L’Héritage (4 tomes), de Christopher Paolini (2003-2011)

La tétralogie de L’Héritage – composée d’Eragon, L’Aîné, Brisingr et L’Héritage – raconte l’histoire d’Eragon et de la dragonne Saphira. Son existence bascule le jour où elle éclot pour lui : le titre de Dragonnier lui échoit alors ainsi que des responsabilités titanesques pour cet adolescent, dès lors plongé dans une guerre qui unira tous les peuples d’Alagaësia contre le tyran Galbatorix et son dragon Shruikan.

Si je n’avais presque aucun souvenir du troisième et quatrième volumes, lus une seule fois avant cette relecture, les premiers tomes de cette saga ont accompagné mon enfance et mon adolescence aux côtés d’Harry Potter, A la croisée des mondes, Ewilan et bien d’autres. Voilà pourquoi je lui porte une affection qui obscurcit peut-être un peu mon jugement. Ou du moins me permet de passer outre ses défauts. Car L’Héritage n’est pas une saga parfaite et elle est apparemment beaucoup critiquée.

Certes, l’ombre de Tolkien plane bas sur cet univers – le vieux barbu mystérieux qui guide l’Elu, les Elfes qui viennent d’un pays lointain qu’eux seuls connaissent et dont le cœur est rempli du souvenir de la mer, les Urgals qui ressemblent un peu aux Orques, des ours des montagnes appelés les Beorn, les ébauches de langages, etc. Mais si ces livres ne révolutionnent pas le genre de la fantasy, il n’empêche que les ingrédients  – que Paolini n’est pas le seul à reprendre… – se mélangent bien et que je me suis prise au jeu, à ce voyage à travers l’Alagaësia à la découverte de ses peuples, ses lois, sa magie, ses créatures. Eragon y est notre alter ego, le corps dans lequel nous pouvons nous incarner car, s’il est né et a toujours vécu dans ces étranges contrées, il n’en reste pas moins un fermier sortant pour la première fois de son village et presque aussi ignorant que nous.

Point crucial dans mon affection pour ces romans : je me suis attachée aux personnages. A la dragonne Saphira en premier lieu, adorable et terrible, pleine d’humour comme de  susceptibilité, jeune et vieille, joueuse et dotée d’une intelligence immémoriale. Aux personnages qui entourent Eragon ensuite : Roran, Nasuada, Angela, Orik… Sauf à de rares exceptions, seuls les elfes, tous à leur distante noblesse, ont peiné à me toucher. Quant à Eragon, s’il n’est pas en lui-même, le protagoniste que je préfère, j’ai aimé le voir grandir, souffrir, gagner en puissance, apprendre, tout en observant ses relations avec les autres.
A partir du second tome, on s’éloigne de temps à autre d’Eragon pour suivre les événements du point de vue des autres personnages : Roran principalement, mais aussi Nasuada ou même Saphira. Cela permet d’observer les choses de façon plus terre-à-terre, les deux premiers personnages n’ayant pas accès à la magie, ils comptent avant tout sur leur intelligence et leur force de caractère. Je me souviens que lors de mes premières lectures, je n’appréciais guère les passages avec Roran, avide que j’étais de retrouver Saphira et la magie ; à présent, son courage et ses dons de meneur m’ont davantage fascinée et j’ai aimé suivre leurs deux parcours.

L’auteur a été, semble-t-il, un peu frileux à faire souffrir ses personnages principaux. Sans dire de les massacrer un à un à l’image d’un certain G.R.R. Martin, j’ai trouvé un peu facile de faire mourir des centaines, des milliers de soldats anonymes tout en épargnant obstinément celles et ceux auxquel·les nous avons pu nous attacher. J’aurais été triste de dire adieu à un personnage aimé, mais cela aurait donné plus de gravité à l’ensemble et m’aurait permis de m’inquiéter un peu plus.
Cependant – histoire de compenser cette critique par un point positif vis-à-vis des personnages – Christopher Paolini a résisté à la tentation de les mettre tous et toutes en couple. Les romances étant souvent omniprésentes dans les romans young adult, je ne peux qu’apprécier leur rareté dans cette saga. Certes, Eragon a réussi à m’exaspérer dans le troisième tome par sa ténacité à poursuivre une Arya clairement réticente ; il s’est heureusement repris dans le dernier volume, toujours amoureux, mais plus mature, il a cessé son harcèlement. Et finalement, l’auteur a été plutôt intransigeant avec ses personnages côté cœur !

Action, réflexion, émotion : Christopher Paolini a su trouver un bon dosage entre tous ces éléments. A mes yeux en tout cas. Bon nombre de lecteurs et lectrices semblent reprocher des longueurs que je n’ai pour ma part senties qu’à une seule occasion (dans un chapitre de L’Héritage qui décrit pendant des pages et des pages un entraînement à l’épée entre Eragon et Arya).
Je préfère un chapitre de bavardages entre deux personnages qu’une description, mouvement par mouvement, d’un combat ou d’une bataille, sachant que toutes se ressemblent beaucoup finalement. Or, j’ai trouvé au fil de la saga, de très beaux moments, entre douceur et tendresse, même s’ils sont parfois emplis de douleur ou de chagrin : la solitude en tant que dragonne de Saphira, la rencontre entre Eragon et Oromis, les décisions radicales de Roran, la relation entre Eragon et Saphira, les souffrances de Murtagh… Je conçois que ces passages peuvent sembler un peu évidents, prévisibles, bateau ou que sais-je encore, mais prise dans le feu de ma lecture, fascinée par cet univers où évoluent les dragons, je me suis laissée embarquer, j’ai laissé les personnages m’habiter et j’ai vécu ces moments comme si j’étais à leur place.

Voilà. Je fais fi des critiques innombrables et des défauts indubitables : c’est une saga qui, si elle ne m’a jamais vraiment surprise, me fait rêver. On me parle de dragons, de peuples aussi variés que des Urgals et des chats-garous, je marche, je cours, je vole. J’ai dévoré chacun des tomes, désireuse de retrouver et de côtoyer un peu plus les personnages que j’ai appris à aimer. Une histoire sans temps mort, divertissante, épique, que, sans surprise, j’aurais aimé continuer encore un peu. Sans compter que bon nombre de questions me trottent encore dans la tête, ce qui est terriblement frustrant…

« Les sables du temps, nul ne peut les arrêter. Les grains s’écoulent, les années passent, que nous le voulions ou non… et pourtant les souvenirs restent. Ce que nous avons perdu se perpétue dans nos mémoires. »
(Tome 1, Eragon)

 « Eragon tomba à genoux, le visage vers le ciel. « Je ne suis pas seul… »
Un mélange d’effroi et de soulagement le traversa. Il n’était plus l’unique responsable face aux Vardens et à Galbatorix. Il avait devant lui l’un des anciens gardiens, surgi des profondeurs du temps, un symbole vivant, attestant la vérité des légendes au milieu desquelles il avait grandi. Il avait, devant lui, son maître ; il avait, devant lui, la légende elle-même ! »

(Tome 2, L’Aîné)

« – Quand on refuse de me livrer certains renseignements, je n’en suis que plus déterminé à découvrir la vérité. Je déteste rester dans l’ignorance. Pour moi, une question sans réponse est une épine dans le pied qui me torture au moindre mouvement tant que je ne l’ai pas enlevée.
– Je compatis.
– Pourquoi ?
– Parce que tu dois souffrir mille morts en permanence. La vie est un océan de questions sans réponse. »

(Tome 3, Brisingr)

« Eragon se passa une main dans les cheveux. Il se sentait vidé :
« Pourquoi tout est-il si difficile ? »
« Parce que tout le monde veut manger, mais personne ne veut être mangé. »
 »

(Tome 4, L’Héritage)

« Ne pas se faire quelques ennemis de temps en temps, c’est de la lâcheté ou de l’hypocrisie. »
(Tome 4, L’Héritage)

L’Héritage, 4 tomes, Christopher Paolini. Bayard jeunesse, 2004-2012 (2003-2011 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Delcourt et Marie-Hélène Delval.
– Tome 1, Eragon, 2004 (2003 pour l’édition originale), 698 pages
– Tome 2, L’Aîné, 2006 (2005 pour l’édition originale), 808 pages
– Tome 3, Brisingr, 2009 (2008 pour l’édition originale), 826 pages
– Tome 4, L’Héritage, 2012 (2011 pour l’édition originale), 902 pages

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6 réflexions au sujet de « L’Héritage (4 tomes), de Christopher Paolini (2003-2011) »

  1. J’ai lu cette saga quand j’étais ado et j’avais beaucoup aimé, malgré les nombreuse critiques. En effet, c’est pas la saga la plus originale du monde, mais les livres sont quand même très sympa. L’adaptation cinématographique est la pire que j’ai jamais vu par contre, quelle déception !
    Sinon les sagas qui ont rythmé mon enfance sont les mêmes que toi (HP, à la croisée des mondes, La quête d’Ewilan) donc on doit avoir à peu près le même âge ^^

    • C’est ça, ça ne révolutionne pas le genre, mais on peut quand même facilement se laisser embarquer !
      Totalement d’accord pour le film. Comme pour l’adaptation des Royaumes du nord d’ailleurs. Une catastrophe, ces films !
      D’après ta page « à propos », tu as quelques années de plus que moi, mais on est dans la même génération !

  2. J’ai lu le premier tome quand j’étais au lycée si je ne dis pas de bêtises, et je me souviens avoir énormément accroché, assez pour avoir acheté le second tome en VO dans une édition sublime avec les bords des pages rouges… Et je ne l’ai jamais lu x) Je ne saurais même pas dire pourquoi en plus x)
    Ton avis est vraiment chouette, comme d’habitude, j’aime bien que tu conviennes qu’il y ait des facilités ou que sais-je mais que ça ne t’a pas empêché d’aimer ta lecture =)
    Faudrait que je m’y remette un jour, allez, motivation Plouf !

    • Peut-être parce qu’il était en VO ? ^^
      Difficile de passer outre ces facilités, mais l’auteur n’avait quand même que quinze ans à l’époque du premier volume, je pense que c’est normal de s’inspirer des auteurs qu’on aime à cet âge-là. Et il a quand même réussi à camper des personnages intéressants, à proposer une vision des dragons irrésistibles, donc c’était chouette quand même !
      Bon courage ! ^^

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