Les groseilles de novembre, d’Andrus Kivirähk (2000)

Les groseilles de novembre (couverture)L’an passé, L’homme qui savait la langue des serpents avait été un coup de cœur incroyable. Il fait d’ailleurs toujours partie de ces livres dont le souvenir m’enchante et m’émerveille. Autant dire que la barre était haute et que j’ai fait patienter un peu Les groseilles de novembre pour ne pas prendre le risque d’une comparaison dépréciative (même si j’étais ravie de le compter dans ma PAL). En ce mois de novembre, j’ai fini par me lancer. Et j’ai complètement adoré (même s’il ne détrône pas le premier dans mon cœur).

Ce livre raconte, jour après jour, la vie d’un petit village estonien. Un baron balte qui règne plus ou moins sur ce bout de terre, des paysans pauvres, cupides, gourmands et envieux… qui commercent fréquemment avec le Diable et ses sbires. Le Vieux-Mauvais, le Vieux-Garçon, le Vieux-Païen leur accorde à la pelle des âmes pour leurs « kratts ». Ces étranges créatures, que l’on voit en couverture, fabriquée de bric et de broc, constituent de fidèles serviteurs pour leur maître. Ça « court le garou », ça trompe la peste. Ça se vole allègrement, ça se joue de mauvais tours.

Le résultat est un tableau truculent et gesticulant. La quatrième de couverture évoque Jérôme Bosch et c’est totalement approprié (j’ai aussi songé à Bruegel pour le fourmillement de petits humains). La vie tourne à la farce, c’est grotesque, parfois obscène. Et je vous l’assure, c’est proprement génial. C’est drôle, c’est prenant, c’est captivant. Andrus Kivirähk m’éblouit par son univers très reconnaissable et atypique – on retrouve ici l’univers de L’homme qui savait la langue des serpentset par sa plume entraînante, par ses portraits moyenâgeux à la fois fascinants et repoussants parfois. A travers ces personnages intéressants, intrigants et travaillés (mais que l’on n’aimera guère), l’humanité n’y est pas montrée sous son meilleur jour – à coups de cruauté, stupidité, avidité, jalousie… – et l’humour est panaché par un sentiment doux-amer.
Quelques romances apparaissent, des sentiments naissent… mais que l’aventure soit impossible, que les sentiments ne soient pas partagés, que la vie se montre impitoyable, l’issue ne sera pas celle des contes de fées. La bouffonnerie devient violente, l’amertume se fait prégnante, la vie devient la mort. Le romantisme ne pèse pas lourd dans ce monde-là.

Le folklore local est également une part absolument passionnante de ce roman. La magie est un ingrédient naturel de ce quotidien. Diable, croque-mitaines, pelunoirs, suce-laits et chaussefroides côtoient une sorcière. Tout le monde vit plus ou moins en harmonie. Les maladies prennent l’apparence de jeunes filles ou la voix d’êtres aimés pour tromper leurs victimes. Heureusement que quelques astuces – magiques ou non – permettent aux paysans de s’en sortir face à tous ces dangers tapis dans la forêt voisine. Cette atmosphère quelque peu lugubre et inquiétante, soulignée par le mauvais temps et l’approche de l’hiver, est puissamment évocatrice.

Andrus Kivirähk dévoile une nouvelle fois son talent absolu de conteur. Chronique d’un quotidien teinté de surnaturel dans une atmosphère mi-païenne mi-chrétienne, Les groseilles de novembre dépeint les bassesses humaines, à peine illuminées par les jeux cruels de l’amour et du désir ou attendries par quelques souvenirs mélancoliques. Un récit drolatique et dramatique, étrange et macabre. Une lecture étrange, poétique, vivante qui raconte une vision sombre et caustique de l’être humain. L’homme qui savait la langue des serpents m’avait préparée, mais c’est encore un enthousiasme total pour ce roman d’une originalité magistrale.

« On alla au cimetière. Comme toujours, les morts déjà enterrés vinrent saluer leur nouveau compagnon et suivirent le cortège à quelque distance. Chacun d’eux chevauchait l’animal qu’on avait tué pour son repas de funérailles. La plupart montait des moutons ou des veaux morts, mais deux ou trois étaient juchés sur le dos d’un cochon, et quelques paysans très pauvres essayaient désespérément de se tenir en équilibre sur un coq ou une poule. Un coq jeta même son cavalier à terre et s’envola dans un cri par-dessus le portail du cimetière pour rejoindre le monde des vivants. Le malheureux défunt, qui était désormais condamné à marcher à pied éternellement, épousseta tristement ses vêtements, tituba jusqu’à sa tombe et, fourbu, s’installa au sommet de sa croix. » 

« J’ai beaucoup de racines et de plantes avec lesquelles il est facile de tuer quelqu’un ou de lui faire perdre la raison. Je connais de nombreux moyens pour trouver des trésors enfouis ou pour pénétrer dans le garde-manger du voisin. J’ai des remèdes pour soigner les maladies, et des balles magiques qui tuent les revenants, les démons et les esprits du poêle. Mais je ne connais pas de plantes qui font aimer. Je n’en ai jamais eu besoin. Ce que les gens viennent chercher chez moi, c’est plutôt un moyen de faire du mal à un ennemi, ou une protection contre les maladies et les voleurs. »

« – Nous n’avons pas de quoi payer, répondit le granger. Tout ce que nous possédons, c’est ce que nous avons réussi à voler. Et notre vie, qui est constamment suspendue à un fil d’araignée. La forêt est pleine de démons et de loups. Des maladies nous guettent dans les buissons. La peste peut à tout instant frapper à notre porte. Le manoir ne cesse de nous donner des ordres. Notre vie aussi est volée, et nous devons chaque jour la voler à nouveau en nous aidant de toutes sortes de trucs et d’astuces, afin de rester vivants jusqu’au lendemain. Si nous commencions à payer honnêtement pour tout, que deviendrions-nous ? Nous n’existerions plus. »

« Le destin de l’homme n’est pas facile. On vit, on meurt, puis on se change en démon. »

Les groseilles de novembre (chronique de quelques détraquements dans la contrée des kratts), Andrus Kivirähk. Le Tripode, coll. Météores, 2019 (2000 pour l’édition originale, 2014 pour la traduction française). Traduit de l’estonien par Antoine Chalvin. 290 pages.

Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo (1831)

Notre Dame de ParisAprès Les Misérables l’an passé, je me suis plongée dans Notre-Dame de Paris. Et pas toute seule, cette fois, puisque j’ai eu la meilleure des copilotes, Alberte Bly, qui a rendu ma relecture (car je l’avais lu il y a dix ans, mais ma mémoire étant ce qu’elle est, un rafraîchissement ne pouvait pas faire de mal) encore plus passionnante grâce à nos échanges réguliers. C’était vraiment trop bien de débriefer ainsi, chapitre après chapitre !

> La chronique d’Alberte
est juste ici ! <

Je ne prétends pas écrire une critique détaillée de cet incroyable bouquin ; juste, si possible, donner envie à quelques personnes de le découvrir. Pour mettre les choses au clair, je considère qu’il n’est absolument pas dans mes cordes de parler d’un tel roman !

Notre-Dame de Paris, c’est une histoire que tout le monde connaît un peu. Grâce au livre, grâce à la comédie musicale, grâce au dessin animé (même si, d’après Alberte, la fidélité à l’œuvre d’Hugo n’est pas franchement au rendez-vous (en ce qui me concerne, je ne l’ai – encore – jamais vu)). C’est l’histoire d’Esmeralda, cette jeune gitane autour de qui gravitent Quasimodo, Frollo, Phoebus et Gringoire. C’est l’histoire de la cathédrale et de la ville grouillante qui l’entoure. C’est l’histoire de quelques jours de 1482. C’est une histoire de passions, de trahisons, de quiproquos.

Tout d’abord, pour moi, ça a été une redécouverte des personnages. Je me souvenais de leur destin respectif, mais pas des détails les concernant. Et Hugo nous les présente, nous les fait vivre d’une manière si fluide, si passionnée, si visuelle que chaque rencontre est un régal.
Avant de commencer, j’étais sûre que mon personnage favori serait Quasimodo, ce sonneur de cloches difforme, rejeté de tous, incompris et mal-aimé. Que nenni. Comme prévu, j’ai ressenti beaucoup de compassion et de tendresse pour lu ; j’ai savouré toutes ses apparitions et j’ai été fascinée par ce chapitre où Hugo raconte son rapport intime avec Notre-Dame, son osmose avec cette carapace de pierre dont il connaît le moindre recoin, l’harmonie entre la pierre et la chair ; mais ce n’est pas celui qui m’a le plus passionné.
Car ce titre est remporté haut la main par Claude Frollo, l’archidiacre. Diantre, si je m’étais attendue à un personnage pareil ! Ce n’est pas un personnage que l’on aime purement et simplement ; Frollo est bien plus complexe que ça. Là où un personnage comme Quasimodo ne suscite qu’un sentiment positif constant, Frollo nous fait faire les montagnes russes. Hugo nous offre un protagoniste que l’on peut à la fois aimer et détester. C’est un érudit éminemment cultivé, tiré de ses chères études par la vie qui l’a laissé seul responsable de son jeune frère ; un savant versé dans tous les arts, de la médecine à l’alchimie, qui n’est pas aussi aveuglément croyant que je le pensais ; un personnage austère d’apparence mais qui adore son diable de frère et qui, seul, s’émeut du garçonnet contrefait abandonné devant sa cathédrale qu’il protégera du bûcher, qu’il soignera avant de lui donner un travail au cœur de l’édifice adoré ; un homme qui, ayant toujours renié la chair, vit l’apparition d’Esmeralda comme une révélation et une torture. Cela ne l’empêche pas d’être un terrible anti-héros : il est parfois détestable, manipulateur et cruel, son discours à base de « si elle n’est pas à moi, elle ne sera à personne » ne peut être excusé et, avouons-le, il devient complètement timbré tandis que le récit progresse. Cependant, toutes ses facettes font tout simplement de lui le personnage le plus fouillé, le plus intéressant du roman, en bref, celui qui se détache du lot.
J’ai eu un second favori en la personne de Gringoire. Personnage secondaire, personnage « à-côté », il ne fait pas grand-chose, n’a que peu d’influence sur le récit et paraît être quelque peu notre alter ego de papier. Par sa pleutrerie, sa tempérance au milieu de tous ces personnages extrêmes, il m’a semblé plus proche de moi que les autres protagonistes. Je l’ai aussi adoré pour son côté décalé, pour ses réflexions détachées, pour sa facette « artiste torturé » que l’auteur semple caricaturer à plaisir, pour ses amours versatiles – d’Esmeralda à Djali, la petite chèvre de l’Égyptienne, en passant par les pierres sculptées –. Personnage unique car personnage terriblement drôle, Gringoire fut une très sympathique rencontre.
En revanche, pas de surprise : j’ai haï Phoebus sans discontinuer. Fat, lâche, vulgaire, coureur de jupons, narcissique… imbuvable.
Quant à Esmeralda, tout tourne autour d’elle, mais elle m’a laissée plutôt indifférente. Au mieux, je me suis interrogée sur sa naïveté. Je suis restée assez perplexe face à son côté « jeune ingénue » qui, même si elle n’a que seize ans et n’a jamais connu l’amour, tranche un peu trop avec le fait de vivre à la Cour des Miracles et de côtoyer toutes sortes de brigands. Une exception : l’histoire de sa naissance qui m’a émerveillée, enthousiasmée, questionnée pendant une bonne partie du récit.

En dépit des descriptions, on est loin du gros pavé rébarbatif complètement illisible (tout le monde ne partagera sans doute pas mon opinion cependant). Bon, je ne vais pas vous mentir, le Livre troisième et spécialement le chapitre II, « Paris à vol d’oiseau », m’ont fait piquer du nez une ou deux fois (il faut dire que quand tu es plongée dans l’intrigue et que tu viens de passer un moment génial dans la Cour des Miracles, ça surprend un tantinet). Le chapitre I était encore relativement intéressant, notamment à lire en 2020 car on y retrouve les débats qui ont succédé à l’incendie de Notre-Dame : comment rénover ? faire comme avant, opter pour le moderne, qu’est-ce qui défigure l’édifice, qu’est-ce qui signe simplement une évolution logique de l’architecture, etc. En revanche, la musique n’a pas été la même pour le second chapitre : cette énumération de rues, ponts, portes, monuments, enceintes de la capitale a été longue. Très longue. Trop longue. Mais après les égouts de Paris vus sous tous les angles des Misérables, j’étais rodée et ce n’est pas ce chapitre qui m’a fait déchanter. Surtout qu’il a été le seul à m’ennuyer autant. Après ça, les digressions ou les citations latines à tire-larigot, c’était du pipi de chat ; ses autres exposés (comme « Ceci tuera cela ») m’ont davantage permis de renouer avec le Hugo érudit, passionné et par là passionnant.

Et surtout, autour de ce passage quelque peu laborieux, ce n’était que pur bonheur.

J’ai été tenue en haleine du début à la fin. C’est une histoire de passions extrêmes, que ce soit dans l’amour ou dans la haine, les deux n’étant d’ailleurs pas forcément indissociables. C’est une histoire de quiproquos. Ah, ces petits ratés qui donnent envie d’hurler, de rentrer dans le livre pour corriger les personnages ! Hugo a indubitablement ce talent qui rend l’histoire trépidante, haletante, qui attise la curiosité, une maîtrise incroyable du romanesque. Cette excitation à la découverte de la Chantefleurie ! Quel plaisir alors d’échanger des hypothèses avec une autre lectrice tout aussi enthousiaste.
C’est un récit terrible évidemment. La fin est déprimante au possible et le roman est ponctué d’épisodes poignants à serrer le cœur (encore une fois, Chantefleurie, comment ai-je pu t’oublier ?). La scène du couronnement du pape des fous est très forte également dans son genre avec toutes les émotions qu’elle suscite : la joie diffuse de Quasimodo, les rires de la foule, l’emprise de Frollo… Je ne suis que pure admiration face à ses scènes aux sentiments exacerbés qui rendent la lecture incroyablement puissante. C’est d’un déchirant tout simplement grandiose.
Et pourtant, Victor Hugo démontre encore une fois son humour. A travers le personnage de Gringoire dont j’ai déjà parlé, mais aussi au travers de ses adresses aux lecteur·rices ou grâce à de petites réflexions à l’acidité mordante. Dans le chapitre un peu ennuyeux évoqué ci-dessus, il se moque du Palais de la Bourse avec une ironie qui m’a laissée morte de rire.

Voilà ce que je trouve fascinant : l’alternance des genres et des atmosphères. Hugo nous fait passer d’un passage décalé à un autre profondément poignant – à tel point que cela pourrait paraître tire-larmes si ce n’était pas magistralement géré – à un chapitre quasiment pédagogique sur l’architecture avant que vienne s’intercaler une péripétie totalement ubuesque – à l’instar du dialogue de sourd qu’est le procès de Quasimodo. Et puis, il y a cette facette incontestablement tragique qui rappelle les funestes destinées des héros et héroïnes de la Grèce antique. Ainsi, la préface dit, au sujet du mot grec « ananké », fatalité, « C’est sur ce mot qu’on a fait ce livre. »
Résultat : à l’instar des Misérables, une œuvre marquante qui me touche et dont certains passages resteront gravés dans ma mémoire et dans mes tripes.

 Bref, c’était sombre, c’était drôle, c’était burlesque, c’était crispant, c’était horripilant, c’était barbant (une fois), c’était monstrueux, c’était palpitant. C’était dingue. C’était Victor Hugo, pourrait-on dire.

Juste un dernier mot sur mon édition, à savoir la version illustrée par Benjamin Lacombe pour la collection Métamorphose. Indubitablement sublime, j’ai beaucoup aimé les illustrations – même si elles auraient pu être plus nombreuses – qui, par leur noirceur, colle plutôt bien à l’ambiance du récit. Le rouge est la seule couleur qui dénote vraiment. La jupe d’Esmeralda, la crinière de Quasimodo, la cape de Phoebus font ainsi écho au sang et à la passion qui semblent guider ce récit vivant et ardent. Je regrette simplement l’échec de Lacombe à rendre la laideur de Quasimodo si appuyée par Hugo et si cruciale dans ses relations au monde. Il a beau le faire bossu, borgne, avec une dentition chaotique, son Quasimodo n’est pas aussi affreux qu’il le devrait.
(Je ne m’attarderai pas sur les fautes de frappe qui, d’autant plus dans un ouvrage soigné comme celui-ci, ont le don de m’agacer prodigieusement… Mais quand même… « une plaie allez large », « tout implement », sérieusement ? Grr.)

« Avec le temps, il s’était formé je ne sais quel lien intime qui unissait le sonneur à l’église. Séparé à jamais du monde par la double fatalité de sa naissance inconnue et de sa nature difforme, emprisonné dès l’enfance dans ce double cercle infranchissable, le pauvre malheureux s’était accoutumé à ne rien voir dans ce monde au-delà des religieuses murailles qui l’avaient recueilli à leur ombre. Notre-Dame avait été successivement pour lui, selon qu’il grandissait et se développait, l’œuf, le nid, la maison, la patrie, l’univers.
Et il est sûr qu’il y avait une sorte d’harmonie mystérieuse et préexistante entre cette créature et cet édifice. Lorsque, tout petit encore, il se traînait tortueusement et par soubresauts sous les ténèbres de ses voûtes, il semblait, avec sa face humaine et sa membrure bestiale, le reptile naturel de cette dalle humide et sombre sur laquelle l’ombre des chapiteaux romans projetait tant de formes bizarres. »

« L’écolier observait son frère avec surprise. Il ne savait pas, lui qui mettait son cœur en plein air, lui qui n’observait de loi au monde que la bonne loi de nature, lui qui laissait s’écouler ses passions par ses penchants, et chez qui le lac des grandes émotions était toujours à sec, tant il y pratiquait largement chaque matin de nouvelles rigoles, il ne savait pas avec quelle furie cette mer des passions humaines fermente et bouillonne lorsqu’on lui refuse toute issue, comme elle s’amasse, comme elle s’enfle, comme elle déborde, comme elle creuse le cœur, comme elle éclate en sanglots intérieurs et en sourdes convulsions, jusqu’à ce qu’elle ait déchiré ses digues et crevé son lit. L’enveloppe austère et glaciale de Claude Frollo, cette froide surface de vertu escarpée et inaccessible, avait toujours trompé Jehan. Le joyeux écolier n’avait jamais songé à ce qu’il y a de lave bouillante, furieuse et profonde sous le front de neige de l’Etna. »

« Alors les femmes riaient et pleuraient, la foule trépignait d’enthousiasme, car en ce moment-là Quasimodo avait vraiment sa beauté. Il était beau, lui, cet orphelin, cet enfant trouvé, ce rebut, il se sentait auguste et fort, il regardait en face cette société dont il était banni, et dans laquelle il intervenait si puissamment, cette justice humaine à laquelle il avait arraché sa proie, tous ces tigres forcés de mâcher à vide, ces sbires, ces juges, ces bourreaux, toute cette force du roi qu’il venait de briser, lui infime, avec la force de Dieu. »

Notre-Dame de Paris, Victor Hugo, illustré par Benjamin Lacombe. Editions Soleil, coll. Métamorphose, 2013 (1831 pour la première édition). 589 pages.

L’homme qui savait la langue des serpents, d’Andrus Kivirähk (2007)

L'homme qui savait la langue des serpents (couverture)Un livre estonien, voilà qui ne rencontre pas tous les jours et je remercie mille fois Syl Cypher de m’avoir donné l’occasion de découvrir ce titre que je lorgnais plus ou moins depuis sa sortie (je me souviens même dans quelle devanture de librairie l’étrange créature qui orne la couverture m’a fait de l’œil pour la première fois). Et à présent, je doute de trouver les mots pour dire à quel point j’ai adoré ce roman.

Pour reprendre le résumé de l’éditeur, « voici l’histoire du dernier des hommes qui parlait la langue des serpents, de sa sœur qui tomba amoureuse d’un ours, de sa mère qui rôtissait compulsivement des élans, de son grand-père qui guerroyait sans jambes, de son oncle qu’il aimait tant, d’une jeune fille qui croyait en l’amour, d’un sage qui ne l’était pas tant que ça, d’une paysanne qui rêvait d’un loup-garou, d’un vieil homme qui chassait les vents, d’une salamandre qui volait dans les airs, d’australopithèques qui élevaient des poux géants, d’un poisson titanesque las de ce monde et de chevaliers teutons un peu épouvantés par tout ce qui précède. »

Il faut avouer que c’est superbement écrit. C’est drôle, cru, précis. C’est fort et évocateur. C’est visuel et fascinant. C’est maîtrisé d’un bout à l’autre. Bref, c’est surprenant et fantastique. (Voilà, lisez-le maintenant !)

C’est un récit très atypique. Partant de la conquête de l’Estonie par les Allemands d’un point de vue local, il propose un récit initiatique, nous raconte l’histoire d’une vie atypique car en voie de disparition. Il y a un petit goût de conte là-dedans, saupoudré d’une touche d’aventure et de fantastique. Quand je parle d’aventure, ne vous imaginez pas un récit trépidant avec de l’action à toutes les pages car c’est aussi assez lent et parfois contemplatif, mais d’une façon si fascinante que l’on ne s’ennuie jamais.

L’humour – très ironique – naît du décalage entre les personnages, entre les générations, entre les façons de vivre. Car c’est souvent une histoire d’oppositions. Principalement entre la forêt et le village. Pour les gens de la forêt, ceux du village sont fous de se tuer ainsi à la tâche pour une nourriture insipide, de se soumettre ainsi au joug des étrangers, de s’abaisser au rang de vermine en oubliant la langue des serpents ; pour les gens du village, ceux de la forêt sont des sauvages, des païens, des loups-garous.
Une histoire d’évolution, de progrès, de période de transition, quand les anciennes façons et les nouvelles mœurs s’entrechoquent : aux yeux d’un Leemet à la frustration grandissante, les villageois sont d’une bêtise sans borne dans leur naïveté crédule, leurs conversation ineptes et leur admiration démesurée pour tout ce qui vient de l’étranger (allant jusqu’à louer le crottin des chevaux des chevaliers), s’humiliant tous seuls, se disant trop nigauds, trop arriérés pour être respectés de ces divins étrangers. Cependant, lui-même est encore trop moderne aux yeux des anthropopithèques, reliques d’un autre âge.
Certains échanges – discussions futiles, dialogues de sourds – sont absolument hilarants… bien qu’un peu frustrant pour nous qui sommes si bien installé·es dans la tête de Leemet.

« « Cher vieux voisin », répondit le moine paisiblement en se frottant lentement les paumes l’une contre l’autre, comme s’il se lavait les mains avec des rayons de soleil, « tu pourrais quand même faire preuve d’un peu plus de souplesse. Ce genre de musique est aujourd’hui fort en vogue dans la jeunesse. Tu es âgé, tu as d’autres goûts, mais tu devrais comprendre que le temps va de l’avant et que ce qui ne te plaît pas peut procurer du plaisir à la jeune génération qui prend exemple sur Jésus-Christ. »
« C’est ce type qui t’a appris à chanter comme ça ? », cria le petit homme trapu.
« Bien sûr que c’est le Christ. C’est l’idole des jeunes, et mon idole à moi aussi. De telles mélodies sont celles qu’entonnent les anges au Paradis et les cardinaux en la sainte ville de Rome – pourquoi devrais-je m’abstenir de les chanter, si tout le monde chrétien les entonne ? »
« Chez moi, ce n’est pas le monde chrétien ! », coupa le Sage des Vents. « Pardonne-nous de t’avoir dérangé, Hörbu. Tu devais être en train de faire la sieste.
« Bien sûr que je faisais la sieste ! Et juste au moment où je dormais le mieux, voilà ta charogne de fils qui se met à pleurnicher comme si la merde était venue lui boucher le trou du cul. Pourquoi est-ce que tu lui permets de venir chez toi ? Qu’il reste dans son monastère s’il a choisi d’y vivre. Qu’est-ce qu’il a à venir embêter les vieux ! » »

Cet humour s’oppose au ton sombre, tantôt désespéré, tantôt désabusé du récit qui raconte un monde qui s’étiole peu à peu avant de bientôt disparaître. Sans parler de la solitude et de l’amertume de Leemet d’être sans cesse « le dernier homme » (à vivre dans la forêt, à parler la langue des serpents, à se souvenir de telle et telle personne ou créature (ce n’est pas du spoiler, il le dit dès la première page)). Il s’oppose aussi à la violence : meurtres, mort, deuil, folie semblent être monnaie courante dans la forêt. Sans pitié pour nos amitiés de lecteur·rice envers tel ou tel protagoniste, l’auteur les fait disparaître impitoyablement. Et, comme Leemet, nous n’avons d’autre choix que finir par s’y habituer.

« Les gens et les animaux auxquels je tenais disparaissaient comme des poissons égarés à proximité de la surface – un seul coup les assommait et ils n’étaient plus là, ils sombraient l’un après l’autre là où je ne pouvais pas les suivre. Enfin, j’aurais pu les suivre, bien sûr, tout comme on peut toujours se jeter à la mer pour pêcher des poissons, mais sans espoir d’en attraper. Un jour, j’emboîterai le pas à tous ceux qui m’ont été chers, et nous prendrons la même direction, mais même ainsi, nous ne nous rencontrerons jamais plus – tant cette mer est vaste et tant nous sommes minuscules. »

Autre point fort, les personnages, travaillés, riches, nuancés. L’auteur ne tombe pas dans le manichéisme et n’idéalise jamais les habitants de la forêt qui recèle son lot de personnages faibles, cruels, sanguinaires.
D’ailleurs, Leemet, totalement incrédule, méprise les croyants quels qu’ils soient, d’où qu’ils viennent. Car toutes les croyances semblent porteuses de malheurs et de crimes. Cela inclut donc le Christ des étrangers, si bien adopté par les villageois, mais aussi les génies, Mères des Bois et autres ondins vénérés par Ülgas, le « Sage du bois sacré ». Invoquer les dieux, chrétiens ou païens, est un tour de passe-passe un peu trop facile pour Leemet. La religion donne réponse à tout, contre toute logique, et rend impossible toute discussion raisonnée. Or, si, au début, les discussions avec des croyants amusent terriblement – avec un Jésus évoqué comme une star, c’est « l’idole des jeunes » qui ont « son image au-dessus de [leur] lit », c’est « un succès phénoménal » que tout le monde veut approcher au plus près… quitte à se faire « couper les choses » car « c’est la mode en ce moment » pour mieux le glorifier –, les dérives obscurantistes réclameront leur dot de sang, soulignant les pires facettes de ce besoin de croire en des puissances supérieures. Quelles qu’elles soient.

La postface est très intéressante car elle permet de comprendre certaines critiques dissimulées à qui n’est pas familier avec les questions d’identité et d’histoire estoniennes ainsi qu’avec le nationalisme « ruraliste et nostalgique du passé » qui résonne fortement dans ce pays.

Satirique, pessimiste, cruel, épique, fantaisiste, désopilant, triste, captivant, intelligent, métaphorique, L’homme qui savait la langue des serpents est donc un très joli ovni qui ne s’embarrasse pas d’étiquette. Totalement atypique et absolument génial, je ne crois pas avoir lu quelque chose d’aussi original depuis fort longtemps. Je suis époustouflée par le talent narratif d’Andrus Kivirähk, un auteur que j’ai hâte de retrouver. Si je n’ai pas su vous donner envie de le lire, j’en suis désolée car ce livre est une petite merveille !

« Les hommes vivent d’espoir, aussi ténu soit-il : ils ne se satisfont jamais de l’idée que quelque chose soit irrémédiable. »

« « Qu’est-ce qui lui prend, à ton père ? »
« Il dit que ça n’a pas de sens de rester, tout le monde s’en va. Qu’il aurait préféré continuer à vivre ici, mais qu’il n’y a rien à faire. Que ça n’a pas de sens de cracher contre le vent. Que si les autres ont choisi le village, il faut se résigner et faire comme tout le monde. » »

L’homme qui savait la langue des serpents, Andrus Kivirähk. Editions Le Tripode, coll. Météores, 2015 (2007 pour l’édition originale). Traduit de l’estonien par Jean-Pierre Minaudier. 470 pages.

Edit du 27 novembre 2021 : Nouveau coup de cœur avec Les groseilles de novembre !

Kaamelott : un livre d’histoire, sous la direction de Florian Besson et Justine Breton (2018)

Kaamelott, un livre d'histoire (couverture)Le Graal pourrait-il être un bocal à anchois ? Comment Perceval connaît-il la Poétique d’Aristote ? Merlin tient-il du démon ou de la pucelle ? Les règles du sloubi seraient-elles inspirées de celles du trut ? Les dragons étaient-ils des anguilles ? Recrutait-on les chevaliers à la taverne ? Pourquoi le casque du Viking est-il cornu ? S’est-on rendu compte à Kaamelott que l’empire romain avait pris fin ?
La série télévisée Kaamelott qui met en scène le roi Arthur et les chevaliers de la Table Ronde a marqué le public par son humour décapant, ses personnages loufoques et ses répliques devenues cultes. Mais faut-il prendre au sérieux la façon dont elle réécrit aussi bien la légende arthurienne qu’une période historique charnière, entre Antiquité tardive et Moyen Âge ? C’est le pari qu’a fait une équipe de jeunes chercheurs : montrer que, au-delà des anachronismes qui font toute la saveur de la série, Kaamelott produit un discours riche d’enseignement. Tant il est vrai que chaque génération réactualise ses mythes, les parodiant ou les réinventant pour mieux se les approprier.

Ce livre est né suite à un colloque en 2017. A l’intérieur, plusieurs spécialistes, maîtres de conférences, docteurs et doctorants, sociologues, historiens, musicologues, etc., abordent différents aspects – politique, culturel, artistique, historique… – de la série Kaamelott. Ils et elles se pencheront tour à tour sur Perceval, les moqueries amusées envers les chercheurs, les monstres et le merveilleux, la justice, Guenièvre, Merlin, la civilisation, l’armée et l’occupation romaines, la nourriture, les arts et les jeux…

J’adore Kaamelott (et ça y est, je suis à jour en ayant enfin vu le livre VI !) et j’ai été ravie d’avoir l’opportunité de découvrir cet essai grâce à Babelio et aux éditions Vendémiaire. C’est un ouvrage très éclairant et très agréable à lire – bien que le chapitre sur la musique avec ses histoires d’intervalles, de quintes et d’octaves me soit resté un peu hermétique (mais je dois reconnaître que je suis une quiche en affaires musicales).

Au fil des chapitres éclate le talent d’Alexandre Astier (au cas-où il y aurait encore quelques doutes) pour jouer avec le décalage entre le Moyen-Âge réel et le Moyen-Âge fantasmé tout en détournant des éléments attendus et en insérant des références à notre société actuelle et à ses problématiques. Il se détache des romans médiévaux et s’amuse avec le gouffre entre les attentes, les rêves des spectateurs et une réalité bien plus trivial : un Merlin plutôt mauvais, un rapport assez détaché et peu sacré au Graal – auquel on préfère des objectifs matérialistes et personnels –, des chevaliers bien loin d’avoir les qualités attendues, l’absence totale d’émerveillement de la part des chevaliers pourtant confrontés à des dragons, des gobelins et diverses manifestations magiques…
Ce livre fait le point sur ce que les chercheurs savent de cette époque, ce que le grand public en sait, ce que l’on croit savoir mais qui est faux (souvent des erreurs construites par les représentations des siècles suivants), ce que l’on ne sait pas, ce que l’on imagine ; il remet à plat la chronologie parfois malmenée par une série qui emprunte tant à l’Antiquité qu’au Bas ou au Haut Moyen-Âge ; il explique la construction de certains mythes comme le casque à corne du Viking. Les auteurs et autrices jonglent avec tous ces éléments avec souplesse et clarté.

Kaamelott : un livre d’histoire démontre que, en plus d’être extrêmement drôle, touchante, maligne et addictive, le secret de cette série tient aussi à son intelligence et à son habileté à jouer avec les codes et les connaissances des spectateurs.
Il intéressera les fans de Kaamelott désireux d’en savoir plus sur les ressorts historiques de la série comme les passionnés d’histoire.

« Ainsi, au-delà d’un registre comique nourri par un décalage constant entre la représentation traditionnelle du chevalier et ceux qu’elle tourne en ridicule, Kaamelott nous invite à travers sa lecture d’un motif typiquement médiéval à une réflexion sur la recherche de la gloire, sur les mécanismes de la fabrication des légendes et sur le rapport qui s’établit entre Arthur et ses chevaliers, ses élèves, ses amis, qui pourraient presque être considérés comme ses enfants. Des enfants qui, loin de tout idéalisation, ne récoltent que mésaventures et humiliations, entraînant la déception du roi qui, cependant, jamais ne les punit ou ne les renie. »

« En réinventant en profondeur la légende arthurienne, Alexandre Astier nous dit finalement que la quête compte plus que son accomplissement, le voyage plus que la destination, et qu’à la fierté de la trouvaille il faut préférer la maturation de la recherche. »

Kaamelott : un livre d’histoire, sous la direction de Florian Besson et Justine Breton. Vendémiaire, 2018. 330 pages.

La Légende des Hautes Terres, par Mireille Calmel (2008-2010)

Légende des Hautes Terres - Chant des Sorcières 2
La Légende des Hautes Terres
est composée de deux cycles : Le chant des sorcières (3 tomes) et La reine de lumière (2 tomes, Elora et Terra Incognita). Je me contenterai d’une seule critique pour les cinq volumes.

Légende des Hautes Terres - Chant des Sorcières 1

Je ne peux pas refuser à Mireille Calmel le talent d’entraîner son lecteur, ni celui de maîtriser l’art du suspense en fin de chapitre pour susciter la curiosité, l’avidité d’en savoir davantage. Ces livres ne marqueront pas le XIXe siècle, mais ils ont un côté légèrement addictif, et après tout, un peu de légèreté ne fait pas de mal de temps à autre. De plus, étant en train de préparer mon mémoire de stage, je n’avais pas vraiment le temps de m’impliquer dans des romans plus longs, plus intellectuels – disons que je savais que si j’avais commencé un tel ouvrage, j’aurais totalement abandonné mon travail quitte à m’en mordre les doigts plus tard. Par conséquent, des livres lus en 3h30 me convenaient parfaitement.

Légende des Hautes Terres - Chant des Sorcières 3

Comme je le disais, nous sommes entraînés dans les aventures d’Algonde – dont j’ai regretté la perte d’importance dans le second cycle –, d’Hélène, de Constantin, de Mounia, de Mathieu, de Khalil et de tous les autres dans une seule hâte : celle de savoir la fin. Les changements de personnages et de points de vue donnent un sentiment de supériorité au lecteur qui en sait davantage et peut faire des regroupements en fonction de ce que savent les différents protagonistes.

Légende des Hautes Terres - Reine de Lumière - 1, EloraA propos de ces personnages, je n’ai qu’un seul regret, c’est celui qu’ils sont un peu trop beaux, trop bons. En y réfléchissant, il est vrai que chacun commet des actes peu recommandables, mais il en ressort quand même cette impression de bonté recouverte d’une bonne couche d’amour ; quoi qu’ils fassent, c’était pour la bonne cause, ce n’était pas de leur faute, c’était leur destin, ce qui fut ne peut être défait, etc. Et ont-ils vraiment un caractère différent les uns des autres ? Ne sont-ils pas tous fiers, courageux, prêts à tout pour les leurs, etc. ? Je leur trouve une certaine unité, uniformité. Même amour pour leurs enfants et leur compagnon (leur seul et vrai amour), mêmes séparations, mêmes souffrances, mêmes sacrifices, même bonheur à la fin. Finalement, la seule qui m’a vraiment semblé différente, c’est Fanette car on la déteste parfois et on la comprend à d’autres moments. Autre reproche : la fin est beaucoup trop « happy ending ». Je ne dis pas qu’il faut que tout le monde meurt à la fin, mais là… C’est trop. Trop de bonheur, trop de guérisons, trop d’amour, trop dégoulinant. Trop.

Légende des Hautes Terres - Reine de Lumière - 2, Terra IncognitaJ’ai l’impression que Mireille Calmel s’est faite plaisir dans ces romans en mêlant à l’Histoire toutes les légendes possibles de tous les pays et toutes les époques : le prince Djem, Mélusine, les dieux d’Egypte, Merlin, les nuraghes de la Sardaigne, la découverte de l’Amérique, les Harpies, les Borgia, et même tout un bestiaire (vouivre, dragon et même licorne !). Le mélange de toutes ces histoires entrecoupées des prémonitions, des révélations des uns et des autres produit un joyeux « melting pot » qui a satisfait mon goût pour les histoires et les légendes.

Ainsi, malgré des personnages un peu trop bons, l’enchaînement rapide des événements, les légendes et l’écriture agréable participent à faire de ces romans (était-ce nécessaire d’en écrire cinq ?) un bon divertissement, qui sera vite oublié.

En plus, j’ignorais totalement qu’un Borgia avait été pape et que le prince Djem avait réellement existé.

« Ils s’étaient séparés comme ils s’étaient aimés.
Brusquement.
Avec cette violence propre aux instants précieux parce qu’interdits.
Sans un seul mot échangé.
 »

« Le bonheur, c’était de retenir entre ses doigts un moment parfait. »

Le chant des sorcières, tome 1, Mireille Calmel. XO éditions, 2008. 384 pages.

Le chant des sorcières, tome 2, Mireille Calmel. XO éditions, 2008. 368 pages.

Le chant des sorcières, tome 3, Mireille Calmel. XO éditions, 2008. 448 pages.

La reine de lumière, tome 1 : Elora, Mireille Calmel. XO éditions, 2009. 368 pages.

La reine de lumière, tome 2 : Terra Incognita, Mireille Calmel. XO éditions, 2010. 448 pages.