On se retrouve pour le dernier article BD de l’année avec mes trois dernières lectures du genre en date !
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In Waves, d’AJ Dungo (2019)
Un roman graphique qui a énormément fait parler de lui cette année. Une histoire autobiographique d’amour tragique sur fond de surf.
Après Saison des Roses qui m’a embarquée dans le monde du foot amateur, voici un autre sport dont je ne suis pas plus familière (je ne suis familière d’aucun sport) : le surf. Et pourtant, l’histoire simplifiée du surf qui ponctuelle l’histoire personnelle de l’auteur m’a vivement intéressée. Elle accompagne le drame qu’a vécu AJ, le surf ayant été leur passion, à Kristen et lui. Ces chapitres instructifs empêchent de tomber dans le mélo, proposent des pauses bienvenues, et cette histoire d’amour et de maladie se révèle donc pudique et émouvante sans être trop tire-larmes. Cependant, au risque de paraître insensible, je dois avouer que je m’attendais à être davantage bouleversée, retournée, tourneboulée. Ce n’est pas vraiment le cas, j’en ressors simplement un peu mélancolique face à ce qui aurait pu être et le regret de ne pas avoir côtoyé Kristen un peu plus longtemps.
Je ne savais que penser du graphisme en feuilletant l’ouvrage, mais une fois dedans, les lignes fluides m’ont embarquée comme une vague. Les lignes pures sont d’une grande efficacité, transmettant aisément les émotions et nous poussant à tourner les pages (il faut avouer que les 366 pages de ce roman graphique s’avalent à toute vitesse). Les pages monochromes – tantôt bleues pour son histoire, tantôt brunes pour celle du surf – m’ont séduites, c’est un choix que j’apprécie généralement, et apportent une jolie douceur à ses planches. Un graphisme léger et apaisant pour une intrigue qui aurait pu être pesante.
Si ce n’est pas l’incommensurable coup de cœur auquel je m’attendais, c’est néanmoins un très beau roman graphique dont la sensibilité émane à chaque page, que ce soit par le biais du dessin épuré ou du texte parfois rare mais toujours précis.
Le début de l’histoire sur BD Gest’
In Waves, AJ Dungo. Casterman, 2019 (2019 pour l’édition originale). Traduit de l’anglais par Basile Béguerie. 366 pages.
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Les Indes fourbes, d’Alain Ayroles (scénario) et Juanjo Guarnido (dessin) (2019)
Une autre bande dessinée très attendue cette année – mais pas vraiment par moi puisque je n’ai encore lu aucune autre œuvre de l’un ou autre auteur bien que Blacksad soit dans ma WL depuis des années – et qui relate les aventures picaresques de don Pablos de Ségovie, fripouille, voleur, menteur, tricheur, dans cette Amérique qu’on appelait les Indes à la recherche de la mythique El Dorado.
Une bande dessinée extrêmement chouette, ma foi ! Pablos, malgré (ou grâce à) tous ses travers, est un personnage haut en couleurs éminemment sympathique. Pour atteindre les sommets dont il, gueux de tous méprisé et par tous maltraité, il fait confiance à son intelligence et sa roublardise épate, amuse et passionne au fil de ce récit en trois chapitres. Chacun éclairant le précédent d’une nouvelle lumière, racontant plusieurs histoires en une, ils laissent le mensonge, la manipulation et la duplicité jouer un rôle crucial. Bourrée de rebondissements et de surprises, l’histoire rocambolesque est extrêmement prenante et l’on ne s’ennuie pas une seconde au fil des pages qui forment une œuvre, mine de rien, d’une jolie densité. J’en profite pour saluer la plume d’Ayroles : c’est terriblement bien écrit et la verve de Pablos se révèle absolument réjouissante.
Derrière cette couverture sublime qui semble être un véritable tableau, les aquarelles de Guarnido sont très belles. Entre les décors soignés et l’expressivité tout simplement irrésistible des personnages, je me suis régalée d’un bout à l’autre.
C’est truculent, c’est riche, c’est fascinant, c’est humoristique, bref, voilà une bande dessinée qui tient toutes ses promesses tant sur le plan scénaristique que visuel.
Le début de l’histoire sur BD Gest’
Les Indes fourbes, Alain Ayroles (scénario) et Juanjo Guarnido (dessin). Delcourt, 2019. 160 pages.
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Le dieu vagabond, de Fabrizio Dori (2019)
Eustis n’est pas un vagabond ordinaire : il est un satyre déchu, errant sur Terre depuis des siècles, regrettant les fêtes de Dionysos. Aussi, lorsqu’Hécate lui propose une quête pour réparer ses torts et retrouver sa vie d’antan, il n’hésite pas une seconde et part sur les routes, accompagné d’un vieux professeur et d’un fantôme en manque de gloire.
Le dieu vagabond est un roman graphique absolument sublime. En plus de styles graphiques détonants et de couleurs explosives, il est traversé par mille références artistiques : Hokusai, Van Gogh, Otto Dix, clins d’œil aux vases antiques ou à l’Art Nouveau, Lune éborgnée de Méliès, etc. Je suis sûre de ne pas avoir repéré la moitié des inspirations de Dori, mais en tout cas, je me suis régalée visuellement parlant.
Pour l’ancienne passionnée de mythologie que je suis, l’histoire est tout aussi séduisante avec ce côtoiement du divin et de l’humain, avec ces dieux et autres protagonistes de la mythologie grecque revisités : Arès en vieux soldat paranoïaque, Chiron en psychothérapeute des dieux spécialiste dans les troubles de l’adaptation… Si ce n’est pas le coup de cœur attendu – peut-être à cause d’un côté un chouïa décousu –, j’ai adoré suivre Eustis et ses acolytes dans leur épopée onirique et déroutante. J’ai adoré partir sous la Lune et les étoiles à la rencontre des paumés, des errants, des voyageurs, des « en quête de… ».
J’aurais du mal à vous parler de cette BD plus longtemps, c’est un voyage assez étrange mais toujours fascinant. Ne refusez pas à vos yeux le plaisir de contempler cet ouvrage résolument magnifique, légèrement philosophique et totalement insolite.
Le début de l’histoire sur BD Gest’
Le dieu vagabond, Fabrizio Dori. Sarbacane, 2019. 156 pages.
Challenge de l’imaginaire
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Cette fois, c’est fini, promis !
Avez-vous fait de belles découvertes en BD ou romans graphiques cette année ?
Lesquelles ?
Bonnes lectures !
Les Indes fourbes et surtout Le dieu vagabond sont clairement des ouvrages graphiques que j’aimerais beaucoup découvrir…
Je te les conseille vraiment ! On en a pas mal entendu parler, mais ils le méritent !
J’aimerais découvrir les trois.
Joyeux Noël !
De belles lectures en perspective ! Bonnes fêtes à toi aussi !
J’ai découvert Le Photographe par Emmanuel Guibert, et j’ai adoré. Les pages sont dessinées trè précisément dans ma mémoire. Aussi, je relis avec plaisir Les carnets de Cerise. Et les dessins de Sempé…
Je ne connais pas Le Photographe, mais je note ce titre ! Quant aux Carnets de Cerise… ♥♥♥
C’est sur un reportage en Afghanistan pendant la guerre contre les Russes, des dessins mêlés de photos.
Blaaacksaaaaad ♥ C’est si beaaaau ♥ (comment ça j’ai retenu que ça ?)
Non en vrai du coup déjà que Les Indes Fourbes me faisait de l’oeil à chaque passage en librairie, là je ne vais plus pouvoir répondre de moi ! In waves me tente un peu moins, mais par contre tu m’as hyper hypée avec le Dieu Vagabon ! Merci pour toutes ces découvertes et tentations en tout cas ♥
Je n’ai pas encore lu Blacksad mais j’en ai pourtant envie depuis des années ! Va falloir que je me décide un de ces quatre !
En tout cas, je te conseille vraiment Les Indes fourbes, il est bien sympathique et j’ai adoré le héros !
Pour In Waves, je ne partage pas tout à fait l’admiration sans borne que j’ai pu lire ici ou là : c’est un très bel ouvrage, touchant, mais pas LA BD de l’année.
Bon, il ne me reste plus qu’à te souhaiter bonnes lectures alors ? ^^
Merci de m’avoir lue ! ♥
J’ai les Indes Fourbes qui me tente énormément, je me suis promis de le lire ! Et ce que tu dis du Dieu Vagabond m’intrigue beaucoup aussi. Mythologie, errances, hommes et dieux, sans compter le graphisme qui m’a l’air séduisant, je tenterai bien aussi !
Si tu l’as, tu ne peux pas le laisser passer !
Pour Le Dieu vagabond, c’est vraiment le graphisme qui m’a marquée. Autant l’histoire est très onirique et parfois un peu chaotique, ce qui fait qu’elle ne me marquera peut-être pas sur la durée, autant le dessin est vraiment sublime.