Je vous propose de découvrir deux séries de bandes dessinées (même si la seconde est plus proche de l’album à mon goût) signées Wilfrid Lupano. Des critiques sociales à la fois habiles et hilarantes à côté desquelles il serait dommage de passer sans s’arrêter…
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Les vieux fourneaux, de Wilfrid Lupano (scénario) et Paul Cauuet (dessin) (2014-2018)
Les vieux fourneaux, ce sont cinq bandes dessinées (pour l’instant) dont j’entends parler depuis fort longtemps sans forcément trouver l’occasion de les lire. C’est chose réparée enfin et quel régal.
Résumé de l’éditeur : « Pierrot, Mimile et Antoine, trois septuagénaires, amis d’enfance, ont bien compris que vieillir est le seul moyen connu de ne pas mourir. Quitte à traîner encore un peu ici-bas, ils sont bien déterminés à le faire avec style : un œil tourné vers un passé qui fout le camp, l’autre qui scrute un avenir de plus en plus incertain, un pied dans la tombe et la main sur le cœur. Une comédie sociale aux parfums de lutte des classes et de choc des générations, qui commence sur les chapeaux de roues par un road-movie vers la Toscane, au cours duquel Antoine va tenter de montrer qu’il n’y a pas d’âge pour commettre un crime passionnel. »
C’est typiquement le genre d’histoires de vie que j’adore. Prenez trois petits vieux – Pierrot, l’anarchiste et manifestant acharné au sein du collectif de malvoyants « Ni Yeux Ni Maître » ; Antoine, l’ancien syndicaliste ; et Emile dit Mimile, l’ex-rugbyman globe-trotteur qui tempère les éclats de ses compagnons – et une jeune femme, Sophie, petite-fille d’Antoine ayant repris le petit théâtre de marionnettiste « Le Loup en slip » (tiens, tiens) de feue sa grand-mère. Ajoutez un grand groupe pharmaceutique qui règne sur la région, quelques secrets de famille, des combats pour lutter contre l’oppression, des amours de jeunesse…
Et ce qui en sort, ce sont des BD intelligentes au propos actuel doublé d’une bonne tranche de rire en dépit des sujets sérieux abordés. Luttes sociales, injustices, trahisons amoureuses, vieillesse, transmission… Tout cela forme une fresque sociale absolument fascinante. Les dialogues sont merveilleusement savoureux et j’avoue avoir éclaté de rire plusieurs fois. Les caractères bien trempés de nos protagonistes donnent forcément lieu à des frictions et les réparties fusent de tous côtés. Impertinents, entêtés, revanchards, truculents, impossibles, nos trois vieux se révèlent souvent insupportables, mais surtout irrésistibles.
Le dessin ne me bouleverse pas vraiment, mais l’expressivité des personnages et le réalisme des décors facilitent l’immersion dans les planches de Cauuet et le charme de nos vieillards encore bien dynamiques fait le reste.
C’est truculent, rocambolesque, tendre, c’est superbement écrit, bref, ce sont de petites pépites et je suis officiellement fan de ces Vieux fourneaux qui tournent encore bien pour leurs âges.
Les vieux fourneaux (5 tomes), Wilfrid Lupano (scénario) et Paul Cauuet (dessin). Dargaud, 2014-2018.
– Tome 1, Ceux qui restent, 2014, 56 pages ;
– Tome 2, Bonny and Pierrot, 2014, 56 pages ;
– Tome 3, Celui qui part, 2015, 64 pages ;
– Tome 4, La magicienne, 2017, 56 pages ;
– Tome 5, Bons pour l’asile, 2018, 56 pages.
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Le loup en slip, de Wilfrid Lupano (scénario), Mayana Itoïz (dessin et couleurs) et Paul Cauuet (participation amicale et artistique) (2016-2019)
Le loup est l’ennemi n°1. Celui qui soude tous les habitants de la forêt dans une peur collective. Normal avec son pelage hirsute, ses dents comme des pioches et son regard fou ! Jusqu’au jour où il leur rend visite… Non seulement il porte un slip absurde, mais surtout il ne fait plus peur du tout ! Que faire si l’ennemi n’en est pas un ?
(Je n’ai pas encore eu l’occasion de lire le tome 4, Le loup en slip n’en fiche pas une, donc ma petite chronique ne portera que sur les trois premiers volumes.)
En ouvrant ces ouvrages, j’ai tout d’abord pris un immense plaisir à observer les grandes planches de Mayana Itoïz. S’étalant sur des doubles pages, ces scénettes colorées de la vie quotidienne de la forêt offrent moult détails à découvrir. Et le texte est aussi enthousiasmant que le dessin. Rythme, rimes… on aurait presque envie de chantonner certains passages.
Quant au contenu, pas de doute, on reconnaît bien la patte des auteurs des Vieux fourneaux avec ces histoires à la fois drôles et, en même temps, très critiques vis-à-vis de la société. Si les plus jeunes lecteurs se bidonneront devant les aventures de ce loup pas comme les autres, un autre niveau de lecture comblera les plus âgés. Car Le loup en slip, c’est aussi un petit camouflet à l’encontre de notre société. Ça parle d’entraide, de solidarité plutôt que d’esprit de compétition, d’ouverture à l’autre en faisant fi des apparences (merci, la chouette !), de préjugés, de générosité… Dans ces fables touchantes, le loup, le grand méchant loup, se révèle le plus gentil de tous, ne laissant personne derrière lui. Un loup défenseur des pauvres et des handicapés ? Eh bien, oui, ça existe !
Trois albums très bien écrits, réjouissants, futés. A conseiller à tous les âges !
(De plus, croiser Pierrot, Antoine, Mimile et Sophie en fin d’album, ça ne se refuse pas !)
Le loup en slip (4 tomes), Wilfrid Lupano (scénario), Mayana Itoïz (dessin et couleurs) et Paul Cauuet (participation amicale et artistique). Dargaud, 2016-2019.
– Tome 1, Le loup en slip, 2016, 36 pages ;
– Tome 2, Le loup en slip se les gèle méchamment, 2017, 40 pages ;
– Tome 3, Slip hip hip !, 2018, 40 pages ;
– Tome 4, Le loup en slip n’en fiche pas une, 2019, 40 pages (non lu).