Le Grand Méchant Renard, de Benjamin Renner (2015) et son adaptation en film d’animation (2016)

Le Grand Méchant Renard (couverture)Le renard est un habitué de la ferme. Il entre, salue le chien, le cochon et le lapin, tente de manger la poule, se prend une raclée par cette dernière et repart avec des navets faute de poulet pour son repas. Inspiré par le loup, il met au point un plan : voler des œufs pour élever les poussins jusqu’à ce qu’ils soient prêts à être mangés.
Mais évidemment, on se doute bien que son plan va tomber à l’eau comme tous les autres. Sinon, pas d’histoire et, surtout, pas d’humour.

Car l’humour est bien le point fort de cette bande dessinée. Elle est hilarante par les situations, les dialogues parfois caustiques, les personnages… avec en tête ce pauvre renard que l’on ne peut s’empêcher de prendre un peu en pitié tant il échoue dans toutes ses entreprises. La pauvre bête en voit de toutes les couleurs, humilié par tous les animaux, martyrisé par trois poussins trop aimants et trop dynamiques.
Mais son cœur de papa poule fond malgré tout devant ses trois terreurs et, avouons-le, nous aussi. Leur relation est touchante, pleine de taquineries et d’amour. Le renard se montrera prêt à tout pour les protéger du loup (qui, lui, est un vrai Grand Méchant). Sans oublier de se protéger lui-même de la poule et de son club d’extermination des renards ! Ce qui nous donnera de nouvelles occasions de rire de ses déboires.

Les aquarelles sont toutes douces et toutes jolies. Les protagonistes sont tous très expressifs, ce qui contribue à l’excellence de la BD. J’ai beaucoup apprécié le trait de Benjamin Renner. Les délicates petites vignettes, sans aucun détail superflu, donnent un aspect très léger et aéré à la bande dessinée. Le résultat : les pages tournent toutes seules et l’on dévore l’ouvrage sans s’en rendre compte.

Le Grand Méchant Renard est un véritable coup de cœur tant pour son scénario que pour son dessin. Oscillant entre humour et tendresse, c’est une bande dessinée originale et adorable, à mettre entre toutes les mains.

Le Grand Méchant Renard (extrait)

Et le film d’animation alors ?

Le grand méchant renard (affiche)Après avoir relu et adoré la BD, je suis allée découvrir l’adaptation cinématographique par Benjamin Renner et Patrick Imbert. Et autant vous le dire tout de suite, je suis déçue. Dans ce film d’animation, le rideau du théâtre de la ferme s’ouvre trois fois pour nous raconter trois histoires : « Un bébé à livrer », « Le Grand Méchant Renard » et « Il faut sauver Noël » (un choix peut-être étrange vu la saison, mais pourquoi pas…).

Parlons tout d’abord de la seconde qui reprend le scénario de la bande dessinée et sur laquelle se focalisait toutes mes attentes. Si les éléments et les rebondissements principaux sont bien là, je n’ai pu que constater que certaines coupes avaient été effectuées dans les dialogues notamment. Logique, allez-vous me dire, on pouvait s’y attendre. Certes, mais je ne m’attendais pas à ce que tous les passages les plus drôles à mon goût disparaissent. Le résultat est bien moins humoristique et moins fin que la bande dessinée. Idem pour certaines scènes trop mignonnes entre les poussins et leur mère adoptive. Dommage…
Quant aux deux autres histoires qui tournent autour des personnages du cochon, du lapin et du canard, elles sont assez bateau et je dois reconnaître ne pas avoir été touchée du tout. Disons que je pense que le public visé est quand même un public très jeune.

En revanche, l’animation est plutôt jolie surtout pour les paysages en aquarelle que j’ai adorés et d’ailleurs préférés aux personnages. Une remarque à ce propos sur l’apparence des poussins, bien moins mignons que dans la BD (mais peut-être plus facile à animer avec leur nouveau physique lorsqu’ils sont plus grands ?).

Voilà, une déception donc. Il est peut-être préférable de le découvrir lorsque l’on a aucune attente grâce à la BD.

Le grand méchant renard 2

Le Grand Méchant Renard, Benjamin Renner. Editions Delcourt, collection Shampooing, 2015. 189 pages.

Orignal, par Max de Radiguès (2013)

OrignalOrignal est ce qui s’appelle une claque. Juste une claque.

Je l’avais demandé pendant une opération Masse Critique BD sur Babelio, mais, n’ayant pas été sélectionnée, j’ai décidé de l’acheter. J’avais simplement parcouru le résumé puisque je fonctionne surtout à l’intuition, donc je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait.

Je n’ai pu empêcher College Boy d’Indochine et son clip réalisé par Xavier Dolan de tourner en boucle dans ma tête au cours de ma lecture. Il y a beaucoup de choses dans cette histoire. Comment en parler sans tout révéler ? Harcèlement à l’école, humiliations et violence physique, souffrance dissimulée aux parents, aux professeurs et au monde entier, aide souvent rejetée de peur des représailles et bandeaux sur les yeux. D’autres sujets importants, l’homosexualité et les conséquences terribles nées de l’intolérance. Pas besoin de mots, les paroles sont minoritaires par rapport aux dessins, mais l’histoire en gagne en force tout en mettant le lecteur dans une position pas toujours confortable, un peu voyeuriste.

La fin n’est pas simple selon moi. Elle est perturbante, gênante. Je me suis sentie partagée. Je ne peux pas en dire plus sans la dévoiler, mais il s’agit selon moi d’une bonne fin car elle n’est pas évidente, ou toute faite, ou totalement prévisible.

Une bande dessinée complexe, grave, bouleversante, percutante…

Cela n’est pas visible au premier abord, lorsque l’on ouvre le livre pour la première fois. Pas de couleurs, des traits simples, un format des cases quasi uniforme (trois fois deux cases) à quelques exceptions près. Mais ces illustrations servent parfaitement l’histoire qui est relatée. Les moments passés en forêt, seul, sont teintés de lenteur, de beauté et de solennité. La rencontre avec l’orignal, mais aussi celles avec la chouette ou le lièvre sont bien les seuls instants de paix dans ce récit pour Joe, le personnage principal, mais aussi pour le lecteur. De plus, cette absence de couleur rend parfaitement la neige, la nuit, et, dans un sens, la solitude.

Max de Radiguès mêle dans un même temps simplicité (du dessin) et complexité (de l’histoire, de la vie), violence et poésie,  laideur et beauté.

Décidémment, je ne regrette pas mon achat : cette bande dessinée est décidément un coup au cœur et un coup de cœur.

Orignal, Max de Radiguès. Delcourt, coll. Shampooing, 2013. 151 pages.