À la recherche de New Babylon, de Dominique Scali (2015)

A la recherche de New BabylonAprès mon coup de cœur pour Les marins ne savent pas nager, j’étais évidemment très curieuse de découvrir le premier-né de l’autrice québécoise. C’est avec Alberte Bly et Hauntya (leur chronique via leur pseudo : à ne pas manquer car elles sont bien plus inspirées que celle que vous vous apprêtez à lire !) que je me suis lancée dans ce voyage à travers l’Ouest américain du XIXe siècle, à la rencontre du Révérend Aaron, de Pearl Guthrie, de Russian Bill et de Charles Teasdale.

Je ne vais pas tourner autour du pot : ce roman n’a pas du tout eu le même effet, le même impact que son petit frère.

Après un prologue qui a su m’intriguer (à cette étape-là, je m’étais un peu emballée…), ce fut une lecture en dents de scie. Selon les parties (les « carnets » qui découpent le roman), j’ai oscillé entre curiosité, perplexité, indifférence, léger regain d’intérêt. J’ai eu beaucoup de mal à cerner les objectifs de l’autrice et j’ai souffert d’un terrible manque d’implication émotionnelle envers les personnages (spécialement avec la section sur Charles Teasdale qui m’a laissée totalement de marbre… et qui s’est déjà effacée de ma mémoire). Ces derniers sont restés de papier, échouant à éveiller en moi un réel intérêt pour eux.
Un tableau global semblait appelé à se dessiner à travers cette chronologie décousue, ces sauts de puce entre les lieux et les années, et, si c’est bien le cas, le résultat laisse un peu perplexe. On finit avec l’histoire morcelée rassemblée dans notre esprit, mais il manque un peu de lumière sur le tout pour éclairer le propos de Scali et le tout reste terriblement aride.

Cependant, bien que le sentiment rémanent laissé par ce livre ne soit pas enthousiaste, je peux lui trouver quelques qualités.
D’une part, j’ai vraiment apprécié les retrouvailles avec la plume de Scali. Même si elle n’a pas la même force et la même beauté que dans Les marins, j’ai retrouvé ses phrases si bien tournées, avec des saillies originales, des analyses perspicaces. Je me suis régalée avec l’histoire conjointe de Pearl et Russian Bill grâce à l’évolution de leur relation.
D’autre part, les personnages sont loin d’être inintéressants. Bien que conformes aux visages que l’on s’attend à croiser au Far West, l’autrice va plus loin en offrant des portraits extrêmement nuancés. Tous un peu criminels, un peu désabusés… mais néanmoins toujours en quête. Tous lancés dans des recherches qui apparaissent vouées à l’échec. Je regrette d’autant plus mon indéniable désintérêt à leur encontre.
Tandis que l’Ouest que fantasment les personnages se révèle illusoire, c’est également un jeu autour de la vérité et du mensonge qui se met en place. Un récit sur la façon dont se racontent les personnages, dont ils se mettent en scène, sur les histoires qu’ils se racontent – aux autres, mais aussi à eux-mêmes. « L’Ouest est un théâtre » dira le Révérend.

Un récit intéressant sous certains aspects, mais qui pâtit cruellement du manque de clarté quant au propos général et de l’incapacité des personnages à susciter des émotions (quelles qu’elles soient), rendant le tout un peu froid. Finalement, c’est un livre qui, sur le principe – ces personnages broyés par un univers sans considération pour l’autre comme par leur propre tendance à se raconter des histoires – aurait pu beaucoup me plaire, mais il manquait l’étincelle, l’empathie, le lien entre les différentes parties, des éléments qui auraient sublimé l’histoire.
Je dois également reconnaître que j’espérais une lecture qui évoquerait l’intensité, l’immersion, la beauté des Marins, c’est raté. Même si je m’attendais bien à quelque chose de différent, l’expérience de lecture apparait bien faible et c’est sans doute cette comparaison qui nuit le plus à ce roman. Néanmoins, face au gouffre entre son premier et son deuxième roman, je suis impatiente de découvrir le prochain…

Merci Hauntya, merci Alberte ! Nos échanges se sont révélés bien plus satisfaisants, et source de plus de plaisir, que la lecture en elle-même !

« Je savais que ça finirait comme ça. Avec moi qui crève et vous qui regardez. »

« Il n’y avait pas de forêt où les animaux pouvaient se cacher, mais il y avait des roches rouges millénaires en forme de statues. Derrière les aspérités, la menace ne pouvait être qu’humaine. »

« Par temps de paix, la peur disparaissait. Quand elle revenait, on se demandait comment on avait fait pour l’oublier et il semblait que toute cette insouciance reposait sur des mensonges. Puis la peur se dissipait, mais cette fois, on savait qu’elle allait revenir. Et quand elle revenait, on savait qu’elle allait repartir. La peur était une saison qui n’avait jamais été inscrite dans le calendrier. »

« Des fois, y a pas de différence entre avancer tout le temps et tourner en rond. Comme tout le monde, je suis là parce que j’ai voulu vivre mille vies en une, mais j’ai fini par vivre mille fois la même. »

« Ensuite ils repartirent aux trousses de l’horizon. La succession des déserts. Toujours plus de merveilles de la nature. Toujours plus de l’absence de ce qu’ils cherchaient. »

À la recherche de New Babylon, Dominique Scali. Libretto, 2016 (2015 pour la première édition). 375 pages.

13 réflexions au sujet de « À la recherche de New Babylon, de Dominique Scali (2015) »

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  3. Je m’étais trop emballée sur le prologue aussi. Je suis meme venue vous saucer sur la conv pour dire « alalaaaa ca va etre trop bien » : »)

    C’est exactement ca au fait, on a un tableau général des personnages de ce qu’ils ont fait chacun etc mais on comprend pas exactement ce qu’on est supposé en « tirer »… Pas que la littérature doive toujours dire plus que ce qu’elle dit mais la j’ai l’impression qu’il y a un message mais que juste je le capte pas ^^
    Ca me rassure un peu que vous ayez aussi eu ce ressenti, j’aurais pensé que c’était moi qui était trop bete pour comprendre autrement je pense mais du coup si c’est partagé c’est qu’il y a un soucis dans le texte…

    Bon eh bien je trouve ta chronique plutôt nuancée moi, au contraire de ce que tu craignais !! 🙂

    On l’attend de pieds ferme le 3ème, j’ai quoiqu’il arrive hate de voir quel univers elle décidera d’explorer cette fois ♥

    • Rassure-toi, le prologue m’a fait le même effet, il m’a semblé promesse d’une lecture marquante !

      Non, bien sûr, ça pourrait être « juste » cette histoire et voilà, mais, comme tu le dis (j’aurais peut-être dû le préciser dans ma chronique), il y a ce sentiment qu’il y a un truc derrière, un truc à piger que je n’ai pas pigé du tout, d’où la frustration et la sensation de passer à côté du truc. Du coup, je suis aussi contente d’avoir pu échanger et confronter nos ressentis.

      Oui ! Et qu’elle prenne son temps pour l’écrire si c’est un bouquin de l’ampleur des Marins. (Par contre, il faut que je garde en tête de ne pas relire LEs Marins avant de découvrir son prochain, c’est trop un coup à être déçue !)

  4. Cherchant l’émotion dans mes lectures, je ne pense pas que ce soit pour moi mais j’ai apprécié ton avis nuancé qui permet de voir ce qui n’a pas fonctionné avec toi mais qui pourrait ne pas déplaire à d’autres.

  5. Pour tout te dire, je ne pense pas que ce soit pour moi, d’autant plus à la lecture de ton retour, plus que mitigé…

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