Je réunis ici deux chroniques de livres que j’ai pu lire grâce à Babelio. Je les remercie donc, même si ces lectures se sont révélées peu convaincantes. Entre le roman à l’écriture intéressante mais à l’intrigue lassante et celui à l’écriture fade et à l’intrigue… passable, ça n’a pas été le grand amour entre ces histoires et moi…
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Feu, de Maria Pourchet (2021)
Laure s’englue dans une vie monotone entre son job de prof d’université, son famille et son pavillon de banlieue. Clément est blasé de tout, à commencer par son métier dans la finance, seul son chien compte dans sa vie. Leur rencontre, alors que tout les oppose, est un choc inattendu.
L’écriture est le point fort de ce roman. Imagée, riche et dynamique, elle se révèle particulièrement vivante et évocatrice. J’ai été séduite par cette plume vive et immersive, efficace. De plus, pour partager la voix de Laure, l’autrice utilise ce « tu » qui détonne par sa rareté, fascine et captive, déroulant sa vie et ses pensées comme un mantra, une litanie. Son style un peu heurté, pressé, pousse à une lecture rapide et c’est bien grâce à cela que je suis parvenue au bout de ce roman.
Cependant, l’histoire m’a moins convaincue. Elle raconte un amour des temps modernes, un amour avec tout le bien et la douleur qu’il engendre, un amour ou plutôt un désir dévorant et une passion. Les différentes étapes de la vie de cet amour se déroulent au fil des pages, la découverte, le désir, les espoirs, les mises à l’épreuve… C’est sûrement juste et sincère, mais je n’ai pas partagé leurs émotions.
Sans doute l’absence d’attachement aux personnages m’aura-t-elle nui, me faisant ressentir davantage de lassitude que de passion. Je me suis ennuyée entre les désirs dévorants de Laure et le cynisme de Clément (trois jours depuis ma lecture et son prénom s’était déjà effacé de ma mémoire), avec son argent, son détachement surexprimé, son mépris. Bien qu’expression d’un mal-être dévorant, sa posture m’aura plus souvent exaspérée que touchée. Clément se fait sans doute la voix de nos sociétés désabusées, mais ses valeurs sont si loin des miennes que je n’ai pas pu m’y identifier tout au long du roman.
Ça raconte le désir et le désamour, la petitesse, la crédulité, les rencontres parfois improbables, la vie qui passe, qui parfois stagne et ennuie. C’est une histoire comme un météore, brûlante, mais fugace. Une histoire d’adultère qui ne m’aura pas fait vibrer et qui n’a d’original que la voix de Maria Pourchet.
« Le silence n’est pas le mystère du raisonnement intérieur mais la suspicion de la niaiserie avec mains moites. »
« C’est là que se justifie ma rémunération dont le montant n’aurait aucun sens pour la plupart des gens, à part trouver un vaccin universel ou négocier la paix au Proche-Orient : je dois retenir. L’information, la rumeur, le moindre stagiaire qui voudrait essayer le 06 d’une journaliste des Echos, le moindre partenaire qui voudrait partager un ressenti personnel un tant soit peu négatif. Tant que la Terre entière ignore le problème, il n’y en a pas, quand bien même le problème aurait la taille d’une nation, telle est l’idée générale aux fondements de ma mission. Si le monde a oublié l’existence du septième continent, celui des déchets, ou sans aller chercher si loin, bêtement la Syrie, c’est grâce à tous les gens comme moi. »
Feu, Maria Pourchet. Fayard, 2021. 367 pages.
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Tant que le café est encore chaud, de Toshikazu Kawaguchi (2015)
Dans un café tokyoïte, on sert un café particulier : celui-ci peut ramener la personne servie dans le passé. Cependant, les règles sont nombreuses et les deux plus importants dissuasives : rien ne changera le présent et le voyage ne dure que tant que le café est encore chaud.
Le roman est divisé en quatre parties, quatre histoires de femmes qui voyagent à travers le temps, et des liens se tissent entre ces sections, approfondissant la psychologie et le passé des personnages ainsi que leurs relations. A travers leurs récits personnels, le récit aborde les thématiques du deuil, de la résilience, de l’espoir. Regardant en arrière pour corriger des regrets, exprimer des sentiments trop pudiquement tus, les héroïnes voient leur cœur et leur vision de leur vie changer.
C’est un roman feel-good, ce qui n’est pas le genre que j’affectionne le plus, donc c’est gentil, mais un peu trop plein de bons sentiments pour moi (et là, je songe à ma chronique énamourée de La maison au milieu de la mer céruléenne qui était aussi plein de bons sentiments mais que j’ai adoré). Cependant, la lecture se déroule sans heurt à fréquenter ce café si particulier. Un huis-clos sans sentiment d’oppression ou de terreur, où les larmes (celles des protagonistes, les miennes étaient à des années-lumière d’affleurer) coulent plus souvent sous l’effet de la joie ou de la paix que du chagrin, c’est presque original.
L’écriture est particulièrement insipide. Je ne sais pas à quel point la traduction est fidèle au ton, au vocabulaire de l’auteur. C’est une plume facile, assez banale, avec un vocabulaire peu recherché et des répétitions. A mes yeux, les (nombreux) passages « émotions » étaient flagrants d’un désir d’attendrir ou de bouleverser qui ne m’a pas atteinte, justement parce que ça manquait un peu de finesse.
(Je dois d’ailleurs dire que la lecture commençait sous des auspices plutôt mitigés. Tout d’abord à cause d’une description : « Son physique en revanche était loin d’être standard : des yeux et un nez bien dessinés dignes d’une star de la pop, une petite bouche, un visage ovale tout en finesse et de splendides cheveux noirs mi-longs, si brillants qu’ils dessinaient une auréole lumineuse autour de sa tête. Même dissimulé par les vêtements, on devinait sans peine un joli corps bien proportionné. Tout le monde se retournait sur cette créature splendide qui paraissait surgie d’un magazine de mode. Fumiko était l’archétype de la femme belle et intelligente. Mais elle n’en avait pas forcément conscience. » C’est bête, mais 1, encore une fille parfaitement belle, 2, « créature », 3, même pas foutus de trouver des synonymes pour nous dire à quel point elle est splendide, 4, et en plus elle l’ignore, ben voyons, elle est intelligente aussi, apparemment, mais elle ne ferait pas le lien entre les regards, les tentatives de séduction mentionnées plus tard et la joliesse de l’enveloppe de son cerveau ? Cinquième page, premier soupir.
Et nous avons tout de suite enchaîné avec un cafouillage temporel où l’on apprend que « le petit ami avec qui vous sortez depuis trois ans » a été rencontré deux ans plus tôt. Deuxième soupir.)
La conclusion pourrait donc être résumée en : pas désagréable, mais oubliable.
Tant que le café est encore chaud, Toshikazu Kawaguchi. Albin Michel, 2021 (2015 pour l’édition originale). Traduit du japonais par Miyako Slocombe. 238 pages.
Dommage pour le côté insipide de l’écriture et le manque de subtilité, parce que je trouvais le principe de départ de Tant que le café est encore chaud plutôt sympa !
Peut-être que c’est aussi une question de goût, je lis très peu de feel-good, donc je suis peut-être plus intraitable. L’idée était sympa, oui, mais je n’ai pas réussi à être touchée.
J’en lis peu, mais les bons sont pour moi ceux qui arrivent à être subtils, sinon, c’est vite lourd…
Je partage totalement ton avis !
Merci pour ces critiques très éclairantes. Celle de Feu me conforte dans ma perception a priori du roman (intéressant pour l’écriture, mais pas tentée par l’histoire).
C’est un bon résumé de ce que j’ai pensé de ce livre ! J’ai aussi lu et entendu des personnes très convaincues par ce roman, donc peut-être qu’il vous plaira davantage, mais j’avoue ne pas tout à fait comprendre l’emballement autour de ce titre…
Pourquoi pas pour Feu, mais en tout cas j’ai très envie de lire Tant que le café est encore chaud, bon weekend avec de belles lectures 🙂
J’espère qu’il te plaira davantage qu’à moi ! Cela dit, ce n’est pas une lecture désagréable…
Autant le premier livre ne m’attirait pas du tout, autant j’aimais le principe du deuxième comme dit Light and Smell ! Mais oui je pense que pense que ce genre d’écriture et de description peuvent vite rendre une lecture pour le moins barbante !
Oui, l’idée était intéressante, mais une écriture un peu plus travaillée et une touche de subtilité n’auraient pas fait de mal !
Ça à l’air ! Oui ! Merci pour ton article !
Aïe, c’est toujours difficile de chroniquer des lectures qu’on a moyennement appréciées, mais comme d’ordinaire tu t’en sors toujours avec justesse ! Je lisais une autre critique sur Feu opposée à la tienne, c’est toujours intéressant de voir à quel point les avis peuvent diverger, et du coup, j’avoue que ça fait bien reculer le roman sur d’éventuelles futures envies de le lire. Et pour Tant que le café est encore chaud, le concept était pourtant sympa. Mais je suis comme toi, très critique sur les romans feel-good, aussi je comprends largement ton exaspération, surtout vu les deux incidents en moins de dix pages. Comment peut-on écrire encore de tels clichés ?
Oui, c’est un plus grand challenge que les livres adorés ou détestés, je trouve ! Difficile de rendre justice à ces livres tièdes, miton-mitaine, ne pas trop les dévaloriser tout en soulignant les défauts, c’est un peu un exercice d’équilibriste. Merci pour ton commentaire du coup !
Feu a d’excellentes critiques d’autre part, donc je pense qu’il faut vraiment le lire pour se faire son opinion. Il n’est pas inintéressant même s’il n’a pas su me convaincre totalement. Cela dit, je pense que, si l’occasion se présente, je pourrais un jour lire un autre livre de cette autrice. Pour réessayer.
Oui, c’était sympa, le résultat est gentil, mais ce n’est pas le livre du mois. L’écriture (ou la traduction) est vraiment trop basique pour moi et les histoires se résolvent un peu trop aisément, donc disons que ça manquait un peu d’ambition pour moi malheureusement…
Ce n’est jamais évident surtout quand on accumule à la lecture ces livres qui nous ont moyennement convaincus.
D
Mauvaise manip :’)
Dès le résumé le premier bouquin me disait pas du tout mais vu ce que tu en dis ca confirme que je ne laisserai pas sa chance à ce premier roman. J’en ai entendu du bien de ci de la mais ca suffira pas ahaha
Je te rejoins à 100% sur Tant que le café est encore chaud. J’en ai entendu beaucoup de bien aussi donc je me suis dit, pourquoi pas tenter, moi qui suis toujours incapable de conseiller un livre feel good. Mais la vraiment c’est cucul. Et puis c’est triste à dire mais on voit tout à fait la cible quoi, ca reste dans ce cliché où seule la sensibilité des femmes semble affleurer. C’est dommage, ca aurait été bien de casser ca avec un personnage masculin qui lui aussi veut retourner dans le passé et ne prend pas feu dès qu’il verse une larme ahahaha
Et effectivement, les répétitions, notamment la présentation à chaque chapitre du « concept » du café m’a un peu fatigué. C’est très très insipide comme bouquin mais après si ca fait du bien à des lecteur.ices on va dire que c’est l’important !
(J’ai eu la meme réaction que toi à la présentation de la protagoniste de la première histoire :’))
Ce n’est pas moi qui vais insister pour que tu lui laisses une chance !
On se rejoint totalement pour Tant que le café. « Cucul », c’est tout à fait le souvenir qu’il m’en reste quelques mois plus tard. Et apparemment, il y a une « suite » ! Je passerai mon tour cette fois !
(Ahah, on aurait dû faire une LC, on aurait soupiré de concert ! ^^)
C’est clair, faut qu’on forme un club des yeux roulant au ciel ahaha
Ping : Tant que le café est encore chaud de Toshikazu Kamaguchi – Mumu dans le bocage