La Horde du Contrevent, d’Alain Damasio (2004)

La Horde du ContreventCes vingt-trois femmes et hommes forment la 34e Horde du Contrevent, partageant un seul objectif depuis l’enfance : parcourir le monde de l’Extrême-Aval à l’Extrême-Amont en « contrant » les vents qui le balaient et découvrir l’origine du vent.

C’est en l’excellente compagnie d’Alberte Bly que je me suis lancée dans la lecture de ce titre qui dormait dans ma PAL depuis quatre ou cinq ans. Une nouvelle lecture commune qui s’est révélée aussi passionnante que les fois précédentes, nous obligeant à cogiter sur l’histoire et à formuler mille hypothèses, nous permettant de s’agacer en chœur et partager nos frustrations. Je vous invite à lire la chronique passionnante et passionnée d’Alberte qui trouve, comme toujours, les mots justes tout en les illustrant avec des extraits soigneusement choisis.

(Avertissement : cet article est beaucoup trop long.)

(Préambule : ne vous attendez pas à une analyse érudite du roman, à ce que je vous explique ses prétendus ressorts philosophiques, ses relations avec Nietsche, Bergson, Deleuze ou je ne sais qui. Ma chronique sera plus terre-à-terre et basée sur mes ressentis.)

La lecture commençait fort : le premier chapitre a très bien fonctionné sur moi, je l’ai trouvé superbement immersif avec une plongée dans l’action des plus enthousiasmantes. J’étais curieuse de voir où la Horde allait nous emmener et de découvrir cet univers dont les clés n’étaient pas offertes sur un plateau. Avec Alberte, nous nous sommes interrogées sur le mystère de l’origine du vent, sur les buts des hordonnateurs (ceux qui forment et envoient les Hordes), sur les implications de la Poursuite. Nous nous sommes passionnées pour les chrones, ces phénomènes mystérieux, créatures inédites capables de changer la nature des choses qui se sont révélées bien plus importantes qu’un simple bestiaire original – et que les hordiers détournent à un moment le pouvoir potentiellement mortel pour soigner, ce que j’ai trouvé une jolie illustration de la nature à la fois bienfaitrice et dangereuse. Nous avons cherché à deviner les liens avec le temps et son écoulement, notant tous les indices qui nous frappaient, à percer les secrets des personnages, à anticiper la fin (j’ai d’ailleurs eu la surprise de retrouver à l’ultime phrase la confirmation d’une de mes suggestions).
Et puis, je me suis attachée. À Caracole, pour le plaisir des mots, pour son excentricité réjouissante, pour ses côtés plus secrets aussi, pour ses facettes plus ambiguës qui se dévoilent au fil du récit. À Sov, pour sa douceur, sa tempérance, son attachement sincère aux membres de la Horde. À Oroshi, pour son savoir, son intelligence, sa prestance.

Parmi les choses qui ont immédiatement happé mon attention, il y a eu cette invention d’un langage spécifique intuitivement compréhensible même sans pouvoir donner une définition précise et avec lequel on se familiarise au fil du livre. Il n’y avait pas vraiment de dialecte 100% imaginaire – d’ailleurs, les rares mots qui semblaient relever d’une langue fictionnelle m’ont dérangée, disséminés comme ils l’étaient, survenant comme un cheveu dans la soupe –, mais un jargon aux sonorités patoisantes dans la bouche de Golgoth (« Je ne sais pas ce qui berdança dans leur calebasse toute la nuit, ils étaient debout, les cinq, à parloyer, tout affourbaudis autour du tas de centre. J’entendis Oroshi se rebrailler et filer les rejoindre, moi je m’enfouillai dans le duvet pour pas chercher à savoir. ») et, évidemment, tout le champ lexical lié au vent. Sans surprise, le vent est omniprésent : sous ses différentes formes physiques (furvent, slamino, crivetz, etc.), dans la musique (hélitrompes, orgue éolien, accordéoles…), dans les transports (vélichar, voilice, aéroglisseur…), dans les jeux et jouets (hiboos, hélicoons, cerf-violent…). Ainsi que cette écriture du vent à la manière d’une partition musicale puisant dans les signes de ponctuation pour décrire ses mouvements, ses intensités, ses variations, ses pauses…

Il faut ensuite signaler qu’il s’agit d’un roman choral où l’on saute fréquemment d’un personnage à l’autre (fréquemment, c’est-à-dire que ce n’est pas un chapitre par personne, mais parfois plusieurs personnages par page). Aussi, surprend instantanément cette utilisation des signes de ponctuation (encore eux) pour identifier les protagonistes et situer le point de vue. Ces signes de ponctuation – que l’on connaît rapidement par chœur sans se référer à l’aide – ne surgissent pas de nulle part : ils sont le symbole de la fonction de chacun tatoué dans leur chair. (Cependant, si certains liens se font facilement, d’autres sont plus flous à mes yeux.) Quoi qu’il en soit, au-delà de l’originalité qui aurait pu être un peu factice, j’ai trouvé le procédé astucieux pour ne pas alourdir le texte (mettre le prénom aurait donné un air trop théâtral à l’ouvrage) tout en correspondant à ce jeu de ping-pong, ces échanges permanents entre les membres, toujours côte à côte et partageant toutes les expériences simultanément, de la Horde.
C’est du moins ainsi que je voyais les choses au début de ma lecture et je m’attendais à côtoyer chaque membre et ainsi apprendre à les connaître à travers ce puzzle éclaté constitué aussi bien des incursions dans leur tête que du regard des autres hordiers. Finalement, il s’avère qu’il y a des personnages plus principaux que d’autres et que certains resteront très anecdotiques. Les connaissant mal, l’attachement ne se fait pas et leur sort indiffère. C’est un défaut fréquent dans les romans mettant en scène des bandes importantes et, si je comprends la nécessité d’avoir une horde importante – aussi bien pour la pluralité des rôles endossés pour ce voyage d’une vie que pour illustrer la dangerosité du périple par quelques pertes tout en amenant une équipe suffisamment conséquente à la fin du récit –, je l’ai néanmoins regretté dans ce récit qui m’avait donné d’autres attentes au début de ma lecture.
Concernant cette pluralité de voix, j’ai apprécié les distinctions entre chacun. Nonobstant le signe qui précède leur prise de parole, l’on peut souvent savoir qui parle grâce à d’autres indices. Silamphre est attentif aux sons, à la musique, il aborde souvent les événements sous un prisme auditif ; Pietro est davantage dans la description visuelle ; Caracole joue avec les mots, se complaît dans les joutes verbales, folâtre diverge tord s’amuse avec la langue ; Golgoth a son parler à lui ; Larco parsème ses réflexions d’interruptions, ici entre parenthèses. Et les voix des femmes alors ? J’ai bien dit « distinction entre chacun » et le masculin n’était pas neutre car les femmes peinent à se distinguer, leur narration est classique et assez uniformisée, blotties comme elles sont dans leur douceur, leur sagesse, leur pondération. Ce qui nous amène…

… à l’énorme point noir qui m’a fait rager dès les premiers chapitres : les femmes. La Horde du Contrevent, ou un bel exemple de male gaze. Classiquement, elles ont des rôles globalement très féminisés : Aoi est cueilleuse et sourcière, Alme soigneuse, Callirhoé est « feuleuse » et s’occupe du feu qu’elle maîtrise en toutes circonstances et peut allumer en toutes circonstances (mais aussi de la cuisine du coup)… Toutefois, que je sois claire, les femmes contrent avec les hommes depuis le début du voyage, elles affrontent les mêmes dangers et, comme eux, elles ont été séparées de leurs familles et entraînées depuis leur plus tendre enfance.
Pourtant, nous savons qui est considérée comme jolie ou pas, qui couche avec qui (avec un relent de jugement selon le nombre de partenaires), et cela est dit et redit mille fois (or, à quelle fin ?). Nous avons la « belle et ingénue » Coriolis, « l’incomparable douceur » d’Aoi, la « chaleur » de Callirhoé (certes le terme est en rapport avec sa fonction, mais en l’occurrence, ce n’est pas ça que ça m’évoquait, plus encore en ayant lu la suite) tandis qu’Alme apporte la « douceur » et Oroshi « l’élégance », bref, des femmes qui, lors d’une – autrement géniale – présentation de la Horde, seront introduites par les mots « blotties et couvées, lovées, fragiles, notre bien le plus précieux ». Coriolis (à qui s’accolera à un moment donné l’expression « ma belle chienne de Trace », je pose ça là, faites-en ce que vous en voulez) est l’objet de bon nombre d’attentions lourdingues et joue le rôle de la nouvelle mignonne à « l’enfantine grâce » (enfantine, mais avec des seins qui ne cessent de se manifester allant jusqu’à « étincel[er] en silence pour Caracole ») sur lesquels ils sont nombreux à baver tandis qu’Alme prend cher une bonne partie du roman (je ne vais même pas citer les propos qui sont tenus à son égard, mais j’ai été choquée par le mépris de ses « camarades »). Enfin, Callirhoé est la victime d’une scène à la violence inouïe psychologiquement qui aurait pu avoir l’avantage de cristalliser des tensions, des dissensions, des émotions dans la Horde si on ne passait pas si rapidement dessus. À mes yeux, tout cela a vraiment contribué à égratigner l’image de la Horde. (Et quelques femmes croisées en route ne seront pas pour leur reste…) Seule Oroshi, l’érudite aéromaîtresse, est respectée et écoutée (et se trouve être l’un des personnages principaux) et parviendrait presque à s’extraire des deux cases « mère ou pute » si ce n’était cette fin…
Ainsi, que Golgoth soit rude, qu’il est un problème avec à peu près tout le monde, qu’il ne soit pas très stable, c’est une chose, mais sa violence sexiste m’a lassée tout comme ses insultes homophobes : sa virilité n’aurait-elle pu s’exprimer autrement qu’à coup de « fiotte » et de « tafiole qui tremblote » ? Il n’est cependant pas le seul visé et même les personnages que j’ai préférés ont su me refroidir par des paroles misogynes (sauf Steppe, peut-être… et peut-être parce qu’il ne prend pas suffisamment la parole pour en avoir le temps comme l’avait justement souligné Alberte !).

Au risque de m’attirer des foudres, je dois bien avouer que d’autres éléments n’ont pas su me convaincre du tout.

Le récit s’écrit comme un texte à trous, sautant des jours, des mois, voire des années : un choix parfois déroutant, souvent frustrant quand, comme moi, on aimerait tous savoir et les côtoyer constamment, mais le récit se complète dans notre tête. Et jusqu’à la fin, des mystères perdureront, ce qui, d’une certaine manière, colle avec la tonalité du roman. De même que cette sensation étrange, parfois, de ne pas tout interpréter intellectuellement ce qui était amené dans l’histoire, mais d’en comprendre néanmoins l’idée de manière plus viscérale, d’être face à des passages que je n’aurais pu expliquer mais qui faisaient sens malgré tout.
Sauf que j’ai parfois eu l’impression que Damasio se regardait écrire et se complaisait dans des passages pseudo-philosophiques à rallonge et certaines scènes dans la seconde moitié du roman m’ont crispée lorsque la jeune Coriolis pose des questions et qu’elle se fait rembarrer avec mépris par Oroshi (« J’espérais que tu avais au moins compris cela. », « Tu ne veux pas mûrir, tout simplement ? »…) alors que ses questions amènent malgré tout des réponses. Des réponses qui semblent autant adressées à nous qu’aux hordiers, d’où l’impression de me faire insulter en même temps qu’elle. Or, dans la vie, je prône plus de Coriolis avouant son ignorance en ayant la curiosité de comprendre et moins d’Oroshi/Damasio étalant leur supériorité intellectuelle ! Comme le formulait Alberte, il y a parfois un manque d’équilibre entre des scènes un peu cryptiques suivies de passages plus didactiques pour les lecteurices à la traîne et les boulets du fond de la classe.

Si le bout de la route de certains protagonistes a su me toucher, je reste quelque peu froide devant ce message de dépassement de soi permanent. Les personnages vont au bout de leur quête – quête lié au contre et à l’origine du vent, mais aussi et surtout quête d’eux-mêmes –, quitte à brûler, soit, mais il y a un petit côté moralisateur qui donne l’impression que ne pas tout remettre en jeu chaque jour est une faiblesse, que ne pas se dépasser sans cesse fait de nous un·e abrité·e mollasson·ne, que seule compte l’ambition. Se dessine un sous-texte à la fois jugement et développement personnel (« c’est le chemin qui compte, pas le voyage », « ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort », etc.) qui ne me plaît pas. Peut-être que je surinterprète – et je ne doute pas que tout le monde ne sera pas d’accord – mais c’est ainsi que je l’ai reçu.

Et pour terminer, sans être réellement frustrée par l’issue du roman (nous anticipions une immense déception avec une véritable non-fin, donc nous étions un peu préparées à tout), je l’ai néanmoins trouvée un peu rapide pour la partie touchant à un certain scribe, un petit goût de survolé à ce niveau-là.

Roman culte, entre fantasy et science-fiction, aussi enthousiasmant pour certaines facettes – sa langue, sa construction, des scènes géniales – qu’exaspérant sur d’autres – son sexisme écœurant, ses conseils philosophiques. Je ne vais pas mentir : la misogynie est, à elle seule, l’écueil sur lequel s’est fracassé mon engouement pour cette lecture. J’ai passé un bon moment, c’était original et prenant, mais le sexisme élevé à ce niveau-là, c’est rédhibitoire.
J’ai lu un roman de Damasio, je ne le regrette pas, mais je doute fortement de retrouver cet auteur à l’avenir : il est peut-être culte, mais j’ai envie de trouver d’autres valeurs dans mes lectures futures.

(Et félicitations à celles et ceux qui auront contré jusqu’au bout de cette chronique.)

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« ) « Tu n’as jamais envie d’être seul ? m’a dit Oroshi hier tandis que j’éternisais, c’est vrai, mes « Bonne nuit ». Pas souvent, non : j’ai besoin de cette énergie fluante du groupe, de sentir les tensions et les fusions qui nous traversent, chacun et tous. J’ai besoin de me sentir noué dans la pelote de nos fils. »

« ) Cette fille cherche, elle cherchera inlassablement, jusqu’à la faux, le sens de tout cela. Comme moi. Notre lien n’est pas de titre ni d’intellect : il est à la pliure de cette quête – comprendre. Plus qu’aucun des autres, nous nous demandons. D’où vient le vent, où naît-il ? Non, ça c’est ce que les hordonnateurs veulent que l’on se demande, c’est la réponse qu’ils escomptent nous voir rapporter, à la manière de braves chiots. (Ou bien enterrer avec nous afin de laisser intact l’espoir ? À moins bien entendu qu’ils ne sachent. Qu’ils sachent depuis longtemps ce qu’il y a au Bout, mais ils envoient depuis des siècles des Hordes…) Plutôt cette question rêche : pourquoi contrer ? Pourquoi acceptons-nous de consacrer notre vie à aller quérir une origine que personne n’a jamais pu atteindre ? »

«  – La monotonie n’existe pas. Elle n’est qu’un symptôme de la fatigue. Le divers, n’importe qui peut le rencontrer à chacun de ses pas, pour peu qu’il en ait la force et l’acuité. »

« π Code puéril ? Discipline rigide ? Respect du vent plutôt. Les Fréoles ne respectent pas le vent : ils s’en servent, ils l’exploitent. Ils le canalisent et le recyclent. Pour eux, le vent est matière première, un ami docile et maniable. Pour nous, il est l’ennemi qui s’affronte. Ce qui nous tient debout. Nous redresse. Nous fait. »

« ) La folie n’est plus folle, dès qu’elle est collective. Je crois que j’aurais pu faire n’importe quoi, le plus absurde, tant que nous le ferions ensemble ; ensemble, je sentais la puissance en chacun, physique et mentale, j’avais confiance en nous, et j’éprouvais cette profondeur du lien qui ous cousait à même la vague. »

La Horde du Contrevent, Alain Damasio. Gallimard, coll. Folio SF, 2018 (2004).700 pages.

32 réflexions au sujet de « La Horde du Contrevent, d’Alain Damasio (2004) »

  1. « Damasio se regardait écrire et se complaisait dans tes passages pseudo-philosophiques à rallonge » C’est quelque chose qui semble revenir souvent dans les critiques de ses livres comme le male gaze. Alors malgré les atouts, je ne pense pas tenter d’autant que je n’avais pas aime la bd. Merci pour cet avis détaillé et nuancé.

    • Oui, j’ai l’impression car cet aspect et la misogynie sont récurrents dans son oeuvre. Si tu n’as pas aimé la BD (même si j’ai du mal à concevoir une adaptation d’un tel récit), je comprends que tu ne sois pas emballée et, en dépit des points positifs qui m’ont enthousiasmée, j’aurais du mal à t’y inciter.
      Merci de m’avoir lue !
      (Et merci aussi de m’avoir permis, en me citant, de voir une coquille. ^^)

  2. Ça paraît assez complexe à suivre et tes bémols ont tendance à me refroidir également…Pour autant, l’univers est extrêmement intéressant !

    • Clairement, l’univers comme la langue sont vraiment passionnants. S’il n’y avait pas eu ce gros point noir de la misogynie, ça aurait été un coup de coeur, je pense. Cependant, j’aurais du mal à le recommander véritablement : disons que c’est à chacun·e d’aviser selon son envie.

  3. J’avais lu la Horde il y a une dizaine d’années, et je l’avais trouvé intéressant comme « exercice d’écriture ». Par contre, j’avoue que les prises de position passées de l’auteur (et les bémols que tu as justement pointés) n’ont coupé toute envie de découvrir ses autres textes ou de relire celui-ci.

    • Je ne suis pas très au fait de ses opinions car, sachant depuis des années que je voulais lire la Horde, je m’étais tenue éloignée de toute information pour le découvrir sans trop de préjugés. Mais je te comprends, je doute de le relire, nonobstant les indéniables qualités de ce roman.

  4. Oh sacrée chronique ! Je l’ai lu il y a 6 ans et comme j’avais pris le parti de le lire en mode ultra rapide parce que je m’enlisais dans la narration, je suis passée à côté de plein de choses (dont ce ton mysogine que tu décris). Par contre, quand j’ai réessayé un autre livre de l’auteur, ça n’a pas passé du tout, donc je ne suis pas étonnée finalement. On peut lui reconnaître l’énorme boulot que ça a demandé mais je veux bien croire que ça a mal vieilli !

    • Oui, elle était un petit peu longue… ^^
      Je veux bien reconnaître le boulot, le travail d’écriture, les qualités en terme d’univers et de langue, mais il a aussi des défauts qui sont, à mes yeux, trop énormes pour passer à côté. A la rigueur, j’aurais préféré qu’il ne mette pas de femmes dans son histoire, ou alors juste une de passage, comme ça peut être le cas dans bon nombre de vieux romans de SFFF, plutôt que cette violence et ce mépris inouïs. J’ai adoré certains aspects, mais je ne pense vraiment pas en relire d’autres de lui.
      Tu avais tenté lequel ? Ce n’était pas passé à cause de quoi ?

      • Oui, je comprends bien ! J’avais essayé la Zone du Dehors et j’ai justement été bien refroidie par le traitement des femmes (male gaze à fond) et les visions un peu « adolescent punk » de cette dystopie qui me semblaient plutôt réac’ et pas très constructives.

        • Voilà qui n’est pas pour me faire changer d’avis quant à ma non envie de le relire un jour. Aucune envie de retrouver la même misogynie, d’autant plus si les réflexions à côté ne sont pas si profondes que ça.

  5. C’est un très bel article, merci les filles pour votre analyse propre et pas une analyse philosophique. C’est vraiment intéressant pour moi de redécouvrir ce livre sous un angle beaucoup plus frais que le miens de l’époque.

    • Merci beaucoup d’avoir lue cette trop longue chronique ! Ça aurait été présomptueux de ma part de le chroniquer sous le prisme de la philosophie car je n’ai pas les connaissances nécessaires.
      Je viens de voir que tu l’avais chroniqué, je vais garder ton avis en favoris pour le lire à l’occasion !

  6. J’ai peur de lire cet auteur car je sais qu’il est particulièrement misogyne, donc classique contemporain ou pas, je crois que je vais passer mon chemin…

    « Sauf que j’ai parfois eu l’impression que Damasio se regardait écrire et se complaisait dans des passages pseudo-philosophiques à rallonge » J’ai capté ça juste en l’écoutant, c’est dire.

  7. ENFIN je lis ta chronique !!!!

    Merci pour la petite mention. Plaisir partagé évidemment que de rager en chœur, c’est le mieux ♥

    Je relève l’extrême justesse de cette expression : « un jargon aux sonorités patoisantes dans la bouche de Golgoth ». J’ai tellement de mal à trouver les mots pour parler en ce moment (les médicaments, tout ca) que de voir « patoisante » ca m’a fait me dire que toi tu les as trouvés xD
    C’est marrant de voir les occurrences du vent qu’on a relevées respectivement. Les tiennes sont beaucoup plus riches et variées, je n’avais pas remarqué la moitié de ces mots je pense aha

    C’est marrant, il y a pleins de choses qu’on a formulé de manière très similaire sans l’avoir formulé entre nous pendant notre lecture commune il me semble. L’image de « la mère ou la putain » semble nous avoir traversée toutes les deux alors qu’il me semble pas qu’on s’était fait la remarque ! Comme quoi aha

    J’adore comme on conclu sur le meme point aussi en mode « There’s other fish in the sea » : »)

    Bon, j’espère qu’on se retrouvera pour un texte qui saura nous plaire de bout en bout pour la prochaine, je desespere pas ahaha

    • Nos chroniques se complètent ! Je me suis fait exactement la même réflexion sur le jargon du vent en te lisant parce que tu avais relevé des expressions alors que j’avais omis ce pan du vocabulaire imaginé pour le roman.
      Et toi, tu as parlé du « care » et c’est un terme qui ne m’était pas revenu en tête alors que c’est exactement cela !
      Il y a des choses qui s’imposent en écrivant, en expliquant, ou qui viennent en tête alors qu’on déplie sa pensée ou que l’on rassemble les faits.

      J’avoue que parfois j’ai douté, vaguement envisagé de le relire au fil de nos échanges, mais à présent, je suis aussi certaine qu’on peut l’être de ne jamais en avoir envie. Les qualités littéraires ne font pas tout et cette misogynie acharnée était trop prégnante pour que je puisse passer outre.

      Je ne désespère pas non plus : un jour, nous nous retrouverons sur un texte aussi formidable que l’avait été Notre-Dame de Paris !

      • C’est beau le travail qu’on a fourni la hihi

        Ouiiii c’est ce qui m’a surprise en lisant ta chronique, ton état d’esprit a l’air d’avoir évolué en même temps que tu la rédigeais ! Ca t’évitera peut être une seconde déception aha

        • Du travail d’équipe ! On a du mal à se trouver des textes vraiment formidables, mais à part ça, tout va bien !

          Oui, de l’avoir mis à plat, d’y avoir réfléchi, de rechercher tous les endroits où le sexisme se nichait, ça m’a vraiment fait apparaître l’ampleur du truc, plus que quand la curiosité de lire la suite et l’implication dans l’histoire étaient en marche.

  8. J’ai lu ton billet avec intérêt, et jusqu’au bout, entre autres parce que j’ai adoré ce titre (mais aussi parce que ton billet est très intéressant:)), son inventivité, son foisonnement… j’avoue ne pas avoir relevé cette dimension misogyne que tu soulèves, hormis concernant en effet Golgoth, mais s’agissant d’un personnage, elle ne m’a pas gênée.

    • Merci beaucoup !
      Je comprends totalement l’enthousiasme pour ses qualités, mais ses défauts sont malheureusement trop énormes pour moi. Si la misogynie n’avait été que du fait de Golgoth, ça serait passé car ça peut faire partie de la caractérisation d’un personnage (d’autant qu’il a des problèmes avec à peu près tout le monde), mais ce n’est pas le cas : tous les personnages le sont puisque la narration l’est. Tout regard porté sur les femmes, d’où qu’il parte, est à mes yeux profondément sexiste…

  9. Ping : C’est le 1er, je balance tout ! # 79-80 – Juillet-Août 2023 | L'ourse bibliophile

  10. Merci pour cette super critique qui, je pense, rejoindrait mes pensées si j’osais relire La Horde. Ma première et unique lecture il y a presque 10 ans était passée crème, et j’avais été enchantée de l’écriture, et même si les personnages féminins me faisaient bugguer, j’avais l’impression de lire quelque chose d’assez puissant en SF française.

    Dans mon élan, j’ai lu « La Zone du Dehors », celui qu’il a publié avant, et là… le traitement du personnage féminin (Boule de Chat) (rien que le nom) était vraiment imbuvable. L’histoire ne suffisait pas à racheter un sentiment d’exaspération constant. J’avais ensuite lu le recueil de nouvelles « Aucun souvenir assez solide », qui ne m’a pas laissée une grande impression, mais je ne me rappelle pas avoir eu le même rejet qu’avec « La Zone du Dehors ». C’est l’avantage des nouvelles, en général si l’une déplaît, l’univers de la suivante peut contrebalancer.

    Et j’ai lu le pavé des « Furtifs » à la sortie, assez excitée par l’événement (des années à l’écrire ! à l’attendre ! c’était monté en épingle par les médias aussi, c’était comme si tout le monde ne lisait que ça d’un coup) et… c’étaient de vraies montagnes russes. C’est prenant politiquement, l’écriture fait toujours des virevoltes (mais ça surprend moins que dans « La Horde », on est sur la même lancée-Caracole), les femmes sont globalement des potiches Schtroumpfettes qui doivent guérir les hommes autour d’elles. On en sort un peu lessivée, un peu exaltée par les perspectives zadistes, mais un peu-beaucoup lassée par ces personnages unilatéraux, sur lesquels flotte en permanence un regard condescendant/idolâtre. Je n’ai pas pu m’empêcher de lever les yeux au ciel en découvrant une énième mécanicienne (la stratégie classique pour dire que les femmes ne sont pas des potiches dans des fictions, tellement de mécaniciennes !) qui finit par succomber à l’amour (car aucun personnage féminin ne peut exister en dehors du sexe ou de la romance). Bref… c’est un auteur intéressant, mais de plus en plus difficile à suivre et qui a déjà dû perdre une bonne partie de son lectorat féminin.

    • Merci pour ce commentaire super détaillé ! C’est chouette d’avoir un retour de quelqu’un qui a lu plusieurs de ses ouvrages (tous, du coup ?).

      Je pense effectivement que la lecture de La Horde m’aurait moins heurtée il y a dix ans, alors que j’étais moins critique sur ce sujet, que j’avais moins l’oeil à ce genre de chose. Parce que niveau écriture, construction, langage, il y a vraiment quelque chose d’hyper enthousiasmant. Je suis totalement d’accord avec ça, ça a un côté très réjouissant à lire.
      Mais comme je le disais à la suite d’un autre commentaire, la misogynie dans ce roman est trop acharnée, trop récurrente, trop unaniment partagée pour simplement passer outre.

      Et je suis d’autant plus ravie de vous lire parce que ça confirme mon absence d’envie de lire ses autres ouvrages. Parce que je vois bien qu’après cette expérience qui a déjà été très mitigée, je vais être très attentive à ça et ça ne va pas le faire. Je vais juste être continuellement furieuse ! De toute évidence, rien ne change à ce niveau-là, quel que soit le récit…
      Et nous sommes d’accord qu’une mécanicienne ne change rien à l’affaire, d’autant plus si son parcours suit finalement un schéma stéréotypé (c’est l’équivalent d’Oroshi dans La Horde finalement).

      Merci de m’avoir lue aussi !

      • Oui, je pense que c’est le risque : de voir continuellement dans ses textes le sexisme (qui est là, hein ! même si, de son propre aveu, il est censé s’améliorer sur le sujet grâce aux femmes de sa famille. Je crois que le truc, c’est qu’il n’arrive pas à se projeter dans un personnage de femme sans lui accrocher immédiatement une tonne d’attributs fantasmés, et ça se ressent vraiment à l’écriture).
        Je crois que le seul que je n’ai pas lu est son livre pour enfants, « Scarlett et Novak ». J’arrête les frais pour le moment… A quoi bon lire des textes qui vont nous faire vriller au lieu de lire des choses qui nous transportent et ouvrent nos consciences ? Le truc, c’est que Damasio, avec sa plume politisée, essaie justement de faire ça, et qu’il y arrive vraiment par moments (« Les Furtifs », ça donne envie de se lever et de former des utopies pour de vrai, j’ai vraiment ressenti un élan à la lecture). Mais comme il se rate sur la caractérisation et la trajectoire de ses personnages féminins (et que ça dure DES PLOMBES), du coup, on se sent exclue de toute l’expérience politique.
        Quand je vois ce que Becky Chambers arrive à faire sur l’écriture de personnages, je me dis qu’il a vraiment un train ou deux de retard !

        • Il a une belle marge de progression parce que son sexisme n’est pas discret ou occultable… Et il aurait pu faire ce travail avant, il n’est pas un auteur des années 1960 ou 1970, ne serait-ce que pour Les Furtifs qui est sorti (me semble-t-il après MeToo, durant ces dernières années où le féminisme a souvent été abordé).
          Je te rejoins totalement. Cet élargissement des consciences, cet élan, ça fait clairement partie des choses que j’espère trouver dans mes lectures, mais si le tout se construit encore une fois avec une seule moitié de la population, ça ne m’intéresse pas. Ce n’est plus ce que j’ai envie de lire, tout simplement. Surtout, on y revient, dans des livres récents (parce que je vais avoir une tolérance pour des livres plus anciens de quelques décennies). Il semble vivre dans son époque sur certains points, mais il est totalement anachronique sur celui-là.

          • Oui, exactement ! Maintenant, dans des textes récents, quand je vois des personnages féminins immédiatement sexualisés, où la description physique ou la soi-disant séduction est omniprésente, ça me tombe des mains. Ou bien les femmes dont la seule interaction consiste à se tirer dans les jambes les unes des autres, grand classique aussi… Je me demande souvent comment les textes passent à travers le tamis des éditeurs, des correctrices, pour arriver à la publication tels quels.
            C’est vrai que « Les Furtifs » est sorti en 2019, donc il n’a pas pu passer à côté de la chose.

            En tout cas, c’est une super critique, et celle d’Alberte Bly la complète et l’enrichit parfaitement. Hâte de vous lire en duo sur autre chose !

            J’en profite pour dire que j’applaudis ce blog qui résiste encore et toujours à l’envahisseur ! Quand on n’a pas de compte sur les réseaux, on ne peut pas lire les critiques, alors je suis contente de pouvoir vous lire ici 🙂

            • Et dans La Horde, en plus de leur apparence physique et de leur potentiel de séduction, il ne faut pas oublier ce qu’elles font de tout ça et donc le nombre de partenaires. Et ça, c’est quelque chose que je n’ai pas souvent rencontré en littérature, d’où une certaine sidération.
              On se rejoint totalement, c’est assez surprenant que ces romans passent toujours. Après, le nom de Damasio doit de toute manière ouvrir les portes et amener un lectorat ; ça ne se passerait peut-être pas de la même manière avec un jeune auteur…

              Merci beaucoup, je suis très touchée !
              Il y aura d’autres lectures communes, même si quoi et quand ne sont pas du tout fixés.
              En tout cas, ce sera pour moi un plaisir de vous relire à l’occasion !

              Quant à la persistance du blog, le secret réside peut-être dans le fait que je ne suis pas non plus sur les réseaux sociaux (et n’ai aucune intention d’y être), donc je suis dans le même cas que vous : je ne lis que des blogs !

  11. Ta chronique est passionnante, après avoir lu celle d’Alberte ! Je suis rassurée de voir que le livre a quand même des qualités qui lui ont valu son succès à l’époque (il en fallait bien) où on était moins regardant sur les personnages féminins. Un monde construit, des personnages qui ont aussi quelques aspects positifs, l’utilisation d’un vocabulaire recherché et cette inspiration viscérale ressentie à la lecture de certains passages. C’est vraiment dommage que la misogynie de l’auteur gâche l’ensemble (il n’a pas forcément changé, de ce que j’en sais, outre ses polémiques sur les réseaux également) et surtout qu’il soit finalement aussi dépassé, après avoir été un grand tournant de la SF française, surtout avec cette originalité d’écriture et de structure ! Je crois qu’il va aller loin dans la liste des classiques SF à lire…

    • Merci beaucoup de nous avoir lues !
      Oui, il a vraiment des qualités, mais les défauts sont tels que ça ne suffit plus. Pas pour moi, pas en 2023. Mais je pense que j’en aurais été moins choquée il y a quinze ans, voire même dix.
      De ce que j’ai entendu depuis, de ce qu’on a pu me dire en commentaire, c’est toujours bien présent dans son roman le plus récent en tout cas !
      Je suis contente de l’avoir lu, mais l’aventure s’arrêtera là.

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