Les petites reines, de Clémentine Beauvais (2015)

Les petites reines (couverture)La lecture de Comme des images, bien que mitigée, m’a donné des envies de relecture… Je commence donc avec Les petites reines !

Mireille Laplanche, Astrid Blomvall et Hakima Idriss ont été élues « Boudins de l’année ». Mais celles-ci, accompagnées du Soleil (alias Kader, alias le frère d’Hakima), décident de rallier Paris depuis Bourg-en-Bresse pour prendre leur revanche. Le plan : gate-crasher la garden-party du 14 juillet à l’Elysée. Le moyen de transport : le vélo ! Le financement : des boudins, bien sûr !

La plume de Clémentine Beauvais est énergique et truculente, me rappelant celle de Pennac dans la saga Malaussène que je savoure peu à peu. Car, avant tout, c’est drôle et déjanté. C’est hilarant d’un bout à l’autre, et cela on le doit à Mireille et ses répliques foudroyantes. D’une intelligence aigüe – à l’image du roman dont elle est l’héroïne –, son sens de la répartie n’a pas d’égal et sèche sur pied tous ses détracteurs (et fait mourir de rire ses lecteurs).
Cynique, tendre, insupportable, têtue, Mireille Laplanche est terriblement attachante. A la fois ordinaire et extraordinaire. Ordinaire car elle vit la même chose que des centaines d’adolescentes (le road-trip à vélo mis à part) dans le même monde que nous. Extraordinaire grâce à sa verve, son énergie et sa capacité à transformer (pour un temps du moins) les insultes en force. Une héroïne comme on en veut plus dans la littérature, une héroïne que l’on aimerait connaître, une héroïne que j’aurais aimé rencontrer plus jeune.

Des mairesses, une Présidente de la République, une journaliste pour avoir l’exclusivité des déclarations de Mireille… Pas de doute, les femmes sont bien là, au premier comme au second plan ! Comme quoi, c’est possible d’avoir autre chose que des maîtresses, des boulangères ou des pharmaciennes…
Ce roman féministe à bien des égards offre un véritable pied de nez au culte de la beauté en sublimant ces trois héroïnes qui ne répondent pas aux diktats en vogue de nos jours. Nos trois héroïnes sont des vraies filles avec des défauts et des complexes, mais surtout avec de belles qualités. Pas des mannequins photoshopés. En s’appropriant l’insulte si blessante, elles délivrent confiance et espoir à tout le monde.
Cependant, Clémentine Beauvais ne tombe jamais dans le cucul et, si elle met en valeur la solidarité, l’amitié ou le dépassement de soi, elle n’essaie pas de nous faire croire que leur vie va devenir un conte de fées. La méchanceté gratuite sera toujours là et rien ne dit que la fierté de nos trois copines durera toujours.

Au fil de ce road-trip décoiffant, on découvre bien d’autres personnages attachants : Kader, la mère de Mireille et même son beau-père (en dépit du portrait peu flatteur qu’elle trace de lui au début), Adrienne… Les réseaux sociaux, le handicap, la guerre et la culpabilité se joignent au harcèlement scolaire et aux complexes, mais le pardon et l’optimisme ne sont jamais loin. C’est là tout le talent de Clémentine Beauvais : la réalité, la lucidité et la subtilité ne quittent jamais ces pages, mais l’humour omniprésent et les messages d’espoir distillent un parfum de liberté, de légèreté et de bonne humeur.

Qui aurait cru que, derrière cette couverture argentée et rose flashy, se cachait une telle merveille ? (Bon, maintenant, tout le monde le sait, mais à l’époque de sa sortie, ce livre m’aurait fait peur !) Hilarant, moderne et positif, ce bouquin donne une furieuse envie de prendre son vélo et de partir en vadrouille (ce que j’ai plus ou moins prévu de faire une fois que j’aurai quitté Paris [ce qui est le cas depuis six mois, pour dire que cette chronique traîne depuis un moment dans mes tiroirs…]), de manger du crottin de Chavignol et de s’aimer un peu plus ! A dévorer encore et encore.

« – Mais comment tu peux avaler ça, toi, d’être élue Boudin du lycée Marie-Darrieussecq ? C’est dur… C’est vraiment dur, quand même…
– Oh, je dispose d’une capacité de détachement surhumaine. Je sais que ma vie sera bien meilleure quand j’airai vingt-cinq ans ; donc, j’attends. J’ai beaucoup de patience.
– C’est triste de devoir attendre d’aller mieux.
J’ai envie de lui répondre, Oh, seulement les trois premières années. Après, on s’y fait. Mais il est clair que la pauvre Astrid, chez les sœurs, n’a pas eu le même entraînement que moi : on n’a pas dû lui répéter assez souvent qu’elle était grossémoche. Alors que moi, c’est arrivé tellement de fois que désormais je m’en gausse. Ça glisse comme de l’eau sur des feuilles de lotus.
Bon, sauf quand je suis un peu crevée, ou que j’ai mes règles, ou un rhume ; dans ces moments-là, OK, il peut arriver que je perde mon imperméabilité. Mais pas ce soir. Ce soir, ça va, et la Boudin d’Or a besoin de moi.
»

« – Je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez à revendiquer ce nom de Boudins ! s’offusque Maman. C’est un mot horrible.
– On le rendra beau, tu vas voir. Ou au pire, on le rendra puissant.
(Rubrique trucs et astuces de la vie, par Tata Mireille : prends les insultes qu’on te jette et fabrique-toi des chapeaux avec.) »

Les petites reines, Clémentine Beauvais. Sarbacane, coll. Exprim’, 2015. 270 pages.

Challenge Les Irréguliers de Baker Street – La Cycliste Solitaire :
lire un livre dans lequel l’héroïne pratique le vélo

Miss Dumplin, de Julie Murphy (2015)

Miss Dumplin (couverture)Willowdean est ronde (« Dumplin » signifie « Boulette » et c’est le surnom que lui donne sa mère, why not ?), mais elle n’a jamais eu de problème avec son poids… jusqu’à ce que Bo pose les yeux (et les mains) sur elle. C’est le début des premiers doutes : est-ce qu’une fille comme elle peut vraiment être avec un mec comme lui ? Pour retrouver confiance en elle, elle se lance dans un projet fou : participer au concours de beauté que sa mère, ex-Miss, organise tous les ans.

A l’issue de ma lecture, je me disais que Miss Dumplin était un roman plutôt réussi même si l’histoire en elle-même n’est pas forcément d’une grande originalité et malgré quelques clichés. Toutefois, en y réfléchissant pour ma critique, je m’aperçois que j’ai quand même plusieurs reproches à lui faire.
Premièrement, les clichés : la blondasse-pétasse qui se met entre Willowdean et Ellen, la dispute entre les deux amies, les relations compliquées entre Will et sa mère ou encore le triangle amoureux. Deuxièmement, à propos de triangle amoureux, est-ce que toutes les filles qui se considèrent comme indignes d’intérêt sont courtisées par deux garçons à la fois ? Troisièmement, ça me dérange un peu – même si je pense que ça peut être crédible – que Willowdean commence à perdre son assurance pour le regard d’un homme.
Cependant, Miss Dumplin reste un roman frais et léger qui parle du fait d’être grosse sans en faire des tonnes, ce qui est appréciable, et dénonce la superficialité de la société actuelle.

Par contre, Willowdean est incroyable. Joyeuse, dynamique et intelligente. Et elle a confiance en elle. Les filles comme elle (c’est-à-dire qui ont confiance en elles, qu’elles soient maigres ou grosses) m’impressionnent toujours. Elle se fiche totalement de l’opinion des autres et elle ne se laisse pas faire. Bref, elle m’a été tout de suite sympathique et j’aurais adoré l’avoir comme amie au lycée. Et elle a éclipsé tous les autres personnages qui manquent un peu d’épaisseur à mon goût (à l’exception peut-être de Mitch).

Un roman divertissant porté par une héroïne forte avec un beau message sur l’acceptation de soi. Dommage qu’il y ait tant de clichés. Une lecture sympathique, mais qui ne me marquera sans doute pas.

« Le mot « grosse » met les gens mal à l’aise. Mais quand vous me voyez, la première chose que vous remarquez, c’est le volume de mon corps, de la même façon que la première chose que je remarque chez certaines filles c’est qu’elles ont de gros seins, des cheveux brillants ou des genoux cagneux. Et tous ces trucs-là, on peut les dire. Mais « grosse », le mot qui me désigne le mieux, fait grimacer les gens et les fait pâlir.
Pourtant, c’est ce que je suis : grosse. Ce n’est pas un mot vulgaire, et encore moins une insulte. Du moins, pas quand c’est moi qui le dis. Alors, tant qu’à faire, pourquoi ne pas commencer par là, histoire de pouvoir passer rapidement à autre chose ? »

Miss Dumplin, Julie Murphy. Michel Lafon, 2016 (2015 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Troin. 378 pages.