Trois critiques pour quatre bandes dessinées signées Loïc Clément pour le scénario. Si la première ne m’a pas entièrement convaincue, j’ai beaucoup aimé – voire adoré – les suivantes pour lesquelles le scénariste retrouve cette magicienne de l’aquarelle qu’est Anne Montel.
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Chaque jour Dracula,
de Loïc Clément (scénario) et Clément Lefèvre (dessin)
(2018)
J’ai découvert le travail de Clément Lefèvre avec L’épouvantable peur d’Epiphanie Frayeur et de Loïc Clément avec Chaussette. Quand, à la bibliothèque, je suis tombée sur cette courte BD jeunesse, je n’ai pu résister à l’illustrateur et à la mention de Dracula. Mais je n’en savais pas plus.
Et j’ai été très surprise. On découvre rapidement que l’histoire – qui met en scène un jeune Dracula encore écolier – va parler de harcèlement scolaire. Une thématique réaliste que je ne m’attendais pas à trouver dans cet ouvrage basé sur une créature imaginaire et quasiment toute-puissante. Si le but était d’amener le lecteur ou la lectrice sur un terrain inattendu, l’effet est réussi.
Le choix de Dracula comme tête de Turc est assez malin. Cela permet de jouer sur deux tableaux : à la fois le personnage souvent stigmatisé et repoussé aux abords de la civilisation et aussi la créature d’une grande force. Une ode à la différence qui montre que même les plus puissants peuvent avoir été maltraités un jour et avoir eu besoin de l’aide de personnes extérieures.
Cependant, j’avoue avoir été un chouïa déçue : les auteurs en ont peut-être un peu trop fait. Le sujet du harcèlement à l’école – sujet important certes – est martelé et j’ai trouvé que la façon de passer le message manquait d’un peu de subtilité. Quant à la conclusion, elle est pleine d’espoir, mais très rapide, minimisant peut-être la difficulté de se sortir de ce genre de situation. Toutefois, je n’oublie pas que je ne suis pas le premier public de cette histoire, que le but n’est pas de traumatiser les jeunes lecteurs et lectrices et je pense qu’elle peut être très efficace avec eux, les sensibilisant et leur parlant peut-être plus qu’à moi.
Chaque jour Dracula n’en reste pas moins une BD mignonne et intelligente dans laquelle les plus grand·es s’amuseront des clins d’œil à la littérature vampirique et où chacun·e appréciera les illustrations pleines de douceur de Clément Lefèvre.
Chaque jour Dracula, Loïc Clément (scénario) et Clément Lefèvre (dessin). Delcourt jeunesse, 2018. 40 pages.
Challenge de l’imaginaire
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Les jours sucrés,
de Loïc Clément (scénario) et Anne Montel (dessin)
(2016)
Eglantine, 28 ans, mène une vie dynamique de graphiste à Paris lorsqu’un notaire breton lui apprend le décès de son père. Guère émue à l’idée de retourner dans son village natal synonyme de mauvais souvenirs, elle part avec l’idée de clore la succession et de tourner la page une bonne fois pour toute. Sauf que les souvenirs vont resurgir, des secrets vont être dévoilés… et la vie d’Eglantine va prendre un tour tout à fait inattendu.
Je retrouve avec plaisir ce duo découvert avec Chaussette. Déjà, visuellement, c’est le même régal. J’adore la délicatesse des aquarelles d’Anne Montel. Couleurs lumineuses (seules quelques images sépia ponctuent le récit le temps d’un souvenir), traits fins, petits détails… Elle donne vie à cette histoire, ses personnages sont humains, ses décors chaleureux. Elle m’a transportée dans ce petit village de Bretagne, elle m’a affamée avec ses dessins de pâtisserie, elle m’a amusée avec ses chats, bref, une immersion fantastique.
Il faut dire que Les jours sucrés, c’est le genre de cocon que l’on ne veut pas quitter. On s’attache aux personnages, on se sent confortablement installée au milieu de cette jolie petite bande, on déguste un petit gâteau en caressant un chat…
Certes, l’histoire est un tantinet prévisible et les personnages ne font pas grand-chose pour éviter les quiproquos qui permettent à l’histoire de se dérouler. Mais qu’importe. On prend tant de plaisir à côtoyer cette vieille ronchon de Marronde, à saluer l’optimisme de Gaël, à sourire devant les ruses félines, à saliver devant chaque titre de chapitre (tous des pâtisseries !) que l’on ne s’attarde pas sur quelques facilités.
Réconciliation avec son passé, changement de vie, découverte de soi… Amitié, famille, amour, pardon, compréhension… Les jours sucrés est une bande dessinée toute mignonne, tendre et réconfortante. J’espère que le parcours d’Eglantine sera le mien un jour et que je trouverai un endroit où je serai enfin bien !
A lire sous son plaid avec une tasse de thé ou de chocolat !
Les jours sucrés, Loïc Clément (scénario) et Anne Montel (dessin). Dargaud, 2016. 145 pages.
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Le Temps des Mitaines (2 tomes),
de Loïc Clément (scénario) et Anne Montel (dessin)
(2014-2016)
Dans ce monde imaginaire, les animaux qui le peuplent sont dotés de pouvoirs divers et variés, utiles… ou pas vraiment. Arthur, nouveau dans le village, était loin de se douter que son premier jour de classe signerait le début d’une enquête sur des disparitions d’enfants avec une toute nouvelle bande d’amis.
J’ai entendu parler du Temps des Mitaines pour la première fois il y a plusieurs années grâce à ma copine Victoria. Seulement voilà, je suis souvent très lente pour découvrir les œuvres dont on me parle même si – et ces BD en sont la preuve – cela finit par arriver.
J’ai beaucoup aimé suivre ces jeunes héros et héroïnes. Le premier tome met en place un récit choral dans lequel les premiers chapitres suivent un des personnages en particulier. L’occasion de découvrir ces personnalités aussi diverses qu’attachantes. Arthur, naïf et généreux ; Pélagie, une grande mélangeuse de mots qui n’est pas sans rappeler un certain Perceval (chez elle, « Vous bridez ma créativité » devient sans peine « Vous braconnez ma chasteté » par exemple…) ; Kitsu, mystérieuse et indépendante ; Gonzague, intelligent et cultivé ; Willo, fidèle et peureux mais n’hésitant pas à braver les dangers pour ses amis.
C’est l’heure de l’amitié, des premiers amours, des premières responsabilités. Le tout dans une ambiance de mystère et de dangers. Tous leurs talents, joliment complémentaires, seront nécessaires pour démasquer le terrible kidnappeur. Si le côté « enquête » amène des éléments assez classiques dans ses rebondissements, le charme de l’ouvrage se trouve surtout dans la relation des cinq enfants et les savoureux dialogues.
Bien plus court, le second tome est plus engagé et très actuel. Au programme : des petits producteurs dont le travail est menacé, le poids des banques et des grandes surfaces, nature, économie, consommation, délocalisation… Au cours de stages en milieu professionnel, nos jeunes amis vont pouvoir démontrer une fois de plus le pouvoir de l’amitié et de la générosité, un pouvoir plus puissant que n’importe quelle magie (même si celle-ci aidera bien également).
Encore une fois, le dessin d’Anne Montal m’a totalement charmée. Ses aquarelles colorées sont comme toujours d’une belle finesse et d’une richesse époustouflante. J’ai adoré m’attarder sur les planches de ces BD pour en admirer tous les détails. Un régal pour les yeux !
Encore une fois une belle réussite pour le duo Clément/Montel qui trouve toujours l’inspiration pour des histoires positives et inspirantes. Des intrigues intelligentes, drôles et tendres, magnifiquement mises en valeur par des illustrations aussi sensibles que sublimes.
Le Temps des Mitaines, Loïc Clément (scénario) et Anne Montel (dessin). Didier jeunesse.
– Tome 1, 2014, 155 pages ;
– Tome 2, Cœur de Renard, 2016, 62 pages.