Mers mortes, d’Aurélie Wellenstein (2019)

Mers mortes (couverture)La Terre est asséchée. Adieu mers et océans foisonnants de vie. Seuls rappels de ce passé évaporé : de terribles marées fantômes qui déferlent charriant des millions de spectres décidés à se venger des humains qui les ont assassinés. Oural est l’un des rares boucliers contre ces déferlantes de haine : il est exorciste et adulé par celles et ceux qui l’entourent. Jusqu’à ce qu’il soit kidnappé par le capitaine Bengale et son équipage de pirates. Un long voyage les attend dans une tentative désespérée de corriger les choses.

Découvert grâce à Babelio (que je remercie ainsi que les éditions ScriNéo), Mers mortes est une lecture qui refuse de sortir de ma tête. Des extraits tournent en boucle sous mon crâne, des images, des conversations, un personnage. Il faut croire qu’il était en parfaite harmonie avec mes désirs livresques du moment car je ne parviens pas à m’en détacher.
Il faut dire que ce roman cumulait beaucoup d’éléments pour me plaire – SF post-apocalyptique, une touche de surnaturel, un message écologique, des pirates, une nouvelle autrice à découvrir –, c’était presque trop beau pour être vrai. Pour être bon. Et pourtant, ce le fut !

 L’univers est captivant pour qui est friand d’histoires de survie dans une Terre dévastée par les humains – de la SF qui se rapproche à grand pas – avec cette planète désertique, asséchée, hantée par ceux qui ont été massacrés. C’est un univers clairement pas très joyeux, où la mort est omniprésente, avec des personnages parfois sans pitié. Je ne vais pas vous mentir : j’aime beaucoup ça.

Il n’est pas évident de vous en parler sans spoiler (juste : lisez-le !), mais je dirai simplement que certains passages sont vraiment durs et marquants. Ce n’est plus de la SF, mais la réalité. Des actes cruels qui se produisent actuellement, dans notre monde. Ce n’est décidément pas un livre qui a fait remonter l’espèce humaine dans mon estime. Oural, Bengale, les spectres, tous nous placent face à nos responsabilités, pointent du doigt nos défaillances, notre égoïsme, notre avidité. Difficile de rester à distance d’une histoire qui fait autant écho à notre société. Difficile de ne pas être révoltée face à une telle barbarie. Difficile de consommer encore du poisson après une telle lecture.

Mais surtout, il y a Bengale. Nous le découvrons à travers les yeux d’Oural et, comme le jeune exorciste, il est impossible de rester de marbre face à ce prédateur cynique et séducteur, aussi charmeur que dangereux. Je ne veux pas trop en dire tant c’est un régal que de le rencontrer et d’apprendre à le connaître. Les secrets qu’il cache à son équipage, sa relation avec Oural qui évolue si lentement, si justement… cette dernière est juste fantastique !
Mon enthousiasme pour Bengale (et pour le tamdem Bengale-Oural) est immense, mais, même si je ne voudrais pas que ces deux-là soient moins présents (on a déjà assez de mal à les quitter comme ça !), j’avoue qu’ils cannibalisent toute l’attention au détriment du reste de l’équipage qui manque parfois de consistance (alors que tous ces membres sont très intéressants !).

La fin est une véritable frustration. Non pas qu’elle soit mauvaise, elle est au contraire excellente, avec ce qu’il faut de noirceur pour conclure ce récit plutôt sombre. Mais quitter ces personnages, laisser leur histoire à ce stade, voilà ce qui est frustrant. Mais c’est aussi beau, et sensible. Bref, un véritable concentré d’émotions !

Aurélie Wellenstein a réussi sa potion et propose ici un récit original, un monde âpre, une magie percutante et des personnages marquants. Mers mortes est arrivé comme une gigantesque vague qui m’a emportée et m’a envoyée bouler jusque dans les abysses. En apnée tout du long de ma courte mais intense lecture, j’ai encore du mal à retrouver mon souffle. Éprouvant.

« Oural était si proche qu’il voyait la splendeur de la mer et ses millions d’âmes qui flottaient dans la luminescence bleutée. Même dépourvue de voix, il percevait très bien sa fureur, sa douleur, sa haine et sa démence. Sauvagement assassinés, les mers et les océans charriaient au creux de leurs vagues monstrueuses le souvenir de leur supplice, et à chaque fracas, chaque dégorgement d’écume dans le monde des humains, ils paraissaient hurler « vengeance ! ». »

« – On aurait pu sauver le monde, reprit-il d’une voix mauvaise. Mais non. On était trop paresseux, trop égoïstes. Dix milliards d’êtres humains qui dévorent les océans. Aucune limite à la croissance, l’humanité qui dépouille des millions d’espèces dans une expansion surréaliste. Et ne va pas croire qu’on ne savait pas ce qu’on faisait ! Il y a quarante ans déjà, les projections annonçaient l’effondrement des pêcheries en 2048. Crois-tu que ça les ait arrêtés ? »

« Ce qu’il avait vécu, via sa brève incarnation en requin, n’était pas qu’une construction fantasmagorique de son esprit. C’était la réalité, un souvenir colporté à travers le temps, le traumatisme d’une mer à bout de forces et dont le désespoir continuait de résonner à la surface du monde, même après toutes ces années… »

Mers mortes, Aurélie Wellenstein. ScriNeo, 2019. 363 pages.

Jackpot pour les challenges !

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lire un livre se déroulant en partie sur un bateau

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30 réflexions au sujet de « Mers mortes, d’Aurélie Wellenstein (2019) »

  1. Olalalala. Déjà de base, il me faisait méchamment de l’œil. Mais avec ton retour, c’est sûr que je me jette dedans. Aurélie Wellenstein vient justement en Belgique d’ici quelques jours, et je ne compte pas manquer l’occasion de repartir avec un exemplaire dédicacé.
    Merci pour ce très beau retour !

  2. Tu donnes vraiment très envie de le lire ! (et pourtant, ce n’est pas mon genre de prédilection, mais pourquoi pas !) Je ne saurais pas trop expliquer pourquoi mais il m’attire…

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  5. En voyant la couverture, et à partir des mots pirates et marées fantômes, j’étais quasiment convaincue. Et ta critique en donne vraiment envie : je suis très intriguée par la relation entre Oural et Bengale, par l’atmosphère générale, le côté surnaturel traité…et les atmosphères noires ne me découragent pas, bien au contraire. J’ai déjà trop à lire, mais j’adore aussi les histoires se passant en mer ou avec les pirates, peu importe le contexte…merci pour cette découverte ! (je ne connaissais pas du tout l’auteure et à peine la maison d’édition donc je serais passée à côté sinon)

    • Je serais aussi probablement passée à côté sans Babelio, c’était une découverte de l’autrice et de la maison d’édition (que je ne connaissais que de nom).
      Je te souhaite d’avoir l’occasion de le lire en croisant les doigts pour qu’il te plaise autant qu’à moi !

  6. Ping : Challenge Voix d’autrices 2019 : Bilan des trois mois | Arcanes Ouvertes

  7. Ok, tu m’as vraiment convaincu de réessayer Aurélie Wellenstein! Ne pas apprécier totalement un de ses livres n’exclue pas d’en aimer un autre et tout comme c’était le cas pour le Dieu-oiseau, le synopsis donne vraiment très très envie, quelle imagination!! *0*

    La thématique du #HMSFFF d’août étant le post-apo, j’essayerai de me procurer celui-là!! 😀

    • Oh, merci ! J’espère que tu ne seras pas déçue cette fois ! Et puis, de mon côté, j’espère avoir malgré tout l’occasion de lire le Dieu-oiseau !

      Ah tu participes ! J’étais bien tentée, mais j’ai déjà trop de challenges en cours et lire un livre dans un thème imposé en seulement un mois, c’est trop restrictif pour que j’y parvienne ! ^^ Bon challenge ! Tu commences avec quoi pour juin ?

      • J’essayerai de faire un article dessus, que j’ai apprécié ou non 🙂
        Yes, j’espère lire ton avis à ce sujet aussi hihi

        Yep, je me dis que plusieurs challenges peuvent se marier donc c’est cool 🙂
        Merciiii!
        Là je commence avec L’appel de Ctulhu puis Stranger Things et ensuite j’essayerai de me frotter à Dracula mais j’appréhende un peu!! ^^

        • J’en parlerai très certainement, mais c’est aussi très certain que ce ne sera pas pour tout de suite !

          Joli… Je n’ai jamais lu L’appel de Cthulhu, mais ça fait partie des livres que j’aimerais découvrir. J’ignorais que Stranger Things était un livre ! En fait, il n’y a que Dracula que j’ai lu !
          Bonnes lectures !

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  11. Ping : T.T.L. #33 – Sur la route – Les Mots de Mahault

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