Miss Charity, de Marie-Aude Murail (2008)

Miss Charity (couverture)Miss Charity Tiddler est née dans une bonne famille de haute société anglaise. Cela implique de bien se tenir, de bien présenter, d’être sage et surtout de ne pas vouloir travailler pour vivre. Une vie bien ennuyeuse entre des parents qui l’ignorent et Charity passe la majeure partie de son temps avec sa bonne, Tabitha et se consacre à ce qu’elle aime : les lapins, les crapauds, les souris, les oiseaux, qu’elle recueille dans une étrange ménagerie. Elle aime aussi réciter Shakespeare, courir dans les champs, arpenter la campagne du Kent et inventer des petites histoires au sujet de ses protégés.

Marie-Aude Murail s’inspire de la jeunesse de Beatrix Potter pour donner vie à la dynamique Charity. D’où un contexte historique parfaitement documenté. Les us et coutumes de la bourgeoisie, la place des femmes, les théâtres qui présentaient alors les pièces de Wilde et de Shaw, la campagne anglaise… Nous sommes immergés dans une Angleterre du XIXe siècle plus vraie que nature.

Beatrix Potter

C’est toutefois très romancé et Charity n’est pas tout à fait Beatrix. D’une fillette attachante et maladroite, elle deviendra une jeune femme bien déterminée à suivre ses désirs – dans sa vie personnelle, dans son art, dans ses affaires professionnelle – et à faire reconnaître son intelligence dans un monde d’hommes. Elle est entourée de personnages inoubliables, fantasques, encourageants, loyaux que sont sa gouvernante française, sa bonne écossaise, le précepteur allemand de son cousin, un comédien un peu voyou et bien d’autres.
Voilà pourquoi, même si l’on devine assez vite la fin de l’histoire, tous les éléments précédents et le fait de les suivre sur de longues années contribuent à la pointe de regret au moment de fermer le livre. C’est drôle, c’est un peu triste parfois, c’est excellent.

Les aquarelles dans Miss Charity

Malgré sa taille, le roman se dévore. Merci à l’écriture vivante et entraînante de Marie-Aude Murail et à la plongée dans la tête de Charity grâce au récit à la première personne. Petite surprise : les dialogues présentés comme dans une pièce de théâtre avec le nom du personnage inscrit avant son texte (il y a d’ailleurs parfois de petites didascalies). Etonnant, mais en rien perturbant.
Les aquarelles de Philippe Dumas contribuent également à donner de la légèreté au roman et font souvent des clins d’œil à celles de Beatrix Potter. Sans dire que je les trouve magnifiques, elles sont toutes simples et illustrent à merveille l’histoire en capturant un paysage, un animal, une situation.

Le croirez-vous, il me semble bien que Miss Charity est mon premier roman de Marie-Aude Murail ! En tout cas, c’est une magnifique rencontre tant avec l’autrice qu’avec ses personnages menée par une héroïne moderne pour son temps, une amoureuse de la nature indépendante et pleine d’imagination.

Les illustrations de Beatrix Potter

« Lydia
C’est Charity Tiddler qui aurait bien besoin de consulter un médecin.
Philip
Qu’est-ce qu’elle a? Est-elle malade?
Lydia
Elle est folle. Elle récite du Shakespeare au milieu de tout un ramassis de bestioles
J’ignore d’où elle tenait son information, mais je dus reconnaître que que c’était un assez bon résumé de ma vie. 
»

« Mademoiselle
Croyez-vous, Cherry, qu’un jour quelqu’un pourra faire oublier à Herr Schmal la perte de sa femme et de ses enfants ?
Moi
J’ai eu beaucoup de chagrin à la disparition de Daring Number One. Vous ne l’avez pas connu, mais c’était un crapaud remarquable. Je n’ai pas pu l’oublier. Mais je me suis attachée à Darling Number Two d’une façon tout à fait satisfaisante, aussi bien pour lui que pour moi.
Mademoiselle, l’air désespéré

En effet, c’est encourageant. »

« Juliette Capulet avait quatorze ans et il me semblait que, si on lui avait offert à son anniversaire « Le Livre des Nouvelles Merveilles », elle eût mieux employé son temps. Elle aurait pu apprendre comme moi-même que les sporophytes sont des plantes asexuées d’un commerce plus reposant que les Montaigu. »

Miss Charity, Marie-Aude Murail, illustré par Philippe Dumas. L’Ecole des Loisirs, 2008. 562 pages.

16 réflexions au sujet de « Miss Charity, de Marie-Aude Murail (2008) »

  1. Naaaan, tu n’avais jamais lu de Murail avant ?! Mais il faut remédier à ça mon petit ! Tu dois absolument lire Oh Boy, Simple, et Sauveur & fils 🙂 Miss Charity est une vraie merveille ❤ et au cas où tu aies aimé le travail du duo Loïc Clément-Anne Montel, sache qu'ils vont s'attaquer à l'adaptation du roman, en trois tomes, pour le compte de l'Ecole des loisirs !

    • Mais oui, je sais, j’ai du pain sur la planche ! Et les trois que tu me cites sont déjà dans ma wish-list ! Je n’étais pas au courant pour l’adaptation en BD par Clément/Montel, ça peut être bien chouette !
      Dis, à propos de Sauveur & fils, d’autres tomes doivent encore sortir ou pas ? (ô toi qui sais tout ! ^^)

  2. Ça me semble une joli petite lecture paisible. Je me demande pourquoi l’autrice a choisit de mettre les dialogues comme une pièce de théâtre. Une passion pour le cinéma? Dans Sauveur & Fils (que je n’ai pas encore lu!), les volumes sont des « saisons ».

    • Je me suis aussi posée la question et je n’en sais rien ! Ou parce que Charity adore le théâtre peut-être ? Comme elle raconte à la première personne, elle aurait pu vouloir reprendre cette particularité !

  3. Haaa mais trop de regret, j’ai juste failli l’acheter samediiii !
    Je finirai bien par recraquer de toute façon ^^
    Si tu n’as jamais lu de livres de l’auteure, je te conseille très fort Oh Boy ! =)

  4. J’ai mis un certain temps pour me décider à le lire (c’est vraiment un pavé !) et pourtant, Marie-Aude Murail, je connais, je sais que je ne suis jamais déçue !! Et j’ai passé un super moment avec Miss Charity. Je plussoie les autres avis « Oh boy » et « Simple » sont à lire de toute urgence !

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