Quatre filles et quatre garçons, de Florence Hinckel (2014)

Quatre filles et quatre garçonsQuatre filles – Joséphine, Sarah, Justine et Clothilde – et quatre garçons – Benoît, Dorian, Mehdi et Corentin – entrent en troisième. La dernière année, sûrement, où les huit amis seront ensemble. Alors ils décident de tenir un journal, le journal de l’année de leurs quinze ans. L’année scolaire est divisé en huit et, chacun leur tour, ils confieront leurs joies, leurs peines, leurs doutes, leur cœur à leur carnet, leur mp3, leur blog, leurs lettres, bref, leur moyen d’expression quel qu’il soit.

On retrouve dans ce roman toutes les interrogations qui font la vie d’un ou d’une collégien.ne. L’autrice gère le tout avec justesse et sensibilité. Le collège, les notes, les railleries, le regard des autres, les profs, être fils de profs, les parents, les attentes des parents, l’avenir, les complexes, l’anorexie, l’amour, l’amitié, la frontière entre les deux, l’homosexualité… Mais il y également beaucoup de questions qui tournent autour des filles, des garçons, de ce qu’est être un garçon ou être une fille, de la manière dont ils considèrent les filles et dont elles considèrent les garçons, sur les droits des femmes, l’image des femmes, la place des femmes et des filles dans la société, l’éducation des filles.
Tous prennent conscience de tout ça et cherchent à modifier leur comportement pour ne pas reproduire leurs erreurs passées. Evidemment, il leur arrive à tous des choses qui sortent du quotidien et les accidents, les changements ou les nouveautés dans leur vie engendrent mille bouleversements dans leur tête et leur vision du monde. C’est mignon, leur soudain féminisme commun, vraiment, mais ça m’a gentiment fait rigoler. Je trouve ça très bien, et ça serait génial si tout le monde pouvait avoir une réflexion aussi poussée dès quatorze ans, mais… mes souvenirs de collégienne ne placent pas le féminisme au centre de mes préoccupations ou de celles des autres élèves. Je suis évidemment tout à fait d’accord avec tout ce qui y est dit, mais j’ai trouvé certains discours un peu forcés.

Malgré tout, la sauce prend très facilement et on s’attache à eux, ils sont tous très sympathiques, ils forment une jolie bande avec des différences, des nuances, des caractères parfois opposés. Je n’ai pas pu m’empêcher de songer à Quatre filles et un jean, lecture de jeunesse où quatre amies se partageaient un jean, symbole de leur amitié et témoin de leurs vacances séparées (et d’ailleurs ce livre est évoqué par Joséphine !). J’ai eu plus d’affinités avec Clothilde et Mehdi car je m’identifie davantage à eux qu’aux six autres. La révoltée et féministe Clothilde, qui prend la parole en avant-dernier, m’intriguait depuis le début car je la trouvais moins présente dans les récits des six premiers que les trois autres filles. Solène, neuvième personnage, fil rouge du roman, de plus en plus présente, m’a également particulièrement touchée.

Après une année passée en leur compagnie, on ne peut qu’aimer ces huit adolescents qui apprennent à grandir, avec des coups durs, mais aussi le bonheur que leur procure leur amitié. Florence Hinckel nous propose ici un roman intelligent et féministe, bien qu’un poil didactique à mon goût. Difficile de ne pas se retourner pour revoir nos années collèges.

« – Et si on tenait un carnet de bord ?
Ils m’ont regardée comme si je descendais du mammouth.
– Ben oui, ai-je expliqué, comme un carnet de voyage. Le journal de notre troisième. Ça serait une sorte de témoignage qui nous rappellerait toute notre vie ce qui va nous arriver cette année. Ça va nous obliger à rester proches. Et je suis sûre qu’on restera toujours amis. »

Joséphine

« Tu sais, on ne peut pas mesurer la douleur. Tu vas peut-être souffrir plus en perdant ton chat qu’un autre en perdant sa grand-mère. On ne sait pas. Il n’y a pas de loi. Toutes les souffrances méritent d’être prises en compte. »
Clothilde

« En une soirée, j’avais souffrir deux filles à cause de ma bêtise. Il fallait que j’arrête de considérer les filles comme des tableaux destinés à distraire nos vies de garçons. »
Benoît

« Ça me changeait des minots de ma classe que je dépasse parfois d’une tête. Même s’il y en a des mignons, ce n’est pas possible avec eux. C’est super nul mais ça fait trop bizarre quand la fille est plus grande que son copain. Parce que, nous, on est censées être mignonnes, et tout ce qui est petit est mignon, enfin c’est ce qu’on dit. Et les garçons sont censés être fort, et ce qui est fort est grand, c’est aussi ce qu’on dit. Avec deux idées stupides, on élimine plein de possibilités, c’est comme ça. »
Sarah

« Mais un garçon qui a des bonnes notes, surtout en maths et en sciences, on l’encourage. On le croit tout de suite supérieurement intelligent. Une fille, on considère que c’est normal et que c’est simplement parce qu’elle est scolaire et attentive. De quoi décourager n’importe qui. »
Justine

Quatre filles et quatre garçons, de Florence Hinckel. Editions Talents Hauts, 2014. 570 pages.

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18 réflexions au sujet de « Quatre filles et quatre garçons, de Florence Hinckel (2014) »

  1. Je comprends ton point de vue, et oui on peut trouver ça didactique, pas naturel ! Mais quand même : un peu de personnages féministes, c’est bien aussi. Il ne s’agit pas de faire comme la réalité (et par ailleurs il existe des ados féministes). Un peu de représentations positives de ce genre c’est bien aussi !

    • Mais tout à fait, je trouve ça très bien ! Ce n’est pas moi qui te dirai le contraire. C’est génial, je suis tout à fait d’accord avec ce qui est dit et ça ne me dérange pas tant que ça, c’est surtout que la manière dont c’est amené m’a fait sourire parce que le cheminement de leur pensée était parfois un peu artificiel à mon goût. Et bien sûr qu’il existe des ados féministes. Mais 8 ados sur 8 ?… Après, on était peut-être vraiment des bouseux chez moi, mais le féminisme n’était pas le courant de pensée le plus répandu au collège.

  2. Ce livre m’intrigue depuis l’année dernière mais je crois que j’entretiens les mêmes peurs que les autres x) Cela dit, si je le trouve en bibli je le lirai sûrement pour mesurer un peu le travail stylistique et romanesque de ce genre de scénario (ça pourrait m’aider pour mon histoire > <)

      • Haha, je stagne depuis 8 ans sur ce projet, mais j’ai récemment écrit le chapitre 1 ! Il faut juste que je me mette en condition pour continuer… Le problème c’est que je me pose trop de questions. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas du tout d’une histoire rocambolesque, fantastique ou d’aventure, mais plutôt une sorte de réflexion introspective et sur le monde et les événements qui façonnent notre vie. Les personnages sont passés par des traumatismes et par le biais d’une rencontre vont se relever l’un l’autre. Voilà en gros l’idée haha.

        • Effectivement, ça m’a l’air très intéressant ! J’aime beaucoup les romans « instants de vie » où l’on s’intéresse davantage aux personnages, à la psychologie et au quotidien qu’à l’action et l’aventure (même si j’aime aussi lire des romans qui bougent un peu !). Bonne continuation dans ton projet alors !
          Et n’hésite pas à revenir me donner ton avis sur Quatre filles et quatre garçons.

      • Il faudrait que je prenne le temps de le lire pour me faire mon avis, ça me titille quand même ^^ Surtout que je l’ai aperçu en bibli récemment.
        Elle pourrait en avoir, c’est pour ça que ce genre de romans « instants de vie » m’intéresse 🙂

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