Bottomless Belly Button (Nombril sans fond), de Dash Shaw (2008)

Bottomless Belly ButtonQuand j’ai feuilleté ce pavé graphique (6 cm, mine de rien, ça fait quelques pages !) pour la première fois, son contenu m’a paru tout à fait décousu, voire absurde. Il y avait des planches de six cases, des pages avec une seule case montrant du sable. Il ne me semblait pas qu’il s’agissait d’une histoire habituelle avec des personnages, une intrigue, etc. Tout cela semblait très flou. En plus, une sorte de grenouille anthropomorphe se promenait tout au long du bouquin. Bizarre.
Et en fait, pas du tout. C’est l’histoire d’une famille avec des personnages au caractère bien distinct. L’histoire de la famille Loony. Maggie et Patrick ont trois enfants : Dennis, Claire et Peter. Quarante and plus tard, Dennis, marié à Aki, a un fils, Alex et Claire a une fille, Jill. Tout ce petit monde se réunit pour une semaine car Maggie et Patrick ont une déclaration : ils vont divorcer.

Loony signifie cinglé, dingo. (Souvenez-vous : Loony Lovegood – Loufoca Lovegood en français – est le surnom donné à Luna dans Harry Potter !)
Pourtant, les Loony sont une famille comme les autres. Pas plus cinglée. Elle connaît simplement une absurdité dans sa monotonie. Toutes les familles sont un peu cinglées sans doute. Ses membres ont leurs peines, leurs joies, leurs solitudes, leurs amours… Il dépeint les sentiments avec justesse.
La présence d’une grenouille devient parfaitement claire pour illustrer la distance entre Peter et le reste de sa famille qui ne le comprend pas vraiment. On alterne entre les différents personnages qui vivent parfois chacun de leur côté, mais qui finissent par se rapprocher du fait de la séparation des parents. On découvre un album photo, des lettres d’amour. (Parfois cryptées, l’une d’entre elle m’a demandé un certain temps pour en découvrir le message !).

Le trait, couleur sable, est extrêmement fin et il nous fait rentrer dans les moindres détails malgré un dessin minimaliste. Les illustrations nous permettent de rentrer dans une histoire parfois bien efficacement que par des mots. L’auteur prend le temps de montrer des grains de poussière qui volent au soleil, un genou qui bouge, le sable sous toutes ses formes. Par un mot ou une flèche, il souligne un geste. Il dessine même ce que l’on sent au toucher dans le noir, le vent. Il utilise une palette d’expressions. C’est extraordinairement réaliste.

Un roman graphique très sensible et plein d’humour.

« – Je veux le menu complet: un père fort, une mère attentive, des frères et sœurs solidaires, de l’amour, tout le tralala.
– Euh, finalement, apportez-moi un peu de tout et je ferai des mélanges. Avant, je voulais être amie avec ma mère, mais j’ai changé d’avis.
– Pour moi, ce sera une enfance plus ou moins stable, avec un soupçon de père distant. A emporter. »

« Je suis le cliché du petit dernier qui ne trouve pas sa place. Ma famille me considère comme une espèce de grenouille étrange et idiote. »

Bottomless Belly Button (Nombril sans fond), Dash Shaw. Ça et là, 2008 (2008 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sidonie Van den Dries. 720 pages.

Laisser un commentaire