Trois petites chroniques : Le livre des martyrs, Le discours et Les sœurs Carmines

J’ai un peu de mal en ce moment à écrire les longues chroniques dont j’étais coutumière. J’ai toujours envie de partager mes avis, mais sans avoir le courage ou la matière pour écrire davantage. Donc encore une fois, un trio un peu foutraque…

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 Le livre des martyrs, T1, Les jardins de la lune, de Steven Erikson (1999)

Le livre des martyrs T1 (couverture)Vous cherchez une lecture légère et sans prise de tête ? Un livre à lire entre deux stations de métro ? Un premier pas dans la fantasy ? Alors Les jardins de la lune ne sont pas pour vous !

Avant de commencer ma lecture, tous les avis que j’avais pu croiser – et la préface de l’auteur en rajoute une couche – soulignaient le fait que rentrer dedans pouvait être compliqué, que l’auteur ne donnait pas toutes les clés dans les deux premiers chapitres et que, en gros, soit on adorait, soit on abandonnait au premier tiers. Comme j’ai déjà les trois premiers tomes, j’ai donc commencé ma lecture aussi excitée qu’anxieuse à l’idée de ne pas accrocher et d’être perdue.
En fait, ça va. Certes, c’est une lecture qui nécessite de la concentration ; certes, il ne faut pas s’attendre à trouver une explication dès la première apparition d’un terme créé pour l’univers ; certes, il faut dépatouiller ça seul·e au fil des pages. Mais ce n’est pas un traité de physique quantique non plus. Pour être honnête, à présent, j’appréhende davantage la reprise d’un tome à l’autre selon le temps écoulé entre deux lectures et le niveau de détails qu’il me restera du tome précédent…

Quoi qu’il en soit, j’ai adoré cette intrigue. Un Empire qui cherche à s’étendre, des soldats désabusés, des dieux qui truquent la partie, une histoire passée qui irrigue le présent… Les personnages sont en effet nombreux, mais on ne s’emmêle pas les pinceaux tant ils sont intéressants, avec un caractère, une histoire et des intérêts propres, sans tomber dans des clichés. Et certains sont tellement captivants que c’est un vrai plaisir de les rencontrer et de passer du temps avec eux.
De nombreux peuples se côtoient et j’ai trouvé très agréable de sortir des habituels elfes, nains et orcs pour faire la rencontre de communautés originales. L’histoire est riche en intrigues, en rebondissements et en ambiguïtés, s’inscrivant dans un univers tellement vaste que je comprends comment l’auteur a pu écrire une saga de dix tomes. Le ton est épique, souvent grave, mais l’humour n’en est pas absent, ce qui est toujours agréable quand bien amené. C’est de plus très visuel et, voyageant avec les protagonistes, j’ai adoré traverser les paysages, les villes et autres lieux magiques.

Bref, pour moi, tout est réussi dans ce premier tome, absolument fascinant et d’une richesse ahurissante, et j’ai hâte de lire la suite ! Amateurs et amatrices de fantasy, je pense que Le livre des martyrs est une aventure à tenter !

Ma chronique est très succincte, mais si vous voulez davantage de détails, je vous conseille l’excellent article du Culte d’Apophis, beaucoup plus complète et convaincante que la mienne.

Le livre des martyrs, T1, Les jardins de la lune, Steven Erikson. Éditions Leha, 2018 (1999 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Canada) par Emmanuel Chastellière. 628 pages.

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Le discours, de Fabrice Caro (2018)

Le discours (couverture)Le discours, c’est :

Un repas de famille, une rupture fraîche de trente-huit jours, la perspective d’un discours au mariage de sa sœur, un esprit qui cavale, imagine, part en vrille, anticipe, extrapole, panique sur deux cents pages.

Des retours sur le passé, des hypothèses pour l’avenir, de la lassitude pour l’instant présent.

De l’humour grâce au regard désabusé d’Adrien, des passages qui vous feront sourire, laisser échapper un éclat de rire, voire un peu plus parfois. Un regard critique sur la famille et les relations sociales, des gaffes et des pensées acérées (car Adrien est un observateur féroce de la faune humaine).

De la mélancolie aussi : les défis d’une vie à deux, les névroses et les angoisses de chacun·e, le temps qui passe, la difficulté de s’intégrer. Donc on sourit, oui, mais on est un peu triste aussi en entrant dans la tête de cet Adrien un chouïa déprimé.

Un roman doux-amer, cocasse, qui frôle l’absurde avec délicatesse et manie l’ironie avec brio. Ce n’est pas aussi constamment désopilant que Zaï Zaï Zaï Zaï, mais c’est touchant, immersif et fort sympathique.

Le film fraîchement sorti en salles est très réussi également. D’une grande fidélité, il m’a convaincue par le jeu de ses acteurs et actrices. Benjamin Lavernhe brise le quatrième mur pour nous entraîner dans ses questionnements, ses doutes, ses angoisses et ses échecs.

Le discours, Fabrice Caro. Folio, 2020 (2018 pour la première édition). 209 pages.

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Les sœurs Carmines (3 tomes), d’Ariel Holzl (2017-2018)

J’ai enfin fini la trilogie des Sœurs Carmines ! Et c’était très chouette.

J’ai tout de suite adhéré à l’atmosphère gothique qui tourne au macabre des sujets quotidiens, à l’instar de l’éducation non pas sexuelle mais criminelle à base de pilule du non-lendemain et de protection des regards gênants des témoins. Grisaille, le théâtre des événements, semble nous plonger dans un univers digne de Tim Burton. Entre la rue Aigre et l’avenue Scolopendre, l’on peut croiser vampires, loups-garous, gorgones et fantômes tandis que les familles nobles se font la guerre pour le trône et que les pauvres meurent à tour de bras pour revenir en « rapiécés », de la main-d’œuvre bon marché.
Le tout est mâtiné d’un humour noir, parfois cinglant, qui joue avec la mort et la souffrance pour dresser le tableau d’un quotidien sanglant. L’écriture est vive, piquante, dynamique et entraînante.

Les trois sœurs sont très différentes, entre le bon cœur et la maladresse de Merryvère, le cynisme, le flegme et l’orgueil de Tristabelle, l’innocence futée et les amitiés spectrales de Dolorine. Cette dernière m’a un peu rappelé la petite Flora dans la mini-série The Haunting of Bly Manor. Mignonne et inquiétante à la fois, un combo irrésistible.

Petit « néanmoins », j’ai un peu moins aimé le troisième tome (même s’il reste une bonne lecture) qui nous éloigne un peu de Grisaille et passe un peu vite sur certaines choses comme les mystérieux Amécrins.

Une trilogie décalée et efficace dont je retiendrais avant tout l’univers sinistre particulièrement riche et enthousiasmant avec ses classes sociales, sa faune, ses coutumes, ses risques et périls.

« Elle devrait se laisser aller davantage. La vie était courte à Grisaille ; on tuait les semaines en attendant qu’elles ne vous tuent. »
Tome 1, Le complot des corbeaux

Les sœurs Carmines (3 tomes), Ariel Holzl. Éditions Naos :
– Tome 1, Le complot des corbeaux, 2017, 269 pages ;
– Tome 2, Belle de gris, 2017, 270 pages ;
– Tome 3, Dolorine à l’école, 2018, 271 pages.

17 réflexions au sujet de « Trois petites chroniques : Le livre des martyrs, Le discours et Les sœurs Carmines »

  1. Ton avis sur Le livre des martyrs est rassurant sur le fait qu’il est bien plus accessible que ce qu’on peut lire à son sujet…
    J’avais vu passer le film Le discours mais pas encore le roman. Je ne sais pas lequel des deux je découvrirai mais ravie de découvrir que l’adaptation est fidèle 🙂
    Quant au sœur Carmine, il me reste le dernier tome à lire, mais comme toi, j’ai apprécié son univers.

    • Ce n’est que mon avis, mais je l’ai trouvé très immersif et captivant, ce qui contrebalance le fait que l’on découvre l’univers progressivement !
      Si j’ai pu te donner envie de découvrir ou le film ou le livre, j’en suis ravie. En ce qui me concerne, j’ai lu le livre avant de voir le film et j’ai pris grand plaisir aux deux versions.
      Bonne lecture avec Dolorine alors !

  2. Ping : Les jardins de la lune – Steven Erikson | Le culte d'Apophis

    • L’univers est vraiment top ! Ça m’a vraiment plu, le ton, l’atmosphère, l’humour… Rien à redire à ce niveau-là ! Du coup, ça reste une très bonne trilogie même si le tome 3 est un peu en dessous des autres.

  3. Ping : Le Livre des Martyrs T1 : Les Jardins de la Lune, Steven Erikson (Leha) | L'Imaginaerum de Symphonie

  4. J’aime tes trios un peu foutraques !
    Je te suis à 100% dans ta crainte de l’enchainement des tomes dans les sagas de fantasy un peu grosses et denses. Ca fait 1 an que je repousse la lecture du tome 2 de La roue du temps parce que j’appréhende d’être complètement paumée! C’est un peu le piège avec ces grandes sagas. Je pense me faire des mini-résumés à la fin de chaque tome perso une fois que je me serai lancée dans le T.2 :’)
    En tout cas tu t’aventures dans quelque chose d’assez impressionnant avec cette saga, toi qui craignait un peu ca (il me semble non?) ca doit te sortir de ta zone de confort hihi
    En tout cas tu me faches grandement parce que tu me donnes super envie de découvrir la saga des martyrs alors que je me suis déjà aventurée dans une saga bien trop ambitieuse pour moi! Dès que j’aurai finie La roue du temps, je m’attaque à la Saga des Martyrs (dans 20 ans a peu près aha)

    J’avais bien aimé Le Discours de Fabcaro sans trouver moi aussi que ca égalait ses BD. J’avais un peu peur en voyant l’affiche du film (mais quelle horreur) mais si tu me dis que c’est sympa je pense que je vais tenter le coup dans les semaines à venir 😀
    Parait que le dernier roman de Fabcaro est meileur, à base d’hisoires de prostates, c’est prometteur faut l’avouer ^^

    Et OH MON DIEU comme tu me rappelles que j’étais censée découvrir le tome 1 des soeurs Carmines cette année!! (Je l’avais mis dans ma liste de livres jeunesse a découvrir… qui avance peu, j’avoue!) J’espère me plonger dans cette saga jeunesse cet automne, l’ambiance que tu décris semble tomber à pic pour cette période où j’aime lire des choses gothiques 😀

    (Désolée je suis beaucoup trop bavarde mais ca m’avait manqué de faire la tournée des blogs!!!)

    • Merci beaucoup, chère Alberte ! (Et tant mieux parce qu’ils n’ont vraiment ni queue ni tête !)

      Oui, vu ma mémoire, c’est effectivement le truc qui m’inquiète un peu (c’est pour ça que, la plupart du temps, j’enchaîne les tomes quand il s’agit de trilogies), mais dans le cas du Livre des Martyrs, je pense les lire non pas en les enchaînant car c’est un coup à se rendre malade, mais à intervalles réguliers. Donc je pense attaquer le second tome en août ou septembre au plus tard.
      Au début, je pensais faire des résumés, mais il y a tellement de personnages que ça m’a lassée d’avance. Par contre, je le fais pour les mangas vu que ce sont toujours des emprunts et que je ne les ai donc pas sous la main pour les feuilleter à nouveau quand un tome sort.
      En tout cas, je pense que ça va être une lecture assez fantastique, mais je comprends que La roue du temps constitue un morceau suffisant pour le moment ! C’est une saga qui me fait de l’oeil, mais je ne vais clairement pas la lire dans l’immédiat. Donc dans 20 ans, tu liras Le livre des martyrs et moi La roue du temps. ^^

      Je ne suis pas du tout au courant de ce dernier roman. Peut-être que je le lirai si je tombe dessus en bibliothèque, mais j’ai déjà ses autres BD à lire vu que j’en ai lu peu finalement.

      Indubitablement, Les Soeurs Carmines se marient à merveille avec l’automne ! Tu peux attendre cette saison sans souci pour cette trilogie plutôt chouette. (Par contre, quelques semaines plus tard, je me sens quand même bien frustrée avec le troisième tome, il n’a pas répondu à mes attentes…)

      (T’inquiète, je trouve ça très chouette de lire tes longs commentaires ! Tu ne me déranges pas du tout et ça fait toujours plaisir de te retrouver entre deux disparitions ! ^^)

  5. Ah, le Livre des martyrs me semble être un incontournable de fantasy. Je n’ai pas forcément eu le coeur ou l’envie de m’y lancer, mais je suis ravie de voir que le premier tome t’a charmée à ce point ! J’espère que les tomes suivants te plairont tout autant !

    Je m’étais arrêtée au tome 1 des Soeurs Carmine, il faut que je continue ! La trilogie semble être un très bon cru. Ça m’intrigue pour le tome 3, j’ai adoré le peu qu’on voyait de Dolorine dans le tome 1, c’est typiquement le genre de personnage qui me fascine, je verrai si cela me plaît moins ! Mais l’atmosphère gothique, et pourtant avec un côté relativement léger, de Grisaille me plaisait beaucoup.

    • J’avoue qu’il faut être motivée pour s’y lancer ! Je suis au milieu du second tome (que j’ai trimballé pendant une semaine de vacances sans lire une page…) et c’est vraiment génial. Je ne regrette pas de m’être lancée dans l’aventure, même si elle est assez chronophage vu la taille des bouquins…

      En ce qui me concerne, alors que je pensais que mon préféré serait le troisième grâce à Dolorine que j’adore, c’est le second qui m’a le plus séduite. Comme toi, j’adore les apparitions de Dolorine, donc je comprends ta curiosité, mais l’intrigue du troisième m’a moins convaincue malheureusement, même si ça restait sympathique. En tout cas, ça a été de bonnes lecture et une chouette découverte !

  6. Dans cette sélection, je n’ai lu que « Le discours » … et quelle pépite ! Certains passages m’ont fait pleurer de rire. J’ai pris plaisir à regarder le personnage principal se lamenter comme si sa situation relevait d’une fin du monde. C’est à la fois absurde et très réaliste. Il décrit parfaitement les petites habitudes dans les repas de famille et les rôles de chacun. J’ai adoré. L’adaptation est réussie mais je n’y ai pas retrouvé tout le mordant du roman.

    • J’en garde un excellent souvenir, certains passages sont vraiment excellents et c’est aussi très réaliste effectivement ! J’ai adoré le regard acéré de Fabcaro sur les réunions de famille.

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