La parenthèse 9ème art – Jean Doux et le mystère de la disquette molle, Rat & les animaux moches, L’homme-montagne

Trois jolis coups de cœur aux éditions Delcourt !

 

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Jean Doux et le mystère de la disquette molle, de Philippe Valette (2017)

Jean Doux et le mystère de la disquette molle (couverture)Au cours d’une journée de boulot qui s’annonce mouvementée, Jean Doux découvre dans le faux-plafond d’un débarras une disquette molle. S’ouvre alors une enquête folle, menée tambour battant par notre héros et ses deux acolytes, Jeanne-France et Jean-Yves.

Je me souvenais avoir vu cette BD sur le blog de Victoria (Un point c’est tout), mais je ne me souvenais absolument pas de son avis quand je l’ai empruntée à la bibliothèque et commencé à la lire. Honnêtement, les premières pages m’ont laissée très mitigée. Je n’aime absolument pas le dessin – réalisé à l’ordi, évoquant un vieux jeu vidéo, avec un découpage rigide (une ou quatre cases, pas de variations) je l’ai trouvé très froid et peu expressif – et je me demandais pour quelle aventure je m’étais embarquée. Mais, presque imperceptiblement, page après page, j’ai de plus en plus apprécié ma lecture et j’ai fini totalement captivée et capable de faire abstraction du dessin.

 

Un peu d’Histoire (et attention, pas n’importe laquelle : la grande Histoire des broyeuses à papiers !), un employé disparu, un code indéfrichable, une chasse au trésor, de l’action, un méchant, un zeste de science-fiction, de l’amitié… bref, tout ce qu’il faut pour une aventure trépidante !
Et elle l’est. Mais il faut préciser qu’elle est aussi parfaitement improbable, voire ridicule.
En effet – ce titre mystérieux peut en être un indice – l’humour est assez barré et protéiforme. Personnages à la fois clichés et réalistes (tous et toutes doté·es de prénoms en Jean/Jeanne-Bidule, du héros au patron en passant par le chien Jean-Iench), relations entre collègues souvent parlantes, langage fleuri (non, ce n’est pas toujours très fin), etc., ce sera surtout pour les regards amusés sur les années 1990 et la critique parodique de l’univers bureaucratique que l’on retiendra cette bande dessinée originale. Il y a des stéréotypes dans les personnages, dans l’histoire, mais c’est assumé, c’est efficace, c’est moqué, bref, ça passe comme une lettre à la poste. En revanche, si vous n’appréciez pas l’absurde, Jean Doux n’est probablement pas pour vous.

 

Malgré un nombre de pages qui peut impressionner, grandes cases et dialogues brefs sont synonymes de lecture très rapide (croyez-le ou non, je pense que j’ai mis plus de temps pour écrire ses lignes que pour lire la BD). C’est décalé, c’est vintage, c’est n’importe quoi, mais c’est très drôle et j’ai passé un excellent moment !

Jean Doux et le mystère de la disquette molle, Philippe Valette. Delcourt, collection Tapas, 2017. 250 pages.

Challenge de l’imaginaire
Challenge de l'imaginaire (logo)

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Rat & les animaux moches, de Sibylline, Jérôme d’Aviau et Capucine

Rat et les animaux moches (couverture)Accusé à tort d’être répugnant par sa colocataire humaine, Rat décide de partir de cette maison de fou. C’est alors qu’il découvre le « Village des animaux moches qui font un petit peu peur », un lieu où les créatures rejetées peuvent vivre en paix, loin des regards, des insultes et des violences. Sauf que vivre caché n’est pas toujours synonyme de vivre heureux et, si la vie y est paisible, il n’est guère plaisant de se savoir détesté. Rat se donne alors une grande mission : offrir à chacun de ses nouveaux amis une demeure sur mesure. Un lieu où leurs talents et leurs particularités, loin de terroriser, seront appréciés à leur juste valeur.

Dans ce village hors du commun se côtoient en parfaite entente tous les mal-aimés du règne animal. Les insectes, sans grande surprise, grouillent en masse : scutigère, scolopendre, bousier, etc. Et puis, les araignées, les vers en tous genres, les chauves-souris, les limaces, les serpents. Et aussi les taupes au nez étoilé, les ibijaux, les ornithorynques, les ayes-ayes, les rats-taupes nus. Et puis les créatures marines : poulpes, crocodiles, méduses, lamproies, baudroies et autres poissons à la gueule remplie de dents… Je m’arrête là, mais c’est tout un bestiaire parfois familier, parfois étonnant que l’on rencontre ici. Cela était déjà un bon point de départ pour me plaire…

… et l’histoire n’a rien gâché. Tout d’abord, mettre à l’honneur des bestioles souvent dépréciées, qu’elles effrayent ou répugnent, est une très belle idée. Ensuite, j’ai beaucoup aimé la mission que Rat s’est donné à lui-même tout comme ses idées surprenantes, mais apparemment efficaces, pour apporter une joie nouvelle à ses ami·es. Un éloge de l’amitié et de la générosité qui fait chaud au cœur. Des efforts pourtant mis à rude épreuve par un arrogant caniche royal, convaincu de sa beauté. Un personnage insupportable (qui ne me réconcilie pas avec les caniches).

 

Autrement, textes et dessins m’ont régalée. Entre les mots rythmés et la poésie du texte de Sibylline, le gracieux lettrage de Capucine et les dessins noirs tout en finesse de Jérôme d’Aviau, il dégage de cet ouvrage une élégance sobre et soignée qui m’a émerveillée. Le texte ne prend pas place dans des bulles mais sous l’image : cela lui confère une dimension un peu vieillie qui n’est pas sans rappeler un livre de fables.

Deux bonus sont offerts avec le livre : la possibilité de télécharger la version audio (mais quel dommage de se priver des magnifiques dessins de la version papier !) et des ajouts en réalité augmentée sur certaines pages. Il peut s’agir soit d’une version légèrement animée de la planche en question, soit d’un petit descriptif de l’un des animaux moches (et une petite vidéo de Capucine en train d’écrire à la plume). Je les ai regardés en feuilletant une nouvelle fois la BD après ma lecture pour ne pas interrompre celle-ci lors de ma découverte. Si les informations succinctes sur les animaux étaient intéressantes, les autres bonus ne m’ont pas passionnée plus que ça.

 

Un très beau roman graphique, un conte empli de bienveillance sur le rejet, l’intolérance, les préjugés, les bienfaits de la gentillesse. Un joli message qui ne tombe jamais dans le niais.

Rat & les animaux moches, de Sibylline (scénario), Jérôme d’Aviau (dessin) et Capucine (lettrage). Delcourt, 2018. 193 pages.

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L’homme-montagne, de Séverine Gauthier et Amélie Fléchais (2015)

L'homme montagne 1Le grand-père et l’enfant ont toujours voyagé côte à côte, mais le jour où le grand-père, immobilisé par les montagnes qui ont poussé sur son dos, ne peut plus avancer, l’enfant se donne pour mission d’aller chercher le vent. Ce vent qui, dit-on, peut soulever les montagnes. Lui seul pourra soutenir son grand-mère et lui permettre de l’accompagner à nouveau.

Cette très jolie BD propose un voyage initiatique au cours duquel l’enfant rencontrera des sages très étranges et variés, tantôt amusants, tantôt majestueux. L’arbre, solidement ancré dans la terre ; les cailloux un peu fous, lancés dans une course éperdue vers le bas de la montagne ; le roi majestueux des bouquetins qui règnent en maîtres sur les hauteurs glacées de la montagne ; et enfin, le vent, puissant, capable de se rendre n’importe où.

 

Une bande dessinée très intime, susceptible de toucher chacun·e d’entre nous. Un conte sur la famille, les racines, l’identité, la transmission. La vie, la mort, la vieillesse, le deuil. L’indépendance, la maturité. Un périple qui verra notre héros grandir, apprendre, s’étonner et poser des tas de questions.

 

Cette BD propose une histoire à la fois tendre et poétique. Un peu triste aussi, mais non pas dénuée d’optimisme et de joie de vivre. Les illustrations pleines de douceur et de lumière instaurent une ambiance paisible et propice à la réflexion.

L’homme-montagne, Séverine Gauthier (scénario) et Amélie Fléchais (dessin). Delcourt jeunesse, 2015. 40 pages.

15 réflexions au sujet de « La parenthèse 9ème art – Jean Doux et le mystère de la disquette molle, Rat & les animaux moches, L’homme-montagne »

  1. Je ne connaissais pas Jean Doux et le mystère de la disquette molle qui me tente beaucoup, mais que ma médiathèque n’a pas l’air de posséder pour le moment. Je note néanmoins le titre quitte à finir par craquer 🙂
    J’avais repéré Rat & les animaux moches et tu me donnes une raison supplémentaire de le lire, les valeurs véhiculées étant très belles et les illustrations pleines de charme… J’aime aussi bien l’idée des bonus, une écoute audio en même temps qu’une lecture classique pouvant être une expérience différente et intéressante.
    Quant à L’homme-montagne, je partage ton avis pour ce livre qui m’avait beaucoup émue.

    • Jean Doux est vraiment original, mais l’emprunter à la bibliothèque est peut-être une bonne idée. C’est différent de ce que j’ai pu lire jusqu’à présent et je n’étais pas sûre d’aimer, c’est pour ça que j’ai été contente de le voir en rayon.
      Je suis contente de t’avoir confortée dans ton attirance pour Rat ! J’avoue n’avoir qu’écouté qu’un tout petit bout en audio, c’était trop lent pour moi, mais ça laisse le temps d’admirer chaque planche !

  2. Eh bien je suis tentée par ces trois BD, j’aime bien les histoires absurdes donc le Jean Doux m’intrigue ^^
    Et les deux autres ont l’air aussi belles que poétiques ! =) Encore merci pour ces découvertes BD ! =)

    • Voilà qui me fait très plaisir ! J’espère que tu auras l’occasion de les lire !
      Ton avis sur Jean Doux m’intéresse tout particulièrement car c’est la moins… conventionnelle. Disons que, autant je pense que Rat et L’homme montagne ont peu de chance d’être détestées (on peut ne pas accroché évidemment), autant Jean Doux est assez spécial. Ça doit être du tout au tout. On accroche ou on déteste cet humour.

  3. Les rats et animaux moches a l’air excellent ! Je vais essayer de le trouver à la bibliothèque.
    Excuse-moi si j’ai peu commenté ces derniers temps… (je suis Nymeria d’avant mais mon nouveau pseudo est Ioulia XD)

    • J’espère que tu trouveras Rat ! L’histoire est très sympa et j’ai vraiment beaucoup aimé les dessins et l’écriture calligraphiée qui donnent un charme certain à ce bouquin !
      (Ah d’accord ! J’ai plusieurs articles de toi à lire dans ma boîte mail, mais comme je suis en vacances, je fais juste un saut par ici, je pense que je les lirai à mon retour.)
      (Pourquoi Ioulia si ce n’est pas indiscret ?)

      • Oh j’ai regardé la bibliothèque l’a ! Il faut juste que j’attende qu’il soit disponible… J’aime l’écriture calligraphiée !
        Tu n’es pas obligée de les lire parce que je lis ton blog, bien sûr😂
        Tes vacances se passent bien ? Où es tu ?
        ioulia (c’est un i, je me suis dit que la majuscule pouvait prêter à confusion), parce que j’ai adoré ioulia-la-perdrix des Révoltés de Bohen (Estelle Faye) (un livre ultra génial), et elle peut se transformer en oiseau… un rêve… Et aussi parce qu’en ce moment j’aime tout ce qui se rattache à la Russie (hors politique) : j’ai découvert le rap russe que j’adore du coup j’ai envie d’apprendre le russe et d’aller dans le pays, comme de découvrir la culture😂.

        • Ah, super ! Bonne future lecture alors !
          Non, je compte les lire parce que ce que tu écris m’intéresse, c’est tout ! ^^
          Oui très bien, merci ! Je suis… pas bien loin, juste chez mes parents dans le Jura !
          D’accord, je ne l’ai pas lu, pas encore parce qu’il fait partie de ces titres qui me tentent beaucoup. Je dois avouer que ma connaissance de la culture russe est très limitée, mais je te souhaite bien du plaisir pour en apprendre la langue ! 🙂

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