Famille (presque) zéro déchet : ze guide, de Jérémie Pichon et Bénédicte Moret (2016)

Famille (presque) zéro déchet (couverture)Voilà une petite chronique sur un livre dont j’ai parlé lors du premier « C’est le 1er, je balance tout » : il s’agit donc de Famille (presque) zéro déchet. De quoi ça parle ? Sans surprise, de ce mode de vie qu’est le zéro déchet.

Plus de 350 kg de déchets par an et par Français, des continents d’ordures qui dérivent dans les océans, beaucoup trop d’espèces animales éteintes ou en voie de disparition, des publicités partout qui poussent toujours plus à la consommation, des légumes ou de la viande qui parcourent des kilomètres avant d’arriver dans notre assiette… Le bilan n’est pas joyeux et pourtant chacun peut agir et protester à son humble mesure. Consommer local, acheter en vrac, privilégier les primeurs et les bouchers aux produits des supermarchés, fabriquer ses produits d’entretien… Tout ça, c’est possible ! Et en prime, outre aider la planète, on préserve sa santé, on réduit son porte-monnaie et les aliments auront plus de goût.

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Après avoir partagé leur expérience sur le blog Famille (presque) zéro déchet, Jérémie Pichon, Bénédicte Moret et leurs deux enfants se sont lancés dans l’édition de ce livre très complet et passionnant.

J’ai été complètement séduite à la fois par le guide et par ce mode de consommation plus responsable. Je pense que, pour une initiation au zéro déchet, le guide de Jérémie Pichon et Bénédicte Moret est tout simplement parfait.

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Il est tout d’abord vraiment motivant et engageant car il présente les choses simplement : grâce à eux, devenir zéro déchet ne semble pas être un défi irréalisable. Divisé en plusieurs sections (courses, cuisine, hygiène de la maison et du corps, enfants, etc.), il donne plein de solutions et d’alternatives pour tous les moments du quotidien : recettes, conseils, exemples, adresses web…

De plus, le discours n’est absolument pas moralisateur et nous sommes rassurés tout au long du livre : il ne faut pas s’accabler de reproches parce qu’on a eu un coup de mou, il ne faut pas chercher à tout changer en même temps car on risque d’être rapidement débordé et donc découragé, etc. Bref, il faut être indulgent envers soi-même ! Après tout, Jérémie Pichon et Bénédicte Moret savent de quoi ils parlent puisqu’ils sont passés par là eux aussi.

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Il reste également très instructif et révèle certains éléments peu rassurants : coût du traitement des déchets, composition des produits ménagers ou de ceux dits de beauté, devenir des ordures non recyclables… Cela dit, ces explications ne sont jamais pesantes et on ne se noie pas dans des listes de chiffres ou de composants chimiques incompréhensibles. En bref, il est très pédagogique.

De plus, les illustrations de Bénédicte Moret, alias Bloutouf, sont rigolotes  et apportent de la couleur et de la gaieté à l’ouvrage. Et c’est bien comme ça – avec bonne humeur – qu’il faut adopter ce mode de vie.

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Famille (presque) zéro déchet : un super guide qui déculpabilise, qui fait rire et qui motive ! Je vous le conseille car il est très instructif et présente ce mode de vie de façon particulièrement abordable et stimulante.

Il existe également un guide tout spécialement pour les enfants : Les Zenfants (presque) zéro déchet : ze mission. Les explications, richement illustrées, sont percutantes et les conseils simples peuvent facilement être mis en oeuvre avec un peu de motivation. C’est un livre à mettre entre les mains de vos enfants à partir de 8 ans pour qu’ils puissent à leur tour être acteur et sauver la planète aux côtés de Compostman, Greengirl et autres héros du quotidien. Avec ce guide qui leur est tout spécialement dédié, les enfants peuvent enfin concrètement agir avec leurs parents.

Les Zenfants (presque) zéro déchet (couverture)

« Le mot le plus important à coller à ce bilan est REFUSER. Refuser de se faire emballer, suremballer. Refuser un système qui dégénère, nous coûte cher et hypothèque les chances de nos enfants à vivre aussi bien que nous ou nos parents. Refuser de brûler des déchets organiques. Refuser un sac plastique. Refuser de faire comme les autres. Refuser est le début du changement. Refuser, c’est renoncer. Mais franchement, on s’en fout royalement de ne plus manger de chips en sachet à l’apéro. Bien au contraire. »

 « Faisons le point. La surface de la Terre est de 510 millions de km2, à 7 milliards d’individus, cela nous laisse en théorie 7,6 ha de surfaces bioproductives disponibles pour chacun. Retirons du compte les océans, la Sibérie et autres déserts inhabitables, ce chiffre passe à 1,7 ha. Que l’on doit partager avec l’ensemble des autres êtres vivants (oiseaux, mammifères…) et les forêts.
A l’heure actuelle, nous consommons plus que ces 1,7 ha d’espaces productifs. C’est-à-dire plus que ce que la Terre peut nous donner et cela ne lui laisse pas le temps nécessaire pour se régénérer. Nous épuisons nos ressources. Chaque année, nous vivons à crédit à partir du mois de juillet environ. »                  

« Le problème du monde c’est que les personnes intelligentes sont pleines de doutes, alors que les personnes stupides sont pleines de certitudes. »
Charles Bukowski

Famille (presque) zéro déchet : ze guide, Jérémie Pichon et Bénédicte Moret. Editions Thierry Souccar, 2016. 256 pages.

Les Zenfants (presque) zéro déchet : ze mission, Jérémie Pichon et Bénédicte Moret. Editions Thierry Souccar, 2016. 96 pages.

Le combat ordinaire (intégrale), de Manu Larcenet (2015)

Le combat ordinaire - intégrale (couverture)Le combat ordinaire, à l’origine, ce sont quatre tomes publiés entre 2003 et 2008 : Le combat ordinaire, Les quantités négligeables, Ce qui est précieux et Planter des clous.

Dans les années 2000, Marco quitte tout. La région parisienne, son psy, son boulot de photographe. A 600 km de là, à Chazay, il essaie de faire le point, de retrouver un sens à la vie et de gérer ses crises d’angoisse. Autour de lui, sa mère et son père – qui perd peu à peu la mémoire –, son frère et complice de toujours, Adolf son chat caractériel, et bientôt Emilie qui va bousculer sa petite routine quotidienne.

C’est une histoire qui parle de détresse, de peurs, de la mocheté de la vie et des hommes, mais aussi du bonheur, de l’amour, de la famille (dans toute sa complexité). Sur le temps qui passe pour le meilleur comme pour le pire.
Et le dessin de Manu Larcenet exprime tout cela à merveille. On se projette sans peine dans ses planches, tant les personnages sont expressifs, que ce soit dans la joie, dans la tristesse, dans le doute, la colère ou la peur. Les crises d’angoisse de Marco sont terribles, on ressent parfaitement la violence de ces moments.

Le combat ordinaire, c’est une BD sublime. C’est drôle, tendre, violent, triste. C’est réaliste et totalement universel. Simple et compliqué à la fois, c’est tout bonnement la vie, disséquée par le trait précis et attendrissant de Manu Larcenet. Mélancolique, humaine, légère et grave… voilà une BD pas si ordinaire.

« Mes histoires d’amour m’ont montré que j’aime la solitude. J’ai toujours été fasciné par l’absence, tant la présence m’ennuie. »

« La vie nous donne beaucoup. Nous ne comprenons pas parce que nous avons obstinément appris à nous contenter de peu. »

Le combat ordinaire (intégrale), Manu Larcenet. Dargaud, 2015. 246 pages.

Les crocodiles, témoignages mis en dessins par Thomas Mathieu (2014)

Les crocodiles (couverture)Tout d’abord un Tumblr, le Projet Crocodiles consiste à mettre en images des témoignages de femmes sur des « histoires de harcèlement et de sexisme ordinaire ». La BD est un regroupement de ces planches, augmentée de quelques conseils pour éviter ou affronter ses situations que l’on soit victime, agresseur ou témoins. Quelques textes de personnes impliquées dans la lutte contre le harcèlement apportent un éclairage supplémentaire sur le choix de dessiner les hommes en crocodiles, sur les initiatives qui sont prises pour parler de ce problème, etc.

Je pense qu’il est important d’avoir des BD comme celles-ci, ou comme les trois En chemin elle rencontre… Elles permettent de se rendre compte de ce que les femmes vivent chaque jour (car, quand on est un homme, on ne voit pas ce quotidien d’insultes, de sifflements, d’inquiétudes. Quand je lui ai mis la BD entre les mains, un ami m’a dit que certaines histoires lui paraissaient incroyables. Sauf qu’elles sont courantes.) Le harcèlement et le sexisme sont une triste réalité et je pense que c’est un pas supplémentaire vers une prise de conscience. Je ne pousse pas la naïveté au point de dire qu’une BD résoudra tout, mais ce format permettra peut-être de toucher un public qui lit beaucoup de BD et qui n’aborderait pas le sujet sous une autre forme (livres, discussions, etc.).

En outre, Thomas Mathieu déculpabilise les femmes. Beaucoup, après une agression quelle qu’elle soit, s’interroge : est-ce ma faute ? est-ce ma tenue ? Non, c’est l’attitude des hommes qui doit être montrée du doigt, Thomas Mathieu insiste énormément là-dessus dans la seconde partie.

De plus, la BD rentre dans l’espace privé et aborde également la question du viol conjugal, une agression grave, mais souvent minimisée puisque « tu ne peux pas être violée par ton compagnon, voyons ».

Je trouve pertinent le choix de caricaturer les hommes en croco, je ne l’interprète pas comme « tous les hommes sont dangereux, fuyez ! », mais comme une réalité qui est que tout homme peut un jour être un croco. Même rien qu’un peu. En n’intervenant pas, en laissant un ami siffler des filles, en faisant un petit commentaire sexiste… De plus, cela peut peut-être faciliter l’identification à la victime « humaine » pour des personnes ne se sentant pas concernées.

Les témoignages choquent parfois, touchent toujours juste. Certains reprochent aux Crocodiles le caractère répétitif des histoires, mais on voit différentes sortes de harcèlement, différentes situations où s’exerce un sexisme insupportable. Et dans la vie, dans la rue, c’est également très répétitif pour les femmes de se faire aborder où qu’on aille. Et non, ce n’est ni flatteur, ni agréable ! Donc je pense qu’il faut en parler, encore et encore.

A mettre dans les bibliothèques, dans les CDI, entre toutes les mains, féminines comme masculines !

 

« Le sujet de Les Crocodiles n’est pas de dire que les hommes naissent crocodiles, mais qu’ils le deviennent, et c’est là  que la caricature prend tout son sens. Un dessin qui me glacerait le sang, ce serait celui d’un bébé humain qui se transformerait petit à petit en crocodile. Ça me choquerait parce que c’est ce qui arrive, on transforme des petits garçons en prédateurs sexuels, alors qu’ils pourraient devenir des humains respectueux et heureux. Je pense à la citation d’Andrea Dworkin : Comment se fait-il que le garçon dont le sentiment de vie est si vif qu’il donne de l’humanité au soleil et à la pierre se transforme en homme adulte incapable d’admettre ou même d’imaginer son humanité commune avec les femmes ? »

 

Le Tumblr et la page Facebook du Projet Crocodiles

Les crocodiles, Thomas Mathieu (dessins). Le Lombard, 2014. 176 pages.

Récits de vie en temps de guerre, de Jihad Darwiche (Ouï’Dire, 2009)

Récits de vie en temps de guerre (couverture)Publiés aux éditions Ouï’Dire, ces Récits de vie en temps de guerre rassemblent 15 histoires de vie ayant pour cadre la guerre du Liban, dans les années 1980. Ce sont des souvenirs, des témoignages, des anecdotes, tirés du quotidien des Libanais. Ces histoires vraies se déroulent parfois à la ville, parfois à la campagne ou encore évoquent les anonymes que sont ces servantes philippines ou éthiopiennes dont le nom est inconnu.

L’idée de recueillir ses histoires (vécues par Jihad Darwiche, racontées par sa mère, lues dans les journaux locaux…) lui est venue en voyant, alors qu’il était journaliste, une femme travailler la terre en dépit des explosions et du risque de mourir. Cette rencontre est racontée dans le très beau texte intitulé « Femme-printemps » qui, je trouve, véhicule un espoir fou.

Si l’horreur de la guerre est bien présente, elle ne domine pas. Les souffrances et la peur non plus. Ce que l’on ressent avant tout en écoutant ce livre, c’est l’espoir de ces gens, leurs petits bonheurs, leur lutte pour continuer à vivre. Comment vivre malgré la menace des bombes et les privations au quotidien.

Certaines histoires font sourire comme celle de Nabyl qui va s’acheter un pyjama pour la première fois de sa vie pour être vêtu décemment dans le cas où il serait tué dans son sommeil. D’autres sont très tendres à l’instar de celle nommée « Les deux amoureux » qui parlent de deux personnes âgées qui, ensemble, traversent la guerre. Toutefois, quelques-unes sont dures comme « L’ourson » ou « Le secouriste ».

Le livre audio s’achève sur un poème déclamé en arabe, puis en français qui prône la paix entre les religions.

L’accompagnement d’Henry Torgue au piano est très émouvant. Les airs sont variés, mais soulignent toujours merveilleusement ces histoires pleines de sensibilité.

L’écoute est fluide et l’on termine sans réaliser de l’heure qui vient de passer. Outre la qualité de la narration de Jihad Darwiche, cela est également lié aux récits qui sont très courtes. Si la plus longue fait seize minutes, les autres oscillent entre une, deux, cinq minutes.

Récits de vie en temps de guerre a reçu le prix du livre audio Handi-Livres en 2010.

Un beau témoignage du quotidien des Libanais pendant la guerre (qui est finalement le quotidien de la plupart des populations civiles durant les conflits). Sans verser dans l’émotion à outrance, Récits de vie en temps de guerre trace avec finesse un portrait de ces vies malmenées, voire parfois détruites.

Pour écouter un extrait, rendez-vous sur le site des éditions Ouï’Dire.

« La religion d’Amour »

« Encore hier je reniais mon ami lorsque sa religion n’était pas proche de la mienne

Mais mon cœur accepte dorénavant toutes les images.

(…)

Ma religion est la religion de l’amour, peu importe où les caravanes de l’amour se dirigent.

L’Amour est ma religion et ma foi. »

 

Récits de vie en temps de guerre, Jihad Darwiche. Ouï’Dire, coll. Contes d’auteurs, 2009. 1h.

Je vous propose également de découvrir les Sagesses et malices de Nasreddine, le fou qui était sage par Jihad Darwiche.

 

Moi, BouzarD, de Guillaume Bouzard (2014)

Moi, BD (couverture)Que dire, que dire ?

Avec 25 histoires d’une à quatre pages environ, Guillaume Bouzard nous raconte des épisodes de son quotidien. Son quotidien de dessinateur de BD dans un village perdu. La panne d’inspiration et la remise en question. L’oscillation entre l’admiration et le mépris des provinciaux pour ce « glandeur » de dessinateur. Ses souvenirs d’un pâté bien rose. Son boulot à la Poste. Les couloirs de Fluide Glacial. Sa cinéphilie et sa publiphilie.

Est-ce bien dessiné ? Bof. Le dessin n’est pas moche, mais il est pour moi sans grand intérêt. Un peu vu et revu. Malgré tout, le style change parfois, ce qui rompt la monotonie. J’ai trouvé sympa le fait que les planches illustrant ses débuts soient en noir et blanc et tranchent ainsi avec les couleurs du présent. Mais le dessin ne fait pas tout et un dessin que l’on peut qualifier à première vue de « laid » peut se révéler intéressant, fascinant, et finalement acquérir toute de la beauté au fur et à mesure que l’œil se forme.

Alors est-ce drôle ? Encore une fois… bof. Oui, il y a de l’humour. Mais un humour qui, chez moi, n’a généré qu’un petit et fugace sourire intérieur. Ce n’est pas hilarant, ce n’est pas passionnant non plus. L’histoire intitulée « 2040 » est, je crois, celle qui m’a le plus amusée, l’auteur faisant preuve d’une imagination assez débordante.

Rien de marquant donc. Une BD qui se lit rapidement et sans déplaisir, mais qui s’oubliera tout aussi rapidement.

« J’habite à la campagne…Ici la vie est rude, mais les choses sont simples. Ici, être dessinateur de BD ne signifie rien.

– Eh salut l’artiste ! Ah toi, t’as la belle vie ! Change pas de patron ! »

Moi, BouzarD, Guillaume Bouzard. Fluide Glacial, 2014. 64 pages.