L’histoire d’un ouvrier agricole. Son père, sa mère, le frère qui a quitté le monde de l’agriculture pour devenir commerçant, un amour éteint. Sa passion des chiffres, son sérieux au travail, son alcoolisme difficilement surmonté.
Un texte court, dévoré en trois heures une nuit d’insomnie. Sans venir d’une famille de paysans, ce livre m’a rappelé mes voisins dans mon petit village jurassien ; Joseph était ce paysan qui, peu à peu, transmet la ferme à son fils, surmontant du mieux possible les difficultés du métier, le coût des machines à entretenir, la traite deux fois par jours, la routine établie il y a longtemps pour les trois cent soixante-cinq jours de l’année.
Une poésie dans cette mélancolie d’un monde qui s’étiole petit à petit, qui perd de ses traditions, qui se modernise. Machines, groupements, labels : la volonté de la nouvelle génération – quand elle ne quitte pas ce milieu pour faire des études – de produire davantage, de se sortir des galères des parents.
Joseph est un homme honnête et bourru qui a connu ses joies et ses drames comme tout le monde. Il se tait, il observe et, toujours, reste simple et réfléchi. Antihéros, il devient le symbole d’une génération tournée vers le passé, l’amour de la terre et des bêtes, vers les souvenirs et les petites manies auxquels on s’accroche et qui deviennent des traditions.
Cependant, bien que j’ai ressenti la puissante tendresse de l’auteure pour son personnage, je n’ai pas été réellement touchée par ce roman. Il m’a évoqué des lieux, des personnes, mais je n’ai pas été réellement émue par Joseph. L’écriture est comme le personnage qu’elle décrit, simple, directe, et, en même temps, pleine de retenue, mais je ne lui ai pas trouvé de force particulière. Et ce, malgré son indéniable poésie, sa mélancolie.
Un texte qui donne la première place à des personnes sans doute délaissées par la littérature actuelle, mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable. Non pas le roman d’une extraordinaire aventure, mais le récit d’une vie simple (à moins que ce ne soit le simple récit d’une vie). Pudeur pourrait être le maître mot de ce texte.
« Un chien comme celui-là il faudrait qu’il ne meure pas, jamais, il serait presque mieux qu’une personne. Joseph s’en voudrait de penser ces choses, mais il les pense, même s’il ne les dit pas, à personne ; ça le traverse par moments quand il fait un travail qui ne demande pas trop d’attention, nettoyer l’allée et les grilles de l’étable après l’étable par exemple, surtout à la bonne saison les vaches sont ressorties il reste dans l’étable, il met de l’ordre et du propre, c’est tenu (…) »
« Joseph avait senti qu’elle les vomissait, eux, ce pays, ces gens restés là dans des fermes même pas modernes, des machins de rien du tout où ils s’obstinaient à traire leurs vaches rouges caractérielles qui retiennent le lait tant qu’elles n’ont pas eu leur veau sous elles, ils ont un mot dans leur patois « amirer », ils disent ce mot de rien et ils ont l’air presque contents de se casser la tête et de perdre du temps pour gagner trois francs six sous avec leurs vieilleries. »
Joseph, Marie-Hélène Lafon. Buchet-Chastel, 2014. 144 pages.