Tu comprendras quand tu seras plus grande, de Virginie Grimaldi (2016)

Tu comprendras quand tu seras plus grande (couverture)J’ai posté hier ma critique du premier roman de Virginie Grimaldi, Le premier jour du reste de ma vie, qui ne m’avait pas déplu, mais que je n’avais pas trouvé incroyable non plus. En revanche, je conseillerai plus fortement son second roman, Tu comprendras quand tu seras plus grande, que j’ai trouvé magnifique.

Julia, 32 ans, est embauchée pour un remplacement maternité de quelques mois au poste de psychologue dans une maison de retraite. Certes, elle n’apprécie pas vraiment les personnes âgées, mais qu’importe. Elle ne supportait plus Paris, sa vie et la souffrance des derniers mois. Et de toute manière, le bonheur, ce n’est plus pour elle.

Tout d’abord, je me suis totalement identifiée en Julia. Outre le fait que le passage à la première personne (contrairement à son premier roman) nous plonge dans ses pensées, je me suis sentie proche d’elle à cause d’une expérience commune.

Comme elle, j’ai commencé un travail voilà quelques mois dans lequel j’apporte des livres aux personnes qui ont des difficultés à se déplacer (pour la majorité des cas, ce sont donc des personnes âgées). Au début, c’était surtout le contact avec les livres qui m’attiraient. Les « vieux », je n’avais pas vraiment d’affinité avec eux, je ne les côtoyais pas. Là, ils m’ont ouvert leur porte, ils m’ont offert du café que je buvais avec le sourire pour leur faire plaisir, ils m’ont parlé des livres, puis d’eux-mêmes. Et, au fil des rencontres, plus ou moins vite selon les caractères, parfois même dès la première, ils m’ont livré un peu de leur passé, un peu de leurs fabuleuses histoires. Dès qu’on s’arrête, on voit la personne derrière les rides et les corps tordus. Donc cette histoire dans laquelle je me suis tellement reconnue ne pouvait que me plaire.

Ensuite, comment rester indifférent face aux vingt-et-un résidents des Tamaris ? Ils sont tous tellement humains et tellement touchants avec des qualités, des défauts que l’on apprend à aimer quand même. On ne s’ennuie pas avec ces papys et ces mamies qui ont beaucoup de choses à apprendre à Julia car, malgré les maladies ou les handicaps, ils n’ont pas renoncé à profiter des derniers plaisirs que la vie leur offre, à se construire quelques souvenirs de plus.

Les rencontres intergénérationnelles m’ont plu également car l’échange fonctionne vraiment dans les deux sens et même les personnes âgées peuvent encore apprendre, notamment des plus jeunes. D’ailleurs, Gustave, Louise, Miss Mamie 2004, Elisabeth, Pierre et les autres ressemblent souvent à des enfants.

Tu comprendras quand… est beaucoup plus profond que son premier livre, Le premier jour… Les émotions sont plus fouillées : la tristesse, le déni, la rancœur, le sentiment d’abandon, mais aussi la joie, la résilience, l’amitié, l’amour parce que la vie n’est pas faite que de moments sombres. De plus, Virginie Grimaldi a une manière incroyablement juste et tendre d’aborder les sujets difficiles que sont la vieillesse et le deuil, ainsi que les peurs que cela génère.

J’aime sa vision qu’elle offre du monde, une vision pleine de bonne humeur, d’humour et d’optimisme. Elle n’oublie pas qu’il y a des moments difficiles, des épreuves qui nous font tomber, mais elle nous propose de regarder au-delà et de ne pas oublier les petits bonheurs.

Tout était trop facile pour les héroïnes de son premier roman, cela m’avait empêché d’adhérer totalement, mais c’est une critique qui n’a plus lieu d’être avec ce second livre. Sans avoir une vie à la Cosette, Julia rencontre plusieurs obstacles sur son chemin, elle souffre et elle doute avant de se reconstruire.

Je l’avais salué dans Le premier jour… et l’humour est toujours très présent dans ce second roman. Bravo à Virginie Grimaldi qui a réussi à me faire souvent rire par une réflexion de Julia, une blague pourrie de Gustave, une réplique bien sentie…

 

Un roman très juste et très réussi, un cocktail d’émotions qui fait monter le rire dans la gorge et parfois les larmes aux yeux.

(P.S. : l’épisode 9 de la saison 3 de Game of Thrones a vraiment traumatisé du monde…)

 

« Je n’aime pas les vieux. Si je veux être totalement exacte, ce n’est pas que je ne les aime pas, même si je ne peux pas dire que je les aime, c’est qu’ils me font peur. Ils tutoient la mort, et moi, je préfère la vouvoyer. Je la fuis tellement que j’ai souvent séché les cours d’histoire, parce qu’il m’était trop douloureux d’étudier la vie de personnes qui n’existaient plus que dans les livres. »

« Les visiteurs des résidents viennent rarement avec des enfants. Par peur de gêner les autres avec un trop-plein de vie, par peur de traumatiser les petits, par peur de se prendre en pleine face l’image du cycle de la vie. Résultat : les personnes âgées se retrouvent entre elles la plupart du temps. La maison de retraite, c’est comme un ghetto de vieux. Y introduire quelques heures d’innocence, de jeunesse et de vie ne peut être que positif. »

« Tu verras, mon petit. Tout au long de ta vie, tapis au fond de toi, tu garderas les mêmes besoins. Etre aimé, rassuré, ne pas être seul, avoir toujours à manger et à boire, te distraire, qu’on s’occupe de toi et avoir à tes côtés une personne qui t’aime plus qu’elle-même. Comme un bébé. »

« Certains disent que la vieillesse est un naufrage, moi je pense que c’est une chance. Un honneur. Tout le monde n’y a pas accès. Et puis, je suis persuadée que ce n’est pas pour rien si elle est difficile.

– C’est-à-dire ?

– Si la vieillesse était douce à vivre, personne ne voudrait que ça s’arrête. Le fait qu’elle soit si rude rend l’existence moins attachante. La vieillesse a été inventée pour se détacher de la vie. »

« Les choses ne sont pas encore terminées que je les regrette déjà. J’ai un problème évident avec la fin, qu’elle concerne une plaque de chocolat, une période ou une relation. Alors mon esprit essaie inconsciemment de m’y préparer en lançant des alertes : « Attention, c’est bientôt terminé » ; « Profite, c’est peut-être la dernière fois ». Résultat : je ne parviens jamais à apprécier pleinement le moment présent, il y a toujours une part de moi qui joue la rabat-joie. Je suis nostalgique du présent. Et c’est pire avec le passé. »

« Cela demande un gros effort de ne pas se laisser polluer par des petits détails négatifs. Ils sont usants, au bout d’une vie entière. Mais le plus important, c’est de ne surtout pas croire que l’amour doit être parfait. Ce n’est pas rien de partageur son quotidien, ses pensées, sa vie avec une personne. Et puis, s’il n’y avait pas les bas, on n’apprécierait pas autant les hauts ! »

« L’amour, c’est comme un tricot : on enchaîne les rangs tranquillement, on fait de jolis motifs dont on est fier, parfois on focalise sur une maille manquée. Mais en fin de compte, ce qu’il en restera, c’est un pull-over chaud et réconfortant. »

 

Tu comprendras quand tu seras plus grande, Virginie Grimaldi. Fayard, 2016. 509 pages.

3 réflexions au sujet de « Tu comprendras quand tu seras plus grande, de Virginie Grimaldi (2016) »

  1. après ma lecture de ce très joli roman je me balade sur les blogs qui en parlent, et décidément, il nous a touché au cœur, ce joli pavé bourré d’humour et d’optimisme !

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