à côté de l’intensité de leur relation. Et cela se reproduit avec les relations amoureuses qui se nouent, les couples qui se forment, sans que l’on ressente réellement la naissance et la progression de leurs sentiments. Pourtant, l’intériorité des personnages est réellement développée, mais la façon de la présenter est sans doute plus didactique qu’intuitive. De la même façon, alors que Tueurs d’anges est narré par trois personnages différents, il m’a manqué d’entendre des différences dans leur voix.
Il m’a également manqué de la tension. Tueurs d’ange souffre peut-être d’une certaine hâte à raconter des événements qui auraient mérité davantage de pages. Autant les trois tomes suivants développent l’histoire d’Oxyde, autant le premier tome – qui n’est pas plus long – avance à grands pas, et parfois par ellipses, tentant d’en dire beaucoup en peu de pages. La fin de Tueurs d’anges m’a semblé très abrupte et m’a laissée un peu partagée : je demandais à voir les développements par la suite, mais je trouvais que le tout était un peu facile. Sans parler du fait que, malgré une situation relativement dramatique tout de même, je n’ai pas été heurtée, bousculée émotionnellement parlant. L’explication à mon détachement nous fait revenir à ce manque de proximité et d’empathie avec les personnages dans ce premier tome.
En bref, dans les premiers tomes, il m’a manqué de vivre les choses avec les tripes.

Le troisième semble être le simple début de Clairvoyants. Le rythme est plus lent, annonciateur des événements du dernier tome. Il m’a semblé être un tome de transition sublimé par quelques moments de grâce, des instants sublimes et captivants. Réunissant les personnages des deux premiers tomes, c’est également l’occasion de tenter de démêler quelques fils de cette intrigue.

Et finalement – et heureusement –, tous ces reproches s’envolent totalement avec Clairvoyants, ce qui a souligné plus clairement les défauts des tomes précédents. Dans ce quatrième tome, Rozenn Illiano ne m’a pas seulement raconté une histoire, elle me l’a fait vivre. Enfin, j’ai ressenti. L’atmosphère intense générée par l’Anaon. L’angoisse, les souffrances et la colère des esprits. La chape de plomb sur l’esprit des humains qui s’y aventurent. La sidération face à ce Paris métamorphosé. La peur et la fatigue d’Oxyde. J’ai vraiment aimé ce tome qui prouve bien que ces romans ont la matière pour être géniaux.

Et c’est là qu’intervient une bonne nouvelle : la saga va être réécrite ! Je n’étais pas particulièrement enthousiaste à cette idée au début, je l’avoue. On venait de m’offrir les deux premiers tomes, je n’étais pas très emballée à l’idée qu’une version améliorée allait bientôt exister, même si la trame restera identique. Et puis, Rozenn Illiano étant prolifique, je ne me voyais pas acquérir de nouveau tous ses livres quelques années après leur sortie. Cependant, la chose est exceptionnelle et, après les avoir lus, je comprends cette décision et je suis même impatiente de découvrir la nouvelle version (pas encore écrite) ! Town est une saga clé du Grand Projet. Même si tous ses romans sont indépendants (sauf au sein d’une même série, évidemment), c’est un passage un peu incontournable pour qui veut suivre son œuvre (même si, personnellement, j’ai réussi à lire sept de ses romans avant de m’y attaquer). Cette saga pose des événements essentiels dans son univers, les idées sont bonnes, il y a déjà des moments formidables, l’ambiance a tout pour être intense : je comprends à présent l’envie de l’autrice d’offrir quelque chose de mieux à cette saga si importante et je reconnais que ça ne pourra être qu’une très bonne chose. Relire le tout avec des relations mieux écrites, un ressenti accru, de l’empathie, de l’immersion… je signe tout de suite !

Town n’est pas parfaite, non. Je ne partage pas totalement certains avis dithyrambiques. Il y a des défauts, des défauts incontestables qui font que je suis contente de ne pas avoir lu ces romans-là en premier. Cependant, cela n’a en rien entamé mon envie de continuer à suivre cette autrice (ça a même renforcé ma curiosité) ni ma confiance en sa capacité à m’émerveiller avec ses histoires. Ces romans sont parfaitement indépendants, on ne le dira jamais assez : vous pouvez parfaitement lire uniquement Town, ou uniquement Midnight City ou Érèbe, ils se suffisent à eux-mêmes. Il ne vous manquera pas d’éléments pour comprendre et apprécier l’histoire, vous pourrez ainsi choisir l’univers ou l’atmosphère qui vous intéresse le plus. Toutefois, quand on se lance dans le Grand Projet, l’impulsion et l’enthousiasme sont tels que même un roman en deçà des autres n’est pas une raison de ne pas continuer le voyage.

Pour finir, est-il nécessaire de souligner que Xavier Collette a encore fait un travail magnifique sur les couvertures ?

« Ce truc qui gronde dans ma tête me terrifie, admet-elle. Je l’entends de plus en plus fort quand il se met en colère. À certains moments, j’ai l’impression d’atterrir quelque part sans savoir comment j’y suis venue. De me réveiller sans m’être endormie. Je suis en train de devenir quelqu’un d’autre. Et… je crois bien que je m’en fous. C’est ça qui me fait peur. »
(Tome 1, Tueurs d’anges)

« Une fois seul, le jeune homme sent une force nouvelle le parcourir, mais aussi un nuage de ténèbres tel qu’il n’en a jamais vu. Il tombe du banc et s’effondre au sol sous la douleur. Il a tellement mal… le vent s’engouffre dans son esprit, balaie tout sur son passage.
Le prénom de sa mère s’envole. Ses souvenirs d’enfance auprès d’Élias. La découverte de ses pouvoirs, le regard bienveillant de Dossou. Tout disparaît, s’efface, s’estompe. Son nom s’en va, et il n’a pas le temps de le rattraper. La peine aussi, et la colère. La solitude. Est-ce si grave ?
 »

(Tome 2, Oracles)

« – Ce n’est pas juste que tu doives réparer tes erreurs de cette façon, dit-elle.
– L’univers considère que ça l’est. Ce n’est qu’une façon de me remettre à ma place : on ne peut pas laisser autant de magie entre les mains d’une seule personne.
– Pourtant, tu auras beau posséder tous les pouvoirs possibles, toute la puissance qui existe sur cette Terre, tu resteras ce clairvoyant paumé qui se débat dans des sables mouvants.
Je souris. C’est parfaitement vrai. »

(Tome 3, Passeurs)

« Souvent, les départs s’accompagnent d’une petite mélodie grinçante, un pressentiment me chuchotant que ceux qui partent ne reviendront pas, que le malheur les frappera. »
(Tome 4, Clairvoyants)

Town (4 tomes), Rozenn Illiano. Oniro Prods (auto-édition), 2017-2018.
– Tome 1, Tueurs d’anges, 245 pages ;
– Tome 2, Oracles, 243 pages ;
– Tome 3, Passeurs, 230 pages ;
– Tome 4, Clairvoyants, 238 pages.

Night Travelers, de Rozenn Illiano (2020)

Night Travelers (couverture)Après mon coup de cœur de l’an dernier pour Midnight City, c’est avec enthousiasme que je me suis replongée dans l’univers de Rozenn Illiano. Cette suite nous emmène un an après les événements de Midnight City avec un Samuel encore traumatisé par sa rencontre avec le Sidhe.

A l’instar du premier tome, ce livre entremêle deux histoires. D’une part, celle de Samuel, Roya, Xavier et les autres, dans notre monde. Monde dans lequel évoluent toutefois des sorciers et des marcheurs de rêves, des personnes aux pouvoirs surnaturels et fascinants. D’autre part, celui de Cyan, Oyra, des Oneiroi… la Cité de Minuit, faite de rêve et de cauchemars, menacée de destruction par les ombres qui habitent le démiurge.
Encore une fois, la magie a fonctionné. Cette atmosphère bleutée me fascine, c’est le genre d’ambiance marquante, qui continue à vivre même si l’on a oublié les détails de l’intrigue, à l’instar de celle du Cirque des rêves par exemple.

J’ai été happée par l’intrigue qui, derrière des décors de douceur et de tranquillité, cache bien des angoisses et des terreurs, des corps et des esprits fatigués, manipulés, malmenés par des vagues d’émotions indicibles. Entre fantasy et poésie, entre réalité et onirisme, entre pouvoirs magiques et interrogations concrètes, entre péripéties captivantes et poignante mélancolie, Rozenn Illiano propose encore une fois une balance parfaite.

C’est l’histoire d’un deuil. Un deuil inachevé, un souvenir enterré, un oubli espéré, qui donnent naissance à un traumatisme, à un maelström de douleur, de culpabilité, de regret. C’est l’histoire de nos chagrins et de nos peines, de nos remords et des chemins qui auraient peut-être pu être. Des sentiments qui s’expriment à travers les deux arcs narratifs avec puissance et justesse.
J’avoue être totalement séduite par les protagonistes de Rozenn Illiano. Au-delà du voile du fantastique, de la fantasy et de la magie, elle propose des personnages réalistes, sensibles et vivants. D’une humanité terrible avec leurs forces et leurs faiblesses. Des individus auxquels on ne peut que s’attacher, à travers lesquels on peut vibrer, dans lesquels on ne peut que se reconnaître.

C’est aussi une nouvelle fois un roman sur l’écriture, sur la création. Sur les questionnements d’un·e écrivain·e. Samuel se sent dépossédé de son univers suite à la publication forcée de Midnight City et ne parvient plus à écrire. Pourtant, ce sont pas les idées qui manquent, mais au contraire, le trop plein d’idées qui affluent, refusent de laisser l’esprit au repos, le temps de poser quelques mots sur le clavier. L’inverse de la page blanche, mais tout aussi improductif.

Night Travelers renoue donc avec les thématiques de Midnight City en les approfondissant et les enrichissant, sans jamais perdre de sa force par des redondances ou des longueurs. L’univers est riche, profond et creusé, à l’image des êtres qui l’habitent. Une lecture qui ne fait que renforcer mon désir d’explorer le Grand Projet de Rozenn Illiano.

« Ils se figèrent, tous. Égarés dans leur cauchemar mais pas égarés pour toujours. Il suffisait de réparer la grande Horloge afin de la remettre en marche.
Quelqu’un s’en chargea et chassa l’Antéminuit. Et ce faisant, il effaça aussi l’Oubli. Et les citoyens de la ville au-delà de la Nuit retrouvèrent peu à peu leurs souvenirs et leur mémoire, les chagrins éteints et les familles occultées, les joies en suspens, les douleurs évaporées. Au fil du Temps, ils regagnèrent ce que l’Oubli leur avait pris, les uns après les autres.
Ils se réveillaient. Et se souvenaient.
Et parfois, ils auraient aimé tout oublier. »

« Pour la première fois depuis longtemps, elle ressent la solitude, la vraie, celle qu’on n’invoque jamais et qui nous tombe dessus sans qu’on le veuille. Celle qui fait mal. La jeune femme pensait la rechercher, mais son amitié brisée avec Sam ne fait que lui remettre sous les yeux combien elle est seule, combien elle l’a toujours été, et combien elle peine maintenant à l’accepter. Comme une rose avec des épines. Comme une funambule dont la robe est brodée de morceaux de verre tranchants, qui blesse ceux qui essaient de la toucher. La malédiction de toute une vie, puisqu’elle n’a jamais eu de véritable ami avant Sam. Parfois, même, elle se demande si lui aussi en a vraiment été un avant que tout soit gâché. »

Midnight City, tome 2, Night Travelers, Rozenn Illiano. Auto-édition, 2020. 509 pages.

Midnight City, de Rozenn Illiano (2019)

Midnight City (couverture)Un livre à l’histoire étrange, souvent évoqué sur le blog de l’autrice – curiosité avivée, sans même connaître les détails de l’intrigue, magie immédiate –, une vie commencée sur les routes, livre vagabond que j’aurais aimé trouver sur ma route. Livre finalement autopublié et acquis sans aucune hésitation de ma part. Longtemps admiré, lecture repoussée dans l’attente du « bon moment » (encore une fois raté puisque la folie du déménagement m’a contrainte à en interrompre la lecture pendant plusieurs jours). Livre finalement savouré, rencontre magique avec un univers.

De Rozenn Illiano, je n’avais alors lu que Le Phare au corbeau dans l’attente de Midnight City dont l’épopée a alimenté plusieurs articles du blog de l’autrice. Le premier roman, paru quant à lui aux éditions Critic, m’avait beaucoup plu pour son ambiance, mais le second a immédiatement mis la barre au-dessus.

Deux histoires.
D’un côté, une Cité plongée dans un éternel Minuit ; des secondes, des minutes et des heures qui tracent mille temporalités insaisissables ; une odeur de caramel et de feu de bois ; une grande Horloge arrêtée, l’arrêt du cœur de la ville, laissant ses habitants en proie aux cauchemars ; deux personnages, Cyan et la funambule, au milieu de ce désastre.
De l’autre, Samuel, écrivain qui vient de publier un roman salué de tous, adoré par des milliers de personnes et traduit dans plusieurs langues, artiste complètement bloqué, sollicité par son éditrice et par son public, dont l’inspiration se révèle étouffée sous le succès ; un mécène providentiel qui lui offre temps et argent pour écrire en paix ; un contrat, un marché de dupes ?

Midnight City - Le marchand de sable, par Xavier ColletteLe Marchand de sable et la Cité de Minuit, par Xavier Collette

Deux tonalités donc.
D’une part, la « vraie vie », si proche de celle que je – on – connais. Les forums, le NaNoWriMo, les connaissances virtuelles avec lesquelles on échange parfois plus qu’avec des personnes connues in real life. Les angoisses de la vie. Un personnage principal, Samuel, extrêmement attachant, dont il est aisé de se sentir proche.
D’autre part, la Cité de Minuit, un monde onirique, poétique, fascinant, mais aussi dangereux sous ses teintes bleutées. Le titre du roman de Rozenn Illiano, le titre de celui de Samuel. Mise en abîme. Dans ce monde, l’auteur personnage – et l’autrice réelle ? – projette, à travers des alter ego, des « avatars d’encre et de mots », ses regrets, ses rêves, son caractère, ses espoirs, ses peines, ses culpabilités, ses rencontres, ses deuils. Ses peurs. Celles qui peuvent broyer, enfermer, empêcher d’avancer et de vivre. L’imaginaire pour tenter de survivre à la vie.
Tout s’entremêle alors. Réalité et fiction, monde terrestre et Cité de Minuit, passé et présent. L’écriture d’un roman dans le roman, le temps d’une histoire. Fiction dans la fiction, les frontières se floutent dans ce roman si beau et si fort.

Midnight City - La funambule, par Xavier ColletteUne autre superbe illustration de La funambule, par Xavier Collette

Midnight City, c’est aussi un texte sur l’écriture, sur la création, sur l’édition, sur les visions de l’art, de l’œuvre et de l’écrivain. Ça parle de légitimité, du poids du regard – et des mots – des autres. Même sans la connaître autrement qu’à travers son blog, il m’a semblé qu’il y avait beaucoup de l’autrice dans ce roman. C’est peut-être – sans doute – le cas de toutes ses œuvres, mais je ne les – la – connais pas assez pour en juger.
Étonnement, le roman prend au fil des chapitres des airs de thriller. Thriller surnaturel. Tictac, la grande Horloge. Tictac, le sable qui s’écoule dans le sablier de Samuel. Le fameux mécène, je ne dirais rien sur lui pour vous laisser le plaisir de la rencontre si ce n’est qu’il s’agit là d’un protagoniste absolument fascinant, aussi impressionnant que terrible, et qui, pourtant, se révèle parfois presque sympathique. Bref, une psychologie fouillée, à l’instar des autres personnages !

Après plusieurs mois d’attentes, de curiosité, d’impatience, mes attentes pour ce roman étaient élevées, ce qui aurait pu lui nuire, mais le plaisir a été immense. Tout est beau et passionnant dans Midnight City, l’écriture qui m’a emportée, les intrigues qui m’ont fascinée, les thématiques qui m’ont touchée, l’univers qui m’a fait rêver. Que dire, si ce n’est vivement la suite qui portera le nom de Night Travelers ?

« Personne ne croyait que la grande Horloge s’arrêterait un jour. Et pourtant, c’est ce qui est arrivé.
Elle s’est arrêtée. Elle s’est figée.
Cyan ne l’entend plus battre en lui, comme si l’écho de son propre cœur s’était interrompu en même temps qu’elle. Et le silence, cette disparition du son, de rythme, ce vide si noir et si effrayant, tant qu’il croit qu’il va sombrer, là, dans ce gouffre qui se serait creusé subitement sous ses pieds…
Il ignore encore quoi ressentir. La terreur et le froid, l’incompréhension, la sidération peut-être. Il ne sait pas ce qu’il est censé éprouver.
Le noir qui l’entoure, la nuit glacée, immobilisée, le ciel au-dessus de lui, plus rien ne bouge. La Lune s’est éteinte, et les étoiles aussi. Le mécanisme de l’Horloge est en panne. »

« Elle-même détesterait que qui que ce soit, même un ami proche, lise ce qu’elle écrit sans que le récit soit fini, surtout si le récit en question lui tient à cœur. Une histoire, c’est comme un journal intime plus ou moins crypté. »

« Cartésien, il n’a jamais cru en quoi que ce soit, qu’il s’agisse de Dieu ou de magie. La raison première, sans aucun doute, à cet attrait pour la littérature de l’imaginaire qu’il a depuis toujours… Puisque la magie n’existe pas dans son monde, Sam s’est donné pour mission d’en injecter dans ses histoires, mais dans ses histoires seulement, pas dans la vie. Si Remington lui veut du mal, il ne peut que procéder par des moyens tout à fait rationnels. »

« Ecrire est un acte solitaire, et c’est souvent si grisant de se laisser emporter par cette vague noire et sans pitié, de rouvrir ses blessures tout juste cicatrisées… C’est un peu comme écrire avec son sang, avec l’encre de ses veines, jusqu’à ce que la source s’assèche. Le retour à la réalité fait mal, souvent, lorsque l’on se perd dans ses rêves et que l’on passe des jours et des semaines seul face au miroir de son écran. »

Midnight City, Rozenn Illiano. Oniro Prods (auto-édition), 2019. 459 pages.