Dolls, de Népenth S. et MoonE (2021)

Ma médiathèque m’a proposé de lire les titres en lice pour le prix des Aventuriales, festival d’imaginaire qui se tient chaque année à Ménétrol, dans le Puy-de-Dôme : j’ai donc commencé avec ce titre disponible au prêt ce jour-là, Dolls.

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Les cinq titres en lice :

La cité diaphane, d’Anouck Faure ;
La trilogie du singe, de Pierre Léauté ;
La cité sous les cimes, de Marge Nantel ;
Dolls, de Népenth S. et MoonE ;
Crimes surnaturels, T1, Chaudron de bruyère, de Pauline Sidre.

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Dolls (couverture)J’ai lu ce recueil de nouvelles en quelques heures, mais je ne peux pas prétendre avoir été passionnée.
Pourtant, le principe aurait dû me plaire. À travers des contes cruels racontant parfois l’horreur du monde, ce recueil montre les corps marionnettes, les âmes enfermées, les enfances fracassées, les relations plus toxiques que jamais. Il donne à ressentir l’enfermement (dans un lieu, dans un corps, dans un esprit, dans l’imagination d’un auteur), la révolte ou la résignation, le sentiment de ne pas être à sa place, de ne pas coller, la perte du contrôle sur leur vie ou la recherche d’une échappatoire illusoire… des poupées, des êtres prisonniers. Dans ce recueil, la vie est une prison et la mort souvent souhaitée, libératrice.

Pourtant, tout n’est pas négatif, j’ai :

  • trouvé plein de bonnes idées car il y indubitablement des récits originaux autour de cette thématique ;
  • apprécié certaines atmosphères et la pluralité de celles-ci ;
  • souri à l’ironie de « Nietzsche ta mère » (nouvelle dans laquelle l’identité de genre du personnage restera un mystère… à l’appréciation/l’interprétation des lecteur·rices) ;
  • savouré la fin douce-amère de « La recluse » et le ton tendre, malgré l’atrocité de ce qui est raconté, dans « Doll » ;
  • été impressionnée par le talent de Népenth S. pour écrire des descriptions aussi poétiques que gore (oui, c’est possible).

Ces thématiques entre horreur et mélancolie, cette ambiance générale très noire et macabre, auraient dû me plaire. Mais non. Pas vraiment. Mais je suis dans l’incapacité de réellement pointer du doigt ce qui, dans la narration ou la plume, m’a laissée sur le carreau.

Peut-être un manque d’implication émotionnelle ? L’écriture est soignée, mais il y a quelque chose d’impersonnel. C’est assez paradoxal, mais, en dépit des voix diverses offertes par chaque nouvelle, j’ai trouvé le tout un peu uniforme. J’ai cette sensation que tout reste superficiel, à l’image de ce jeu, dans « A.L.I.C.E. », avec l’écriture, sur les possibles de la littérature, avec le narrateur ou le lecteur : il y avait un projet très intéressant avec une bonne dose d’absurde, mais dans un même temps, j’ai trouvé bateau le truc d’imprimer les adjectifs de couleur avec la teinte correspondante (ça passait bien dans les Geronimo Stilton, mais j’en attends plus à présent, c’est nul mais ça m’a sortie de l’histoire).
Il n’y a pas de trigger warnings dans le roman, mais la liste pourrait être longue : dépression et autres troubles mentaux, automutilation, pédophilie et abus sexuels, négligence et maltraitance, cruauté envers les animaux et les êtres humains, séquestration, etc. Cependant, ce n’est pas tant la présence de toutes ces violences qui m’ont dérangée que la sensation d’un condensé d’atrocités gratuites.

De même, les quelques illustrations qui parsèment le recueil ont été incapables d’éveiller la moindre émotion ou l’intérêt le plus infime en moi. Elles ne sont pas du tout d’un style graphique susceptible de me plaire.

Comme toujours, j’aurais préféré une franche détestation pour des raisons clairement identifiées que cette sourde, cette trouble indifférence. Dolls possède sans nul doute des qualités, mais ça n’a pas suffi à me convaincre. Le problème réside sans doute uniquement dans le fait qu’il ne s’est pas passé grand-chose entre ce recueil et moi.

« Chez nous, les monstres s’planquent pas sous le lit. Ils sont dessus. »
(Achate)

« Il n’est pas brillant, l’avenir qu’on me promet. Je le vois autour de moi, je n’ai qu’à lever les yeux. Personne n’a l’air vivant, dans ce bus. Ils font tous semblant. Ça m’épate, cette absence de vie, alors que tout bouge tellement vite, dans notre monde. Ils se sont faits beaux, ce matin, pour partir au bureau. Mais le masque qu’ils revêtent ne suffit plus à cacher les cernes qui s’agrandissent sous leurs yeux.
Je ne veux pas finir comme ça.
 »
(Nietzsche ta mère)

Pour une chronique autrement plus convaincue, je vous invite à faire un tour du côté de chez Zoé !

Dolls, Népenth S. (textes) et MoonE (illustrations). Noir d’absinthe, 2021. 252 pages.

16 réflexions au sujet de « Dolls, de Népenth S. et MoonE (2021) »

  1. J’aime bien le style de la couverture mais je suis moins fan des recueil de nouvelles. Et au vu de tous les sujets évoqués, il vaut mieux être prêt quand on se lance dans cette lecture apparemment. Dommage par contre que le style entre horreur et poésie n’ai pas fonctionné avec toi. Je passe mon tour 😇

  2. J’aurais pu tenter mais vu la taille de ma PAL, je pense plutôt m’orienter vers des livres qui arrivent un peu plus à impliquer le lecteur dans sa lecture, d’autant que malgré certains atouts, j’avoue que je crains un peu les atrocités gratuites… Merci pour ton avis nuancé 🙂

    • Merci de m’avoir lue !
      Pour nuancer encore un peu, je reconnais que le ressenti « gratuit » vient sans doute du fait que je suis restée un peu à côté tout du long, parce que ça va avec les histoires, mais bon, ça n’a pas suffi pour moi.

  3. Ah oui, ça m’avait beaucoup plu et marquée, et c’était pourtant pas gagné ! Je suis un peu triste que tu n’aies pas été autant séduite que moi, mais j’ai apprécié ton retour qui tente de l’expliquer. Ca arrive assez souvent de ne pas réussir à mettre le doigt sur ce qui cloche vraiment. Parfois, tout est bon sur le papier, mais rien à faire, ça n’accroche pas dans la réalité. Je comprends ta frustration, je suis comme toi aussi : je préfère une nette détestation qu’un bof, ou qu’un sentiment d’incompréhension.

    je ne sais pas si je te conseillerais Monstresse(s) alors… Remarque, tu y trouverais plus de diversité dans les styles et les approches, peut-être (sûrement) plus d’émotions, aussi.

    • Crois-moi, je suis aussi déçue que toi. Comme tu le dis, il y avait plein de choses pour me convaincre, mais ça n’a pas marché. Tant pis. On ne peut pas être convaincue à tous les coups.

      Monstresse(s) est dans ma PAL à présent, donc je compte toujours bien le lire, et sans préjugés ! Après tout, il y a bien d’autres autrices dans ce recueil-là, ce qui apportera peut-être le sel qui manquait à Dolls.

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