Peter Pan sous diverses formes

Il est temps de publier cet article entamé il y a plusieurs mois sur les différents supports qui m’ont permis de croiser le personnage de Peter Pan au cours de l’année 2019 !

Au programme, deux livres et deux films (pas de jaloux) :

  • le film Neverland de Marc Forster ;
  • le roman Peter Pan de J.M. Barrie ;
  • le film Hook ou la revanche du Capitaine Crochet de Steven Spielberg ;
  • et le texte dans sa version illustrée par Quentin Gréban.

Bon voyage au Pays imaginaire !

***

Neverland, film de Marc Forster (2004)

Londres, début du XXe siècle. L’écrivain James M. Barrie est en quête d’un nouvel élan dans sa vie comme dans son œuvre : son mariage avec la comédienne Mary Ansell est dans l’impasse et le public londonien boude sa dernière pièce. Au cours d’une promenade, il fait la connaissance de Mrs Llewelyn Davies et ses quatre fils. De la complicité grandissante entre l’écrivain et les enfants naît une précieuse source d’inspiration. Ensemble, ils commencent à tisser la trame fantastique et visionnaire de Peter Pan. (Résumé présent sur le DVD)

Neverland (affiche)J’avais vu ce film il y a plusieurs années et je n’en avais gardé qu’un souvenir flou. J’ai eu envie de le revoir et, à mon plus grand plaisir, j’ai été enchantée par cette histoire, entre drame et humour. Ce James Barrie me rappelle le Edward Bloom de Big Fish, un homme débordant d’imagination qui transforme le quotidien en aventures extraordinaires. Sa vision du monde et ses jeux avec les enfants injectent une pincée de magie et de fabuleux dans une vie autrement banale. Mondes réel et imaginaire s’entremêlent au fil des histoires initiées par Barrie et ses jeunes compagnons de jeu. C’est fantasque, onirique et parfaitement réjouissant.

Tout n’est pas exact dans ce film qui prend, comme souvent, quelques libertés avec la réalité : Mrs Lleweyn Davies n’était pas veuve par exemple et il n’y avait alors que trois enfants. Mais peu importe – à mes yeux en tout cas – car il reste un très joli film qui montre que responsabilités et complications de l’âge adulte ne sont pas incompatibles avec l’émerveillement et le plaisir d’inventer des histoires même s’il devient de plus en plus dur de croire aux fées lorsqu’on grandit.
De plus, il est amusant de repérer au fil du film les premiers éléments que l’on retrouvera dans Peter Pan. J’ai également été très intéressé par les pistes qu’il offre pour comprendre l’œuvre originale, c’est-à-dire tout ce qui touche à l’enfance de Barrie. Une enfance trop vite perdue suite à la mort d’un frère – qui, par conséquent, ne grandira jamais – avec une mère qui ne s’en est jamais remise.

Il est parfois difficile de lutter contre le désenchantement et contre les cruautés de la vie, mais il ne fait pas de mal d’égayer tout ça, quand on le peut, d’une touche d’imagination et de magie.

Neverland (VO : Finding Neverland), réalisé par Marc Forster, avec Johnny Depp, Kate Winslet, Freddie Highmore… Film britannique, 2004. 1h40.

***

Peter Pan, de J.M. Barrie (1911)

Peter Pan (couverture)Je me suis ensuite penchée sur le roman de l’écrivain écossais. Je l’avais acheté en Ecosse (cohérence oblige) en me disant que, s’agissant d’un livre destiné aux enfants, la lecture ne devrait pas en être trop ardue. Oups, erreur. J’ai été étonnée du niveau de langage du roman. Je mets cela sur le compte de l’âge du récit, mais il m’a posé beaucoup plus de difficultés qu’un roman contemporain. Du coup, je l’ai lu bien plus lentement que prévu, mais j’en suis finalement venue à bout ! (Et je suis assez fière d’avoir pris le temps d’ouvrir à nouveau un roman en anglais.)

A présent, partons pour Neverland. Et comment dire… si vous avez en tête une mignonne histoire enfantine, je vais peut-être briser quelques illusions.

Avant de passer au cœur de l’histoire, quand les enfants s’envolent par la fenêtre, je me permets de faire un aparté sur un personnage qui m’a sidérée par son comportement. Mr Darling. Le père. Une scène m’a fait tomber des nues – à tel point que je craignais d’avoir mal compris le texte anglais – car il agit alors comme un enfant pourri gâté qui fait une crise. Voilà un adulte qui n’a pas conservé le meilleur côté de son âme d’enfant ! C’est une scène tout à fait puérile – qui permettra d’ailleurs la rencontre et la fuite des enfants avec Peter Pan – dont le ridicule m’a laissée absolument bouche bée. Voilà, fin de l’aparté, mais je voulais signaler ce personnage d’adulte d’une immaturité rarement rencontrée.

Parlons maintenant de Peter Pan. Vous imaginez un enfant malicieux qui incarne l’innocence et la beauté de l’enfance ? Erreur. Peter est un véritable tyran qui  se révèle franchement inquiétant au fil du roman. Parlerons-nous de ses pertes de mémoire quasiment instantanées qui lui font oublier Wendy et ses frères maintes et maintes fois juste le temps du vol jusqu’au Pays Imaginaire ? De la façon dont il impose sa loi aux autres enfants perdus, de leur interdire de savoir quelque chose qu’il ignore (par exemple, être capable de distinguer les jumeaux alors lui n’y parvient pas), de proscrire tout bavardage sur les parents ? De son imitation angoissante d’un Captain Hook fraîchement dévoré ? De son arrogance ? Quel monstre de vanité ! Imbu de lui-même jusqu’à l’exaspération (la mienne, je veux dire), il ne cesse de se jeter des fleurs – combien de fois il nous apprendra qu’il est le garçon le plus génial du monde ? – et de s’attribuer les mérites des autres. Tout ce qu’il fait n’a qu’un but : le mettre en valeur et tant pis s’il doit mettre d’autres enfants en danger. Dépourvu de la moindre empathie, Peter n’a qu’un seul centre d’intérêt : lui-même. Une conversation avec Wendy, des années après leurs aventures communes, le montre particulièrement bien : il a purement et simplement oublié celles et ceux qui en étaient les autres protagonistes, à savoir Captain Hook et Tinker Bell.
Mais surtout, Peter Pan a des pulsions qui sont loin d’être celles que l’on aimerait trouver chez un enfant. Un extrait (qui se situe lors du voyage aller vers Neverland) vous éclairera peut-être :
« His courage was almost appalling. ‘Do you want an adventure now’, he said casually to John, ‘or would you like to have your tea first?’
Wendy said ‘tea first’ quickly, and Michael pressed her hand in gratitude, but the braver John hesitated.
‘What kind of adventure?’ he asked cautiously.
‘There’s a pirate asleep in the pampas just beneath us’, Peter told him. ‘If you like, we’ll go down and kill him.’ »
Tranquillou. Le garçon assassine des pirates. Des vrais, pas des Playmobils. En effet, malgré quelques scènes au comique détonnant digne d’un dessin animé (par exemple, quand l’auteur explique que les enfants perdus, les pirates, les Indiens, les bêtes sauvages et le crocodile, se poursuivent sans fin car ils tournent dans le même sens, faisant inlassablement le tour de l’île), c’est un lieu de tous les dangers où la mort rôde. Tandis que les indiens scalpent tout ce qui bouge – jusqu’au sauvetage de Tiger Lily –, des enfants tuent et se font parfois tuer et les pirates se feront correctement massacrer à la fin de l’histoire.
Concernant les enfants, il y a aussi un passage un peu flou : « The boys on the island vary, of course, in numbers, according as they get killed and so on ; and when the seem to be growing up, which is against the rules, Peter thins them out; but at this time there were six of them, counting the Twins as two. » Qu’est-ce que cela signifie? Est-ce qu’il les tue, purement et simplement ? Est-ce qu’il les pousse à quitter la bande des enfants perdus (pour rejoindre les pirates ou autres) ou à abandonner l’île pour vivre leur vie d’adulte parmi leurs semblables ? Certaines traductions françaises semblent avoir adopté le choix de l’assassinat, mais pour avoir cherché un peu, il semble que la formulation anglaise prête davantage au débat et à l’indécision.
Voilà, un petit aperçu de qui est Peter Pan. Un garçon insupportable et cruel, coincé dans son corps d’enfants et dans sa haine des adultes. Haine née d’avoir été abandonné et remplacé par un autre enfant dans le cœur de sa propre mère. Cette mère qu’il cherchera sans cesse en Tinker Bell, en Wendy, en la fille de Wendy, etc., sans jamais voir, sans jamais comprendre, sans jamais imaginer que l’amour qu’elles tentent de lui offrir n’est pas celui d’une mère. C’est donc un antihéros très sombre et torturé.

Wendy, quant à elle, m’a posé problème à cause de son rôle. Elle n’est pas fillette, elle est une maman. C’est d’ailleurs pour cela que Peter Pan l’a invitée à rejoindre Neverland : pour être la maman des enfants perdus. En quoi ça consiste ? Raconter des histoires certes, mais surtout repasser, recoudre, faire le ménage (elle détestera le navire des pirates – il était apparemment inimaginable qu’une fille soit attirée par l’aventure pirate – car il est décidément bien trop sale), faire à manger (faire semblant de faire à manger plutôt) et surveiller l’heure du coucher. Ah, et appeler Peter « father ». Jouer au papa et à la maman, c’est une chose que tout le monde ou presque aura fait, mais là, c’était trop. C’était presque dérangeant. Cela sonnait vraiment « conditionnement à ton futur rôle de femme au foyer et de mère » (ce que Wendy deviendra quelques années après son retour dans le monde réel). Certes, l’œuvre a plus d’un siècle, il faut recontextualiser, tout ça tout ça, mais ça fait quand même grincer des dents. (Petite anecdote : le titre du roman était à l’origine Peter and Wendy, mais celle-ci a fini par disparaître des couvertures bien que l’histoire suive bien davantage son parcours que celui de Peter Pan.)

Ce fut donc un étrange moment de lecture. Déstabilisant car je ne m’attendais pas à ressentir si peu d’attachement vis-à-vis des personnages, mais j’ai adoré découvrir ce conte bien plus glauque et malsain et déprimant que l’image que j’en avais auparavant.

Peter Pan, James Matthew Barrie. Puffin Books, coll. Puffin Chalk, 2013 (1911 pour l’édition originale). 206 pages. En anglais.

Pour prolonger la découverte de Peter Pan, je vous invite à vous rendre sur le blog Histoire naturelle de bibliophiles pour son très bon article joyeusement intitulé « Maman ou putain, les femmes dans Peter Pan ». Le ton est donné…

***

Hook ou la revanche du Capitaine Crochet, film de Steven Spielberg (1991)

« Peter Banning alias Peter Pan est devenu un brillant avocat d’affaires qui a tout oublié de ses merveilleuses aventures. Mais le terrible capitaine Crochet, lui, n’a pas oublié. Pour enfin, régler leur compte, il enlève une nuit Jack et Maggie, les enfants de Peter. C’est en compagnie de Tinkerbell que Peter s’envole à nouveau pour le pays de Nulle Part. » (Allociné)

Hook (affiche)Je n’avais jamais vu ce film, mais la présence de Robin Williams et Maggie Smith ont suffi à me convaincre à lui laisser sa chance. Ce fut pour moi un bon divertissement pour un jour pluvieux. J’ai passé un bon moment et je me suis laissée porter par les aventures de Peter Banning bien que l’intrigue soit cousue de fil blanc. Pas de réelle surprise ni sur les péripéties, ni sur l’humour, ni sur les petits messages sur la famille.
Les deux acteurs principaux sont excellents dans leur rôle respectif : si je ne doutais pas de Robin Williams, j’ai été bluffée par Dustin Hoffman que je n’ai absolument pas reconnu (bien que sachant que c’était lui) et qui joue un Capitaine Crochet absolument parfait. Le reste du casting est à l’avenant, c’est-à-dire excellents dans leurs rôles respectifs. (Et puis, il y a Maggie Smith. Oui, je l’ai déjà dit, mais ça me fait toujours plaisir.)

Cependant, je n’ai absolument pas retrouvé l’ambiance du roman. Le film est bon enfant tout comme l’ambiance à Neverland. Comme je me l’imaginais avant de lire le livre. Peter Banning retrouve son âme d’enfant et l’avocat trop sérieux redécouvre le plaisir du jeu et du rire. On se bat sans se tuer (adieu, le massacre final du roman) et chacun retrouve une part d’innocence. Pourtant, à mon goût, Peter Banning n’a jamais été si proche du caractère du Peter Pan de papier lorsqu’il était cet adulte égoïste et aveugle à la peine de sa famille.
Ce n’est pas nécessairement un mal car Spielberg s’est approprié l’histoire pour créer son Peter Pan, sa suite, mais j’avoue que je serais curieuse de voir un film avec un Peter aussi sombre et dangereux que dans le livre. Savez-vous si de telles adaptations existent ?

Conclusion ? Un film très agréable, pas du genre à révolutionner le septième art, mais à nous faire passer un très bon moment.

Hook ou la revanche du Capitaine Crochet (VO : Hook), réalisé par Steven Spielberg, avec Robin Williams, Dustin Hoffman, Maggie Smith, Julia Roberts… Film américain, 1991, 2h15.

***

(C’est bientôt la fin.)

Je pensais vous parler d’autres versions de Peter Pan, notamment en films – Netflix proposant notamment dans son catalogue Pan de Joe Wright (2015) et le Peter Pan de P.J. Hogan (2004) – mais je me suis aperçue que ces versions ne m’intéressaient pas vraiment (et que je n’avais pas vraiment envie de regarder le Disney), donc je vais m’arrêter là côté septième art. Je vous invite simplement à découvrir la petite vidéo de Math se fait des films sur le dessin animé Disney : je me dis que mes souvenirs sont peut-être erronés car les mauvais sentiments n’ont pas l’air loin à voir ces extraits.

Juste un dernier mot sur la version illustrée par Quentin Gréban.

Peter Pan (Gréban) (couverture)Quentin Gréban est un illustrateur dont j’aime beaucoup les grandes aquarelles, j’ai encore cette année été conquise par Maman aux textes signés par Hélène Delforge et cet article était l’occasion rêvée de ressortir son Peter Pan de ma bibliothèque.

Je ne m’attarderai pas sur le texte : c’est une version abrégée et adaptée, ce qui n’est guère ma tasse de thé. Je préfère avoir le texte complet et avoir toutes les clefs en main. Ici, on rencontre tout de même le Peter dur du roman, mais des passages manquants ou ayant été raccourcis, sa violence et son égocentrisme ne se font pas autant ressentir.
Les illustrations sont en revanche sublimes. Si elles ne soulignent pas forcément la noirceur de cette  histoire – avec un Peter Pan plus malicieux et attendrissant que dans le roman –, elles présentent des personnages lumineux et expressifs. Le Pays Imaginaire sera laissé à l’imagination de celles et ceux qui liront ce livre, car ce sont bien ses habitants qui sont au cœur des aquarelles et crayonnés de Quentin Gréban. Chacun a droit à son ou ses portraits. La taille de l’ouvrage est l’occasion de pleines pages fascinantes.
Bref, un très bel ouvrage !

Peter Pan, James Matthew Barrie, illustré par Quentin Gréban, édition adaptée et abrégée par Xavier Deutsch, à partir de la traduction d’Yvette Métral (Flammarion, 1982). Editions Mijade, 2014. 92 pages.

***

C’est la fin de cet article consacré à Peter Pan !
Connaissez-vous le roman (ou la pièce de théâtre) de J.M. Barrie ?
Avez-vous un film (ou autre) à me conseiller ?

Le guide steampunk, d’Etienne Barillier et Arthur Morgan (2019)

Le guide steampunk (couverture)Quand j’ai reçu ce Guide steampunk grâce à Babelio et aux éditions ActuSF, j’avoue que j’ai eu un petit moment de doute face à la densité du bouquin qui ne met pas forcément en appétit. Appréhension sans fondement car je l’ai dévoré une fois entamé. Les auteurs expliquent et présentent le mouvement de façon claire et abordable, y compris pour les néophytes. De multiples interviews parsèment l’ouvrage, donnant la parole à des auteurs, des musiciens, des artistes en tout genre qui ont contribué et/ou contribuent encore à faire vivre le mouvement.

Mes connaissances du steampunk étant somme toute assez basiques, j’ai découvert beaucoup de choses… à commencer par le flou qui tourne autour de ce mouvement. Si mes idées – assez clichées, je le reconnais – d’engrenages, de corsets, d’espions et de mécaniciennes font indéniablement partie de l’imagerie steampunk, c’est un genre qui s’avère beaucoup plus large et – heureusement – beaucoup plus riche.
Par conséquent, définir clairement le steampunk semble être un challenge que même les spécialistes ne parviennent à résoudre : si des éléments concordent – uchronie, dimension métatextuelle (qui permet de faire rencontrer R.L. Stevenson et Dr Jekyll, Jules Verne et capitaine Némo…), inspiré du XIXe siècle bien que ce ne soit pas une obligation absolue –, chaque vaporiste (comprendre les membres de la communauté steampunk) semble avoir sa propre vision du genre. J’ai par ailleurs beaucoup aimé cette citation de Douglas Fetherling reprise dans le Guide :

« Le steampunk s’efforce d’imaginer jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt. »

Si je l’ai lu ici d’une traite, c’est un guide dans lequel je reviendrai régulièrement piocher des idées – de livres, de films, etc. – bien que je me sois déjà constitué une liste de belle taille (surtout pour quelqu’un qui souhaite se concentrer avant tout sur sa PAL). Soyez prévenu·es : ce livre regorge de mille tentations car l’enthousiasme des auteurs est contagieuse ! Leur passion pour le steampunk vous donnera envie de tout lire et de tout voir (ou presque car les auteurs n’hésitent pas à critiquer un film ou un livre qu’ils voulaient néanmoins présenter pour leurs éléments steampunk).
J’ai réalisé que j’avais vu beaucoup plus de films steampunk que lu de livres et la section jeux vidéo, bien que succincte, a aussi été une petite mine pour moi. En plus des découvertes, ce Guide a fait remonter à la surface de nombreux romans que j’avais déjà envie de lire, mais qui était noyés dans la masse. Bref. Ce livre n’est pas conseillé par les banquiers !
Sans surprise, la section « musique » a été une totale découverte pour moi. A l’exception des Dresden Dolls qualifiés de « proto-steampunk », je n’en connaissais tout simplement aucun. J’ignorais même qu’il existait de la musique steampunk. Mais ma culture musicale étant ce qu’elle est, c’était prévisible.

Entre discours théoriques, pistes (littéraires, cinématographiques, musicales…) à explorer et interviews, ce Guide steampunk s’est révélé instructif et passionnant. Nul doute qu’il sera mon copilote dans ma découverte approfondie du mouvement steampunk. Il s’agit d’un excellent ouvrage pour s’initier, mais je doute que des expert·es puissent trouver chaussure à leur pied dans ce livre qui semble présenter les grands titres du genre (ce qui, je le répète, convenait en revanche à merveille à l’ignorante que je suis).

« Le gigantisme steampunk est également à prendre en compte. Il est aux antipodes de ce que la technologie nous offre aujourd’hui où les écrans et les machines deviennent de plus en plus ténus (et de moins en moins réparables), où la notion d’obsolescence programmée ne choque qu’à peine. La technologie steampunk est bruyante, gigantesque, transpire la graisse qui protège ses engrenages. L’ordinateur y est mécanique ; l’androïde automate. Elle est aussi dangereuse qu’un piston mal entretenu, mais elle est réparable, fabriqué par la main de l’homme et fonctionnelle. Plus que tout, elle est belle. »

Le guide steampunk, Etienne Barillier et Arthur Morgan. ActuSF, coll. Hélios, 2019 (édition mise à jour et augmentée, première édition en 2013). 374 pages.

Challenge de l’imaginaire
Challenge de l'imaginaire (logo)

La parenthèse 7ème art – Mars 2019

(En vrai, j’ai regardé la dernière série en avril, mais on ne chipotera pas.)

Ce mois-ci, la moisson de films est bien pauvre. J’en ai vu d’autres, mais je n’avais forcément envie d’écrire dessus. J’ai aussi une grosse tendance à m’endormir devant les films en ce moment – qu’ils soient petits films français comme Se souvenir des belles choses ou blockbusters comme Avengers : Infinity War –, ce qui est particulièrement agaçant et me pousse donc à me tourner vers le format série.

Film

  1. Marie Stuart, Reine d’Ecosse (VO : Mary Queen of Scots), de Josie Rourke (2019)

Le destin tumultueux de la charismatique Marie Stuart. Épouse du Roi de France à 16 ans, elle se retrouve veuve à 18 ans et refuse de se remarier conformément à la tradition. Au lieu de cela elle repart dans son Écosse natale réclamer le trône qui lui revient de droit. Mais la poigne d’Élisabeth Iʳᵉ s’étend aussi bien sur l’Angleterre que l’Écosse. Les deux jeunes reines ne tardent pas à devenir de véritables sœurs ennemies et, entre peur et fascination réciproques, se battent pour la couronne d’Angleterre. Rivales aussi bien en pouvoir qu’en amour, toutes deux régnant sur un monde dirigé par des hommes, elles doivent impérativement statuer entre les liens du mariage ou leur indépendance. Mais Marie menace la souveraineté d’Elisabeth. Leurs deux cours sont minées par la trahison, la conspiration et la révolte qui mettent en péril leurs deux trônes et menacent de changer le cours de l’Histoire. (Allociné)

Mary Stuart, Reine d'Ecosse (affiche)

Ce sont les actrices qui m’ont donné envie de voir ce film, mais finalement, il n’a fait que confirmer une tendance : les biopics, tellement présents au cinéma ces dernières années (peut-être est-ce ainsi depuis plus longtemps, mais j’ai l’impression qu’il en sort toutes les semaines à présent), m’ennuient profondément. Certes, l’histoire est l’histoire (même si tous les biopics ne sont pas d’une fidélité exemplaire) et ils ne vont pas réécrire la fin en décapitant Elisabeth plutôt que Marie Stuart, mais j’ai l’impression de voir toujours les mêmes scènes (notamment les sexes de sexe/viol, apparemment indispensables pour faire plus vrai). Ils semblent tous filmés de la même manière, lisse, comme s’ils étaient filmés à la chaîne, sans changement d’équipe technique, sans le point de vue personnel d’un ou d’une réalisatrice. Cependant, l’idée des lords noirs et des suivantes asiatiques dans l’Angleterre du XVIe est assez originale (irréaliste et incompréhensible à mes yeux, mais atypique).

 De même, je n’ai pas aimé l’image véhiculée de ces deux femmes, particulièrement de Marie Stuart. Les hommes de son entourage l’insultent et la rabaissent en la traitant de faible femme et toutes les joyeusetés et finalement, le portrait que le film dessine d’elle n’est guère plus glorieux. Stratège, Marie ? Solide dirigeante, Elisabeth ? Influentes, ces reines ? Ce n’est guère ainsi qu’on les perçoit, mais en femmes manipulées, malmenées et passives face aux événements. Waouh. Je suis époustouflée. Surtout par rapport à Elisabeth : régner 45 ans en faisant des fleurs en papier, c’est impressionnant. Et le film se veut féministe ?

 Le très bon jeu des actrices (notamment Saoirse Ronan qui ne m’a jamais déçue jusqu’à présent) n’a pas suffi à me faire oublier ni les longueurs ni les raccourcis et, finalement, les seuls éléments qui auront suscité un peu d’émotion chez moi sont les paysages écossais.
Je suis peut-être de mauvaise foi à cause de l’ennui que ce film a provoqué chez moi, mais je me dis que j’aurais dû lui préférer une relecture du Marie Stuart de Stefan Zweig.

***

Séries

  1. Dark, créée par Baran bo Odar et Jantje Friese (2017, 1 saison, 10 épisodes)

Un enfant disparu lance quatre familles dans une quête éperdue pour trouver des réponses. La chasse au coupable fait émerger les péchés et les secrets d’une petite ville. (Allociné)

Dark (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Tiens, une série allemande ! Déjà que je ne regarde pas beaucoup de séries, c’est encore moins souvent que je me croise le chemin de nos voisins germaniques ! Après Il miraculo italien, je voyage !
Après Poupée russe, il semblerait les voyages dans le temps soient à la mode. Mais les deux séries sont très réussies, chacune dans leur genre. Là où Poupée russe était morbide mais drôle, Dark est, comme son nom l’indique, beaucoup plus sombre et pesant. Des enfants qui disparaissent, des corps qui réapparaissent des décennies plus tard, des grottes obscures, une immense forêt digne des contes de fées, un village isolé, un petit côté Twin Peaks… le décor est posé.
L’atmosphère est assez anxiogène et les personnages sont souvent torturés par leurs travers, leurs regrets ou leurs passé. Des ingrédients plein de noirceur (surtout quand tu rajoutes un prêtre mystérieux) particulièrement alléchants.
Le puzzle se met en place petit à petit, ce qui est totalement accrocheur. L’envie d’en savoir davantage, de comprendre, les révélations surprenantes révélées au compte-goutte… les réalisateurs ont soigneusement dosé leurs effets et ça fonctionne à merveille. L’intrigue se complexifie au fil des épisodes et c’est un régal.

J’ai beaucoup aimé les personnages, étonnement… ordinaires. Dans le sens, qu’on pourrait les croiser en sortant dans la rue. Et ça fait du bien. Dans les films, les séries, les personnages sont souvent particulièrement beaux (belles, car les femmes n’ont que rarement le droit à l’erreur (ou alors c’est que son physique banal ou moche servira dans l’intrigue)), particulièrement drôles ou intelligents, enfin, toujours mieux que toi (en tout cas, c’est ce que je ressens). Mais là, non. Les femmes sont belles, mais ce ne sont pas des beautés « parfaites », dans les normes actuelles ; ce sont des beautés particulières, des beautés atypiques que l’on croise chaque jour. Idem pour leurs caractères : les protagonistes ne peuvent être résumés à « méchant·e » « gentil·le ». Tous et toutes ont des défauts, des qualités, certain·es tendent vers le louche, d’autres sont globalement sympathiques, mais ils et elles sont faillibles.
Je ne sais pas si vous avez suivi ce que j’essayais laborieusement de vous dire, c’est clair dans ma tête, mais ça s’embrouille sur le clavier.

Par contre, à ce sujet, il y a un certain risque d’embrouillage à cause du nombre de personnages, sachant qu’il faut multiplier le tout par deux, voire trois, lorsque l’on retourne dans le passé. On a regardé les premiers épisodes de façon assez décousue, sans être bien immergés dedans et on s’est retrouvés quelques fois en mode « attends, mets pause, du coup, elle, c’est celle qui tient l’hôtel quand elle était petite, c’est ça ? c’est la mère de l’autre là, comment il s’appelle déjà ? le copain de la fille, tu sais ! » (il nous a fallu les trois quarts des épisodes pour retenir tous les prénoms allemands) « ah, mais du coup, elle, c’est la tante de machin vu que son père était son frère mais dans le passé ! » (En vrai, on s’y fait, mais évitez peut-être de laisser passer trop de temps entre les premiers épisodes.)
Mais il paraît que la saison 2 doit arriver prochainement, j’espère qu’elle ne tardera pas, histoire que je n’ai pas tout oublié qui est qui et qui est où quand la série recommencera.

Une série oppressante et fascinante, portée par un scénario qui tient la route d’un bout à l’autre. Vivement la suite !

  1. Sex Education, de Laurie Nunn (2019, 1 saison, 8 épisodes)

Maeve, jeune fille rebelle, seule et sans parents décide de créer un cabinet de sexologie dans son lycée avec l’aide d’un camarade de classe, Otis, fils de sexologue. Celui-ci aide alors des personnes à gérer leurs relations, alors qu’il est lui-même vierge. (Wikipédia)

Sex Education (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Troisième série que je commence alors qu’il n’y a qu’une saison. C’est très rare pour moi : généralement, j’attends qu’elle se finisse et au final, soit je les oublie, soit je vois que ça ne finit jamais et la probabilité pour que je les regarde un jour fond à toute vitesse (un exemple parmi d’autre : Orange is the New Black me semblait intéressante lorsque la première saison est sortie, mais maintenant qu’on en est à la sixième ou septième, c’est nettement moins le cas).
Du coup, pour libérer de la place dans la section « séries » de mon cerveau, j’ai plus ou moins décidé d’abandonner Outlander. J’ai tenu pendant les deux premières pour l’Ecosse (les paysages, la langue… c’était beau), la troisième m’a un peu ennuyée, j’ai vu le premier épisode de la quatrième et c’est bon, j’ai donné : les voir s’embourber dans des situations pas possibles, être séparés, être réunis, se faire violer, subir une deux trois dix tentatives de viols alors qu’ils restent en Amérique, ce n’est pas la peine. Je ne le supporterai pas une quatrième fois sans une dose d’Ecosse pour faire passer la pilule. Bye Jamie, bye Claire !

Sinon, de quoi devait-on parler ? Ah oui, Sex Education.

Ça va être court, je n’ai pas dix mille trucs à en dire. Ce n’est pas une série qui révolutionne le monde des séries, on est d’accord. On est dans un lycée, à moitié anglais, à moitié américain, avec des personnages stéréotypés : la bande fashion avec péteux et pétasses, insupportables avec tout le monde, y compris entre eux, la rebelle que personne n’aime et que tout le monde insulte tandis que toi, devant ton écran, tu ne les comprends pas du tout car ça crève les yeux qu’elle est à la fois démentiellement cool et intelligente, le gay flamboyant, le timide, etc.
Mêmes choses pour les thématiques : l’adolescence, les premières fois, l’amour, les déceptions amoureuses, les disputes entre amis…
Idem pour certaines séquences que l’on voit venir à des kilomètres (pas d’exemples, pas de spoils).
MAIS. C’était sympa quand même. Ça fonctionne. Grâce aux personnages. On s’attache à Otis, Maeve et Eric. On s’intéresse à Adam : j’ai d’ailleurs beaucoup aimé la façon dont certains protagonistes – dont lui – évoluent. On se retrouve à éprouver de la compassion et de la sympathie pour des lycéens a priori secondaires et/ou insupportables. On s’amuse beaucoup de la curiosité de Jean, la mère d’Otis (même si on est d’accord qu’on aurait aimé lui arracher les yeux si elle avait été notre mère quand on était ado ?).
C’est drôle, c’est léger, et il y a facilement de quoi passer un très bon moment à condition de ne pas avoir des attentes démesurées.
(En plus, Otis et Eric aiment Hedwig and the Angry Inch ! Quoi ? Ce n’est pas un argument ?)

  1. The Umbrella Academy, de Steve Blackman (2019, 1 saison, 10 épisodes)

En 1989, le même jour, quarante-trois bébés sont inexplicablement nés de femmes qui n’étaient pas enceintes et que rien ne relie. Sir Reginald Hargreeves, un industriel milliardaire, adopte sept de ces enfants et crée The Umbrella Academy pour les préparer à sauver le monde. Mais tout ne se déroule pas comme prévu. Les enfants devenus adolescents, la famille se désagrège et l’équipe est dispersée. Les six membres toujours en vie, désormais trentenaires, se retrouvent à l’occasion de la mort de Hargreeves. Luther, Diego, Allison, Klaus, Vanya et Numéro Cinq travaillent ensemble pour résoudre le mystère qui entoure la mort de leur père. La famille désunie se sépare cependant de nouveau, incapable de gérer des personnalités et des pouvoirs trop différents, sans même parler de l’apocalypse qui menace… (Allociné)

The Umbrella Academy (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Puisque je suis dans l’exploration des séries Netflix, autant ne pas passer à côté de la dernière en date. J’avoue, c’est surtout Ellen Page qui a été mon principal moteur pour lancer le premier épisode. Mais finalement, mon enthousiasme est un peu retombé.

Mettons les choses au clair : je suis complètement accro aux personnages de Klaus (aka Robert Sheehan) et Numéro Cinq (Aidan Gallagher). Ce sont les deux dont j’ai adoré chaque apparition à l’écran : le premier est irrésistiblement attachant tout en étant bien allumé (les drogues qu’il prend à longueur de temps n’y sont pas pour rien) tandis que le second est charismatique et cynique à souhait. Bref, deux personnages jubilatoires.
Et pendant ce temps, les autres m’ont globalement laissée bien indifférente (dans le sens « mourez ou vivez, ça m’est égal »). Diego est même allé jusqu’à m’irriter encore et encore (ça doit être la moustache). Et je suis la seule à avoir tiqué sur le costume de Luther ?
Quant à Ellen Page, je suis mitigée. D’un côté, elle joue très bien son rôle de fille ordinaire dans une famille extraordinaire, mais voilà, elle apparaît un peu trop terne, un peu trop ordinaire et il est donc un peu difficile de s’y attacher. En fait, elle joue trop bien son rôle.

Et l’intrigue ? J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de longueurs, je me suis périodiquement ennuyée, notamment lors de scènes répétitives de dissensions familiales et de certaines petites histoires personnelles. Et tout est un peu cousu de fil blanc : les secrets concernant Vanya n’en sont pas vraiment, on devine le rôle que doit jouer Leonard dès la première minute où il apparaît, etc. Bref, ça reste classique, malgré quelques bonnes idées.

Heureusement, je suis bon public, la BO est plutôt cool, l’esthétique est sympa, et je suis irrémédiablement fascinée par Klaus et Numéro Cinq, donc je suis prête à signer pour une deuxième saison. (De toute façon, juste pour eux, j’en veux encore.) (Sinon, une série JUSTE avec eux, ce n’est pas possible ?)

***

Avez-vous vu certaines de ces séries ? Ou bien d’autres ?
Je prends aussi les bons conseils cinématographiques (même si je vais devoir attendre de récupérer le contrôle de mes paupières pour les regarder).

La parenthèse 7ème art – Février 2019

Si j’ai vu pas mal de films ce mois-ci, je n’ai pas forcément envie d’écrire dessus. J’ai revu Le Cercle des poètes disparus, l’un de mes films préférés. Au cinéma, j’ai également vu La Mule de Clint Eastwood. J’étais partie pour écrire un petit quelque chose dessus, mais j’ai lu la chronique de La Moustache et comme elle a tout dit (et qu’elle l’a si bien dit), j’ai renoncé, mon avis aurait été inintéressant. Allez plutôt la lire !

  1.  Dragons 3 : Le monde caché (VO : How to Train your Dragon : The Hidden World), de Dean DeBlois (2019)

Harold est maintenant le chef de Berk aux côtés d’Astrid et Krokmou, en tant que dragon, est devenu le leader de son espèce. Ils réalisent enfin leurs rêves de vivre en paix entre vikings et dragons. Mais lorsque l’apparition soudaine d’une Furie Eclair coïncide avec la plus grande menace que le village n’ait jamais connue, Harold et Krokmou sont forcés de quitter leur village pour un voyage dans un monde caché dont ils n’auraient jamais soupçonnés l’existence. Alors que leurs véritables destins se révèlent, dragons et vikings vont se battre ensemble jusqu’au bout du monde pour protéger tout ce qu’ils chérissent. (Allociné)

Dragons 3 (affiche)

Complètement dingue des deux premiers films (et des dragons), j’attendais avec impatience la sortie de ce troisième opus.
A mes yeux, ce film clôture cette fantastique aventure. J’espère que les choses en seront ainsi car cette conclusion est très bien (mais quand même, les dragons…) et j’ai peur de l’essoufflement. En effet, le premier film était très bien, Harold devait convaincre son père, parfait ; deuxième film, un grand méchant qui vient compromettre le nouvel équilibre instauré sur Berk, ok, logique, il fallait bien montrer la cupidité humaine ; troisième film, un méchant encore plus méchant… vous voyez où je veux en venir ? (J’ai vu après coup que Dragons avait bel et bien été pensé comme une trilogie, c’est donc parfait !)
Si j’ai beaucoup aimé le film, que je me suis régalée, j’avoue mettre un bémol sur le scénario peu surprenant. Certes, il apporte enfin l’occasion à Krokmou de redécouvrir sa nature sauvage et à Harold de mûrir, de dépasser ses craintes adolescentes et de devenir un grand chef, bref, une belle conclusion. Mais j’avoue qu’entre le méchant encore plus méchant (finalement rapidement battu, il n’était pas si terrible apparemment) et la bande carrément lourdingue composée de Kranedur, Kognedur et Rustik, je ne suis pas comblée à 100%.

 Mais punaise, que c’est beau. L’animation est géniale, certaines scènes sont pleines de grâce, les décors sont magnifiques, le souci du détail est juste fabuleux… et pourtant, j’ai également été un peu déçue par la Furie Eclair, un peu trop lisse à mon goût. Harold a grandi (dommage que les autres personnages soient finalement assez transparents quand ils ne sont pas insupportables) et les dragons – Krokmou en tête – sont toujours aussi adorables.

Aboutissement d’une grande histoire initiatique, passage à l’âge adulte avec toutes les souffrances qu’il implique, c’est une excellente fin qui souffre malgré tout de la comparaison avec deux précédents opus quasiment parfaits.                                                                                                                   

  1. The Danish Girl, de Tom Hooper (2016)

The Danish Girl retrace la remarquable histoire d’amour de Gerda Wegener et Lili Elbe, née Einar Wegener, l’artiste danoise connue comme la première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle en 1930. (Allociné)

The Danish Girl

(Disponible sur Netflix)

J’avais adoré ce film à sa sortie, aussi n’ai-je pas tardé à le revoir une fois mis à disposition sur Netflix. Second visionnage qui m’a confirmé le caractère tout à fait génial de ce film et la perfection de ses interprètes, l’un et l’autre s’entremêlant en parfaite harmonie.

Une merveilleuse histoire du temps (affiche)Eddie Redmayne prouve une nouvelle fois qu’il est un acteur hors pair (Netflix met aussi à disposition le biopic sur Stephen Hawking, Une merveilleuse histoire du temps, dans lequel il est tout aussi marquant). Son interprétation délicate du personnage de Lili Elbe est bouleversante (sauf quand quelques minauderies irritent un chouïa…). On oublie l’acteur pour ne voir que cette pionnière courageuse qui a voulu trouver qui elle était, être en accord avec ce qu’elle ressentait en dépit des opinions des médecins rencontrés.
Alicia Vikander, elle, joue Gerda, la femme d’Einar, l’amie de Lili, qui ne l’a jamais laissée tomber, qui l’a aimée et soutenue jusqu’au bout. Une magnifique histoire d’amour, pas niaise pour un sou. Lili a apporté avec elle des combats, des incompréhensions, de la jalousie et de la solitude pour Gerda, mais cette dernière a toujours été un pilier fiable pour Einar comme pour Lili. Bref, Alicia Vikander y est passionnée, superbe, poignante, profonde. Incroyable.

Certes, c’est un biopic classique. Mais grâce à Eddie Redmayne et Alicia Vikander, grâce à cette histoire importante, grâce à cette beauté (quel régal pour les yeux ! la lumière, les costumes, la caméra qui effleure la peau de ses sujets, les toiles, les vêtements…), c’est aussi un biopic sensible qui m’a émue.

  1. Les invisibles, de Louis-Julien Petit (2019)

Suite à une décision municipale, l’Envol, centre d’accueil pour femmes SDF, va fermer. Il ne reste plus que trois mois aux travailleuses sociales pour réinsérer coûte que coûte les femmes dont elles s’occupent : falsifications, pistons, mensonges… Désormais, tout est permis ! (Allociné)

Les invisibles (affiche)

Un film qui avait tout pour me plaire… et que j’ai effectivement beaucoup aimé. Les SDF ne sont déjà pas forcément un sujet dont on parle énormément (les dispositifs anti-SDF semblent montrer que l’on ne souhaite pas les voir dans les villes) ; les femmes SDF le sont encore moins. Pourtant leur quotidien est encore plus compliqué.
Cependant, ce film n’est pas aussi dur qu’il aurait pu l’être. Il rejette tout misérabilisme sans minimiser les difficultés et les horreurs d’un tel quotidien. Au contraire, il rayonne de bonne humeur et de courage. Toutes ces femmes sont inspirantes : leur vie pourrait leur donner le droit à l’auto apitoiement, mais non, elles sont pleines d’humour sur elle-même et de bonne volonté.

Lumineuses, actrices amatrices et professionnelles sont au diapason. Les premières ayant connu cette vie-là apportent beaucoup de sincérité. Elles sont d’une présence folle et, lorsque le film s’achève, c’est à regret que je les ai quittées tant j’aurais aimé savoir quel avenir les attendait. Les secondes sont impressionnantes de crédibilité et de justesse. Audrey Lamy, Corinne Masiero, Noémie Lvovsky et Déborah Lukumuena (révélée dans le génial Divines) sont fabuleuses, chacune à leur manière, discrète, grande gueule, réaliste, idéaliste, mais réellement impliquées (et je parle autant les actrices que de leurs personnages). Le travail des travailleuses sociales est sidérant et l’investissement qu’elles y mettent réellement digne d’admiration.
Le film montre les obstacles que les unes et les autres peuvent rencontrer avec beaucoup de sensibilité : sentiment d’échec, peur de l’inconnu, estime de soi en berne, savoir mettre une limite entre vies personnelles et professionnels…

Un film sérieux, intelligent, drôle, engagé qui va vous émouvoir, vous faire rire, vous indigner. Presque un documentaire, Les invisible est un film tendre et humain à voir sans aucune hésitation.

  1. Blancanieves, de Pablo Berger (2013)

Sud de l’Espagne, dans les années 20. Carmen est une belle jeune fille dont l’enfance a été hantée par une belle-mère acariâtre. Fuyant un passé dont elle n’a plus mémoire, Carmen va faire une rencontre insolite : une troupe ambulante de nains toreros qui va l’adopter et lui donner le surnom de « Blancanieves ». C’est le début d’une aventure qui va conduire Carmen « Blancanieves » vers elle-même, vers son passé, et surtout vers un destin à nul autre semblable. (Allociné)

Blancanieves (affiche)

Nouveau visionnage, six ans après avoir découvert ce film lors de sa sortie en salles. Pablo Berger revisite ici le conte de Blanche-Neige d’une façon totalement captivante. Film en noir et blanc, film muet avec pour bande-son un formidable usage des airs entraînants du flamenco. Blanche-Neige au pays des toréadors : surprenant, mais réussi.
Si je désapprouve la corrida, incapable de comprendre ces distractions barbares, je ne peux m’empêcher d’être séduite par l’atmosphère vénéneuse de ce film qui reprend parfaitement les principales étapes du conte connu par tout un chacun.

Rien à redire sur le casting et les actrices principales sont tout simplement formidables. Sofía Oria joue une Carmen enfant frondeuse et maltraitée qui parvient malgré tout à trouver un peu de lumière dans l’obscurité de son quotidien injuste tandis que Macarena García est une adulte rayonnante ; impossible de rester indifférent·e face à elles. Maribel Verdú est, quant à elle, une marâtre fascinante, aussi séduisante que perfide. Cupide, elle ne se mire pas dans un miroir magique, mais dans les revues, et quand celles-ci accorde la couverture à sa belle-fille, Encarna voit rouge.

L’image est sublime, le noir et blanc souligne les ombres, caresse les visages, les illumine ou les assombrit selon les émotions qui les traversent.

Tragique, mais aussi comique, ce conte revisité s’offre un final qui nous laissera un peu amer, un peu triste. Des images magnifiques, des émotions sublimées, une narration fluide, Blancanieves est une petite pépite malheureusement trop méconnue.

  1. Une vie volée (VO : Girl, Interrupted), de James Mangold (2000)

En 1967, lors d’un entretien avec un psychanalyste, Susanna Kaysen apprend qu’elle souffre d’un trouble de la personnalité. Elle est envoyée dans un hôpital psychiatrique renommé de la Nouvelle-Angleterre et se retrouve dans un univers étrange peuplé de jeunes filles aussi séduisantes que dérangées, telle Lisa, une charmante sociopathe qui met au point avec elle une désastreuse tentative d’évasion. (Allociné)

Une vie volée

(Disponible sur Netflix)

Vu pour la première quand j’étais lycéenne, j’ai été ravie de voir ce film apparaître au catalogue Netflix. Une plongée dans l’aile des femmes d’un hôpital psychiatrique et un portrait de personnes brisées, fragilisées, paumées, qui, sans être juste des « folles », font écho aux névroses qui nous hantent tous et toutes. Elles ne sont pas présentées uniquement par le biais de leurs maladies, mais de façon humaine et réaliste.
Le parcours de Susanna est fort car elle est un personnage plus proche de nous (de moi, en tout cas) qu’une Lisa ou une Polly. On suit le labyrinthe de ses pensées entre présent et passé au fil des réminiscences et ses peurs, certaines des postures qu’elle se donne parfois, ses doutes se révèlent très parlants.
Angelina Jolie y est magnétique : j’avais été frappée par la force de son interprétation la première fois et, une nouvelle, le « charme » – jeu entre attirance et répulsion – a opéré. Son duo avec la plus discrète Susanna est captivant. Le reste du casting est à l’avenant : efficace, juste, intéressant.

S’il n’est pas parfait, Une vie volée est un film touchant sur l’amitié, sur les pertes de repères, sur le gouffre qui peut être plus près que ce que l’on croit.

***

Séries

  1. Il Miracolo, créée par Niccolò Ammaniti (2018, 1 saison, 8 épisodes)

Lors d’une descente dans la cachette d’un chef de mafia, la police découvre une statuette de Madone en plastique pleurant des larmes de sang. Ce phénomène semble inexplicable, d’autant que l’objet énigmatique entraîne tous ceux qui l’approchent dans une extase mystique et bouleverse leur vie. (Allociné)

Il Miracolo (affiche)

C’est grâce à Alberte que j’ai découvert cette série italienne. Je me suis longtemps (enfin, tout est relatif puisque la série ne comporte que huit épisodes) questionnée sur l’intrigue et la direction prise par la série, sur les personnages… avant de décider de me laisser porter puisque l’ambiance me plaisait bien. Une atmosphère pas bien joyeuse, il faut le reconnaître. Les personnages – la majorité d’entre eux – sont dérangeants, louches ou, au mieux, simplement agaçants. Les portraits ici proposés ne sont guère flatteurs : frustrations, jalousie, violences… bref, l’être humain dans toute sa splendeur.
C’est aussi un portrait de l’Italie dans lequel deux forces s’affrontent : la politique et la religion. La statuette bouleverse les convictions de chacun·e : aucun scientifique et aucun croyant ne reste de marbre devant ce miracle apparent. Des réactions diverses, parfois extrêmes, parfois indécises, mais passionnantes à observer.
Je n’ai pas grand-chose d’autre à en dire : c’est surtout une série aux images aussi belles que son scénario est sombre qui m’a fait éprouver une persistante sensation d’étrangeté et de mal-être.

  1. Poupée russe (VO : Russian Dolls), de Natasha Lyonne, Amy Poehler et Leslye Headland (2019, 1 saison, 8 épisodes)

Une femme prise au piège d’une mystérieuse boucle revit sans cesse une nuit de fête à l’issue de laquelle elle meurt… avant de se réveiller la veille, indemne. (Allociné)

Poupée russe (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Cette série est si brève – huit épisodes de 25 minutes environ – qu’il serait dommage de passer à côté. Même lorsque, comme moi, on regarde relativement peu de séries. Et je ne regrette pas ce choix, ne serait-ce pour Natasha Lyonne (que, contrairement à moi, vous aurez peut-être déjà vu dans Orange is the New Black) et son ébouriffante interprétation de Nadia.

A travers une histoire de boucles temporelles, Poupée russe aborde plein de questions sur la vie et la mort, le passé, les relations humaines, l’amitié… et d’autres choses dont je ne peux pas vous parler sans risque de spoiler. Le tout est servi par un scénario très juste et captivant et des dialogues tout aussi fins et bien écrits.
C’est intelligent et c’est aussi très drôle. Dure, la voix éraillée et le ton gouailleur d’une désabusée, Nadia n’a pas la langue dans sa poche et, caparaçonnée dans sa désinvolture, elle est irrésistible. On la découvre peu à peu dans toute son intelligence et sa complexité et c’est un superbe personnage, bourré de défauts et de qualités, réaliste et attachant, qui se dévoile au fil des épisodes. Ses tentatives pour survivre et la mort qui toujours la rattrape donnent lieu à des scènes plus cocasses que morbides.
Elle est rejointe par un autre prisonnier du temps, Alan, dont je vous laisse le plaisir de la découverte.

Une série bourrée d’humour interrogeant sur la vie et la mort (et on s’en pose des questions sur le pourquoi de ces boucles temporelles !), avec la petite touche morbide qui va bien, une réalisation impeccable (BO, lumières, personnages… rien à redire), bref, Poupée russe est un petit bijou qui se dévore en quelques heures. Ne passez pas à côté !

Qu’avez-vous vu ce mois-ci ? Des coups de cœur, des déceptions ?
Cinéma, Netflix ou autres, je prends tous les bons conseils !

La parenthèse 7ème art – Décembre 2018 et janvier 2019

Je sais, il n’y a plus aucune régularité dans ce rendez-vous. J’écris mes petites chroniques cinéma de temps à autre en laissant beaucoup de films de côté. Et franchement, je ne crois pas que cela va changer dans l’immédiat.

  1. Astérix : Le secret de la potion magique, d’Alexandre Astier et Louis Clichy (2018)

À la suite d’une chute lors de la cueillette du gui, le druide Panoramix décide qu’il est temps d’assurer l’avenir du village. Accompagné d’Astérix et Obélix, il entreprend de parcourir le monde gaulois à la recherche d’un jeune druide talentueux à qui transmettre le Secret de la Potion Magique. (Allociné)

Astérix et le secret de la potion magique (affiche)

Que dire de nouveau après ma chronique, à l’automne dernier, du Domaine des Dieux ? Pas grand-chose, il faut le reconnaître, cette critique sera donc aussi brève qu’élogieuse. En effet, si l’on retrouve les mêmes ingrédients, c’est toujours aussi sympathique à regarder. C’est drôle pour les enfants comme les adultes (tout le monde ne sera peut-être pas touché par la même chose, mais chacun devrait pouvoir y trouver son compte), les voix sont parfaites, les clins d’œil à la culture populaire – de Superman à, bien évidemment, Kaamelott – font mouche. Et comme le premier, c’est beau, c’est rond, c’est propre, c’est bien léché.
Plein de détails rappellent les BD : les attaques des Romains, les navires sans cesse coulés des pirates, les sangliers… Cependant, j’ai aimé l’idée d’en apprendre plus sur Panoramix, de découvrir son passé, de le voir s’interroger. Il n’est plus seulement le vieux sage qui prépare la potion magique et que l’on voit ici et là.
De plus, la question posée par cet opus inédit (basé sur aucune bande-dessinée) est loin d’être idiote : pourquoi ne pas partager la potion et bouter l’envahisseur romain hors de Gaule ? Même si la méthode Sulfurix n’est guère recommandable, la problématique mérite d’être posée. Et enfin, on a un vrai méchant, pas un nul ridicule, mais quelqu’un qui met vraiment des bâtons dans les roues à nos héros.
Qu’importe si l’on sait dès son apparition à l’écran qui connaîtra le secret de la potion magique, j’ai suivi avec grand plaisir les pérégrinations du druide, du guerrier et du tailleur de menhir. Et même si Sulfurix rappelle fort un certain mÔsieu Elias de Kelliwic’h, même si la voix de Serge Papagalli est telle qu’Abraracourcix s’efface derrière Guethenoc, les deux réalisateurs ont su donner vie aux personnages de la BD avec beaucoup un juste dosage d’humour et d’action !

  1. Cloud Atlas, de Lana et Lilly (alors créditée comme Andy) Wachowski et Tom Tykwer (2012)

A travers une histoire qui se déroule sur cinq siècles dans plusieurs espaces temps, des êtres se croisent et se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement. Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans le passé, le présent et l’avenir lointain, un tueur devient un héros et un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant plusieurs siècles et à provoquer une révolution. Tout, absolument tout, est lié. (Allociné)

Cloud Atlas (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Un film que j’avais envie de voir depuis sa sortie, que j’avais raté, qui m’avait par la suite souvent effrayée par sa longueur et que Netflix a finalement eu la bonne idée de proposer dans son catalogue. Bilan : une excellente surprise dont les presque trois heures ont filé à toute vitesse.
Il faut dire qu’avec un tel casting, il aurait fallu que le film soit particulièrement mauvais pour que je reste indifférente. Hugo Weaving, Jim Broadbent et Tom Hanks forment l’excellent trio de tête. Trois acteurs que j’adore, entourés d’Halle Berry, Bae Doona, Ben Whishaw, Susan Sarandon, Hugh Grant, etc. Tous et toutes jouent de multiples rôles. Déguisé·es, maquillé·es, ils et elles se transforment pour incarner leurs différentes identités à travers les siècles. Dans ce film où les hommes deviennent femmes, où les Européens deviennent Asiatiques, vice versa, j’ai pris plaisir à scruter les traits des différents personnages les plus grimés pour découvrir qui se cachait en dessous.
Ensuite, la thématique des vies successives m’a totalement embarquée. Un peu perplexe durant les premières minutes du film, le temps de comprendre qui est qui, qu’est-ce qui se passe, où sommes-nous (je ne savais absolument rien du film si ce n’est que je voulais le voir), je me suis laissée emportée par les événements qui se mettent rapidement en place (même si je ne refuserais pas de le voir une seconde fois, histoire d’appréhender le début du film en connaissance de cause). J’ai adoré me plonger dans toutes les époques, surtout les plus lointaines (que ce soit en direction du passé ou du futur) et le langage de Zachry et des siens me reste en tête depuis mon visionnage.
Au fil des siècles, de 1849 à 2321, les personnages sont confrontés aux mêmes questionnements : la liberté, le choix, l’intérêt personnel ou collectif, l’amour… Ainsi, en dépit des différences entre un marin du XIXe siècle et un survivant de 2321, en dépit des presque cinq cents ans qui les sépare, ce n’est qu’une histoire qui trouve ses racines dans un passé lointain mais malgré tout fondamental. Une lente évolution d’une même âme à travers les âges et les lieux.

Après ce film fleuve d’une richesse folle qui m’a fait voyager à travers une histoire fascinante, je serais à présent curieuse de découvrir le roman dont ce film est l’adaptation, Cartographie des nuages de David Mitchell. En attendant, je pense le revoir très bientôt tant ce fut une claque. C’est complexe, c’est beau, c’est dense, c’est un concentré de vie. Bref, j’adore.

  1. Delicatessen, de Jean-Pierre Jeunet et Marc Caro (1991)

La vie des étranges habitants d’un immeuble de banlieue qui se dresse dans un immense terrain vague et qui tous vont se fournir chez le boucher-charcutier, à l’enseigne « Delicatessen ». (Allociné)

Delicatessen (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Ce n’est pas la première fois que je visionne ce film qui me séduit pourtant à chaque fois comme si c’était le cas. Glauque et poétique à la fois, cette ambiance peut-être paradoxale à tout pour me séduire. Si le cadre global de l’histoire reste plutôt flou – les temps sont durs certes, mais que s’est-il passé exactement ? Mystère –, la vie de cet immeuble délabré et de ses habitants est présentée avec énormément de finesse.
Plus que l’histoire – drôle plus qu’effrayante, pleine de tendresse dans un monde brutal –, c’est l’esthétisme de ce film qui me reste à chaque fois en tête. L’univers présenté est absolument fascinant et imprégné de la personnalité des créateurs du film. Un soin presque maniaque est apporté aussi bien aux images, aux objets de décor et aux costumes, qu’aux bruits et musiques, proposant ainsi une cartographie sonore du bâtiment particulièrement détaillée. C’est tout simplement enchanteur alors même qu’une teinte jaune renforce cette atmosphère malsaine, délétère, comme de fin du monde.
La galerie de personnages qui traverse le film est totalement excentrique, avec des caractères et tics poussés à l’extrême, pour un résultat surprenant et captivant. A la tête de cette troupe, Jean-Claude Dreyfus excelle dans le rôle du boucher doucereux et amoral.

Suivez donc Louison, un attachant rêveur interprété par Dominique Pinon, et plongez dans les entrailles de ce film décalé, burlesque et original, je ne vois pas comment vous pourriez le regretter !

  1. Sur mes lèvres, de Jacques Audiard (2001)

 Carla Bhem, une jeune femme de 35 ans au physique plutôt moyen et qui porte des prothèses auditives, est secrétaire à la Sédim, une agence immobilière, mais elle est payée une misère et souffre d’un manque de considération de la part de ses employeurs. Son existence triste et solitaire va prendre une tournure différente avec l’arrivée dans la société de Paul Angéli, une nouvelle recrue de 25 ans, plutôt beau gosse, mais qui n’a aucune compétence dans la promotion immobilière. Celui-ci cherche à se réinsérer après avoir fait de la prison. Une histoire d’amour improbable, doublée de manipulation réciproque, va naître entre ces deux marginaux. (Allociné)

Sur mes lèvres (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Pioché au hasard sur Netflix, ce film a été une belle découverte. Emmanuelle Devos joue une Carla extrêmement convaincante que l’on prend rapidement en sympathie, à l’instar de son compagnon interprété par Vincent Cassel. Contrairement à ce que le résumé Netflix laissait entendre, le sujet du handicap n’est pas vraiment central. Oui, Carla entend très mal mais avec ses prothèses, elle n’est pas totalement isolée. Au contraire, avec sa maîtrise de la lecture sur les lèvres, bien loin de la pénaliser, cette particularité se transforme en atout.
Les personnages sont au centre de cette histoire qui est surtout un portrait de deux antagonismes qui vont se rencontrer, s’apprivoiser, s’apprécier et s’influencer mutuellement. On se lie avec ces deux cabossés de la vie et on se prend au jeu, notamment lors des passages légèrement crispants de la seconde moitié. Paroles mesurées, silences, le film laisse la place à leurs émotions, les laissant éclore lentement et nous incluant dans ces moments intimistes et pudiques.
L’histoire, la mise en scène, le jeu des acteurs, tout déborde de sensibilité. Résultat : un film efficace et complètement prenant.

  1. Crimson Peak, de Guillermo del Toro (2015)

Au début du siècle dernier, Edith Cushing, une jeune romancière en herbe, vit avec son père à Buffalo, dans l’État de New York. La jeune femme est hantée, au sens propre, par la mort de sa mère qui lui délivre un avertissement : « Prends garde à Crimson Peak ». Edith comprendra, trop tard, le sens de cette mise en garde.

Crimson Peak (affiche)

(Disponible sur Netflix)

Je vous le dis tout de suite : le scénario ne recèle aucune surprise. Tout est couru d’avance et les « révélations » comme la fin peuvent être décelées bien avant cette dernière. Ce n’est donc pas pour l’histoire que l’on reste devant ce film jusqu’au bout.
En revanche, ce qui est plus fascinant, c’est l’univers victorien sombre et morbide, où les longues robes s’imbibent de sang, où des fantômes décharnés hantent les couloirs et les recoins, où les pièces délabrées murmurent d’abjects secrets. Superbement omniprésent, le décor – le manoir de Crimson Peak – est impressionnant : le lieu est encore habité par sa grandeur passée en dépit des éléments qui semblent se déchaîner contre lui comme pour réduire à néant ce théâtre d’indicibles événements. Les couleurs sont superbes : chaudes et pleines d’espoir en Amérique, elles deviennent glacées et désespérantes une fois de l’autre côté de la mer. Bref, c’est magnifique.
Une Jessica Chastain excellente, aussi séduisante que démente, et un Tom Hiddleston ambigu achève de transformer cette romance vénéneuse en un agréable moment de cinéma.

***

Séries

  1. Les désastreuses aventures des Orphelins Baudelaire (VO : Lemony Snicket’s A Series of Unfortunate Events), créée par Daniel Handler, Mark Hudis et Barry Sonnenfeld (2017-2019, 3 saisons, 25 épisodes)

Le comte Olaf cherche par les plus vils moyens à dépouiller les trois orphelins Violette, Klaus et Prunille de leur héritage. Les enfants doivent se montrer plus malins que lui, mettre en échec ses plans tordus et le reconnaître sous ses pires déguisements, afin de découvrir la vérité sur le mystérieux décès de leurs parents. (Allociné)

Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire (série)

(Disponible sur Netflix)

J’ai déjà écrit une chronique relativement complète sur ce que je pensais de cette saga livresque et de la nouvelle série qui en a été tirée, mais à présent que la dernière saison est sortie, je ne peux m’empêcher de vous la conseiller une nouvelle fois.

Trois saisons, 25 épisodes, c’est vite regardé après tout, surtout face à une telle qualité. A y réfléchir, c’est rare qu’une série m’emballe à ce point du début à la fin (en même temps, je ne regarde pas beaucoup de séries, je vous l’accorde) : généralement, je trouve toujours quelque chose à redire. Là, mon enthousiasme ne retombe pas et je me suis sentie bien seule une fois le dernier épisode visionné.
L’histoire ? Fantastique. Délicieusement grinçante, sombre et drôle à la fois. Comme celle des livres, l’atmosphère de la série est à la fois tragique et colorée, poignante et hilarante, absurde et ridicule.
Le casting ? Impeccable. Olaf (Neil Patrick Harris) est fascinant et irrésistiblement attachant surtout lorsque la troisième saison nous dévoile enfin son humanité – un peu perdue certes –, ses faiblesses, ses doutes, ses désirs enfantins d’être aimé ; décidément, ce personnage aussi machiavélique que pathétique me touche terriblement. Le jeu des trois enfants/adolescents (Malina Weissman pour Violet, Louis Hynes pour Klaus et Presley Smith pour Sunny/Prunille) est sans reproche : s’ils sont tous les trois à la mesure de leur personnage, Sunny est tout simplement géniale et adorable d’un bout à l’autre de la série. Mais les acteurs et actrices sont parfait·es quelle que soit leur importance dans la série.
Les révélations ? Bel et bien présentes ! Celles et ceux qui ont lu les livres partageront sans doute ma frustration face aux nombreuses questions laissées sans réponse (« mais qu’y a-t-il dans ce foutu sucrier ?! ») et là, Daniel Handler alias Lemony Snicket nous fait le plaisir de nous révéler de nombreux détails. Non seulement sur le sucrier (mais est-ce la vérité ?…), mais aussi sur VFD : son passé s’éclaire, le schisme nous est expliqué grâce à des flash-backs totalement absents des livres. De la même façon que les actions des membres de la mystérieuse organisation (Jaquelyn Scieszka, Jacques et Kit Snicket, Larry…), que l’on suit parfois dans la série, nous étaient dans les livres aussi inconnues qu’elles l’étaient pour le trio.
Seul reproche : pourquoi le treizième livre a-t-il été adapté avec un épisode au lieu de deux, à l’instar des douze précédents ? pourquoi nous priver de cinquante minutes de plaisir ? (Non mais !)
La photographie ? Sublime. Les couleurs, les costumes (surtout les déguisements loufoques d’Olaf et les tenues « in » paraît-il d’Esmé), les décors, les accessoires… tout émerveille le regard. Trop de détails à observer, trop de belles scènes sur lesquelles on voudrait s’attarder, c’est une réussite.

Le générique – qui reste en tête – nous dit de regarder ailleurs, mais surtout n’en faites rien. Ce serait passer à côté d’une série tout simplement fabuleuse !

Et vous, qu’avez-vous vu de chouette ces derniers temps ?
Je mets souvent longtemps avant de voir les films, mais je suis toujours preneuse de bonnes recommandations, alors lâchez-vous !