Quinze nouvelles à la rencontre des Aborigènes et des mineurs, des koalas et des crocodiles, des chameaux et des serpents. Si les crocodiles et les serpents vous terrifient, sachez que les koalas et les chameaux ne sont pas plus inoffensifs… Kenneth Cook témoigne ici qu’il en a souvent fait les frais.
Je ne suis pas une adepte des nouvelles, je l’avoue. A l’exception des œuvres de Stefan Zweig et d’Edgar Allan Poe, je ne suis pas friande de ce genre qui ne parvient que rarement à me rassasier. Pourtant, j’ai apprécié cette lecture. Je ne sais quel souvenir j’en garderai, mais je dois dire que Kenneth Cook maîtrise l’art de la nouvelle et parvient en quelques mots à dépeindre les personnages ubuesques rencontrés au fil de ses voyages. La fin de la nouvelle arrive toujours trop vite – d’où la légère frustration – mais la chute arrive toujours à point nommé sans qu’il n’y ait rien à ajouter. Des historiettes pittoresques, farfelues, irréelles, cocasses.
Kenneth Cook trace un portrait hostile et pourtant désopilant de cet arrière-pays australien. Entre les animaux fous et la désinvolture, voire l’inconscience – parfois doublée d’un alcoolisme latent – des locaux, la vie du narrateur y est souvent mise en danger. L’auteur raconte ces anecdotes, présentées comme 100% authentiques bien que parfois complètement improbables, avec beaucoup d’amusement, une perpétuelle curiosité et une pincée de résignation.
Cook pose un regard plein d’autodérision aussi bien sur son physique peu adapté aux situations périlleuses réclamant agilité, vélocité et/ou endurance que sur sa soi-disant lâcheté (que j’associerais souvent à un simple esprit de conservation). Un ton humoristique très agréablement maîtrisé. Sa prose efficace regorge de phrases bien tournées, bien trouvées, de remarques drôles, pertinentes et malignes.
Finalement, mon seul petit reproche tient à la manière dont est constitué le recueil. Peut-être les textes ont-ils été écrits à différentes époques et simplement regroupés ensemble, mais je trouve que l’unité de l’ouvrage aurait pu être pensée différemment. On a des explications qui reviennent dans plusieurs histoires, des répétitions qui auraient pu être évitées pour plus de fluidité. Un point négatif qui disparaît si vous préférez picorer les histoires de temps à autre au lieu de dévorer tout le recueil comme je l’ai fait.
Une lecture très plaisante en somme à la découverte d’une faune australienne complètement loufoque. Démêler le vrai du faux ? Pourquoi faire alors qu’on peut se laisser embarquer pour un voyage aussi dépaysant ?
Cook a publié deux autres recueils d’« histoires du bush », La vengeance du wombat et L’ivresse du kangourou. Il ne me déplairait pas de connaître ses mésaventures avec la boule de poil qu’est le wombat…
« Parmi mes nombreux défauts, je suis affligé de l’incapacité de distinguer les personnes saines d’esprit des fous à lier. Peut-être la différence est-elle minime, peut-être suis-je moi-même légèrement demeuré. »
« Dans toute l’Australie à l’ouest de Bogan, on peut truander un homme, s’enfuir avec sa femme, spolier sa fille, débaucher ses fils, voire lui voler son chien, il lui sera toujours possible de vous pardonner, mais refuser de boire avec lui vous recale dans la sous-classe des dingos, des parias à jamais, des irrécupérables ; vous ne valez même pas la balle qu’il aurait pourtant plaisir à vous loger dans la peau. »
« L’un des mythes répandus sur l’Australie, c’est qu’elle n’abrite aucune créature dangereuse, hormis les crocodiles, les serpents et les araignées. C’est faux. Il y a aussi des Aborigènes et des chameaux. Individuellement, ils sont redoutables. Ensemble, ils sont quasi mortels. »
« Si des pensées parvenaient à traverser mon cerveau terrorisé, elles consistaient à me demander si j’allais chuter et mourir, me faire entraîner dans l’immensité désertique et mourir, ou affronter l’haleine du chameau une nouvelle fois et mourir. »
Le koala tueur et autres histoires du bush, Kenneth Cook. Le Livre de Poche, 2011 (1986 pour l’édition originale. Editions Autrement, 2009, pour la première traduction française). Traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol. 218 pages.