Contes des Royaumes, tome 1 : Poison, de Sarah Pinborough (2014)

Contes des Royaumes 1 - Poison (couverture)« Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. »

Ce n’est certainement pas par cette formule traditionnelle que se termine cette version revisitée du conte de Blanche-Neige.
On connaît tous le conte, donc un résumé ne sera pas nécessaire. Quant à la fin, elle est bien différente de celle de Disney, mais je ne la spoilerai pas.

J’ai beaucoup aimé la manière dont sont approfondis les caractères de ces personnages célèbres : la reine, les nains, le prince, Blanche-Neige… Leur importance se vaut et Blanche-Neige n’est plus la seule héroïne et les méchants occupent bon nombre des pages de ce roman. Ils apparaissent plus modernes, plus humains, torturés par leurs désirs.
La reine – prénommée Lilith (elle était prédestinée au mal avec ce prénom) – n’est pas présentée comme étant LA méchante sorcière, un-point-c’est-tout, on découvre pourquoi elle est comme ça, son passé, sa bisaïeule qui lui a enseigné l’art de la magie, son mariage forcé, sa jalousie qui lui ronge le cœur et qui lutte (et vainc) les remords qu’elle ressent parfois. Son inhumanité n’est pas sans causes et est aggravée par des événements inattendus. J’ai beaucoup aimé ce personnage. Décidée et autoritaire, belle et captivante, intelligente et manipulatrice, mais pourtant tourmentée. Son fameux miroir n’est pas vraiment un objet régulièrement sollicité, mais une voix
Les nains souffrent de leur travail de mineurs, peuple d’exploités. L’un d’eux, Manchot, a même connu un épisode particulièrement traumatisant dans les profondeurs de la terre. Les chants, les livres pour Rêveur et Blanche-Neige leur apportent un peu de joie et de lumière dans cette obscurité.
Le prince… Je n’en dirai rien car il est plein de surprise, ce prince. Il nous rappelle que la cruauté peut prendre bien des visages, même celui de l’amour et de la beauté.
Quant à Blanche-Neige, elle est certes quelque peu ingénue car elle vit dans le bonheur, l’action et le plaisir de vivre et ne connaît pas de difficultés au quotidien, mais elle n’est pas sans caractère. Elle est forte et décidée. Elle tente de changer sa belle-mère, dompte les plus fougueux étalons, se lie d’amitié avec les miséreux et les domestiques, etc. N’étant pas une demoiselle niaise en détresse, elle n’agit pas comme une princesse de son rang le devrait, ce qui ne plaît pas à tout le monde.
On peut noter que le roi, le père de Blanche-Neige, nous est un peu plus présenté que dans d’autres versions du conte. Outre un portrait physique, l’auteure définit sa relation à sa défunte femme et à Lilith, ses motivations pour son royaume ou son amour pour sa fille.

J’ai beaucoup aimé que d’autres contes interviennent dans celui-ci : Aladdin, Hansel et Gretel, les pantoufles de verre de Cendrillon, etc. Ainsi que l’intervention de l’arrière-grand-mère de Lilith qui jouera un rôle important dans l’empoisonnement de la belle princesse.

Le ton est plus adulte. Autant il y a des tensions entre les personnages qui rajoutent à l’épaisseur de leur caractère (je pense à Lilith, Blanche-Neige ou le chasseur), autant la nuit de noces de Blanche-Neige y est relatée de manière particulièrement érotique. Etait-ce nécessaire ? Je ne sais pas. Ça ne m’a pas dérangée, mais je ne trouve pas que cela apporte énormément de choses.

Autre point sur lequel j’apporterai une nuance : la fin. Je trouve l’idée audacieuse, originale et sombre à souhait, mais j’aurais aimé qu’elle soit un peu plus étoffée. Les derniers chapitres se sont déroulés à une vitesse folle, une ultime vision de chaque protagoniste, mais elle m’a laissée un petit goût de manque.

Le livre en lui-même est très beau également. Sa couverture cartonnée et écarlate à l’extérieur et les illustrations de Noëmie Chevalier à l’intérieur (une pour chaque chapitre) en font un magnifique objet.

N’ayant jamais été fan de Blanche-Neige, j’ai passé un bon moment avec cette version pleine de noirceur et ces personnages profonds, qu’ils soient bons, méchants ou un peu des deux.

Je suis curieuse de découvrir les deux tomes suivants – Charme (sur Cendrillon) et Beauté (sur la Belle et la Bête) – et j’espère qu’il ne s’agira pas trop d’un copier-coller (du genre « on reprend la même recette en changeant les noms »).

« Tout le monde l’aime, n’est-ce pas ? Et comment pourrait-il en être autrement ? Elle est si belle et si gentille, et en même temps, libre et indocile. Elle pourra choisir parmi les princes celui dont elle tombera amoureuse. Oui, elle est vraiment la plus belle du royaume. N’est-ce pas magnifique ? »

Contes des Royaumes, tome 1 : Poison, Sarah Pinborough. Bragelonne, coll. Milady, 2014 (2013 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Frédéric Le Berre. 221 pages.

La trilogie des Contes des Royaumes par Sarah Pinborough :

The Rocky Horror Picture Show, de Jim Sharman et Richard O’Brien, avec Tim Curry, Susan Sarandon, Barry Bostwick… (Etats-Unis, 1975)

The Rocky Horror Picture Show 1Attention, film culte !

Je sais que tout le monde ne sera pas d’accord ; pour certains, ce film est naze, mal joué, etc. Eh bien ! Pour moi comme pour beaucoup d’autres, il est culte.

Brad Majors et Janet Weiss viennent de se fiancer et décident d’aller l’annoncer à leur ex-professeur devenu un ami, Everett V. Scott. Sur la route, par une nuit orageuse, ils crèvent un pneu. Se souvenant avoir dépassé un vieux château, ils décident de s’y rendre afin de téléphoner. Dans ce manoir se déroule le meeting annuel des Transylvaniens. Leur chef, Frank N Furter, les invite à rester la nuit et à assister à son succès : il a découvert le secret de la vie et a créé l’homme parfait (bon, plein de muscles, mais pas de cervelle).

Je reconnais que c’est complètement délirant, que c’est certes kitsch, que les effets spéciaux sont approximatifs (le laser des Transylvaniens est pas mal !), mais c’est justement cela qui fait la saveur de ce film. C’est ce qui fait le charme de cette parodie des films de science-fiction, d’horreur et de série B, charme qui n’existerait pas si les  effets spéciaux étaient dignes des films de science-fiction actuels.

Film plein de références aux films de série B, aux réalisateurs, aux acteurs (Fay Wray, The Invisible Man, George Pal, la société RKO Pictures, etc.), mais aussi à Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley.
Film osé – pour l’époque – sur l’homosexualité, la bisexualité.
Film érotique, mais jamais vulgaire.
Film impertinent.
Film inclassable.

Mais le plus important de cette comédie musicale gothique restera toujours la musique évidemment. Géniale. Les premières notes du « Time Warp » donnent envie de danser comme celles de « Hot Patootie » et tant d’autres. Science Fiction/Double Feature, Over at the Frankenstein Place, Don’t Dream it Be it… Elles sont géniales. Et elles restent bien en tête, pendant des heures, voire des jours.

C’est l’un des premiers films de Susan Sarandon, mais, même si elle joue très bien la cruche (« – Hey Janet. – Yes Brad ? » « Oh Brad. »), c’est Tim Curry qui domine le show dans son rôle de « sweet transvestite from Transexual, Transylvania ». Il surpasse tous les autres, Transylvaniens, Terriens et autres créations, dans son rôle de Frank N Furter. Déjanté, sensuel, cruel. Impressionnant, sidérant. Toutes ses expressions, toutes ses mimiques rendent le film délicieux. Il prend aux tripes. On sourit seul face à l’écran, quitte à se sentir idiot. Il est époustouflant.

Il est encore projeté au cinéma (38 ans après sa sortie qui a été un bide) et j’aimerais vraiment assister à l’une de ces projections interactives où une troupe joue le film devant l’écran et où le public participe en venant déguisé et avec divers accessoires (riz, eau, gants, journal…). J’adore cette idée de cinéma où l’on n’est pas passif, mais actif. De plus, l’ambiance doit être autrement plus joyeuse et décontractée que pour les autres films (attention, j’adore le cinéma, m’en prendre plein la vue et les oreilles dans l’obscurité silencieuse de la salle, je n’ai jamais dit le contraire). Etant donné que j’habite en province, cela devra attendre un petit voyage à Paris, ce qui n’est malheureusement pas dans mes projets immédiats.

Ce film est intemporel. Il est immortel.

 En attendant, je vais me le re-re-re-garder !

« I would like, if I may, to take you on a strange journey. »

 Une mystérieuse phrase finale :

« And crawling on the planet face, some insects called the human race, lost in time and lost in space and meaning.  »

« Ils rampent à la surface de la Terre, ces insectes qu’on appelle la race humaine, perdus dans le temps et perdus dans l’espace et la signification. »

The Rocky Horror Picture Show 2