Underground Railroad, de Colson Whitehead (2016)

Underground Railroad (couverture)Cora, seize ans, est née esclave, tout comme sa mère Mabel, célèbre dans toute la plantation Randall pour avoir été la seule esclave à s’être enfuie sans jamais être rattrapée. Lorsque Caesar lui propose de s’enfuir, Cora accepte de suivre les traces de sa mère. D’État en État, elle tentera d’atteindre une liberté qu’elle n’a jamais connue. Mais son maître n’est pas disposé à laisser son bien le fuir ainsi et engage l’impitoyable Ridgeway pour la lui ramener.

C’est toujours difficile de chroniquer certains romans, certaines thématiques. En tant que Blanche, il m’est difficile de disserter, de réellement comprendre ce que veut dire être Noir· aujourd’hui, surtout dans un pays marqué par un passé aussi sanglant que les États-Unis. C’est là mon simple avis de lectrice vis-à-vis d’un récit que je pense être important.

J’ai découvert après ma lecture à quel point ce livre était encensé. Je ne partage pas totalement cet enthousiasme malheureusement. Ce n’est pas un mauvais roman, attention, il est prenant du début à la fin, il est terrible par les faits répugnants qu’il relate, il est passionnant quand il souligne le climat de plus en plus tendu entre États abolitionnistes et esclavagistes, il est original quand il transforme les chemins empruntés par les esclaves en fuite en un véritable train souterrain avec locomotive, gares et tout le tintouin.
L’auteur nous entraîne à la rencontre d’une galerie de personnages très réalistes, sans manichéisme. Des êtres humains, des courageux, des lâches, des traîtres, des généreux, des ordures, quelle que soit la couleur de leur peau. J’ai beaucoup apprécié les petits chapitres en forme de portraits qui s’intercalent aux différentes étapes du périple de Cora : ils nous permettent de mieux découvrir, de mieux comprendre certains protagonistes (Caesar, Ridgeway, Mabel…) et, parfois, d’éclairer le passé.

Ce qui tempère mon ressenti, c’est que j’ai commis l’erreur de lire la quatrième de couverture avant (ou au tout début de ma lecture) alors que je les délaisse d’ordinaire. Une quatrième de couverture très élogieuse, si dithyrambique qu’elle m’a donné des espoirs incroyables sur ce roman. Roman qui m’est par contraste apparu comme assez classique en dépit de l’imagination de l’auteur concernant l’Underground Railroad. Il ne va pas réinventer ce qu’était l’esclavage, mais disons que toutes les scènes que l’on s’attend à trouver dans un tel roman étaient bel et bien présentes.
Ensuite, je suis quelqu’un qui a besoin de s’attacher aux personnages (ou de les détester, mais de ressentir quelque chose). Or, à ce niveau-là, je me suis quelque peu sentie délaissée. Cora oscille entre peur et espoir, je l’ai un peu suivie dans ces émotions tortueuses, mais je ne me suis pas vraiment inquiétée pour elle, pas même lorsque certains de ces alliés disparaissaient. Car finalement, la fuite ne s’est pas révélée si haletante que ça : il y a même pas mal de temps mort. Peut-être m’attendais-je à une chasse à l’homme, à la femme plutôt, un peu plus trépidante.
De plus, j’ai ressenti une petite pointe de déception à la fin car ce n’en ai pas vraiment une pour moi. Le voyage de Cora continue et on ne sait sur quels chemins, ceux de la liberté ou de l’esclavage, il la mènera réellement. J’aime généralement les fins ouvertes, mais là, j’ai eu une sensation d’inachevé : c’est un roman sur un périple à travers les Etats-Unis et alors que le rideau s’ouvre sur de nouvelles contrées, voilà que surgit le point final.

Si ce n’est pas le coup de cœur attendu, ça n’en reste pas moins un livre très intéressant qui pousse à la réflexion, surtout suite à tous les actes racistes qui ont pu secouer les États-Unis ces dernières années.

[Instant sponsor. La lecture de ce livre m’a été permise grâce au Joli. Qu’elle en soit ici remerciée.]

« Au fil des mois, Cora et Caesar hésitaient moins à évoquer la plantation Randall en public. Ce qu’ils disaient pouvait généralement s’appliquer à tout ancien esclave qui surprendrait leur conversation. Une plantation restait une plantation ; on pouvait croire ses misères singulières, mais leur véritable horreur tenait à leur universalité. »

« Les autres étudiants proféraient des horreurs sur les gens de couleur de Boston, leur odeur, leurs déficiences intellectuelles, leurs instincts primitifs. Pourtant, quand ses condisciples entamaient de leur lame un cadavre de Noir, ils faisaient davantage progresser la cause de ces gens que l’abolitionniste le plus vertueux. Dans la mort, le Noir redevenait un être humain. Alors seulement il était l’égal du Blanc. »

Underground Railroad, Colson Whitehead. Albin Michel, coll. Terres d’Amérique, 2017 (2016 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Serge Chauvin. 397 pages.

11 réflexions au sujet de « Underground Railroad, de Colson Whitehead (2016) »

  1. Ne crois pas que tu sois la seule, de ce que j’ai lu dans les chroniques sur ce livre, les avis ne sont pas si dithyrambiques, et un avis mitigé comme le tien revient très souvent sur ce livre. Peut-être y a-t-il eu trop de marketing, de communication élogieuse sur ce livre de la part des éditeurs et des médias ?

    • Oui, j’en ai vu quelques-unes, mais j’ai aussi vu beaucoup de coups de coeur ! En ce qui me concerne, je pense que je l’aurais plus apprécié sans les promesses de la quatrième de couv’ (ce qui est plutôt bête car je lis rarement les résumés comme je le disais). Du coup, oui, je pense que ça a joué.

  2. J’ai fini par acheter ce livre suite à l’avis de mon association qui l’a adoré. Ils l’ont lu sans avoir lu le résumé et avant qu’on en parle autant. Je verrais bien.

  3. Le thème est franchement intéressant. C’est vrai qu’on en a beaucoup entendu parler dans les médias et le risque est d’être un peu déçue après des chroniques dithyrambiques. Il me fait pensé à La dernière fugitive de Tracy Chevalier qui aborde également l’histoire du « chemin de fer clandestin » et que j’avais beaucoup aimé. Je me laisserai peut-être tenter par celui-ci, le point de vue étant différent.

  4. J’en ai entendu parlé et plutôt en très bon, c’est vrai. Et après bah voilà on a des attentes grosses comme Jupiter et puis on est déçues. C’est terrible ces attentes à la con ^^’
    Dans les formidables (pour mettre une couche d’attente ^^), sur le sujet (et pas que), il y a No Home, je te le conseille d’ailleurs !

    • Heureusement, je n’avais pas tellement entendu de critiques, mais vu comme la désillusion par rapport au résumé a suffi à me refroidir, qu’est-ce que ça aurait été si ça avait été le cas ?! ^^
      J’ai en revanche beaucoup entendu parler de No Home ! Je le garde dans un coin de ma tête pour si je le croise un jour en bibliothèque !

  5. Je ne lis jamais les synopsis… J’ai vu « Prix Pulitzer » sur son bandeau, et j’ai un peu foncé dessus tête baissée, sans absolument rien savoir d’autre à son sujet ^_^
    Du coup, je ne sais pas si cela a joué en sa faveur, mais j’ai beaucoup aimé ce roman.

    • Je ne les lis jamais non plus (au mieux, je picore quelques mots), mais je ne sais pas pourquoi je l’ai fait là et ça n’a pas été une bonne idée ! Ce n’était pas une mauvaise lecture, mais elle n’était pas aussi incroyable que je l’espérais.

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