Galatea, de Madeline Miller (2013)

Galatea (couverture)Quel plaisir de retrouver Madeline Miller qui m’avait totalement séduite avec Circé et Le chant d’Achille. Nous sommes ici sur un format beaucoup plus court, une nouvelle de cinquante pages à peine pour revisiter le mythe de Galatée, sculptée et aimée par Pygmalion, éveillée par Aphrodite. Une histoire romantique, vraiment ?

Madeline Miller souligne le sexisme du mythe et fait de Pygmalion un homme dominateur, obsédé par la pureté et une certaine image de la femme idéale. Dégoûté par toutes les autres femmes, il sculpte en Galatée – qu’elle soit pierre ou chair – une féminité « parfaite » qui, bien évidemment, nie tous les désirs, les volontés, le libre arbitre de sa femme (sans parler de ses éventuelles « imperfections » physiques). Il vit dans un monde fantasmé qu’il plie à son seul désir, à sa conception de « la femme », et utilise son argent et son statut social pour payer les médecins et infirmières aptes à garder Galatée sous clef, ce qui n’est pas sans rappeler ces femmes internées sous des prétextes fallacieux. Bien qu’il apparaisse comme totalement ridicule dans la scène qu’il se joue avant chaque rapport, il est l’image d’une relation affreusement toxique et nauséabonde.

Galatea est – par le biais du titre – la seule nommée, avec sa fille Paphos, tandis que Pygmalion est privé de son nom ; Miller renverse le mythe tel que raconté par Ovide qui ne prénomme que le sculpteur et réduit Galatée à son statut de « femme ».
Cette héroïne se révèle étonnante. Poignante évidemment, mais également pleine d’humour grâce à la tonalité décalée avec laquelle elle raconte les faits, avec précision, détachement et franchise. Malgré l’emprise que Pygmalion exerce sur elle, elle conserve et fait entendre sa voix, une voix qu’il lui est propre et qui concourt à l’efficacité de ce texte en dépit de sa brièveté.

L’autrice adopte un point de vue plus actuel que dans ses deux autres romans, mais il s’est révélé terriblement incisif et percutant. Un sans-faute qui achève de me convaincre que Madeline Miller est une conteuse d’exception.

« He is a man who likes white, smooth surfaces. »

« The thing is, I don’t think my husband expected me to be able to talk. I don’t blame him for this exactly, since he had known me only as a statue, pure and beautiful and yielding to his art. Naturally, when he wished me to live, that’s what he wanted still, only warm so that he might fuck me. But it does seem foolish that he didn’t think it through, how I could not both live and still be a statue. I have only been born for eleven years, and even I know that. »

Galatea, Madeline Miller. Bloomsbury, 2022 (2013 pour la première édition). 56 pages. En anglais.

10 réflexions au sujet de « Galatea, de Madeline Miller (2013) »

  1. J’avais beaucoup aimé « Circé » et je m’étais justement notée « Galatée » dans ma liste d’envies. Ta chronique me donne encore plus envie de découvrir cette nouvelle et la réécriture du mythe 🙂

Laisser un commentaire