L’histoire d’un théâtre pas comme les autres. Dirigés par un metteur en scène tyrannique (ce qui peut être comme dans les autres théâtres…), ses comédiens sont un jeune homme à la tête vitriolée enveloppée de bandages, un épouvantail harcelé par ses corbeaux, un étudiant décapité, des zombies et une jeune femme sans papiers et vivante autour de laquelle tourne un loup-garou un peu mélancolique.
Cinq histoires, cinq chapitres de leur vie quotidienne.
Sur la couverture rouge vif, deux yeux nous regardent comme ceux des crânes qui clôturent chaque chapitre. Décor, protagonistes et couleurs sont annoncés. Car tout est en noir et rouge dans ce grand livre qui joue sur d’étranges duos. Car ces histoires sont à la fois comiques et tragiques, la mort se mêle à la vie, des tableaux morbides mais érotiques se dessinent peu à peu. La mort d’un corps n’entraîne pas celle des sentiments et Elena déchaîne certaines passions.
Les morts, les bizarres, les exclus, comme tout un chacun, sont la proie d’obsessions et de désir. Chez Alexandre Kha, même les vivants ressemblent à des défunts. Que ce soit la face osseuse du propriétaire de l’épouvantail avant la fugue de celui-ci ou les grands yeux noirs d’Elena, noirs comme les trous des orbites d’un crâne, l’ombre de la mort passe déjà sur leur visage.
Le format est très classique, or je m’attendais à quelque chose de plus inédit dans la forme, et le contenu, original certes, a peiné à me convaincre. Les personnages sont dignes de Tim Burton que ce soient les monstres attachants et sensibles ou la jeune femme au tient diaphane et cette ambiance de nuit, de sang et de sensualité avait tout pour me plaire, mais je n’ai pas été vraiment embarquée.
Avec un côté Grand-Guignol, théâtre parisien qui faisait frissonner les dames avec des pièces macabres et sanglantes, Alexandre Kha nous propose une visite dans un univers décalé qui ne manque pas de poésie malgré la présence de tripes, de sang et d’orbites creuses.
Un ouvrage sympathique, sensible, au trait fin très agréable, mais qui ne me marquera pas pour très longtemps.
Une mention spéciale pour l’une des dernières pages (page 115 exactement) qui rend hommage sur un cri d’Elena au peintre Edvard Munch en reprenant plusieurs tableaux : Cendres, Le baiser sur la plage au clair de lune, Le Cri, Le Printemps, La Puberté, Le jour d’après, Héritage (et, pour l’une des premières cases, peut-être – je ne suis pas sûre de moi pour ceux-là – Le Désespoir ou Soirée sur l’avenue Karl Johan). Un artiste que j’aime beaucoup, j’ai immédiatement reconnu le pastiche.
Pour redécouvrir le Grand-Guignol, je vous conseille de découvrir l’excellente compagnie des Femmes à Barbes qui propose dans son nouveau spectacle d’improvisation, Le Grand Frisson, de revisiter ce genre en impliquant toujours le public.
« La vie est un cauchemar où chacun occupe son rôle. »
« Tétanisés par le cri le plus effroyable qu’une oreille humaine puisse entendre, les spectateurs regagnent la ville, hagards. Ils déambulent… Le cri d’Elena résonne en eux, réveillant démons enfouis et vils instincts. Certains se dévorent au clair de lune. D’autres sombrent dans la folie et s’enferment chez eux, hantés par ce cri ancestral. Sur cette note un peu stridente, s’achève ainsi l’extravagante aventure du théâtre d’épouvante. »
Les nuits rouges du théâtre d’épouvante, Alexandre Kha. Editions Tanibis, 2014. 120 pages.