Le génie de la lampe de poche, d’Emilie Chazerand (2017)

Le génie de la lampe de poche (couverture)A son grand désespoir, Vladimir Poulain se voit envoyé pour un mois en colonie de vacances. « La Joie dans les bois », paraît-il. La réalité est bien moins jolie entre un tyrannique directeur et une cuisinière qui ignore totalement l’existence du mot « hygiène ». Heureusement, il découvre avec plus de soulagement que d’étonnement l’existence d’Eugène Von Génial. Ses malheurs sont forcément terminés avec un génie dans la poche ! Humm, vraiment ?

C’est tout de même un comble : La fourmi rouge m’attend depuis près de six mois dans ma PAL et c’est finalement avec un autre titre que je découvre Emilie Chazerand ! Voyons cela comme un en-cas tandis que je me frotte les mains à  l’idée de déguster le plat de résistance.

Au camp de vacances, Vladimir rencontre des adultes et des enfants quelques peu particuliers. Pour les premiers, un dirlo complètement psychopathe et donc totalement irresponsable entouré de trois moniteurs passifs et relativement inutiles, un chauffeur de bus muet et intraitable et la fameuse cuisinière. Pour les seconds, le garçon qui veut tuer des animaux, une gamine qui n’arrête pas de geindre (« Ça me fait souffrir ! »), un menteur invétéré, une fille qui fait chavirer le cœur de Vladimir jusqu’à ce qu’il observe son besoin maladif d’être sauvée par l’élu de son cœur, etc. Emilie Chazerand joue avec succès sur des stéréotypes, des caractères exacerbés que l’on aura pu croiser dans la réalité, mais le summum est quand même la cuisinière Waltraud, une grosse Allemande despotique qui fait une bouffe infâme et qui disperse allègrement ses poils. C’était un chouïa trop pour moi, mais à part ça, je me suis plongée avec plaisir parmi cette troupe d’énergumènes (mais heureusement qu’il y avait la distance des pages entre eux et moi).
L’arrivée – étonnamment tardive – d’Eugène apporte un surplus d’horreur dans cet enfer sur terre. Pour Vladimir. Car, pour nous, ses cafouillages et ses interventions intempestives (comme dit Vladimir, « forcément, c’est facile d’être courageux quand c’est un autre qui risque de ramasser la claque… ») amènent encore davantage de situations cocasses !

Mais l’humour véritable réside dans le décalage entre Vladimir et son nouvel environnement. Vladimir est un garçon intelligent et soigné : il souhaite devenir scientifique et a hérité de sa maman, médecin hygiéniste, quelques exigences au niveau de la propreté de son espace de vie. Autant dire que sa culture et son vocabulaire précis détonnent parmi cette bande d’idiots (au mieux) et de déséquilibrés (au pire) tandis que son regard affûté lui permet de faire quelques critiques acides et ironiques : sarcastique et réjouissant ! Ce sont ses petites remarques (souvent entre parenthèses) qui m’ont tiré le plus de sourires voire de rires. Il y a de l’humour pour tout le monde, des plus jeunes aux plus grands, personne n’est laissé de côté !

Un rythme dynamique sans temps morts ni longueurs, beaucoup d’humour (notamment pince-sans-rire comme je l’aime), des illustrations parfaitement dans l’ambiance folle de la colo et une fin qui m’a véritablement surprise, Le génie de la lampe de poche fut une excellente lecture, quelque peu abracadabrantesque certes, mais totalement addictive !

« Chère maman,
J’espère que tu vas bien. Enfin, mieux que moi.
Je n’ai pas du tout envie de t’écrire mais j’y suis obligé alors voilà. Je t’écris.
J’imagine que tu t’amuses comme une petite folle avec ton cambrioleur. Moi, si tu veux tout savoir, je suis séquestré et torturé par un malade mental du nom de Nicolas Fontanelle. Ah, j’oubliais : tu n’es pas restée assez longtemps le jour de mon départ pour te souvenir de lui, n’est-ce pas ? De toute façon, son portrait sera bientôt diffusé au journal de 13 heures sur TF1, à la rubrique « Faits divers tragiques et accidents domestiques ». Et il sera trop tard pour pleurer, ma petite maman.
Je peux désormais affirmer sans le moindre doute que tu ne m’aimes pas, puisque tu m’as envoyé dans une colonie de vacances dont le dépliant se trouve dans des kebabs, entre la sauce blanche et la harissa (ne nie pas).
D’ailleurs, je ne savais pas que tu aimais les sandwichs turcs épicés. Je réalise que j’ignore un tas de choses sur toi. Tu es devenue une étrangère à mes yeux.
A mon retour, je compte bien avoir une discussion avec toi, Solange Poulain, et il sera question de tes choix incompréhensibles et de ton comportement irresponsable. Il y a des choses qui ne s’effacent pas d’un coup d’éponge imbibée de javel.
(Au cas où tu n’aurais pas compris, je parle des blessures que tu infliges à mon âme, et qu’aucune vidage, jamais, ne guérira.)
J’arrête là car les larmes embuent les verres de mes lunettes et tu sais à quel point j’ai horreur de voir flou. D’ailleurs, merci pour ça aussi : la myopie, c’est tout ce que tu m’as légué, en somme.
Je t’embrasse cordialement,
Le Vladimir de ton cœur (de pierre)
PS : j’ai fait la connaissance d’une truie qui se prénomme Jocelyne et qu’on nous a forcés à traire. Tu peux d’ores et déjà prendre rendez-vous avec le Dr Brodier : j’aurai besoin de parler à un psychologue à mon retour. »

Le génie de la lampe de poche, Emilie Chazerand, illustré par Joëlle Dreidemy. Sarbacane, coll. Pépix, 2017. 235 pages.

Voix d’autrices : un roman humoristique

Mes chroniques sur les autres livres d’Emilie Chazerand :

9 réflexions au sujet de « Le génie de la lampe de poche, d’Emilie Chazerand (2017) »

  1. Ping : Challenge Voix d’autrices 2018 | L'ourse bibliophile

  2. Ping : Challenge voix d’autrices 2018 – Bilan général de mi-parcours ! | Arcanes Ouvertes

  3. Ping : Bilan : Challenge Voix d’autrices 2018 ! | Arcanes Ouvertes

Laisser un commentaire