Le koala tueur et autres histoires du bush, de Kenneth Cook (1986)

Le koala tueur et autres histoires du bush (couverture)Quinze nouvelles à la rencontre des Aborigènes et des mineurs, des koalas et des crocodiles, des chameaux et des serpents. Si les crocodiles et les serpents vous terrifient, sachez que les koalas et les chameaux ne sont pas plus inoffensifs… Kenneth Cook témoigne ici qu’il en a souvent fait les frais.

Je ne suis pas une adepte des nouvelles, je l’avoue. A l’exception des œuvres de Stefan Zweig et d’Edgar Allan Poe, je ne suis pas friande de ce genre qui ne parvient que rarement à me rassasier. Pourtant, j’ai apprécié cette lecture. Je ne sais quel souvenir j’en garderai, mais je dois dire que Kenneth Cook maîtrise l’art de la nouvelle et parvient en quelques mots à dépeindre les personnages ubuesques rencontrés au fil de ses voyages. La fin de la nouvelle arrive toujours trop vite – d’où la légère frustration – mais la chute arrive toujours à point nommé sans qu’il n’y ait rien à ajouter. Des historiettes pittoresques, farfelues, irréelles, cocasses.

Kenneth Cook trace un portrait hostile et pourtant désopilant de cet arrière-pays australien. Entre les animaux fous et la désinvolture, voire l’inconscience – parfois doublée d’un alcoolisme latent – des locaux, la vie du narrateur y est souvent mise en danger. L’auteur raconte ces anecdotes, présentées comme 100% authentiques bien que parfois complètement improbables, avec beaucoup d’amusement, une perpétuelle curiosité et une pincée de résignation.
Cook pose un regard plein d’autodérision aussi bien sur son physique peu adapté aux situations périlleuses réclamant agilité, vélocité et/ou endurance que sur sa soi-disant lâcheté (que j’associerais souvent à un simple esprit de conservation). Un ton humoristique très agréablement maîtrisé. Sa prose efficace regorge de phrases bien tournées, bien trouvées, de remarques drôles, pertinentes et malignes.

Finalement, mon seul petit reproche tient à la manière dont est constitué le recueil. Peut-être les textes ont-ils été écrits à différentes époques et simplement regroupés ensemble, mais je trouve que l’unité de l’ouvrage aurait pu être pensée différemment. On a des explications qui reviennent dans plusieurs histoires, des répétitions qui auraient pu être évitées pour plus de fluidité. Un point négatif qui disparaît si vous préférez picorer les histoires de temps à autre au lieu de dévorer tout le recueil comme je l’ai fait.

Une lecture très plaisante en somme à la découverte d’une faune australienne complètement loufoque. Démêler le vrai du faux ? Pourquoi faire alors qu’on peut se laisser embarquer pour un voyage aussi dépaysant ?

 Cook a publié deux autres recueils d’« histoires du bush », La vengeance du wombat et L’ivresse du kangourou. Il ne me déplairait pas de connaître ses mésaventures avec la boule de poil qu’est le wombat…

« Parmi mes nombreux défauts, je suis affligé de l’incapacité de distinguer les personnes saines d’esprit des fous à lier. Peut-être la différence est-elle minime, peut-être suis-je moi-même légèrement demeuré. »

« Dans toute l’Australie à l’ouest de Bogan, on peut truander un homme, s’enfuir avec sa femme, spolier sa fille, débaucher ses fils, voire lui voler son chien, il lui sera toujours possible de vous pardonner, mais refuser de boire avec lui vous recale dans la sous-classe des dingos, des parias à jamais, des irrécupérables ; vous ne valez même pas la balle qu’il aurait pourtant plaisir à vous loger dans la peau. »

« L’un des mythes répandus sur l’Australie, c’est qu’elle n’abrite aucune créature dangereuse, hormis les crocodiles, les serpents et les araignées. C’est faux. Il y a aussi des Aborigènes et des chameaux. Individuellement, ils sont redoutables. Ensemble, ils sont quasi mortels. »

« Si des pensées parvenaient à traverser mon cerveau terrorisé, elles consistaient à me demander si j’allais chuter et mourir, me faire entraîner dans l’immensité désertique et mourir, ou affronter l’haleine du chameau une nouvelle fois et mourir. »

Le koala tueur et autres histoires du bush, Kenneth Cook. Le Livre de Poche, 2011 (1986 pour l’édition originale. Editions Autrement, 2009, pour la première traduction française). Traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol. 218 pages.

Lotto Girl, de Georgia Blain (2017)

Lotto Girl (couverture)Fern Marlow est une Lotto Girl. Grâce à une loterie, ses parents ont pu lui offrir un profil génétiquement modifié par BioPerfect ainsi que la meilleure éducation possible dans la prestigieuse école de filles, Halston.

L’histoire est construite avec des chapitres jonglant entre le présent et le passé. D’une part, on découvre Fern sous un faux nom, obligée de trimer dans un camp de ReCorp, une entreprise responsable du tri des déchets ; d’autre part, on suit Fern depuis son enfance et son entrée à Halston, ses études, ses amies et la suite d’événements l’ayant menée à ReCorp.
J’ai eu davantage d’intérêt pour les souvenirs de Fern que pour le présent. Pour Halston que pour le camp de ReCorp. Les informations sont distillées au compte-goutte et la progression est extrêmement lente. Il y a de nombreuses redites et j’ai parfois eu du mal à avancer dans le livre tant je m’ennuyais. Finalement, j’ai eu l’impression de lire une looooongue introduction.

Les personnages ne m’ont pas tirée de mon ennui. Fern tente de rester le plus longtemps possible dans son conte de fées. Pour une héroïne de dystopie, elle n’est ni révoltée, ni éclairée, ni badass. C’est bien de changer des schémas classiques, mais si c’est pour avoir une héroïne râleuse, aveugle et agaçante… Je lui ai préféré ses amies Lark, Wren et Ivy ou la surveillante Miss Margaret, moins sensibles à la propagande de BioPerfect.
Toutefois, je dois concéder un bon point par rapport aux personnages : pas de véritable romance ! Youhou ! Bon, le beau Chimo ne m’a pas intéressée, mais au moins, il ne nous embête pas trop longtemps.

Pourtant, l’univers présenté est intéressant ! Comme dans La Faucheuse, le concept de nation est devenu obsolète. Cette fois, la Terre est contrôlée par un réseau de grandes entreprises, comme BioPerfect, dirigées par les Parents. BioPerfect possède bon nombre de filiales et le salaire (en données) et le niveau de vie de ses employés varient en fonction de celle à laquelle ils sont affiliés. Ainsi, ceux travaillant à ReCorp ou NewMatter doivent lutter pour survivre, ceux de PureAqua sont un peu mieux payés, etc. On se retrouve avec un système de classe cher à la dystopie. Les plus miséreux vivent dans des camps de fortune surpeuplé, leur air est pollué et poussiéreux et ils doivent affronter les moussons et autres désagréments climatiques ; pendant ce temps, les riches vivent dans de grandes villas sous un ciel d’un bleu pur, offrent à leurs enfants une éducation de qualité, et surtout, ont accès aux services de génétique de BioPerfect pour avoir une descendance intelligente, belle et en bonne santé. Des ressorts classiques, mais efficaces.

La situation, jusqu’alors idyllique de Fern, se complique peu à peu et ni elle, ni le lecteur ne savent à qui faire confiance. Parmi les thématiques abordées, on trouve la manipulation génétique et la manipulation psychologique, l’eugénisme, la perfection, le rôle de l’éducation et de l’environnement social, la prédestination, etc. Nous sommes dans un monde post-apocalyptique qui a changé après le mystérieux Effondrement, ce qui permet d’évoquer les questions de la nature, dans ce monde où les produits frais et non génétiquement modifiés se font rare et où il est mal vu d’avoir une plante verte chez soi.
De plus, qui dit dystopie, mensonges et inégalités, dit révolte. Je l’attendais cette révolution, j’attendais que BioPerfect soit confronté directement, j’attendais qu’il se passe quelque chose. Et pourtant, ça fait un peu pétard mouillé dans ce roman. Les Opposants se cachent… et c’est tout. Ils sont plus baba cool cultivant leur potager hors du monde BioPerfect que guerriers. C’est bien beau, c’est pacifiste, j’approuve, mais ça ne fait pas avancer l’histoire.

Je ressors donc frustrée de ma lecture car de nombreuses questions restent sans réponse (et le resteront puisque Georgia Blain est morte l’an passé…) : les Parents, l’Effondrement, les Souterrains, la rébellion… J’ai du mal à penser que l’autrice ait pensé ce roman en one-shot tant il appelle une suite pour éclaircir bien des points et approfondir les personnages (et si c’était le cas, c’est un très mauvais one-shot).

Malgré un monde plein de potentiel et un regain d’intérêt dans les 70 dernières pages, j’ai été soulagée d’arriver au bout de cette lecture. Lotto Girl souffre réellement d’un manque de rythme et d’action, la progression étant bien trop lente pour être efficace. En outre, personnages et univers ne sont pas assez étoffés pour devenir captivants.

« – Je suis une Lotto Girl. Ils nous utilisent. Parfois pour combler un manque dans le marché du travail, parfois pour tester un nouveau profil. Ils voudront peut-être voir ce que donnera une enseignante avec davantage d’imagination. Ils se servent de nous pour les réglages, pour affiner un modèle. Nous ne sommes que des prototypes de travail. Ils encouragent nos parents, ou les soudoient. Les miens se sont entendus dire que je serais belle s’ils choisissaient l’option préconisée par BioPerfect.
Je l’ai dévisagée. Je n’avais jamais envisagé qu’on puisse être autre chose que des chanceuses. »

Lotto Girl, Georgia Blain. Casterman, 2017 (2016 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Australie) par Alice Delarbre. 329 pages.

Illuminae, tome 2 : Dossier Gemina, d’Amie Kaufman et Jay Kristoff (2016)

Illuminae, tome 2 (couverture)Cette fois, j’ai été plus maligne qu’avec La Passe-miroir, j’ai relu le tome 1, Dossier Alexander, avant la sortie du Dossier Gemina pour me jeter sur celui-ci dès le 21 juin ! Ma relecture a été un vrai bonheur et j’ai à nouveau été glacée par les terribles ravages du virus Phobos et fascinée par AIDAN.

Tandis que Kady, Ezra, AIDAN et les autres filent à toute allure vers la station de saut Haimdall, ils ne se doutent pas que celle-ci est attaquée par un escadron d’élite de BeiTech. Ceux-ci prennent rapidement la situation en main, mais Hanna Donnelly, fille du commandant responsable de la station, passionnée de mode mais aussi d’arts martiaux, et Niklas Malikov, membre de la mafia locale, vont leur mettre des bâtons dans les roues. Mais les mercenaires ne sont pas les seuls dangers présents sur la station.

En découvrant le résumé, j’ai eu un peu peur de la redondance par rapport au premier tome. Certes, il y a quelques aspects répétitifs entre les deux volumes (les deux couples qui, au début du moins, ne sont pas sur la même longueur d’ondes – Kady et Ezra car ils venaient de rompre, Hanna et Nik parce qu’ils ne vivent pas du tout dans le même milieu social –, la menace insidieuse du virus puis des laminas), mais les auteurs ont quand même su se renouveler suffisamment. Toutefois, j’ai d’autres reproches à faire à ce second tome.
Dossier Alexander nous plongeait directement au cœur de l’invasion de BeiTech sur Kerenza et nous faisait découvrir Kady et Ezra au milieu de l’action. En revanche, Dossier Gemina prend davantage son temps pour introduire Hanna, son caractère, ses relations avec Nik, son père ou encore Jackson Merrick, elle nous présente aussi la station Heimdall via son journal. Autant le premier tome m’a immédiatement happée, autant il m’a fallu une centaine de pages pour être vraiment dans celui-ci.
Il m’a ensuite semblé qu’il y avait une moins grande variété dans les documents constituant l’histoire. On trouve majoritairement des résumés de vidéosurveillance pour faire avancer l’action (ainsi que du chat). Or, ces retranscriptions sont les moins originales, elles sont moins marquantes visuellement et, finalement, ce sont simplement des récits avec un narrateur omniscient qui commente les faits et gestes des protagonistes.
Enfin, je l’ai trouvé moins visuel que le premier tome. Je suis encore hantée par la vision de cette petite fille traînant son cœur humain comme un nounours ou par leurs « Arrête de me regarder ». J’ai des images très fortes liées au Dossier Alexander. Pas avec le Dossier Gemina. Déjà parce que j’ai eu du mal à imaginer, à visualiser les laminas (des bestioles mortelles élevées par la Maison des Couteaux, la mafia locale, qui se sont échappées et se baladent dans les tuyaux d’aération). J’ai plus ou moins fini par définir leur apparence dans mon esprit, mais je n’en suis pas satisfaite et je ne suis jamais parvenue à véritablement leur donner vie.

Cependant, j’ai quand même passé un excellent moment et ma déception reste légère ! (J’insiste là-dessus, j’ai commencé par les points négatifs, mais j’ai quand même été happée par ce roman et je les conseillerai toujours mille fois !)
La forme du roman est toujours aussi originale et plaisante à lire. J’ai notamment apprécié le journal de Hanna (papier contrairement à celui de Kady) et le petit côté manga de ses dessins ainsi que le trombinoscope de l’escadron BeiTech progressivement barré au fil des morts.

Le changement de décor est agréable. La présence du trou de ver donne l’impression d’être sur un fil où tout peut dégénérer en un clin d’œil. La théorie du multivers est aussi abordée. Je ne sais pas si elle sera réutilisée par la suite, mais c’était bien amené et j’ai adoré la double narration qu’elle permet sur quelques pages.

Illuminae T2 6

Les personnages sont une nouvelle fois efficaces et on s’y attache rapidement. Hanna, cette fille pas aussi superficielle qu’elle en a l’air, courageuse et décidée malgré toutes les pertes qu’elle connaît. Nik, fort sympathique également. Je mets toutefois un bémol sur la romance, mignonne certes mais malheureusement trop prévisible. Ma préférence va, de toute façon, à Ella, la cousine hackeuse et battante du héros. (Et j’ai retrouvé AIDAN avec plaisir, diminué mais toujours tentant de comprendre les humains ! Et toujours drôle.)
Enfin, on retrouve les ingrédients d’une aventure survoltée : la tension liée à la traque, le jeu entre proies et prédateurs (qui s’inverse parfois), le rythme (car, malgré ce début un peu moins prenant, on se retrouve vite embarqué dans une course folle), l’émotion, l’humour, l’horreur parfois. Des révélations aussi ainsi que des retournements de situation !

Certes, le Dossier Gemina est à mon goût un peu en-deçà du Dossier Alexander, mais ça reste malgré tout une lecture géniale ! Je n’ai pas lâché mon livre, j’ai été happée par cette histoire, bref, c’est addictif ! Donc n’hésitez pas ! Le plus dur reste à venir : il faut maintenant attendre l’année prochaine pour découvrir l’ultime volume, le Dossier Obsidio !

« Vue de l’extérieur, la station est fabuleuse. Rien ne trahit les drames qui s’y déroulent. Ni impact de balle, ni cadavre, ni tache de sang sur les murs. Une ville circulaire en constante révolution autour d’un trou scintillant au bord de l’univers. »

« Rêver l’impossible : une quête de chaque instant. »

Illuminae, tome 2 : Dossier Gemina, Amie Kaufman et Jay Kristoff, illustré par Marie Lu. Casterman, 2017 (2016 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Australie) par Corinne Daniellot. 670 pages.

Challenge Les Irréguliers de Baker Street – La Deuxième Tache : 
lire le deuxième tome d’une saga

Illuminae, tome 1 : Dossier Alexander, d’Amie Kaufman et Jay Kristoff (2015)

Illuminae 1 - Dossier Alexander (couverture)Kerenza, petite planète perdue quelque part dans l’Univers, est attaquée par une entreprise interstellaire, BeiTech. Rescapés à bord de deux vaisseaux différents et persuadés que l’état-major leur ment sur leur situation, Kady Grant, 17 ans, et Ezra Mason, 18 ans, s’unissent pour découvrir la vérité grâce aux talents de hackeuse de Kady.

Une planète isolée, la colonisation de l’espace par les hommes, une attaque spatiale, une Intelligence Artificielle (du nom d’AIDAN) qui semble dérailler… On pourrait se dire que tout cela est quelque peu déjà vu, et pourtant… non ! Illuminae, c’est génial, c’est une claque et c’est à lire !
Reprenons plus posément. Illuminae est un roman comme je n’en ai jamais lu. Il faut reconnaître que la forme est pour le moins atypique.

Voici quelques pages piochées dans le roman pour exemple :

On y trouve des rapports, des retranscriptions de vidéos surveillance, des entretiens, des discussions par mails ou messagerie instantanée, des extraits du journal de Kady, etc. A cela s’ajoute des images comme des calligrammes, des affiches ou des plans de vaisseaux. La typographie varie en fonction des documents – ce qui leur confère davantage d’authenticité –, mais aussi en fonction de la situation ou de l’état des personnages. Nous pouvons passer d’un écrit très formel, quasi militaire, à une conversation par messagerie instantanée qui nous montre les protagonistes sous un jour plus naturel.

Quand j’ai commencé à lire les interrogatoires de Kady et Ezra qui ouvrent le roman, je me suis demandé si ma lecture allait être vraiment agréable. Et oui, elle l’a été.
Je me suis prise au jeu et j’ai apprécié – avec un plaisir sans cesse grandissant – les changements de supports. En outre, malgré cette originalité, le récit est toujours cohérent et l’on peut suivre nos personnages de manière fluide. Le roman était donc très bien pensé et très bien construit : les documents ne sont jamais là par hasard, ils sont toujours utiles et on ne tombe pas dans le travers de mettre des éléments simplement parce que c’est original.

Illuminae 1 - Dossier Alexander 8
Et l’histoire alors ? Elle n’est pas en reste non plus puisqu’elle m’a complètement emportée pour un voyage aux confins de l’Univers. Pas de descriptions, mais un départ sur les chapeaux de roue, directement dans le vif du sujet ! J’ai été prise par ce huis-clos (peut-on vraiment parler de huis-clos dans des vaisseaux long de plusieurs kilomètres ?) avec cette IA apparemment timbrée (et donc pas rassurante pour un sou) et les autres dangers que devront affronter Kady et Ezra (je n’en dis pas plus pour ne pas spoiler). Grâce à l’alternance des points de vue et des documents, le rythme est dynamique, voire haletant, pendant plus de 600 pages !

L’originalité de la forme ne nuit nullement à l’émotion. Le ton et l’ambiance changent sans difficulté : de la gravité, de l’humour (pas au point de s’esclaffer devant le livre, mais plus de légèreté, dirais-je), du cynisme, des instants solennels et d’autres où l’on retient son souffle… On s’attache aux personnages sans difficulté et, en ce qui me concerne, j’ai eu un coup de cœur pour AIDAN, l’Intelligence Artificielle, qui devient rapidement un narrateur à part entière par le biais de fichiers provenant de ses serveurs et inclus au dossier.

Ecrit à quatre mains, Illuminae – Dossier Alexander est un Space Opera unique qui m’a captivée à 200%. Une histoire excellente (qui interroge également sur l’intelligence artificielle ou le pouvoir accordé aux grandes entreprises), du suspense et des retournements de situation en quantité, des personnages forts et surtout une mise en page exceptionnelle pour un résultat addictif !

Vivement la parution du second tome pour prolonger cette expérience de lecture totalement nouvelle !

Illuminae 1 - Dossier Alexander 5

« Quel tandem improbable, elle et lui.
Un duo de code et d’électron.
L’âge et la jeunesse, le cynisme et l’espoir.
Il est plus rapide qu’elle – bien plus expérimenté.
Mais elle. Elle est sans peur. Trop jeune pour avoir connu l’échec et la peur qui s’en nourrit. Elle le mène sur des sentiers qu’il n’aurait pas osé explorer seul.
Elle est le catalyseur.
Elle est le chaos.
Je peux comprendre pourquoi il l’aime.
< Erreur >
< Erreur > »

« Les miracles sont des improbabilités statistiques. Et le destin est une illusion à laquelle l’humanité se raccroche pour avoir moins peur du noir. Il n’existe aucune certitude dans la vie, exceptée la mort. »

Illuminae, tome 1 : Dossier Alexander, Amie Kaufman et Jay Kristoff. Casterman, 2016 (2015 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Australie) par Corinne Daniellot. 607 pages.

The End of the World Running Club, d’Adrian J. Walker (2016)

The End of the World Running Club (couverture)L’hémisphère nord est durement frappé par une pluie d’astéroïdes. Le Royaume-Uni est dévasté. Edgar et sa famille se réfugient dans une caserne militaire encore debout en attendant les secours. Malheureusement, Edgar est en ville pour une mission de réapprovisionnement quand les hélicoptères arrivent et emmènent sa famille et le reste de la colonie. Pour lui, et six compagnons d’infortune, la seule solution pour embarquer sur les bateaux qui les conduiront vers la civilisation est de courir. Courir plus de huit cents kilomètres.

Décidément, je crois que je prends de plus en plus goût à la science-fiction, à toute cette littérature qui pose comme question initiale « Et si… ? ». J’ai préféré Station Eleven, mais The End of the World Running Club est également très prenant. Les cinq cents pages ont défilé sous mes doigts comme les kilomètres sous les pieds d’Edgar. Contrairement à d’autres lecteurs, je n’ai pas ressenti de longueurs. Notamment parce que finalement, ils se mettent à courir assez tardivement dans le livre, la première moitié du roman étant essentiellement focalisée sur la vie d’avant, la semaine passée à se protéger dans la cave, l’organisation à la caserne et le début de leur voyage (qui ne se fait pas en courant).

Edgar Hill est un personnage touchant bien que parfois agaçant par son caractère un peu mou. A 35 ans, il est loin d’être parfait. Mari et père absent, il se laisse dériver dans une vie qui ne lui convient pas. Il boit un peu trop, se laisse aller et se complaît dans des excuses bidons, du genre « être papa de deux enfants, c’est beaucoup de travail, je n’ai pas de temps pour moi » alors que Beth, sa femme, fait plus que sa part dans leur vie de famille. J’ai aimé les critiques qu’il fait de nos sociétés de consommation, de cette dictature de la vitesse et de la performance.
L’auteur ne tente pas de nous faire croire que cet individu quelque peu bedonnant va se transformer en coureur en deux jours. Non, pour Edgar, courir est un supplice de tous les instants. Mais être séparé de sa famille aussi comme il va s’en rendre compte. C’est donc ce puissant moteur qui va le jeter sur les routes d’Angleterre. Avec lui, on va connaître l’espoir, l’abattement, la fatigue, le courage, le désespoir.
Ses compagnons sont tout aussi réalistes et attachants, notamment Bryce, « l’ours » comme dirait la fille d’Edgar, ou Harvey, le vieil homme au sourire facile et au pas léger, ou encore Laura Grimes, militaire de son état, qui va peu à peu abandonner sa carapace d’autorité et de sévérité. Avec eux, il va connaître l’amitié et une vraie entraide.

Au cours de leur périple, ils feront des rencontres qui, comme on peut s’en douter, seront parfois très bonnes, parfois très mauvaises, chacun tentant de survivre selon ses moyens. Ils vont dont côtoyer la solidarité comme l’horreur et seront confrontés à des dérives qui arriveraient probablement en cas de fin du monde connu : tyrannie des plus puissants, des mieux armés, folie religieuse, etc.

Les rebondissements de l’histoire s’enchaînent avec fluidité et nous sommes rapidement capturés par cette ambiance sombre et inquiétante, pourtant Adrian J. Walker nous offre également un roman très visuel, parfois presque contemplatif avec de nombreuses images de ce panorama dévasté : tours déchirées, villes pulvérisées, zones inondées, nouveaux reliefs… Certes, cela doit être encore plus fort à visualiser lorsque l’on connaît le Royaume-Uni, mais ce paysage post-apocalyptique est très bien décrit.
Quant à la fin, elle ne tombe pas dans le travers du happy end et elle est plutôt bien trouvée, mais je ne vous en dis pas plus.

Attirée par le titre, j’ai découvert un bon roman post-apocalyptique qui, par ses personnages bien campés, m’a embarquée dès les premières pages pour une course désespérée à travers un Royaume-Uni hostile.

« Je crois ce que je crois pour rendre la vie moins terrifiante. Les croyances ne sont que cela : des histoires que nous nous racontons pour ne plus avoir peur. Les croyances n’ont pas grand-chose à voir avec la vérité.
Je ne sais pas. Croyance, mémoire, peur – ces choses vous freinent, vous alourdissent, vous empêchent d’avancer. Et moi, il faut que j’avance. Il faut que j’arrête de penser à tout ça. C’est ce qu’Harvey me dirait – arrête de penser, avance. Mais il est difficile d’arrêter de penser quand il n’y a personne d’autre que vous, une bougie et une vieille maison sur la côté croulante d’un pays en ruines. »

« La vérité, c’est que j’étais fatigué de tout ça. J’étais fatigué du vacarme et des vociférations d’un monde qui avait de moins en moins de sens et d’une vie qui m’avait mené exactement là où elle l’avait voulu. La vérité, c’est que la fin du monde, du moins pour moi, est venue comme un soulagement. »

The End of the World Running Club, Adrian J. Walker. Hugo & Cie, coll. Hugo thriller, 2016 (2015 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Australie/Angleterre) par David Fauquemberg. 557 pages.