Sur les ailes du monde, Audubon se penche sur la vie de Jean-Jacques Audubon, ornithologiste enflammé et obstiné qui s’est lancé dans une entreprise titanesque : répertorier et dessiner tous les oiseaux d’Amérique. Mais parmi ses détracteurs, les éditeurs scientifiques qui trouvent ses dessins trop artistiques et pas assez académiques.
Moi qui ne connaissais Audubon que de nom (amusant que ce Français soit bien plus célèbre aux Etats-Unis que dans son pays d’origine), j’ai découvert un passionné. Un pur et dur. Un homme habité. Cette BD, bien qu’elle mêle la réalité et la fiction, m’a donné envie d’en apprendre davantage, de découvrir plus en avant la vie de cet explorateur un peu fou.
Ce n’est pas une biographie complète, de sa naissance à sa mort. A partir des récits qu’Audubon a fait de ses aventures, les auteurs se sont surtout focalisés sur sa quête, même s’ils nous donnent à voir quelques retours au monde civilisé. A sa passion, Audubon consacra ses économie, sacrifia sa vie de famille (bien que ce soit sa femme qui, comprenant la première la force de l’appel de la nature, l’invita à prendre la route).
Evidemment, le personnage n’est pas sans côtés sombres, voire parfois choquants. A commencer par la manière dont il s’y prenait pour dessiner les oiseaux : les tuer (les massacrer parfois) – peu importe s’ils sont rares – et les empailler avant de les immortaliser sur le papier. A l’instar de la terrible scène de la chasse aux bisons, il s’agit là d’une attitude difficile à concevoir de la part d’un amoureux de la nature de nos jours. Mais il ne faut pas oublier qu’Audubon a vécu deux cents ans avant nous et que l’approche à la nature n’était alors pas la même.
Sur les ailes du monde, Audubon donne aussi à voir une Amérique qui change. Transition entre l’Amérique d’avant les colons et celle que l’on connaît. La nature est encore sauvage et omniprésente, mais ce n’est plus le monde vierge dans lequel les Amérindiens vivaient en totale harmonie avec elle. Les premières cicatrices infligées par les colons commencent à apparaître. Et une partie de la faune à s’éteindre.
Jérémie Royer m’a convaincue par ses dessins des oiseaux et de la nature. Magnifiques. On en prend plein les yeux avec ces créatures de toutes les couleurs et toutes les tailles possibles et imaginables. Grâce à ses illustrations, les animaux, la nature, le livre, tous respirent et vivent.
Certaines scènes sont magiques – celle de l’arbre aux hirondelles, celle, très onirique, du délire fiévreux… –, d’autres pleines d’émotions comme celle où sa femme l’invite à partir. On ressent la force de la passion d’Audubon en voyant son visage concentré, hypnotisé, lorsqu’il se retrouve face à une chouette qui lui rend son regard.
Un destin hors du commun, une passion dévorante, une balade poétique dans une Amérique qui n’est plus que fiction.
« Jean Rabin, Fougère, Laforêt, Jean-Jacques Audubon, John James Audubon, l’homme aux multiples noms, aux multiples vies. Une existence complexe et aventureuse, riche d’histoires réelles, mais pas encore suffisamment riche pour celui qui les a vécues : sans doute en inventa-t-il une partie, enjolivant, modifiant, quelquefois de bonne foi, des pans de son histoire personnelle, oubliant même qu’il le faisait et sans doute finissait-il par croire lui-même à ses propres mensonges.
L’histoire retient de lui un peintre ornithologique hors pair, un aventurier pionnier dans l’Amérique encore naissante, un écrivain et un des pères de l’écologie moderne américaine.
Notre histoire s’inspire de sa vie, mais surtout de ses récits, pour en faire, à notre tour, une histoire inventée qui, nous l’espérons, retranscrira davantage une personnalité qu’une vérité historique. »
(Avant-propos de Fabien Grolleau)
Sur les ailes du monde : Audubon, Fabien Grolleau (textes) et Jérémie Royer (dessin). Dargaud, 2016. 183 pages.