Proxima du Centaure, de Claire Castillon (2018)

Proxima du Centaure (couverture)Apothéose… Apothéose est unique et occupe toutes les pensées de Wilco. Tous les matins, il la regarde passer sous sa fenêtre jusqu’à ce matin où, pour la voir quelques secondes de plus, il se penche un peu trop. Et il tombe.

Je ne connaissais pas du tout le sujet du livre car, pour une fois, le résumé est extrêmement succinct et ne dévoile pas tout de l’histoire. (Et en plus, j’ai à mon habitude survolé le résumé. Même s’il ne fait que deux lignes, oui.) J’ai donc été surprise lorsque j’ai compris ce qu’il en était car c’est bien la première fois que je rencontre le sujet de la tétraplégie – du moins aussi directement – dans la littérature de fiction (quel que soit le public visé).

Immobilisé dans la coque qui protège son corps brisé, Wilco nous livre un long monologue. 222 pages dans la tête de cet adolescent, témoin muet des disputes avec les médecins focalisés sur l’hypothèse du suicide, des tâtonnements de ses parents pour rendre son quotidien le plus confortable possible et des espoirs désespérés de sa grande sœur.
Enfermé dans son esprit, il ressuscite des souvenirs de son enfance et se fait observateur, commentateur. Il contemple l’amour de ses parents et remarque mille détails auquel il n’aurait pas prêté attention s’il était toujours valide, il étudie les craintes, les convictions, les rituels et les embarras des proches qui se succèdent autour de son lit d’hôpital, il se souvient d’un voisin solitaire dont les manies ne lui semblent plus si absurdes. Isolé de tous, il devient plus compréhensif et plus proche des gens qui l’entourent.

Cependant, c’est dans son imagination qu’il se retire le plus : « Personne ne peut savoir le monde qui se déploie dans mes parois. » Puisque son corps ne répond plus, c’est en pensée qu’il s’évade quotidiennement. Il imagine ce qui se passe dans sa famille lorsqu’elle n’est pas avec lui, ce que fait Vadim son meilleur ami. Et surtout ce que vit Apothéose. Une Apothéose qui l’aimerait comme il l’aime, qui penserait à lui comme il pense à elle. Des rêves déchirants pour combattre la solitude.

Entre poésie et humour, entre rêve et réalité, Proxima du Centaure est un texte à la fois très beau et très triste, mais en même positif et sans la moindre lamentation. En quelques mots, Claire Castillon croque des personnages d’une humanité et d’une justesse folle que l’on aura tous pu côtoyer un jour ou l’autre. Un roman bouleversant sur la difficulté de communiquer et sur la séparation, mais aussi sur l’amour, y compris celui qui unit les frères et les sœurs, les enfants et les parents. Une perle totalement atypique !

« Je l’appelle Apothéose, et ce mot contient elle et moi, les ondes qui chargent l’air dès qu’elle entre dans mon champ de vision, mes organes qui se diluent quand elle s’éloigne et ceux qui se coagulent quand elle approche. Ses lunettes sont la partie de son corps que je préfère. Elles l’agrandissent. Elles la recadrent. C’est un plomb dans ma tête cette fille, une cymbale, deux, et boum, et boum, dit ma mère. Boum et boum, répète-t-elle. En deux temps. Puis, comme d’habitude, elle ajoute :
– En plus, il était huit heures sept, l’heure de sa naissance à six minutes près. »

Proxima du Centaure, Claire Castillon. Flammarion jeunesse, 2018. 222 pages.

Challenge Voix d’autrices : un roman écrit à la première personne

20 réflexions au sujet de « Proxima du Centaure, de Claire Castillon (2018) »

    • En ce qui me concerne, j’adore la littérature jeunesse que je trouve très riche et très belle et je vais souvent farfouiller dans ce rayon, mais je me suis fait la réflexion que beaucoup d’adultes qui ne prêtent pas attention à cette littérature vont passer à côté alors que ce livre a clairement les moyens de séduire tous les publics. Je recommande !

      • Oh ça ne veut pas dire. Je pense que justement, il sera bien mis en valeur, mais je vois ce que tu veux dire :). Mais j’apprécie les efforts qu’elle fait ces derniers temps pour apporter de nouvelles idées. J’en lis très peu, voir pas du tout. Et a chaque fois je reprochais de trop grandes facilités et des personnages souvent clichés. Peut-être que celui-ci arrivera à me faire changer d’avis ^^. En tout cas, je suis une curieuse naturelle, donc je ne resterais pas sur des échecs. Merci pour ton retour en tout cas 😀

        • Oui, mais même mis en valeur, il y aura des adultes qui, puisque c’est marqué Flammarion jeunesse, se diront que non ce n’est pas pour eux. J’en ai déjà rencontré, des bornés ! ^^ Mais j’espère qu’il trouvera son public, jeune ou plus âgé, c’est un excellent roman.

  1. C’est marrant, déjà au titre j’avais eu envie de le lire ! Et ta chronique ne fait que me donner encore plus envie de me précipiter chez mon libraiiire !
    Je trouve ça très beau comme tu en parles d’ailleurs ! =)
    J’espère que j’aimerai autant que toi ! =)

    • Le titre est très poétique, je trouve, et il sonne bien. Je l’aime beaucoup.
      Merci beaucoup en tout cas ! ♥ J’espère qu’il te plaira ! (et que tu reviendras me dire ce que tu en as pensé ! 🙂 )

  2. Waouh, merci pour la découverte, je n’en avais pas du tout entendu parler, mais maintenant il est bien noté et dès que j’en ai l’occasion je le lirai 🙂 C’est tout à fait le genre de roman jeunesse que j’aime, car il est susceptible de parler à un public très large vu le ton qu’il a l’air d’adopter 😉

  3. Celui-là fera certainement partie de mes prochains achats : son titre m’avait attirée en premier lieu, et quand j’ai compris, au travers de plusieurs chroniques, le sujet dont il est question (rarement vu, c’est vrai), je me suis dit que je devais sauter dessus ! Ton avis me conforte dans mon envie d’achat du coup 😉

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  5. J’ai lu les deux premiers paragraphe et la première phrase du suivant, à peu près. Je me suis arrêtée pour me dire « ok c’est bon je veux pas en savoir plus » pour le rajouter à ma liste d’envie. L’argument de découvrir un personnage tétraplégique, chose qui ne m’est encore jamais arrivée dans un roman – comme toi jusqu’à ce titre – m’a suffit pour me dire que ça pouvait peut-être promettre de grandes choses, ou en tout cas, sortir des sentiers battus. Puis je ne sais plus où j’ai entendu le titre mais il me tentait pas mal ( peut-être chez Lemon June ? Sans assurance. )
    Si j’y pense ( mais je risque de zapper ) et que je ne mets pas un milliard d’année pour le lire (hahum) je reviendrais lire ton avis pour savoir ce que tu en as pensé plus en détails!

    • Oui, je comprends, je fais pareil : je ne lis pas en entier, ou je survole rapidement, les articles qui parlent de livres que je compte lire pour y revenir plus tard, une fois la lecture achevée et mon avis fait. C’est pour ça que j’ai ton article sur Lolita dans mes favoris depuis une éternité !
      Clairement, il devrait te faire sortir des sentiers battus. Et même s’il parle de thématiques déjà vues – la tétraplégie mise à part -, le point de vue est si original et c’est si bien traité qu’on ne se lasse absolument pas.
      Je connais ça, je dis tout le temps que je veux lire tel ou tel livre mais il y en a tant que ça me prend souvent une éternité avant de me décider. De toute façon, si tu en parles sur ton blog, c’est moi qui viendrai voir ce que tu en as pensé ! 🙂

      • Oh mais, je suis flattée, merci ! Et en même temps je suis assez effrayée, ça a été l’article très controversé du blog où a priori je n’aurais pas pigé le livre donc… ^^’
        Vu ce que tu en dis je pense que si je viens à le lire, j’en parlerais par ici. c: Mais tu mets l’eau à la bouche en en parlant !

        • Ah bon ? Ça me fera un autre point de vue (ou peut-être que je partagerai le tien). De toute façon, Lolita est assez controversé, non ? Enfin, je ne sais pas, et je veux d’abord lire le livre et me faire mon avis quitte à le faire évoluer par la suite !

          Tant mieux ! 🙂

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