Suite à un audacieux pari qui pourrait lui coûter la moitié de sa fortune, Phileas Fogg se lance dans un tour du monde – à réaliser en 80 jours maximum – accompagné de Passepartout, son domestique.
Et c’est là à peu près tout ce que je savais de ce roman. Si je crois avoir vu enfant le film avec Jacky Chan notamment, je n’en garde aucun souvenir. Aussi ma première surprise fut relative au personnage de Phileas Fogg. Moi qui imaginais un excentrique, un aventurier, un personnage un peu farfelu, j’ai été bien surprise de trouver un homme à la rigueur mathématique, dont la vie est réglée à la minute et qui renvoie son domestique car l’eau de rasage est trop froide de deux degrés Farenheit. C’est un personnage parfois antipathique par sa froideur, parfois un peu ridicule, maniaque à l’extrême, qui ne jettera pas un œil aux paysages traversés, préférant jouer au whist pour faire passer le temps.
Il contraste fortement avec Passepartout curieux, qui tente de faire ici ou là un peu de tourisme – ce qui ne facilite pas toujours la tâche de Phileas Fogg – et qui se retrouve souvent embrigadé dans des situations loufoques ou périlleuses. C’est là un personnage un peu plus intéressant, rendu davantage vivant par ses bourdes, ses espoirs et désespoirs, ses inquiétudes et ses joies.
Ce livre étant l’un des plus célèbres de Jules Verne, je m’attendais à être captivée et embarquée dans une aventure rocambolesque à travers le monde. Or, ce ne fut pas tout à fait le cas. Il m’a manqué de l’immersion, des descriptions des lieux parcourus, de regards sur les pays traversés. C’est souvent une énumération de villes, de distances (en milles en prime) et de vitesses (celles des trains, des bateaux et de tous les moyens de transport adoptés). C’est donc un voyage qui s’effectue de manière trop détachée à mon goût, bien que cette vision très mathématique du périple soit conforme au personnage de Phileas Fogg. Seules les quelques excursions de Passepartout permettent d’avoir une ébauche des beautés du voyage.
De plus, la première partie de l’expédition se déroule trop facilement, ce qui n’est guère palpitant. Phileas Fogg se contente de payer tout le monde pour accélérer le mouvement. D’ailleurs, tous les problèmes se résolvent par l’argent que le héros sort de ses poches par poignées. Cette facilité dans le périple m’a donné un sentiment de facilité dans le roman, qui a donc échoué à m’émouvoir et à me captiver. De plus, c’est aussi là que l’esprit raciste et colonialiste se fait un tantinet sentir : un peuple placé « au dernier degré de l’échelle humaine », une belle Indienne correctement éduquée selon la culture britannique…
J’ai donc pris un peu plus d’intérêt à la suite de ce tour du monde, lors de leurs pérégrinations états-uniennes. C’est certes moins exotique, mais, les délais se raccourcissant et les embûches se multipliant, le voyage se fait moins fluide et aisé créant un peu de suspense quant à la réussite de ce pari. De plus, c’est également à ce moment-là que Fogg commence à être moins irritant : il se montre alors généreux, attentif et prêt à perdre son pari pour aider autrui.
Ce ne fut pas une lecture désagréable, mais nous sommes tout de même loin de l’enthousiasme et du voyage trépidant du début à la fin. Les précisions très scientifiques de Verne ne me dérangeraient en rien s’il y avait un peu plus de sensations et d’émotions autour : ici, au contraire, j’ai eu du mal à me sentir investie dans le récit. Il semblerait que le voyage ait été trop rapide pour moi !
J’avoue commencer à m’interroger si j’aime toujours Jules Verne. Je gardais de bons souvenirs de 2000 lieues sous les mers, Voyage au centre de la Terre et de L’île mystérieuse, mais j’accumule à part égale les petites ou grosses déceptions (Michel Strogoff, Le sphinx des glaces et ce titre-ci). Je vais devoir relire les premiers romans cités pour savoir si mon regard a changé ou si mon avis diverge selon les récits.
« Il ne voyageait pas, il décrivait une circonférence. C’était un corps grave, parcourant une orbite autour du globe terrestre, suivant les lois de la mécanique rationnelle. En ce moment, il refaisait dans son esprit le calcul des heures dépensées depuis son départ de Londres, et il se fût frotté les mains, s’il eût été dans sa nature de faire un mouvement inutile. »
Le tour du monde en 80 jours, Jules Verne. Éditions Famot, 1979 (1872 pour la première édition). 252 pages.
Lu dans le cadre du rendez-vous Les classiques, c’est fantastique
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J’ai ce roman dans ma PAL et j’espère l’apprécier malgré tes quelques petits défauts mineurs 😉
J’espère aussi que le voyage te passionnera davantage !
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Il génère de la frustration c’est sûr ce voyage mais d’un autre côté ça fait réfléchir cette vitesse, cette façon de rester sur son objectif sans voir la beauté qui est juste à côté de nous, ces rencontres que l’on pourrait faire, … Il est résolument moderne notre Jules Verne !
Oui, c’est sûr qu’on peut y trouver des échos très pertinents avec notre époque… Simplement, ce n’est pas du tout ma façon de voir le voyage, je suis plutôt une flâneuse, une « on verra bien » qui aime laisser la place à l’imprévu.
J’ai relu très récemment Le tour du monde en 80 jours, histoire de rafraîchir mes souvenirs des œuvres dites classiques. Contrairement à toi cependant, j’ai été captivée par ce roman, je n’arrivais plus à m’en décoller. C’est marrant comme les ressentis peuvent être différents 😀. Bonne journée à toi, à très bientôt
Oui, les avis sur un même roman peuvent être très différents. Je n’ai pas détesté ma lecture, loin de là, ça se lit bien, mais je ne peux pas dire que j’étais captivée.
Bonne journée !
Je ne me souviens plus très bien de ma lecture de ce livre mais je confirme pour le côté mathématiques… Et il n’y a pas que le personnage de Phileas Fogg : Jules Verne lui-même était pareil sur ce point-là.
J’ignorais ce détail, merci ! Sa source d’inspiration pour le personnage était donc toute trouvée !
C’est vrai qu’il y a très peu de descriptions, Jules Verne ne se concentre que sur les personnages et moi ça m’a plu 🙂
Sur les personnages… et sur les distances et les vitesses ! ^^ En tout cas, tant mieux si tu as été plus convaincue que moi !
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C’est dommage que tu n’aies pas accroché. Moi aussi j’ai besoin de descriptions et avec Michel Strogoff j’y ai trouvé mon compte !
Je n’ai pas détesté cette lecture, loin de là, il m’a simplement manqué un peu de description. Je suis quelqu’un de très contemplative donc j’ai un peu regretté de ne pas avoir plus de regards sur les pays traversés, mais en même temps, ça colle avec le personnage.
En tout cas, ça me fait malgré tout plaisir de lire tous vos avis enthousiastes, je me dis que Jules Verne mérite que je lui laisse de nouvelles chances !
J’espère que tu trouveras davantage ton bonheur dans tes prochaines lectures !
Ce manque d’immersion m’avait également un peu dans Le tour du monde en 72 jours de Nellie Bly mais dans un sens, ce côté course contre la montre devait avoir quelque chose de vraiment grisant à l’époque, alors que les transports se développaient. Ce tour du monde de Jules Verne, cette fois, je l’ai parcouru en BD, pas mal mais je suis aussi resté un peu sur ma faim.
Ah mince ! Moi qui avais l’intention de lire le tour du monde de Nellie Bly un de ces quatre ! Après le principe de la course n’est pas franchement compatible avec le tourisme. J’espère que, puisque je serai prévenue cette fois, je me sentirai moins frustrée !
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