Stand Still Stay Silent, tomes 1 et 2, de Minna Sundberg (2018-2019)

Ces BD m’ont tout d’abord attirée pour leurs couvertures vues sur la toile à plusieurs reprises. Si je trouvais très jolies et intrigantes, je n’étais pas allée plus loin dans la lecture de chroniques ou de résumés et, les ayant empruntées à la médiathèque, je me suis plongée dans l’histoire sans la moindre idée du sujet.

Et le premier tome m’a énormément plu.

D’une part, l’intrigue. Une pandémie a ravagé la planète et n’a laissée derrière elle qu’une poignée de survivant·es dans les pays nordique. En outre, une magie s’est éveillée, transformant les animaux en trolls, géants* ou autres créatures. 90 ans plus tard, six explorateurs (et quels explorateurs) s’aventurent dans le monde silencieux (hors des frontières nettoyées et débarrassées de ses monstres et autres germes).
*Oubliez votre conception du troll ou du géant, cela désigne ici des sortes de créatures mutantes pas franchement ragoûtantes, gardant encore plus ou moins leur ancienne forme. Certaines scènes m’ont rappelé les films The Thing vu l’aspect quelque peu anarchique de certaines bestioles.
D’autre part, le cadre. Direction la Finlande, la Norvège, la Suède, le Danemark et l’Islande (devenue l’équivalent d’une super puissance dans le monde d’après). C’est original et dépaysant (mais pas pour l’autrice et dessinatrice suédo-finlandaise évidemment). Son univers propose un mélange réjouissant de langues, de traditions, de croyances, ce qui est enthousiasmant à découvrir.

Le premier tome est surtout introductif, ce qui ne veut pas dire ennuyeux car il s’est révélé agréable et fluide, constituant une bonne base pour cette série. On découvre l’apparition de la pandémie dans une première partie aux échos très actuels, puis le contexte dans lequel va se dérouler les BD et les personnages.
Les personnages constituent une équipe de bras cassés, aux personnalités diverses et attachantes. Leur mission : partir dans le monde silencieux en quête d’autres survivants (et ramener quelques bouquins devenus précieux en passant). Leurs relations constituent une bonne part du récit, avec les heurts inévitables dus à des caractères fortement différents, des affinités qui se dessinent au-delà de la barrière de la langue. J’ai particulièrement au personnage de Lalli, mage silencieux et réservé.

Ensuite, graphiquement parlant, j’aime beaucoup. Déjà, l’aquarelle, faut avouer que j’adore ça, donc c’est une bonne base.  C’est très soigné et certaines planches sont magnifiques. Le trait de Minna Sundberg est plaisant et ses personnages ont vraiment une bonne tête qui les rend sympathiques. L’illustratrice offre des ambiances visuellement fortes en variant les teintes de ses planches selon le lieu ou l’atmosphère (orangé pour le début de la pandémie, bleuté, violacé, verdâtre pour le monde silencieux…). Le découpage, loin d’être figé, évolue selon l’action, le cadre ou la situation : cases de petite taille, allongée ou aux contours fluides, nécessité d’incliner parfois l’ouvrage à 90°, etc.
Seul petit reproche : les scènes d’action sont parfois un peu confuses et j’ai alors du mal à en suivre le déroulé…

L’histoire est entrecoupée de pages « documentaires » consacrées à différents thèmes. Nous avons ainsi des apartés sur les différents types de monstres ou de magie, sur une coutume, sur la procédure de purification d’une zone, sur la linguistique ou encore sur le cas particulier des chats. C’est évidemment très intéressant à lire, histoire d’en apprendre toujours plus, et cela permet d’obtenir des informations précieuses tout en évitant les passages trop didactiques dans lesquels les personnages s’expliqueraient les choses de manière assez artificielle dans le but de nous informer, nous lectrices et lecteurs.
(Dommage que je n’ai pas vu avant de tourner la dernière page l’antisèche sur les drapeaux nordiques et les personnages avec leur métier, les langues parlées, leur immunité ou non !)

Le second tome m’a paru un peu moins intéressant finalement, même si j’ai apprécié ma lecture. J’ai trouvé qu’il ne s’y passait pas grand-chose, que l’intrigue progressait peu. J’aurais aimé que la quête se précise ou gagne un peu en ambition et en profondeur. Seule l’arrivée du sixième protagoniste, présent sur la couverture du premier tome mais alors très mystérieux encore, enrichit un peu l’histoire.

De beaux romans graphiques qui débutent comme de la SF post-apocalyptique mais tournent à la fantasy, à base de magie et de créatures improbables. Un premier tome prometteur et séduisant qui donne envie de tout savoir sur cet univers et ses personnages. Le second tome stagne un peu, mais j’attends la suite pour me faire un avis plus définitif sur cette série.

Stand Still Stay Silent, tomes 1 et 2, Minna Sundberg. Éditions Akileos, 2018-2019. Traduit par Diane Ranville. 301 et 259 pages.

Deux mots sur… Chaos et Idaho

Deux romans, trois en réalité, qui n’ont, à première vue, rien à voir. De la SF française et de la littérature américaine entre le roman psychologique et le nature writing.  Et pourtant, deux romans où l’oubli est au cœur du récit.

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Chaos (2 tomes) de Clément Bouhélier (2016)

Chaos T1 (couverture)Les publications des éditions Critic ont souvent tendance à attirer mon attention, donc ça ne se refuse pas lorsque l’on tombe sur les deux tomes dans une boîte à livre, surtout lorsque le résumé me fait penser que je vais passer un moment bien sympathique.
Le pitch ? Une épidémie qui se répand à travers Paris, la France et la planète engendrant maux de tête dans un premier temps et vidage complet de mémoire dans un second temps. Au milieu, quatre immunisés qui reçoivent d’étranges messages.

Le premier tome est bien efficace et parfois glaçant. Les récits post-apo, je n’en lis pas forcément beaucoup, mais j’aime beaucoup ça et je me suis ici régalée. Ce premier tome raconte les différentes étapes de l’épidémie – les cas isolés, les premiers éclairs de compréhension, la tentative d’enrayer le phénomène, la panique – jusqu’à l’effondrement de la société. J’ai adoré suivre la progression inéluctable des petits parasites, suivre cette « maladie de l’oubli » foudroyante s’étaler à travers le pays comme une nappe d’huile. On saute rapidement d’un personnage – à la fois très cool et tellement ordinaires, ces personnages – à l’autre et le bouquin se dévore.

Chaos T2 (couverture)Malheureusement, ça n’a pas vraiment été le cas du second tome qui a eu beaucoup de mal à m’intéresser. Les personnages sont réunis et tout est beaucoup plus confus. Pas étonnant, me direz-vous, car nous entrons dans une autre facette de la science-fiction et se dessine alors un multivers incompréhensible pour nos petits pions. Les voilà projetés dans des terres désertiques et hostiles pour essayer de comprendre qui a foutu leur monde en l’air. Je n’ai pas détesté ce tome qui est plutôt riche en péripéties (mais peut-être pas autant que je l’espérais en révélations même si l’une d’entre elle m’a bien touchée), j’ai fini par enchaîner les deux cents dernières pages à toute allure, mais ce n’est pas l’excellente lecture que j’espérais.

Je suis bien contente d’avoir lu ce diptyque, mais il va retourner dans sa boîte à livres pour se trouver de nouveaux lecteur·rices.

« Il est des nuits dont on voudrait qu’elles durent éternellement tant on appréhende le matin. Il est des sommeils dont on voudrait ne jamais se réveiller, tant la réalité dépasse en horreur le plus angoissant des cauchemars. »

Chaos, Clément Bouhélier. Editions Critic, 2016.
– Tome 1, Ceux qui n’oublient pas, 452 pages ;
– Tome 2, Les terres grises, 416 pages.

 Challenge Les 4 éléments – La terre :
Un récit dans le désert

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 Idaho, d’Emily Ruskovich (2017)

Idaho (couverture)Idaho, dans la montagne. Plusieurs époques : 1995, 2008, 2004, 1973, 1999, 2024… Un drame, une famille brisée. Un homme, Wade. Une autre vie avec Ann qui tente de percer les secrets de la première avec Jenny. Des souvenirs. Une maladie, celle de Wade qui, comme son père et son grand-père, perd la mémoire.

Je pensais vraiment écrire une chronique de ce livre, mais je m’aperçois que je n’ai pas de quoi alimenter une véritable chronique. C’est un livre qui m’a longtemps laissée perplexe, indécise quant à ce que j’en pensais.

Côté écriture, rien à redire. C’est subtil, c’est sensible, c’est l’art de dire beaucoup mine de rien. C’est captivant. L’atmosphère, les personnages, les caractères, tout est magnifiquement raconté. Enfin, magnifiquement n’est peut-être pas le meilleur terme car c’est parfois un peu oppressant, perturbant. C’est un roman lent qui m’a bercée quelques jours, un roman d’impressions, de pensées qui tourbillonnent, de regards posés sur la nature environnante, des odeurs, des sensations, de milliers de détails.

Un récit où les protagonistes ont des réactions étonnantes, parfois incompréhensibles. Un récit dont tous les personnages semblent en suspens, en attente, en réflexion. Évanescents aussi. Entre eux, une difficulté à communiquer, une gêne, un blocage. La maladie, le passé, la haine de soi… des éléments qui se mettent entre les protagonistes, les poussant à se poser mille questions sans réponse, à échafauder des scénarios. Et du coup, tu fais de même.

C’est un roman dont tu ne peux t’empêcher d’attendre la fin et les réponses qui vont avec. Sauf que non. Il n’y a pas vraiment de réponses. Ce qui était flou au début reste flou à la fin. Un peu frustrant, je dois dire.

 Je ne sais que réellement penser de ce roman. L’écriture et l’ambiance sont géniales, l’écriture est captivante, mais j’aurais aimé peut-être un peu plus de matière au final. Quelques indices. Quelques réponses à mes questions.

« Parce que Wade avait tout jeté – les dessins, les vêtements, les jouets –, chaque vestige accidentel prenait une importance indescriptible dans l’esprit d’Ann. Quatre poupées moisies enfouies dans la sciure d’une souche d’arbre pourrie. La chaussure à talon haut d’une Barbie, tombée d’une gouttière. Une brosse à dents fluorescente dans la niche d’un chien. Puis, enfin, le dessin à moitié achevé dans le manuel. Des objets chargés d’une importance qu’ils ne méritaient pas mais qu’ils revêtaient à cause de leur effrayante rareté : ils grandissaient en elle, se transformant en histoires, en souvenirs dans la tête d’Ann alors qu’ils auraient dû rester dans celle de Wade. »

Idaho, Emily Ruskovich. Gallmeister, coll. Americana, 2018 (2017 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais (États-Unis) par Simon Baril. 352 pages.

Je suis une légende, de Richard Matheson (1954)

Je suis une légende (couverture)La Terre a été ravagée par une épidémie qui n’a laissée derrière elle que des morts-vivants qui ne sortent que la nuit, des vampires assoiffés de sang. Immunisé contre la maladie, Robert Neville est l’un des rares – peut-être même le seul – survivants. Il doit organiser sa vie solitaire le jour et se protéger de ses assaillants la nuit.

J’ai tiré ce livre de ma PAL lorsqu’un collègue m’a dit qu’il n’avait strictement rien à voir avec le film. Pour être honnête, je n’ai pas un grand souvenir de ce dernier, mais les cinq minutes que j’ai vues en tombant dessus à la télé il y a quelques temps n’ont pas été pour me séduire.
Et je confirme. Il n’a rien à voir. Pas le même travail, pas de chien, pas de gamin et surtout, pas de fin pseudo-heureuse à l’américaine.
D’où une excellente surprise.

Ce livre est une sorte de long monologue (même s’il est raconté à la troisième personne) sur la solitude. Neville est souvent à deux doigts de devenir fou et de se jeter dans les bras des vampires pour en finir. Il est épisodiquement violent et impulsif, torturé par l’inutilité de continuer à survivre ainsi jour après jour et par les pulsions sexuelles qui reviennent parfois le tourmenter. Il doit également faire face à son deuil, régulièrement supplicié par le souvenir ineffaçable de sa femme et de sa fille. Solitaire par la force des choses, il souffre souvent du manque de compagnie et, pourtant, lorsque quelqu’un entre brièvement dans sa vie (je n’en dis pas plus), il commence par regretter sa solitude car il a complètement perdu le sens des convenances liées à la vie en société et les concessions induites par une vie à deux le rebutent.
Le récit louche parfois vers le sordide, mais il sonne vrai. Neville n’est absolument pas un héros, il se saoule souvent et son humeur fait des montagnes russes. Un jour, il sera motivé pour améliorer son quotidien et poursuivre ses recherches tandis que, le lendemain, il sera davantage porté à s’apitoyer sur son sort. Grâce à cette justesse de caractère, une certaine proximité – sans aller jusqu’à l’affection pour autant – se crée entre Neville et nous.

Le récit est dynamique, la langue est efficace, les événements s’enchaînent tout en faisant ressentir la lenteur des jours qui se succèdent. Le tout est maîtrisé avec ce qu’il faut de tension et de révélations, et surtout…
Surtout, la fin est absolument géniale et confère au titre une réelle signification. Cela semble évident, mais finalement, il n’a pas vraiment de résonance particulière dans le film. Dans le roman, Neville réfléchit beaucoup aux vampires : il les étudie, cherche à comprendre l’origine de leur état et ce qui les repousse, mais il cogite aussi à la fois sur l’incrédulité et sur la terreur qu’ils ont inspirées aux hommes pendant des siècles. Or, c’est la majorité qui décide qui est un monstre et qui ne l’est pas… (Sans être identique, cette fin habile m’a rappelée celle du film The Last Girl : Celle qui a tous les dons. Sauf que c’était presque la seule chose à sauver de ce film…)

Un classique de la SF qui vaut vraiment le détour, sans comparaison avec le film. Un récit immersif et intelligent qui, sous couvert d’une histoire de survie dans un monde post-apocalyptique, offre une véritable réflexion sur la solitude, le deuil et la souffrance, sur la norme et les monstres, sur la différence et la peur, sur une société qui se transforme et la prise de pouvoir d’une espèce sur une autre. Captivant !

« Pourquoi s’échiner à vivre quand il suffisait d’ouvrir une porte et de faire quelque pas pour en finir ? »

« Il commençait à croire qu’un intrus s’était glissé dans ses pensées. En d’autres temps, il aurait nommé cette voix intérieure sa conscience mais à présent, il la considérait d’abord comme un rabat-joie. La morale, après tout, avait sombré en même temps que la société. Désormais, il était son propre juge. »

« C’est la majorité qui définit la norme, non les individus isolés. »

« Une nouvelle terreur a émergé de la mort, une nouvelle superstition a conquis la forteresse inexpugnable de l’éternité.
Je suis une légende. »

Je suis une légende, Richard Matheson. Folio SF, 2001 (1954 pour l’édition originale. Denoël, 1955, pour la première traduction). Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Serval. 228 pages.

Challenge Les 4 éléments – L’eau : 
une histoire de sang

Génération K, tome 3, de Marine Carteron (2017)

Génération K, T3 (couverture)Kassandre, Georges et Enki sont fatigués de courir, mais leurs ennemis sont de plus en plus proches et de plus en plus forts. Difficile d’accorder sa confiance. De Lyon à Naples, c’est encore une course poursuite pour leur survie et celle de l’humanité qui s’engage.

> Ma critique de Génération K, tomes 1 et 2

Voilà une critique vraiment à chaud ! J’ai terminé le roman à onze heures hier soir après avoir passé une bonne partie de la journée dessus et je ne résiste pas à l’envie de partager tout de suite mes impressions avec vous.

On retrouve pour la dernière fois Kassandre et ses acolytes dans un troisième tome au rythme aussi effréné que dans les deux premiers. Courses poursuites, actions, affrontements aussi bien physiques (contre les hommes) que psychologiques (contre le Maître), ce final est aussi diablement sanglant !

Une nouvelle fois, j’ai été complètement fascinée par les entités millénaires créées par Marine Carteron. Je trouve que cela apporte beaucoup de poésie dans un roman autrement surtout centré sur l’action.
On se rend compte à quel point les quatre Génophores sont complémentaires, chacun représentant l’un des quatre éléments. La connexion qui lie Enki à la Nature permet à l’autrice de faire passer un message alarmant sur l’écologie tandis que Kassandre nous incite à avoir confiance en l’humain.
Après le taureau blanc de Kassandre et le noir dragon de Georges, on découvre les bêtes qui abritent les pouvoirs d’Enki et de Mina. Cette matérialisation donne lieu à des scènes très visuelles lorsque leurs pouvoirs, bien plus puissants que dans le premier opus, se réveillent.

Mais surtout… il y a cette révélation finale ! Ah, mes aïeux ! Des indices n’ont cessé de me titiller tout le long de ma lecture, mais ce n’est qu’à la page 354 que ça a enfin fait « tilt » (enfin, plutôt « Mais putain, évidemment ! »). La réponse à l’interrogation qui parcourt tout le roman était tellement évidente, écrite même, et j’ai bien eu l’impression d’avoir été menée en bateau avec maestria. Chapeau à Marine Carteron, voilà un moment qu’une fin ne m’avait pas enthousiasmée et amusée comme ça.
D’ailleurs, petit conseil à celles et ceux qui aiment fouiller les pages avant et après le roman, lire les remerciements, tout ça : je vous déconseille de lire la partie intitulée « Mais où trouvez-vous vos idées ? » au risque de complètement vous spoiler la fin ! Vous êtes prévenus !
Bon, ce n’est pas facile de vous faire passer mon enthousiasme et mon admiration sans spoiler, sans indice même, mais je serais ravie d’en parler avec vous dans les commentaires !

Des morts, du sang, un virus qui se propage de plus en plus, un antidote qui se fait attendre, des tensions exacerbées, un Maître très en colère… Tous les ingrédients nécessaires à un final sombre, pimenté par une révélation qui m’a tout simplement ravie. Ce troisième tome conclut en beauté (une beauté un peu morbide, certes) cette trilogie totalement addictive ! 

« Moi qui n’ai jamais douté, je m’interroge.
L’homme de ce siècle a tant appris que je n’arrive pas à comprendre comment il en est arrivé à ce point de non-retour. L’homme a oublié qu’il n’avait qu’une seule maison et danse, insouciant, entre ses murs prêts à s’effondrer.
Si par le passé je n’ai jamais hésité à punir les hommes ou à les combler, cette fois-ci, je ne sais pas quoi faire. »

Génération K, tome 3, Marine Carteron. Rouergue, coll. Epik, 2017. 364 pages.

Challenge Les Irréguliers de Baker Street – Le Soldat Blanchi : 
lire un livre dont la couverture est à dominante blanche

Génération K, tomes 1 et 2, de Marine Carteron (2016-2017)

  • Tome 1

Génération K, tome 1 (couverture)Kassandre, Mina, Georges. Une fille d’aristocrates, une fille de domestique et un fils d’on-ne-sait-trop-qui. Apparemment, ils n’ont pas grand-chose en commun, pourtant leur sang est unique. Tout comme leurs pouvoirs qui attisent bien des convoitises.

En commençant ma lecture, j’ai eu la surprise de découvrir que Marine Carteron allait apparemment revisiter un mythe bien connu. En effet, la Roumanie, le retour d’un Maître vieux de plusieurs millénaires, le nom de famille de Kassandre (Elisabeth Báthory, accusée d’avoir assassinée plusieurs jeunes femmes, était surnommée la « comtesse Dracula »), tout cela s’est rapidement assemblé pour faire clignoter le mot « VAMPIRE » sous mon crâne. N’ayant rien lu sur la trilogie et bien que je me sois posée la question en découvrant la couverture du volume 2, j’ai été surprise mais curieuse de découvrir la suite.

Ce premier tome, qui assure la mise en place de l’histoire, est riche en découvertes et en révélations pour ces trois héros. Leur vie est bouleversée, mais ce ne sera que dans le second tome que l’on découvrira à quel point. Entre manipulations génétiques, course poursuite entre la Suisse et l’Italie (on fait aussi un tour dans le Jura, vers chez moi !) et pouvoirs mortels, cette nouvelle trilogie s’annonce bien plus sombre que la précédente. L’écriture de Marine Carteron est en rouge et noir. On ressent une pulsation, une musique de vie et, en même temps, une noirceur hypnotisante. La vie, la mort, le sang, tout se mêle.

Trois personnages, trois voix, trois points de vue sur les événements. Le fait de passer d’un personnage à l’autre ne fait qu’amplifier le côté page-turner du roman. On veut sans cesse avoir la suite de ses aventures, de ses découvertes, de ses réflexions. Aux pensées de Ka et Georges et au cahier de Mina s’ajoute une quatrième voix. Celle d’un cauchemar qui n’en est peut-être pas vraiment un…
Si je n’ai pas encore eu de coup de cœur pour l’un des personnages (comme j’ai pu en ressentir un à l’égard de Césarine dans Les Autodafeurs), j’apprécie énormément leur côté anti-héros. Ka a un caractère rock’n’roll qui envoie du lourd (surtout au milieu de sa famille d’aristo), mais elle est aussi exaspérante parfois avec ses caprices, Mina semble toute douce et toute fragile, mais je ne doute pas qu’elle cache bien son jeu, et la puissance rassurante de Georges est contrebalancée par son inquiétant pouvoir.
D’ailleurs, ces pouvoirs… Dangereux, mais tellement fascinants. S’agit-il un don ou une malédiction ? Ce dragon que Georges appelle « ma bête noire » ou « ma sombre amie », est-il un ami ou un ennemi ? Leurs pouvoirs grandissent rapidement, mais je pressens qu’ils n’en sont qu’à leurs balbutiements et j’ai hâte de découvrir leurs véritables capacités.

Humanité menacée, manipulations génétiques illégales, réveil d’un Maître en colère… Sans aucun doute, la trilogie Génération K s’annonce très différente de celle des Autodafeurs, mais tout aussi haletante et addictive.

 « La terre souffre, elle hurle sa douleur, sa rage et son malheur.
La terre se meurt, la terre étouffe et sa rage nourrit ma colère.
Hommes impudents, larves immondes, qu’avez-vous fait ?
Cette planète que vous deviez fouler avec respect, caresser avec douceur, aimer comme une mère nourricière, que lui faites-vous subir ?
Hommes, enfants stupides, que faites-vous ?
Vous étiez là pour glorifier la vie et vous ne faites que la détruire.
Immonde humanité, capricieuse, avide, égoïste.
Qu’ai-je fait en vous donnant la vie ? » 

  • Tome 2 (attention, risque de SPOILERS si vous n’avez pas lu le premier tome !)

Génération K, tome 2 (couverture)Kassandre, Mina et Georges sont enfin réunis… sur les flancs d’un Vésuve apparemment en colère. Ils savent à présent qu’ils doivent rejoindre le quatrième Génophore, porteur comme eux de six chromosomes K, mais leurs ennemis ne sont pas loin. Et quelle est cette voix qui leur parle et les appelle dès qu’ils ferment les yeux ? Quelles sont ces étranges visions vieilles de plusieurs milliers d’années qui remontent à la surface ?

Ça y est, le Maître est prêt à revenir, mais sa colère est immense. Marine Carteron revisite le mythe du vampire en le dépoussiérant un peu. Nous ne sommes pas dans un roman gothique et l’autrice se paie même le luxe d’ironiser sur l’œuvre de Bram Stocker :
« Au fil des siècles, nombreuses furent les légendes tissées autour de l’existence du Maître, mais aucune n’est aussi ridicule que celle écrite par Bram Stocker.
Le soi-disant roi des vampires… Si les amateurs de Dracula pouvaient voir la couverture made in China qui le recouvre et les petits rideaux en mauvaise dentelle accrochés au hublot de la cabine dans laquelle il est allongé, je pense que ça les décevrait beaucoup… certainement autant que son aspect qui est encore celui d’un vieillard repoussant. »

Elle nous ramène également aux origines de l’humanité et nous fait voyager à travers l’Histoire. J’ai été captivée par les quatre Génophores. On découvre peu à peu leur passé, leur rencontre avec le Maître. Cette idée de réincarnation et de mémoires millénaires m’a fascinée (alors qu’autrement, je n’y crois pas du tout). Les noms donnés aux différents personnages nous ramène à leur passé primitif avec poésie : le Chasseur de dragons et la Danseuse de taureaux, Celle qui écoute et Celui devant lequel tous se courbent… Comme dans Les Autodafeurs, Marine Carteron crée sa propre mythologie et réécrit l’Histoire sous un angle nouveau.
Alors que leurs vies passées se réveillent en même temps que le Maître, les quatre Génophores grandissent, mûrissent et s’acceptent (je ne dirai pas de quelle façon pour ne spoiler personne). Confrontés à des dangers toujours plus grands, ils deviennent de plus en plus intéressants en tentant de s’opposer à une destinée qui semble écrite par avance

La plume de Marine Carteron est toujours aussi diaboliquement efficace et nous plonge dans un thriller fantastique qui confronte science et croyance sur fond de pandémie et d’eugénisme. Ce second tome est encore plus prenant que le premier, alors la suite, vite !

> Ma critique de Génération K, tome 3

« Peu importe, de même que mon pouvoir a augmenté au point de me permettre d’influer sur les rythmes cardiaques, et de lire les émotions des personnes qui m’entourent, je suis certaine d’être capable de recréer à loisir ma musique intérieure. C’est assez logique : après tout, quelle différence y a-t-il entre la vie et la musique ?
Aucune.
Nous ne sommes que pulsations, battements de cœur, pouls, respirations, modulations, souffles et influx électriques.
Notre corps est un instrument, son fonctionnement une harmonie et moi j’en suis le chef d’orchestre. »

Génération K, tome 1, Marine Carteron. Rouergue, coll. Epik, 2016. 302 pages.
Génération K, tome 2, Marine Carteron. Rouergue, coll. Epik, 2017. 377 pages.

Tome 1
Challenge Les Irréguliers de Baker Street – 
Une Etude en Rouge 

lire un livre dont la couverture est à dominante rouge