L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman (2014)

L'océan au bout du chemin (couverture)J’avais beaucoup aimé Neverwhere, mais j’ai totalement adoré L’océan au bout du chemin. Quinze ans séparant ces deux ouvrages – le premier datant de la fin des années 1990 et le second de 2013 –, il a sûrement gagné en maturité et en qualité d’écriture.

Le narrateur, devenu adulte, revient auprès de la maison de son enfance à l’occasion d’un enterrement. Et là, il se souvient. Il se souvient de ses sept ans, il se souvient de l’étrange petite Lettie Hempstock, il se souvient de la voiture abandonnée sur le sentier et du mort à l’intérieur, il se souvient de toutes les choses extraordinaires et effroyables qu’il avait alors vécues.

« Si vous m’aviez posé la question une heure plus tôt, j’aurais répondu que non, je ne me rappelais pas ce sentier. Je ne crois même pas que je me serais souvenu du nom de Lettie Hempstock. Mais, debout dans  ce vestibule, tout me revenait. Des souvenirs attendaient à la lisière des choses, pour me faire signe. Vous m’auriez déclaré que j’avais à nouveau sept ans, j’aurais pu vous croire à moitié, un instant. »

Le talent de conteur de Neil Gaiman fait son office et on se retrouve peu à peu totalement immergé dans cette histoire, dans cet univers (comme lorsqu’il crée la Londres d’En Bas de Neverwhere). Dans L’océan au bout du chemin, il crée une atmosphère sombre dès le début avec ce suicide. Puis arrive Ursula Monkton…

Ursula Monkton est une gouvernante embauchée par ses parents, mais le narrateur ne se laisse pas tromper comme tout le reste de sa famille : Ursula Monkton n’est pas ce qu’elle dit, ce qu’elle semble être. Elle est manipulatrice, elle est maléfique. Elle est le Mal. Et elle m’a tout simplement angoissée. Sa fausse gentillesse va bien entendu se craqueler et laisser apparaître un personnage parfaitement flippant. (Ce qui rappelle l’autre mère dans Coraline.) D’autres créatures monstrueuses et impitoyables feront leur apparition mais Ursula reste la pire d’entre eux.

Evidemment, les parents du narrateur sont aveugles tandis que lui n’a pas encore fermé son esprit et ses yeux aux choses étranges. Il accepte cet extraordinaire qui vient menacer son monde. Heureusement, il n’est pas tout seul : il a la famille Hempstock. Lettie tout d’abord, puis la mère de celle-ci prénommée Ginnie, et enfin Mémé Hempstock.

Un roman envoûtant et magique, dans un nouvel univers dans lequel se côtoient les pires et les meilleurs sentiments, la cruauté et la tendresse, la mort et l’amitié…

« Les souvenirs d’enfance sont parfois enfouis et masqués sous ce qui advient par la suite, comme des jouets d’enfance oubliés au fond d’un placard encombré d’adulte, mais on ne les perd jamais pour de bon. »

« Je me suis allongé sur le lit et perdu dans les histoires. Ça me plaisait. Il y avait plus de sécurité dans les livres qu’avec les gens, de toute façon. »

« Les adultes suivent les sentiers tracés. Les enfants explorent. Les adultes se contentent de parcourir le même trajet, des centaines, des milliers de fois ; peut-être l’idée ne leur est-elle jamais venue de quitter ces sentiers, de ramper sous les rhododendrons, de découvrir les espaces entre les barrières. J’étais un enfant, ce qui signifiait que je connaissais une douzaine de façons de quitter notre propriété et d’atteindre le chemin, des parcours qui n’exigeaient pas d’emprunter notre allée. »

« Personne ressemble vraiment à ce qu’il est réellement à l’intérieur. Ni toi. Ni moi. Les gens sont beaucoup plus compliqués que ça. C’est vrai pour tout le monde. »

« L’enfance ne me manque pas, mais me manque cette façon que j’avais de prendre plaisir aux petites choses, alors même que de plus vastes s’effondraient. Je ne pouvais pas contrôler le monde où je vivais, garder mes distances avec les choses, les gens ou les moments qui faisaient mal, mais je puisais de la joie dans les choses qui me rendaient heureux. »

L’océan au bout du chemin, Neil Gaiman. Au diable vauvert, 2014 (2013 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais par Patrick Marcel. 314 pages.

Une réflexion au sujet de « L’océan au bout du chemin, de Neil Gaiman (2014) »

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