Spécial Albums – Top Car, Mister Black et Jusqu’en haut

Les albums ne sont clairement pas ma spécialité et sont très rares par ici. J’ai néanmoins fait de très chouettes découvertes cet été et j’ai eu envie de les partager avec vous dans ces courtes chroniques. Aujourd’hui (ce qui laisse entendre que d’autres articles dédiés aux albums devraient pointer le bout de leur nez si je ne procrastine pas trop), je vous parle de trois albums aux thématiques très contemporaines.

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Top Car, de Davide Cali (texte) et Sébastien Mourrain (illustrations) (2018)

Top Car (couverture)Un petit album qui raconte l’histoire d’un homme dévoré par le désir d’acheter la nouvelle voiture à la mode, plus belle, plus rapide, plus parfaite. Pourtant, il a déjà une voiture. Elle n’est pas aussi tendance, elle n’est pas aussi spacieuse, mais elle roule bien et, avec son petit gabarit, pas de problème de parking. Mais cette voiture l’obsède, il lui faut trouver un moyen de l’acheter.

C’était là un album qui ne pouvait que m’interpeller. Derrière un trait fin et épuré, Top Car dénonce la société de consommation. Ce pouvoir des publicités qui passe la barrière de la raison et touche aux sentiments pour faire naître des besoins inexistants. Travailler jusqu’à l’abrutissement pour s’offrir un petit plaisir passager qui sera caduque dès que le nouveau modèle encore plus attractif sortira. La fin, au choix, fait sourire ou désespère tant cet album raconte notre société.

Un album malin et bien construit qui peut-être fera écho dans quelques consciences.

Top Car, Davide Cali (texte) et Sébastien Mourrain (illustrations). Editions des éléphants, 2018. 40 pages.

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Mister Black, de Catalina Gonzalez Vilar (texte) et Miguel Pang (illustrations) (2018)

Mister Black (couverture)Mister Black est un vampire qui vit sur une île de monstres. Autant dire qu’il a une image à tenir. Un vampire, c’est effrayant, ce n’est pas joyeux et ça s’habille en noir. Sauf que Mister Black aime passionnément… la couleur rose.

Encore un album très actuel avec cette ode à la différence. L’histoire de Mister Black nous invite à dépasser nos préjugés et à s’ouvrir à des personnalités riches, surprenantes et uniques. Elle nous raconte aussi la difficulté à vivre sous le regard de nos pairs, ce regard si pesant car parfois terriblement jugeant. Comment s’épanouir lorsque l’on nous dit que nos goûts et nos envies ne sont pas acceptables, qu’il faut les enfermer dans un coffre et balancer le coffre à la mer ?
L’histoire, si vous me permettez le jeu de mots, ne sera pas rose tous les jours : elle menace même de prendre une tournure très noire et désespérée, heureusement redressée par une fin qui souligne l’hypocrisie de la société. La méchanceté, la monstruosité, se cache décidément sous tous les corps.
J’ai moins adhéré aux dessins, je dois l’avouer. Cependant, les couleurs très franches ont le mérite de faire ressortir ce rose éclatant et détonnant dans un monde de monstres ou, au contraire, de faire ressortir la tristesse d’un monde en noir, gris et autres marrons ternes, bref, de souligner les (très) différentes facettes de ce vampire atypique.

Un second album tout aussi actuel qui tord le cou à quelques stéréotypes en appelant à un peu plus de bienveillance.

Mister Black, Catalina Gonzalez Vilar (texte) et Miguel Pang (illustrations). Editions Les Fourmis rouges, 2018. 36 pages.

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Jusqu’en haut, d’Emilie Vast (2019)

Jusqu'en haut (couverture)Semblable aux contes de randonnée, cet album nous emmène toujours plus haut dans un arbre de la forêt amazonienne. Pourquoi Ocelot est-il tombé sur le dos de Coati ? Pour cela, il faut découvrir la réaction en chaîne qui a conduit à cet événement. Intrigant… Qui a bien pu déclencher tout ce remue-ménage ? De maillon en maillon, du sol vers la canopée, le mystère s’éclaircit jusqu’à cette fin qui pourrait illustrer l’effet papillon : un petit quelque chose anodin qui bouscule la jungle.
Au fil de cet album tout en verticalité, une petite dizaine d’animaux exotiques se dévoile : Tamandua, Toucan, Paresseux, Singe hurleur… Tous ces êtres plus ou moins connus, plus ou moins étonnants, sont mis en valeur par leurs couleurs qui contrastent sur les feuilles noires de la végétation. Le dessin est tout en finesse, avec une petite touche géométrique, tandis que le texte sur la page de gauche s’élève avec nous, montant d’un degré à chaque étape de notre accession.
(La thématique contemporaine et dénonciatrice est moins marquée dans ce troisième album qui possède toutefois une certaine dimension écologique.)

Un très bel album à la découverte du poumon vert de la Terre et des espèces menacées qui le peuplent.

Jusqu’en haut, Emilie Vast. Editions Memo, 2019. 48 pages.

Histoire sans héros, de Jean Van Hamme (scénario) et Dany (dessins), (1977) suivi de Vingt ans après (1997)

Histoire sans héros (couverture)Deux histoires dans un ouvrage. La première (Histoire sans hérosraconte le crash d’un avion au milieu de la forêt vierge et la lutte menée par les survivants pour sauver leur vie. La seconde (Vingt ans après) reprend les mêmes protagonistes qui, menacés par ODESSA, un réseau clandestin d’anciens nazis, doivent retourner sur les lieux de l’accident.

Au premier abord, lorsque j’ai feuilleté l’album, le style graphique ne m’a que moyennement plu : les hommes étaient trop virils et les femmes des pin-up. Cependant, à la lecture, même si je ne peux me dire séduite par ces illustrations, j’ai découvert qu’elles servaient parfaitement certaines scènes, notamment celles de nuit où les personnages sont rassemblés autour du feu. A l’instar des dialogues qui laissent transparaître la psychologie des protagonistes, les visages de Dany montrent leurs émotions.

Si je ne suis malheureusement pas convaincue par les dessins, l’histoire – évoquant pour moi une sorte de transposition de Dix petits nègres d’Agatha Christie au fin fond de la forêt amazonienne avec ces personnages qui meurent un à un – m’a complètement embarquée grâce à cet éventail de personnalités prêtes à tout pour survivre. Les personnages présents sur scène (une quinzaine environ) sont évidemment très différents et tous ont leurs forces et leurs faiblesse, tous sont potentiellement une aide ou une menace pour les autres.

Ni blancs, ni noirs, ce sont simplement des hommes et des femmes confrontés à une situation difficile, voire mortelle. Comment réagir ? Se battre pour sa vie ou toutes les vies ? Attendre ou agir ? Cela ressort davantage dans la première histoire : nos héros (qui n’en sont pas) sont enfermés dans une sorte de huis-clos, opprimés par les arbres géants et les lianes et leur psychologie est mise en avant au même titre que les rebondissements. La suite relève davantage du récit d’aventure, palpitant certes, mais moins original même si les rebondissements sont fréquents.

 Bien que ce ne soit pas le genre de BD qui m’attire habituellement, j’ai passé un bon moment avec ce diptyque un peu moins bourrin que ce à quoi je m’attendais…

«  Ces hommes, ces femmes, brutalement plongés dans un univers hostile, sentaient les ombres de la mort et de la peur se glisser parmi eux… »

« Les chaînes de l’homme se brisent dans la douleur, il sait ce qu’il doit faire… »

Histoire sans héros (1977 pour la première édition), suivi de Vingt ans après (1997 pour la première édition), Jean Van Hamme (scénario) et Dany (dessins). Le Lombard, coll. Signé (2008). 127 pages.

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